Emmet se lécha consciencieusement les lèvres. Ce clafoutis aux cerises avait été un vrai délice, et il n’en revenait pas de la vitesse à laquelle il l’avait englouti. C’était presque magique d’être aussi bon. Repu, il se leva de table, tapota négligemment l’épaule d’Icarus pour lui indiquer qu’il se sauvait et décida, sagement, que sa vessie avait vraiment besoin d’une vidange. Le ventre lourd et l’air toujours fondamentalement bienheureux de ceux qui ont trop mangé, le demi-vampire se dirigea donc vers les toilettes des garçons, qu’il ne rejoignit que trop lentement à cause des malicieux escaliers. Le sorcier qui avait ensorcelé les dits escaliers était quand même un sacré connard.

Incapable de se retenir plus longtemps, Emmet vérifia qu’il n’y avait personne autour de lui pour se mettre à trottiner, marchant tellement de travers qu’on aurait presque dit des pas-chassés. Non, à cet instant, il n’avait rien de bien sexy. Précipitamment, il ouvrit la porte, se jeta dans les chiottes les plus proches et, sans plus hésiter, sortit le petit oiseau du nid. Le jet chaud qui en jaillit avait un tel effet de délectation que le demi-vampire se sentit comme pris d’un bref, mais intense vertige. Il s’appuya sur la cloison des toilettes quelques secondes, juste assez pour laisser quelqu’un d’autre rentrer, se rhabilla consciencieusement et sortit.

Le mec qui était dehors s’appelait Sandy. Il l’avait déjà vu, lui : c’était un type extrêmement prétentieux, qui ne jurait que par le balai. D’ordinaire, Emmet n’avait pas vraiment d’affinité avec lui, sans pour autant le détester. Il l’ignorait, tout simplement. Après tout, que pouvait-il bien faire d’un blond écervelé ? Pourtant, aujourd’hui, le demi-vampire lui trouvait un certain charme. Quelque chose de délicieux. Sans pouvoir résister à la tentation, il s’approcha et effleura doucement sa main, avant de réaliser qu’il faisait quelque chose de très dangereux pour sa réputation.

Il recula précipitamment, s’apprêta à ouvrir la porte pour sortir, et sentit une tristesse terrible l’envahir. Il était impossible de laisser Sandy tout seul. Et si quelqu’un d’autre s’entichait de lui ? Et s’il trahissait l’amour immense qu’il avait pour le Gryffondor ? Non, Emmet ne pouvait pas le laisser partir. Il attrapa son poignet et le plaqua violemment contre un mur, utilisant sa force de demi-vampire pour l’empêcher de s’enfuir – bon, il était maigrichon, quand même, c’était surtout l’effet de surprise qui avait fonctionné. Puis il plongea son nez dans le cou de Sandy, dont le sang avait l’odeur la plus effroyablement délicieuse que la terre ait portée avant de murmurer, retenant difficilement ses sanglots :

« Reste avec moi s’il te plaît… »

Il avait conscience d’être pathétique… Mais il ne pouvait pas y résister.

Emmet dévorait Sandy du regard. Il n’avait jamais remarqué à quel point il était beau, séduisant, parfait. Il avait envie de plonger sa main dans ses cheveux blonds, de se noyer dans son regard noisette, aussi normal qu’extraordinaire. Il voulait goûter sa peau, son sang, se noyer dans ses fluides, quels qu’ils soient. Il voulait sentir contre son poignet la délicieuse brûlure de ses doigts pour toujours, être sien à jamais, savourer chaque parcelle de son corps, toucher sa peau, ses muscles… Il était si musclé… Pas étonnant pour un aussi bon joueur de Quidditch.

Les yeux rouges du demi-vampire brillaient de détermination et d’amour. Il ne voulait plus passer une seule minute loin de son bien aimé, aussi prit-il son temps pour lui répondre. Il savait qu’il comprendrait – une sensation aussi puissante ne pouvait qu’avoir un retour, ne pouvait qu’être fusionnelle. Emmet ne pouvait s’empêcher de frémir, tant il avait chaud et froid, tant son désir le consumait. Il voulait enfoncer ses dents dans le cou du beau gosse, mais il ne voulait pas lui faire de mal. Ah, Sandy. Il l’aimait tant, avec ardeur et passion, comme n’importe quel adolescent aimait. Il donnerait le monde pour lui, il abandonnerait tout, même son père.

Il n’avait jamais remarqué qu’il aimait les garçons, avant. En fait, non, il n’avait aucune affinité avec les hommes. Du moins pas à sa connaissance. Mais Sandy n’était pas un homme comme les autres, c’était son homme, la cerise de son gâteau, son âme sœur, sa moitié. Il inspira difficilement, laissant ses narines se remplir de l’enivrant effluve masculin. Son père n’approuverait jamais sa relation avec un Gryffondor, aussi ambitieux soit-il… Mais il se sentait prêt à tout abandonner pour le blond, à refaire entièrement sa vie si seulement il pouvait passer quelques temps de plus à ses côtés, réchauffé par cette proximité, malgré le carrelage froid dans son dos.

« Mais Sandy, je t’aime. »

Il avait dit ça sur le ton incrédule de quelqu’un qui récite une évidence, sans comprendre que l’autre ne puisse pas intégrer cette notion. Son cœur battait si vite, même si aucune rougeur ne venait teinter ses joues pâles. Comment un sentiment aussi ardent, aussi dévorant ne pouvait-il pas être compris ? Comment… Il devait partager son désir avec Sandy, c’était certain. Il devait lui montrer à quel point il était brulant d’envie, à quel point il était consumé par son amour. Son si chaud, si doux amour.

Sans hésiter une seconde de plus, il avança son corps entier, le collant contre celui de Sandy. S’il se déboîtait une épaule en tentant un mouvement de ce type malgré ses poignets toujours collés au carrelage, ce ne serait pas bien grave. Ce qu’il allait faire valait complètement le coup. Fougueux, il vint écraser ses lèvres rosées contre celles du Gryffondor probablement dubitatif. C’était un peu maladroit – il n’avait jamais eu l’occasion d’embrasser quelqu’un qu’il aimait vraiment – mais les mécanismes revinrent vite, et le baiser s’améliora. Ça n’avait rien d’un baiser furtif. C’était une embrassade passionnée. Il se permit même de mordre délicatement les lèvres de son camarade, prenant garde à ce que ses dents pointues n’abîment pas la délicieuse bouche du blond. Et puis, il déclara, toujours clairement trop proche :

« Tu vois ? »

Même amoureux, il ne parlait pas beaucoup.

Emmet tentait de ne pas sourire. Il avait envie, vraiment, de laisser ses dents s’exposer à la béatitude absolue qui l’avait envahie, et le faisait ressembler de plus en plus à un gnome bienheureux. Mais quelque part au fond de lui, il gardait cette peur absurde que ses dents de faïence, fâcheux héritage de sa mère, ne trahissent qui il était vraiment. Il avait peur que la découverte de son mensonge ne brise tout l’amour que Sandy avait pour lui. Bien sûr, lui aimerait toujours Lindon. Sans conditions. Mais la réciproque ne serait pas forcément vraie : il ne pouvait tout simplement pas l’aimer aussi fort…

Le demi-vampire en était là dans ses pensées quand un élément hautement perturbateur vint l’en sortir : les lèvres rougies du Gryffondor qui couraient sur sa clavicule. Et le mordaient. Eh. C’était son truc de mordre, normalement – ou du moins d’essayer de ne pas le faire. Pourquoi aimait-il autant ça ? Frissonnant comme un yearling amoureux, Emmet tenta, dans un effort de volonté invraisemblable, de retenir ce qui allait sortir de lui. Mais c’était impossible : il n’avait pas assez d’expérience de ce genre de plaisir pour se contrôler. Il gémit. Brièvement, pas très fort, mais quand même. Il n’avait pas pu l’empêcher.

C’était juste avant que Sandy ne vienne se saisir de sa bouche, sans aucune délicatesse. Un baiser comme ça ne pouvait qu’être une preuve d’amour. Le demi-vampire bien innocent en ce qui concernait les sentiments, en était persuadé. C’était délicieux, enivrant, et ça faisait courir une improbable chaleur dans tout son corps. Cette fois, il ne fit même pas l’effort de retenir son soupir de délectation, et profita de ce qui lui arrivait, ahuri qu’une telle dose de bonheur lui ait été allouée. Et quand enfin leurs langues, lèvres, dents et salives se séparèrent – oui, même les dents ! – il ne trouva qu’une seule chose à dire :

« Pourquoi on n’a pas fait ça avant ? »

C’était dit en toute innocence, et ça démystifiait tout le personnage mi-chaud mi-glacial d’Emmet. En soit, il n’était qu’un grand enfant qui jouait à l’adulte, et n’avait jamais vécu ce genre de sentiments. Chamboulé par la potion, Weibb ne parvenait même pas à se souvenir de quand ses sentiments pour Sandy étaient nés. Il l’avait remarqué dans les couloirs : une preuve, déjà, que le blond lui faisait quelque chose. Il ne lui avait jamais parlé, certes, mais il l’avait souvent regardé, au cas où il devait se rapprocher de lui. Il avait toujours pensé que ce rapprochement serait envisageable pour utiliser sa popularité auprès des filles. Mais il n’avait jamais réalisé que, peut-être, c’était signe de son amour puissant et absolu ? Jusqu’à aujourd’hui, jusqu’à ce moment de vérité où il l’avait vu galérer pour retirer un bouton de chemise ! Si sexy dans son manque d’application, sa semi-violence et son incapacité à utiliser ses doigts (ce qui expliquait sûrement son homosexualité).

Tant de révélations d’un coup. Emmet se sentit vaciller. Il voulut profiter de l’instant, s’apprêta à aller se blottir contre le torse – si musclé – de son homme – parce que oui, c’était son homme – et réalisa qu’il avait toujours les poignets contre le carrelage froid des toilettes pour garçon. Un peu frustré d’avoir été brisé dans son élan, il s’apprêta à râler sur la surprotection et le besoin de domination de Sandy – comme un vieux couple ! – avant de réaliser qu’il l’aimait vraiment de toute son âme, et qu’il ne se sentait absolument pas prêt à le contredire. Emmet était prêt à être la chienne de Lindon, si c’était le seul moyen de le garder plus longtemps près de lui.

« Est-ce que tu peux lâcher mes poignets… S’il te plaît ? »

En temps normal, il aurait probablement dit « Mes poignets » d’un air hautain. Mais ce clafoutis aux cerises avait rendu le temps bien anormal.

Emmet n’avait jamais pensé qu’un jour, il serait aussi troublé. Encore moins par un garçon. Son cœur battait de manière erratique, ses yeux papillonnaient et, si ça avait été dans sa nature, il aurait sûrement sué à grosses gouttes tant le poids de son amour était lourd à porter. Merlin merci, le demi-vampire étant un personnage sexy, il ne suait pas (car il utilisait un déodorant magique à base d’ail qui tuait les cellules de sa peau). Il se sentait tout étourdi par tous les effluves masculins qui venaient chatouiller son nez et, enfin, une rougeur naquit sur ses joues.

On n’avait jamais vu Emmet rougir, de mémoire d’homme. Il avait une peau très claire mais, pourtant, ses origines de vampire lui assuraient une pâleur à toute épreuve. Il devait donc être extrêmement troublé pour laisser ses joues se teinter des couleurs de l’amour. Etait-ce la sensation du bassin de Sandy qui se rapprochait du sien ? Etait-ce ses doigts, trop près de sa peau, dont il désirait toujours plus ? Etait-ce tout simplement le Gryffondor, qui le faisait fondre comme le Soleil s’attaque au chocolat ? Il ne savait plus où se mettre : s’il le pouvait, il mourrait d’amour.

L’affirmation de Lindon le laissa perplexe. C’était vrai, lui non plus n’avait jusqu’ici pas eu conscience d’à quel point il l’aimait. C’était bizarre de se rappeler de tout ça, d’un coup. Peut-être était-ce le jour de la St-Valentin, qui avait exacerbé ses sentiments… Qui avait amplifié son désir d’avoir quelqu’un, qui lui avait permis de se rendre compte de l’amour qu’il avait à partager avec Sandy. Il soupira doucement. Leurs bassins se touchaient presque, ils étaient décidément trop proches, et Emmet n’arrivait quasiment plus à respirer. Le manque d’air le fit balbutier :

« Je… Euh… Je… »

C’était si difficile de se concentrer quand les lèvres de l’être aimé étaient si proches.

« Je… »

Ressaisis-toi. Incapable de trouver quoi dire exactement, Emmet lâcha un petit rire nerveux avant de répondre, sur le ton de l’humour :

« Je le cache bien ! »

Il sourit, niaisement. Il laissa apparaître ses dents, très légèrement, très brièvement. Il avait oublié d’être sur ses gardes. Un tressaillement, dissimulation et il reprit :

« Mais comment je pourrais résister à… Tout ça. »

Il doit faire diversion, vite, vite. Il laisse ses doigts courir sur la peau nue de Sandy. Il effleure son torse, brièvement, là où les boutons sont déjà enlevés. Il court sur sa clavicule, sur le coin de sa joue, sur ses lèvres, et en même temps il décrit, d’une voix sensuelle qui transpire l’admiration et la vérité :

« A tes muscles, à ta peau, à ton visage, à tes lèvres… »

L’Amour ne se contrôle pas. Il ne peut pas s’empêcher d’aimer. Alors il s’approche doucement, prêt à l’embrasser de nouveau. C’était si bon. Et il désire tant voir Sandy franchir les derniers centimètres qui les séparent… Il quémande. Brave bête.

C’est doux, c’est bon, c’est chaud. Emmet n’a jamais aimé embrasser autant que ça. C’est sûrement la raison pour laquelle il baisse sa garde, c’est sûrement pour ça qu’il ne parvient pas à prendre le dessus, à guider la langue de l’autre pour lui faire éviter les canines pointues qui l’attendent. Et c’est comme ça, à cause de sa bêtise, qu’il blesse son partenaire. C’est comme ça qu’il sent, entre l’horreur et la délectation, quelques gouttes de sang sur sa propre langue. Il trouve Sandy bon, il se déteste pour ça. Il a envie de pleurer, d’avoir blessé l’homme qu’il aime. Mais il est fort, Emmet, il se retient, les yeux embués de larme, il se recule, il fuit le regard de Lindon, pour ne pas pleurer. Il balbutie un :

« Désolé… »

Avant de s’écarter. C’est tellement douloureux. Il s’échappe sur le côté, il s’approche de la porte, et il sent qu’il ne peut tout simplement pas la passer. Il se force, il pose la main sur la poignée, mais c’en est trop. Son cœur ne peut supporter de laisser l’autre seul. Emmet fond en larme, il se déteste. Il sait que c’est fou, mais il ne peut pas abandonner Sandy, il est prêt à tout pour le garder. Il se retourne, les larmes inondent son visage, lui donnant un aspect nacré, et il pleure et il pleure et il pleure. Et puis il s’approche, il prend sur lui et il décide de parler, entre chaque gros hoquet. Il lui dit :

« Je suis désolé Sandy, je ne voulais p… Pas te blesser ! Je… Je l’ai jamais d… dit mais je suis un m… monstre. Un demi-vampire et… Et je… Pfiouuuu. »

Il souffle, il essaie de retrouver son calme, et il crie presque, dans la panique :

« Et je t’aime de tout mon c… cœur ! Et. Et je t’en supplie, pars p… pas, je ferai tout ce que tu voudras ! »

Sans attendre de réponse, Emmet se jette contre le torse de Sandy, il y enfouit sa tête, sans aucune pudeur, et entoure sa taille de ses bras, pour l’empêcher de s’enfuir. Il l’aime tellement que ça en devient douloureux. Son parfum le calme presque instantanément, mais il refuse de le regarder, la tête dans sa chemise. Il prie pour être aimé malgré son immense tare, il prit pour ne pas le faire fuir, il ne cherche même pas à comprendre pourquoi il s’est écroulé comme ça. C’est évident : maintenant que leur amour est révélé, il n’est plus capable de vivre sans.

Emmet est surpris, tout simplement surpris. Il ne s’attendait pas à ça. Il ne s’attendait pas à ce que sa nature de demi-vampire attise les fougues de Sandy, non. Il l’imaginait déjà fuir, tordre son visage d’ange en apprenant qu’il était un démon, tourner les talons à jamais. Et il se voyait s’asseoir, le dos contre le mur en faïences des toilettes, pleurer à chaudes larmes jusqu’à fondre, devenir un fantôme hantant les amoureux pour leur expliquer combien ça peut être douloureux. Oui, Weibb avait imaginé sa vie se terminer ici, là et maintenant, sans plus de palabres. Mais c’était quelque chose de bien différent qui était arrivé : sa vie semblait s’être ravivée.

Et sa vie, actuellement, c’était Sandy, qui mêlait sa langue blessée à la sienne, sans se soucier des dents pointues qui l’avaient déjà esquinté. Emmet ne pouvait répondre autrement qu’avec ardeur, essayant avec précaution de l’empêcher de se blesser à nouveau, guidant sa langue sans vraiment avoir le contrôle. Le demi-vampire ne perdait jamais le contrôle, normalement, mais il était désormais incapable de résister au blond. Il était tout à lui, et le fait qu’il ait accepté son anomalie, son handicap, renforçait encore son amour, si c’était possible.

Il se laissa faire. Il se laissa prendre dans ses bras, il se laissa plaquer contre le mur, il céda complètement à chaque de ses avances, serrant son torse contre le sien avec amour et passion. Emmet aimait, tout simplement. Ses joues étaient encore humides des larmes qu’il avait versées, mais elles étaient oubliées chaque seconde un peu plus, à mesure que ses doigts se glissaient à travers ses cheveux blonds, et que leurs salives se mêlaient, pour former un filtre d’amour traditionnel. Cette fois entièrement soumis à son homme, à ses désirs – non ! À leurs désirs – Weibb se laissa aller à soupirer, entoura sa hanche de ses jambes, le souffle court.

Il avait envie de tellement plus, à chaque seconde qui passait. Il ne put donc retenir un grognement de protestation quand Sandy se détacha, même s’il avait l’impression que son cœur risquait de ne pas tenir le coup si ça continuait un peu plus. Il tendit un peu ses lèvres, le dévorant du regard, dans une moue suppliante. Recommence Lindon, je t’en supplie, recommence ! Le moment semble passé, Emmet laisse ses jambes retomber, sans le quitter des yeux, et il l’écoute.

Il sourit cette fois franchement, sans honte, dévoile ses dents pointues comme la fierté qu’elles sont, quelque part. Weibb n’a jamais eu honte de sa nature de demi-vampire, loin de là. C’est ce qui lui donne son originalité, et il aime, quelque part, jouer avec ses sentiments vis à vis de tout ça. Il refuse juste de le révéler à tout le monde, parce qu’il pense – non, il sait ! – que certains verront ça comme la pire des tares. Plus délicat, il vient reprendre les lèvres du blond une fois, en douceur, il pose ses dents pointues avec délicatesse sur la pulpe de sa bouche. Et il se recule avant de dire, étonnant de vérité :

« Je t’aime, Sandy. »

Ses yeux sont toujours brillants, mais ce ne sont plus les larmes, qui en sont à l’origine. C’est l’amour. La pause est passée, il revient prendre ses lèvres, attrape son bassin et l’attire vers lui pour l’embrasser de nouveau. Hésitant, il finit par glisser une main sous sa chemise, avide de sentir leurs peaux se toucher. C’est électrique, c’est délicieux. Et, quelque part au fond de lui, il entend un hurlement de protestation : c’est ce qui lui reste de raison.

Il l’aime. Sandy l’aime. Sandy aime Emmet. Emmet aime Sandy. Sandy aime Emmet. Ce dernier en pleurerait presque tant il est heureux. Il ne sait pas comment lui montrer à quel point il est ravi. Il n’existe pas de mots pour exprimer ce qu’il ressent. Alors, il utilise son corps. Il laisse ses mains glisser contre son dos, il le déshabille près. Ses lèvres viennent rechercher les autres, sa langue se glisse dans sa bouche, il se désinhibe chaque seconde un peu plus. Pour la première fois depuis des années, Weibb s’autorise à perdre le contrôle. Il s’emballe. Son cœur bat la chamade, son souffle se raccourcit, chaque centimètre de son corps se fait plus sensible, chaque râle qui s’échappe de l’autre lui tire un frémissement.

Sandy est complètement débraillé, maintenant. Emmet fait tomber sa chemise et, sans vraiment de délicatesse, il descend sur son menton, il prend son temps, ses lèvres viennent effleurer sa clavicule, sa gorge, tendue, offerte. Le demi-vampire voit rouge, il voit sa nature, sauvage, reprendre le dessus. Il n’a plus de contrôle, aucun. Alors, il ouvre sa bouche et vient planter ses crocs d’émail dans la gorge. Délicatement, d’abord. C’est délicieux. Lindon ne saigne pas, il a même l’air d’aimer ça, alors Emmet s’enhardit. Il embrasse de nouveau, il mord plus fort, il le serre contre lui, il sent sa peau qui craque, il sent le sang qui envahit sa bouche, il devient fou, il s’emballe complètement, il n’a plus de limite.

Et puis il réalise que le sang le barbouille, et puis il réalise qu’il y en a partout, et puis il se recule, il voit la peau blanche de Sandy. Merde. MERDE MERDE MERDE. Il se recule, le lâche, et il s’écroule. Putain, bravo Emmet. Les larmes lui montent aux yeux, il inspire, il expire, il se calme et il réfléchit. Il attrape la chemise, la pose contre le cou du blondinet pour arrêter le sang. Il ne sait pas quel sort utiliser, de toutes façons. Paniqué, il court au lavabo se nettoyer le visage, regarde le sang rouge couler, songe à quel point il est un monstre. Il pleure de toutes les larmes de son corps. Et puis, quand il retrouve figure humaine, il attrape Sandy comme une princesse, écrase la chemise contre son cou de sa main gauche. Il se relève.

Il n’est pas temps de pleurer, il n’est pas temps de paniquer. Il est temps d’agir. Bondissant, Emmet court à travers les couloirs, il esquive les couples affairés, les gens affolés. Les larmes mouillent ses joues d’albâtre. Enfin, il voit la porte de l’infirmerie. Sandy est tout mou, dans ses bras. On peut les suivre aux tâches de sang sur le sol… Quel destin terrible. Quelques instants, Weibb hésite : doit-il révéler sa véritable nature à d’autres gens encore ? Mais il serre le Gryffondor contre lui : s’il ne s’en remet pas, il se haïra. Alors, il pose la main sur la poignée… Et il entre.