L'écart se creuse. C'était presque trop facile. Surtout pour le mec qui ne fait pas grand chose d'autre que se tuer les yeux à chercher après une baballe. Garfield hésitait à aller papoter avec Gingko, mais il avait peur de le déconcentrer, ou de lui apporter un peu de poisse. Ils s'étaient déjà suffisamment cassé la figure dans les escaliers que pour ne pas tenter le coup à plusieurs dizaines de mètres de hauteur.

Alors il s'amusa à aller voler très près des tribunes. Pour le plaisir de faire sursauter les filles. On s'occupe comme on peut, quand le vif d'or n'a pas envie de se montrer.

A cet instant, il était difficile de trouver un centaure plus heureux de Ginkgo.
Il en était certain, dans son coeur qui battait dans sa poitrine nue, qu'il était le premier (et probablement le seul) centaure à expérimenter quelque chose d'aussi magique.
Planer, là haut, dans les airs, sur un tapis volant.

En même temps, ça avait quelque chose de terrifiant. Déjà qu'il marchait mal sur de la pierre, alors du tissu relativement mou qui flotte dans rien du tout, c'est assez angoissant.
Heureusement qu'on avait jeté un sort de glue perpétuelle à ses sabots, sinon, ce soir, ça aurait été rôti de cheval dans la Grande Salle.

Mais Ginkgo, le soucis, même s'il s'était laissé embarqué dans cette aventure avec toute la joie du monde, c'était qu'il ne connaissait pas les règles du Quidditch.
Alix avait bien essayé de lui expliquer, mais déjà qu'il ne comprenait rien aux humains, alors des balais, vous savez.

Jusqu'à ce qu'il se rappelle une phrase.
« Il faut que tu attrapes la balle.»

Oh bien sûr, Ginkgo est très obéissant - comme un labrador.
Alors, lorsque enfin une balle vola vers lui, une véritable comète d'émerveillement glissa dans son regard noisette.

« UNE BALLE ! »

Sauf que voilà - c'était un cognard.
Qu'il attrapa avec beaucoup d'engouement - et qu'il sentit passer. Lorsqu'il se remis de ses émotions, il s'aperçut qu'il avait toujours les sabots collés au tapis, mais qu'il avait la tête à l'envers.
Et que l'autre balle était passé à travers l'un des gros rond auprès duquel il avait été posté.

Il n'était pas sûr d'avoir tout compris, mais une chose était certaine ; il avait attrapé une balle l'espace d'un instant et on serait fier de lui.

L'Érudit se demandait bien ce que Mr. Red faisait là à commenter si cela le rendait malade. D'ailleurs, il avait passé un bon moment à regarder avec compassion le jeune homme tâtonner après un sac, pour y vider le contenu de son estomac. Pauvre enfant, vraiment.

Pour pallier à l'absence de commentaires – assez dégoûtante, pour le coup, si l'on en jugeait les bruits délicats que Light émettait pour tout le stade – le vieux tableau regarda son antisèche spéciale Quidditch et se concentra sur le match.

« Courage Mr. Red. Et Mr Ronove, et, oh misère, Mr. Foxx, et... Il faudrait que quelqu'un arrête ces connards, vraiment, c'est une épidémie. » Cognards. Evidemment. Et il incluait Light dans les blessés, parce que vraiment, se mettre dans un état pareil...

« Enfin, cela n'empêche pas notre très estimé concierge de remonter le terrain avec vaillance, malgré un coup à la tête. J'espère qu'il s'en remettra, tous nos voeux, Mr. Ronove. Il lance la balle. » Alors que la moitié du terrain retenait son souffle, l'Érudit énonçait le fait avec un ton très scientifique.

« Et elle passe dans les anneaux, ce sont dix points pour... » Qui déjà ? « SON EQUIPE ! » Rusé. Très rusé. « Mr. Gingko semble avoir de difficultés pour tenir sur son tapis... Quelle étrangeté, j'aurais juré que le Quidditch était un sport de balais... Félicitation à l'équipe qui a marqué, dans tous les cas ! »

Garfield n'était pas très prudent en vol. C'était quelque chose qui payait parfois, pour un attrapeur, et puis d'autres fois... C'était la catastrophe. Et la victoire au match contre Gryffondor l'avait rendu beaucoup, beaucoup trop confiant.

Il avait vu passer le vif d'or, et s'était précipité à sa suite, ne voyant que la petite balle dorée. Accélérant à pleine vitesse, pour ne pas le perdre, il avait tendu la main, loin devant lui, espérant désespérément la refermer sur l'item. Et puis, erreur cruciale, il détourna le regard pour vérifier que son action ne passerait pas inaperçue.

Une seconde d'inattention, et il avait ralenti inconsciemment. Le vif d'or s'était enfui, et un cognard était arrivé par l'autre côté sans qu'il le voie, fonçant dans son bras droit tendu. Un craquement. De la douleur.

Jurant comme un charretier, il ramena son bras contre lui, se pliant en deux comme si comprimer la blessure allait arrêter le mal. Il n'avait plus qu'à espérer que ce qui avait craqué était le renforcement de son gant.