Le dimanche, Sven demeurait rarement dans l'enceinte du château. Contrairement à la majorité de ses collègues, il était père de famille, et si son aînée crapahutait déjà dans les couloirs ensorcelés de Poudlard, ses deux fils étaient encore trop jeune pour y faire leur scolarité. De fait, malgré l'aspect quelque peu éprouvant de la situation, le professeur de métamorphoses se rendait tous les soirs à Pré-au-Lard pour transplaner jusqu'à chez lui, et tentait de passer le plus clair de son temps le week-end auprès de ses enfants.
Ce dimanche, néanmoins, fut interrompu d'un petit ennui : l'adulte avait complètement oublié le gros tas de parchemins qu'il avait a corrigé sur son bureau, dans sa salle de classe. C'était assez honteux de sa part d'exiger de la part de ses élèves de réaliser un devoir et d'oublier de le noter. Alors, confiant ses fils à l'habituelle nourrice, Sven regagna le château, mal coiffé et mal habillé, le tout à demi caché par un manteau sur lequel était distinguables quelques taches de peinture.

Comme souvent les week-end, le château était animé et les élèves en profitaient pour se détendre : Sven salua quelques-uns d'entre eux sur son passage, mais se dépêcha tout de même de se rendre dans son bureau y récupérer ce qu'il était venu chercher et, puisqu'il y était, s'atteler directement à la correction, sans être distrait par les sollicitations de ses enfants.
Grimpant prestement les escaliers jusqu'au second étage du château, Sven entra sans se poser de question dans sa salle de classe, bien ignorant du fait qu'un garçon s'y était réfugié.

- Les copies, les copies... grommela l'adulte pour lui-même, les cherchant du regard. Ah, là.

Elles n'avaient pas bougées : elles étaient toujours entassées sur le bureau, devant le tableau noir. Il n'avait même pas pensé à les ranger dans son bureau personnel, derrière la classe. La fatigue le rendait vraiment tête en l'air. Sven s'en approcha d'un pas un peu lourd, le contourna, et s'apprêta à s'installer lorsqu'il eut l'immense surprise de trouver un garçon caché sous son bureau. Et, mieux que ça, un de ses élèves.

- Onlay ? Vous jouez à cache-cache ?

Sven affichait un regard étonné. Il avait l'habitude de retrouver l'un ou l'autre de ses enfants caché dans un meuble de la maison, mais il n'avait encore débusqué aucun de ses élèves derrière son bureau. En un peu plus d'un an à enseigner ici, c'était une première. Et, en parlant de première, le petit Lucas Onlay entamait sa première année à Poudlard. Peut-être avait-il un problème ?

- Hm, si vous êtes perdu, on est au deuxième étage. La salle commune de Serpentard est dans les cachots. Vous voulez peut-être que je contacte votre directeur de maison ?

L'idée parut intelligente aux yeux de Sven : le professeur Emerald était toujours très doué pour gérer les élèves un peu égarés dans leur scolarité.

« Onlay ? Vous jouez à cache-cache ?  Hm, si vous êtes perdu, on est au deuxième étage. La salle commune de Serpentard est dans les cachots. Vous voulez peut-être que je contacte votre directeur de maison ?  » dit le professeur de métamorphose .

Lucas se releva et une fois debout baissa la tête dans un murmure : «  Je vous demande pardon Professeur... » Lucas d'habitude enjoué en société se sentait terriblement honteux. Il était rentré dans la classe de métamorphose de nombreuses fois en secret pour s'entraîner et le pire c'est qu'il n'arrivait à rien, pourtant il s’entraînait très dur.

« J'avais besoin de votre sous-marin... » balbutia le petit garçon. Oui un sous-marin, un endroit qui nous permet de battre en retraite pour seul combattre les malheurs. Car oui Lucas était seul comme un cactus au milieu du désert qui aurait perdu les siens loin très loin et qui tentait de transformer ses racines en pieds pour les rejoindre et veiller sur eux. En vain...Lucas eut la pensée que Monsieur Sven ne comprendrait pas ce qu'il entendait par sous-marin alors courageusement serrant les poings il se corrigea : «  J'avais besoin de votre salle de classe pour m'entraîner, je m'entraîne dur en métamorphose vous savez... » Bien sûr que Sven le savait, Lucas rendait toujours des devoirs faits avec toute son âme et sa persévérance, l'enfant était intelligent mais n'était pas surdoué, il lui fallait donc beaucoup travailler, ce qu'il faisait dans les matières qu'il jugeait « utiles » dont la métamorphose.

L'enfant serrait tant les poings qu'il se griffait la paume des mains, il ne pleurerait pas, il ne devait pas et puis d'abord ce n'était pas ses citrouilles au professeur ! Il se souvint alors de la question de l'enseignant. Non il ne voulait pas qu'on contacte son directeur de maison , c'était sa faute s'il était ici, enfin surtout celle du grand chef là qui avait refusé sa demande de ne pas venir à Poudlard. Pourtant il avait tout bien expliqué...Mais on ne l'avait pas entendu, ils l'avaient envoyé ici sans aucun scrupule, et les autres adultes, Papy, Papa, les directeurs de maisons et les professeurs n'avaient rien fait pour empêcher ça, RIEN !  En Lucas, ça hurlait très fort, comme le chant du loup qui vient de perdre sa meute abattue par la mélodie désaccordée des fusils. Mais il faisait silence. Il était ce loup qui ne fait pas confiance...Son jumeau et lui avaient un lien de fraternité qui ne formait qu'un et qu'on nommait amour. Alors même sans l'être Lucas se sentait un peu loup lui aussi, et surtout il se sentait seul, mais c'était le prix à payer pour aider son frère sans le mettre en danger, selon lui.

« J'aurais dû vous demander votre permission professeur j'en suis désolé... » Là en principe il devait dire qu'il allait bien mais il ne pouvait pas, le mensonge était quelque chose d'abject pour le petit garçon alors il dit simplement : «  Mais s'il vous plaît....Punissez moi si vous voulez mais....ne dîtes rien aux directeurs, ne dîtes rien à personne...Je m’entraînerai ailleurs. Je vous le promets... »

A vrai dire il ne connaissait pas assez Poudlard pour trouver de suite un autre endroit. Mais ça non plus c'était pas ses citrouilles au professeur. Pourtant Sven était différent des autres, dans cet univers cadré qu'était Poudlard, il était la fleur des champs dans une maison bien trop propre, alors Lucas ne demanda pas à partir, il restait là tête baissée, tremblant de souffrance sans pour autant en pleurer, silencieux.

« Je veux rentrer chez moi c'est important Professeur ….Même essentiel...Ils ont besoin de mon soutien...Et puis moi je déteste Poudlard...» s'exclama bien fort le petit de onze ans.

Pourquoi Lucas se confiait tout à coup ? Cet adulte était comme les autres non ? Pourquoi l'écouterait-il ? Ce qui était vital pour un enfant ne semblaient pas, selon Lucas, l'être pour les adultes...alors pourquoi ?

Lucas sentit des larmes perler sur ses joues. Il mit aussitôt son bras devant son visage, en présence des autres adultes ou élèves, Lucas ne pleurait jamais, c'était à peine si il leur parlait pas de lui même en tout cas, il gardait une distance qui lui semblait nécessaire tout en restant poli avec tous, Lucas souffrait en silence dans une partie de son cœur qui à force  d'échecs dévorait l'autre moitié : Celle du petit garçon espiègle et riant sincèrement.

« Je suis qu'un nase, ça fait quatre heures que je m'entraîne...sans pause....et ça marche pas, le gobelet ne veut pas devenir bol...J'y arrive pas ! J'y... » explosa en larmes l'enfant avant d'avouer honteusement : «  Vous savez professeur je crois que....non, je ne vais pas bien... »

C'est alors qu'il se rappela un sourire, un rire et une tendresse de son frère et cette phrase : * Ne pleure pas Lucas, on dirait un bébé quand tu chiales ! * Lucas ravala donc assez vite ses larmes en secouant vivement la tête. Il inspira alors profondément et tel un bébé animal encore un peu sauvage, il bredouilla en montrant le livre de métamorphose et le gobelet sur une des tables écolières : «  Je vais y arriver...mais pas seul...professeur Sven...Vous voulez bien m’apprendre s'il vous plaît ? »

Un timide sourire, des yeux encore humides et plein d'espoirs se levèrent vers le professeur et Lucas ajouta : «  Car vous j'ai décidé de vous faire confiance ! »

Bien sûr, Lucas n'avait pas tout dit mais il ne pouvait pas décider de faire confiance et faire confiance entièrement d'un coup, lui le louveteau solitaire qui voulait aider le vrai Louveteau, son frère loup-garou. Lucas n'était pas Loup-garou mais il aimait son frère. Et il allait réussir ! C'était à lui de gérer tout ça et malgré son moment de « craquage » il persévérerait car il voulait de toutes ses forces mener sa meute familiale vers des terres plus heureuses.

Wouw. Ce gamin avait un sacré débit. Sven était un peu éberlué, pour le coup : d'une simple question, à savoir si l'enfant était perdu, il se retrouvait à devoir décortiquer un flot assez conséquent de paroles, en espérant ne rien oublier d'important dans le tout. C'était le petit problème des enfants. Il avait beau en élever trois, il ne s'habituerait sans doute jamais à leur capacité à s’épancher longuement sans fatiguer.
L'avantage, par contre, c'eétait qu'il savait à peu près comment s'y prendre pour réconforter un gamin. Du coup, bien qu'un peu dépassé par les événements, le professeur Waltham s'accroupit devant le petit Onlay et lui ébourriffa les cheveux.

- Ne te précipite pas comme ça, chaque chose en son temps. Pour les métamorphoses, bien sûr, mais aussi pour ce que tu as à dire, et pour un peu tout en général dans la vie. Tu sais, il y a un proverbe moldu... Comment c'est déjà ? Ah ! Tout vient à point à qui sait attendre. Ne te dévalorise pas, ne panique pas, et avance pas à pas.

Bon, ensuite. De quoi lui avait parlé Lucas ? De l'utilisation de la salle, il lui semblait ? En soit, ce n'était pas un drame. Sven nota seulement, à l'avenir, de penser à vérifier que rien de dangereux ne traînait dans la salle, au cas où d'autres élèves auraient cette même idée de venir s'entraîner en secret.

- Ce n'est pas embêtant que tu traînes ici, j'ai simplement été surpris. Tu ne seras pas puni. De toute façon, je n'aime pas donner de punitions !

Sven eut un rire maladroit, tout en se demandant si cette peur de la punition cachait quelque chose de plus profond. Des parents trop stricts, peut-être ? A moins que ce ne soit lié à sa haine contre Poudlard ? En un sens, il lui rappelait cet autre garçon de Serpentard qui pestait contre l'école à longueur de temps. Ceci dit, le petit Onley était beaucoup moins hargneux et têtu que l'autre, à première vue. Le professeur Emerald n'avait pas de chance d'avoir deux sorciers malheureux d'être là dans ses rangs.

- Poudlard n'est pas un endroit si terrible, enfin, je crois. Tu y apprends beaucoup de choses, et apprendre, ce n'est pas si désagréable non ?

C'était tout de même un peu perturbant que ce gamin se confie comme ça, d'un seul coup, à lui. Entre ce petit et Wendy, Sven avait l'impression d'être père de cinq enfants, et non trois. Ce n'était en soit pas très dérangeant, mais c'était fondamentalement différent de conseiller les enfants qu'on avait élevé depuis leur naissance, et la progéniture d'autrui que l'on connaissait depuis peu.

« Ne te précipite pas comme ça, chaque chose en son temps. Pour les métamorphoses, bien sûr, mais aussi pour ce que tu as à dire, et pour un peu tout en général dans la vie. Tu sais, il y a un proverbe moldu... Comment c'est déjà ? Ah ! Tout vient à point à qui sait attendre. Ne te dévalorise pas, ne panique pas, et avance pas à pas. » dit le professeur en lui ébouriffant les cheveux de la tête.

Attendre...Lucas ne faisait que ça, comme un détenu il barrait les jours sur le calendrier. Mais couper le professeur aurait été impoli. Il ne dit donc rien pour le moment.

«  Ce n'est pas embêtant que tu traînes ici, j'ai simplement été surpris. Tu ne seras pas puni. De toute façon, je n'aime pas donner de punitions ! »

OK là c'était vraiment bizarre...un adulte qui ne sanctionne pas une bêtise mais qui en plus l'approuve … on aurait dit son directeur de primaire qui exerçait une pédagogie nouvelle... Remarque il le connaissait peut-être ce directeur ? Quoi qu'il en soit il ne put pas lui demander. Le professeur se mit à rire. Pourtant il n'avait aucune raison de rire. A moins qu'il ne veuille le rassurer. Lucas entendait souvent Papa rire quand il parlait de maman...Maman...

«  Poudlard n'est pas un endroit si terrible, enfin, je crois. Tu y apprends beaucoup de choses, et apprendre, ce n'est pas si désagréable non ? » tenta de le raisonner le professeur. «  Vos cours sont chouettes, Professeur ! » avoua en souriant l'enfant.

Il hésita, que dire ou ne pas dire ? Il décida de  commencer par la question qui lui brûlait les lèvres : « Professeur, vous avez des enfants ? » Il rougit ce n'était peut-être pas très poli de demander ça à un professeur. «  Désolé, je voulais dire...Vous vous comportez comme quelqu'un qui doit rassurer, même si ça frôle le mensonge... qui s'occupe plus de ce que les autres ont besoin que de lui. » Balbutia Lucas embarrassé tête baissée.

Silence de la part de l'enfant qui finit par ajouter levant la tête tout sourire  : «  Je comprends ! Moi aussi je dois veiller sur les miens. »

Lucas grimaça : «  Seulement, de Poudlard ce n'est pas simple, par exemple, je me demande bien si papa mange bien, si il n'a pas fait cramer la cuisine, si Arthur a son bonne nuit du soir. Tous ces petits trucs qui font le quotidien ! Il faut aussi que Hulululu le hibou de papa,  ait des graines et que la maison reste dans un état convenable ! »

L'enfant eut un rire espiègle : «  Sûre que quand je reviendrai...Ils auront fichu le bazar ces deux là ! » Mais son rire s'arrêta quand il ajouta soudain grave : « Je ne veux pas les mettre en danger à nouveau par mon manque de vigilance... »

Silence de la part de l'enfant. Les secondes passèrent puis il avoua dans un soupir : « Mais quitte à être coincé ici autant que ça leur serve...C'est pour ça que... »

Il hésita avant de confesser sur le ton du secret : «  C'est pour ça que je veux devenir animagus, professeur. »

Lucas retrouva alors un sourire d'enfance s'exclamant regardant le professeur de ses grands yeux, d'un beau marron foncé, enfantins : «  Vous m'aiderez Professeur ? »

Bon, le petit avait l'air de s'être un petit peu calmé, il y avait du progrès. Le professeur Waltham poussa un très léger soupir de soulagement, et choisit de se relever pour s'installer sur le fauteuil de son bureau, plutôt que de resté accroupi toute l'heure et de se démolir les genoux. C'était qu'avec l'âge, on perdait en souplesse et que les articulations n'arrivaient pas toujours à suivre la cadence.

Un peu décontenancé par la question du premier année, Sven eut un discret rire nerveux, l'image de sa fille aînée, Galatea, martelant sa tête. Pour peu, il l'imaginait derrière la porte de la salle de métamorphoses, les espionnant, prête à bondir comme un fauve pour le supplier de tresser ses cheveux. Il avait remarqué que sa petite n'aimait pas beaucoup lorsqu'il discutait en tête à tête avec d'autres jeunes élèves.

- Et bien, oui, en effet, trois. Les deux plus jeunes, des garçons, ne sont pas encore scolarisés à Poudlard. Mon aînée, Galatea, est à Serpentard comme toi et a à peu près ton âge. Tu devrais la connaître. Des cheveux colorés en rouge, très vive, un peu bruyante mais gentille.

On sentait toute son affection dans sa voix lorsqu'il parlait de ses enfants. Ils n'étaient pas parfaits, bien sûr, mais ils le comblaient tant de bonheur que ça n'avait aucune importance. Peu importe qu'ils lui en fassent voir de toutes les couleurs : sans eux, il s'ennuierait mortellement.
Bon, ceci dit, être accusé de mentir le ravissait un peu moins. Il fronça légèrement les sourcils.

- Je ne mens pas. Je sais que les enfants ne sont pas bêtes. Si tu ne veux pas me croire, par contre, je ne peux rien pour toi.

L'enfant exposa une foule d'inquiétudes pour lesquelles le professeur n'avait pas de réelle solution. Il ne connaissait pas la vie de ce gamin. Il n'avait aucune idée de pourquoi il se sentait aussi responsable le des membres de sa famille, de pourquoi il tenait à ce point à rentrer chez lui, ou à.... à devenir animagus.

- Animagus ? répéta l'enseigna, surpris. Je ne crois pas être qualifié. Enfin, si, je veux dire, il s'agit effectivement de ma matière, mais... Sven toussota dans son poing, mal à l'aise. Il détestait toujours autant devoir le dire. Je... je n'ai jamais réussi à compléter cet exercice.

Voilà. La honte suprême, le désespoir de sa vie, son seul et unique échec personnel particulièrement humiliant : son incapacité à devenir un animagus, alors que des gamins de seize ans y arrivaient. Monde cruel.

«  Animagus ? Je ne crois pas être qualifié. Enfin, si, je veux dire, il s'agit effectivement de ma matière, mais...  Je... je n'ai jamais réussi à compléter cet exercice. » Cela fit tirer la grimace à notre petit bonhomme de onze ans qui ajouta un peu déçu : «  Le problème n'est pas que vous n'avez encore jamais réussi Professeur mais que vous ayez abandonné... » L'enfant encore un peu boudeur marmonna : «  Je vais vous donner un exemple ! »

Le petit alla chercher un bol et le posa sur le bureau du professeur, il se concentra et s'exclama : « Avifors ! »  suite à ce sortilège de métamorphose de première année le bol voleta quelques secondes avec ses ailes qui avaient poussé sur ses rebords puis au bout de quelques secondes tomba au sol dans un bruit de verre cassé. Les ailes ayant bien entendu disparu.

Lucas retrouva le sourire : «  Vous voyez professeur ? Cela fait des semaines que je m’entraîne sur ce sortilège de base censé transformer un objet en oiseau et comme vous l’avez vu... » L'enfant eut un rire nerveux. «  C'est plutôt lamentable pour le moment... » Le garçonnet alla ramasser les bouts de verre et les mit à la corbeille, il se coupa très légèrement. Et sortit un pansement de sa poche de pantalon qu'il mit sur le bobo de sa petite main cloquée à force de forcer les entraînements de métamorphose. Il posa ensuite un autre pansement sur le bureau du professeur : «  Ça c'est cadeau ! Pour vous donner du courage ! Vous avez bobo de ne pas réussir alors... » L'enfant ne dit rien quelques secondes. «  Alors il faut réessayer encore et encore ! Et je vous donnerai des pansements encore et encore ! Et nous allons réussir ! Car c'est important pour nous ! »

A vrai dire Lucas ne savait pas bien pourquoi le professeur s'était essayé à cet exercice mais comme le professeur respectait ses citrouilles alors il n'allait pas aller fouiner dans les citrouilles du professeur. Chacun sa raison cela ne les rend pas moins valables d'être différentes.

Cependant, il sentait bien que le professeur n'avait pas aimé être traité de menteur. Alors il s'assombrit et dit plus calmement : «  Quand maman est morte de la maladie du suicide et que Arthur... » Il hésita devait-il le dire ? Il choisit d'en dire un peu. « Et que mon jumeau Arthur  a été blessé... Je me sentais beaucoup coupable vous savez... Papa mentait beaucoup, Arthur le croyait mais pas moi. Arthur il a besoin de douceur et de nounours, c'est un gentil petit Prince Moldu comme dans le conte de maman de Saint-Exubéry ... » Non ça ne devait pas être ça il corrigea presque de suite : « Non Saint-Exupéry je crois... » Lucas chercha comment expliquer et continua : «  J'aime beaucoup Arthur et j'aimais maman. Mais à présent je ne peux plus aider maman...Alors c'est pour ça que je veux devenir Animagus pour aider le petit Prince Arthur ! »  Le petit garçon reprit son souffle. «  Papa ment. Il dit que ça va bien. Mais il ment... Le directeur de Poudlard ment aussi puisqu'il n'a pas compris ma lettre de refus...Je croyais que les adultes mentaient tous et ne respectaient pas les petits mais... » Lucas sourit : «  Mais je crois que vous n'êtes pas un adulte qui ment mais un roi gentil qui aime bien aider les gens et qui est là pour les enfants aussi, Professeur ! »

Lucas ayant retrouvé le sourire s'exclama : «  Je ne sais pas si vous allez accepter de vous entraîner avec moi. Mais rien que pour votre sincérité ! Je vous aime bien Professeur ! »

Les secondes passèrent avant qu'après un rire cristallin, pas méchant, juste heureux il ajoute : «  J'aimerais bien connaître votre fille Galatea ! Moi je n'ai pas d'ami... » Sa voix se fit murmure comme on confie un secret : « C'est pour protéger Arthur. » Mais il retrouva bien vite un merveilleux sourire d'enfance : «  Mais si elle est comme vous alors Arthur ne sera pas en danger ! »

Faire confiance...à qui que ce soit...était inconcevable autrefois pour Lucas...Grâce au professeur Sven Waltham il venait de franchir une marche vers l'avant. Fragile, prête à reculer en cas de brusquerie mais bien réelle.

Un truc qui rendait Sven gaga des enfants, c'était leur façon de voir le monde. Là où les adultes perdaient espoir, ils concevaient encore mille et unes possibilités plus ou moins vraisemblables d'affronter les problèmes, et ça, c'était beau. Il se souvenait de cette fois où il n'arrivait pas à réparer une vilaine fuite d'eau, dans la maison, alors que, par malchance, il n'avait pas encore reçu sa nouvelle baguette : son adorable petit Myrddin avait utilisé de la pâte à modeler pour colmater le trou. Avec ses yeux d'enfant, il avait été cent fois plus ingénieux qu'un adulte paniqué. Bon, le résultat n'avait pas été très très probant, mais la cuisine n'avait pas finie inondée, donc tout était bien qui finit bien, comme on dit.
Néanmoins, devenir animagus est autrement plus complexe que réparer une fuite, et dépassé quarante ans, très clairement, Sven n'attendait plus rien de lui-même à ce sujet. Le talent, ça ne s'inventait pas. D'accord, il avait été bon élève à Poudlard, mais il n'était pas le seul, et il n'était finalement qu'un sorcier parmi d'autres, et ses collègues se montraient pour la majorité beaucoup plus doués que lui pour ces aspects complexes de la magie.

- Tu sais, l'avantage des enfants, c'est qu'il apprennent vite, mais quand on devient un adulte comme moi et qu'on vieillit, il y a des choses qui deviennent impossible. Si je n'ai pas réussi à vingt ans, ce n'est pas aujourd'hui que je le deviendrai. Je veux dire, un animagus. Toi, tu finiras sûrement par réussir ton avifors, et peut-être à devenir animagus.

La voix de Sven se coinçait légèrement dans sa gorge. C'était toujours un peu embêtant d'être piquéen plein dans les sujets sensibles, qui n'étaient pourtant pas bien nombreux. Il tenta tout de même de rester responsable et, voyant que l'enfant se blessait inutilement, sortit sa baguette pour jeter un réparo et un léger sort de soin sur les mains du petit Serpentard. Il ne prit toutefois pas le pansement, parce qu'un adulte savait que certaines blessures ne se refermaient pas avec un bout de sparadra. Les échecs, ça se surmontait avec du mental, ce dont le professeur de métamorphose avait tendance à cruellement manquer. Il fallait dire qu'il avait usé beaucoup de volonté pour panser une blessure du coeur autrement plus profonde.

Un peu perplexe que l'enfnt continue de déballer ses problèmes familiaux, il se demandait toujours plus s'il était la personne la plus qualifiée pour aider ce petit. Ne devrait-il pas contacter son directeur de maison ? L'infirmier, peut-être ? Il n'y avait pas de potion pour rendre la vie joyeuse, mais parler à des gens compétents aidait parfois. Sa mère s'était suicidé hein... Pas facile. Pas facile du tout. En un sens, il se surprit à être heureux que Darcy n'ait pas imposé ça à leurs enfants. Il ne savait peut-être pas où elle était aujourd'hui, mais il n'avait pas eu à apprendre à ses enfants la mort de leur mère. Ceci dit, devait-il expliquer à cet enfant que le suicide n'était pas une maladie, ou était-ce mieux de lui laisser quelques illusions pour mieux vivre la situation ? Sven poussa un soupir.

- Je ne veux pas te décourager, mais je pense que tu es trop jeune pour devenir un animagus. En première année, tu apprends les sortilèges de base de la sorcellerie qui te serviront toute ta scolarité pour les sorts plus complexes. Si tu ne les maîtrises pas, réussir une métamorphose en animagus est pour le moins... compromis.

Sven avait un naturel encourageant, vraiment, mais bercer cet enfant de fausse promesses n'était certainement pas la bonne solution.

Des pas dans le couloir firent sursauter Lucas, il était tellement concentré à ne pas gronder le professeur pour, selon lui, son manque de courage qu'il en avait oublié le monde extérieur. Mais ce qui le fit réagir était le « Pouic pouic » qui résonnait en écho sur les murs du château. Pouic Piouc...

« C'est à moi ! » cria alors l'enfant ayant complètement oublié le professeur.

Il courut vers la lourde porte et l'ouvrit, au loin des bruits de pas et des éclats de rire. A terre un requin en peluche dont la laine ressortait. L'enfant de onze ans resta stoïque avant de dire la voix tremblotante : «  Pouic Pouic...Tu as mal ? » L'enfant se baissa et ramassa son doudou. «  Je vais te soigner attends... » L'enfant murmura un : « Reparo » Mais le doudou prit feu …. affolé le petit garçon entra avec dans la salle de métamorphose et le piétina pour éteindre le feu. Mais bien vite il se rappela la présence du professeur. Il leva la tête en reprenant la pauvre peluche brûlée sur tout son dos contre lui. Il dit d'abord très sérieusement : «  Professeur, Pouic Pouic...J'ai dû l'oublier dans la salle commune et on me l'a abîmé... »

De grosses larmes emplirent les yeux enfantins : «  Je suis nul en magie, vous avez raison, je ne vais jamais y arriver. Je voulais le soigner et... »

Perle par perle les sanglots qui d'habitude se cachaient sous des espiègleries et blagues joyeuses se révélèrent sincères. «  J'ai encore plus blessé Pouic Pouic... » Les larmes coulaient et l'enfant bredouilla : «  Vous savez c'est maman qui l'a cousu Pouic Pouic, pour moi et ce même si je suis pas une « normale personne » ! » Le petit garçon tenta d'essuyer ses larmes dans un rire sanglotant : «  Maman était très gentille vous savez...C'est pas sa faute si j'avais de la magie en moi... » La laine du doudou écorché contre sa poitrine l'enfant renifla : «  Maman disait que Pouic Pouic contenait tout son amour pour moi...J'aime beaucoup Pouic Pouic et regardez professeur ! » L'enfant appuya sur la peluche, celle ci émit un fort «  Pouic ». « Maman disait que l'amour criait de douleur comme de bonheur. » L'enfant sembla se calmer et dans un rire presque joyeux il dit : «  Maman disait des trucs bizarres parfois à l'hôpital... »

L'enfant aurait voulu éclater en sanglots et appeler sa maman mais il ne voulait pas embêter plus que ça le professeur. Les adultes ça s'embêtent vite des enfants... Et puis le professeur devait en avoir marre ...Un si mauvais petit sorcier qui lui demande de l'aider...Dans un murmure l'enfant serrant toujours sa peluche dit : «  Vous avez raison professeur...Moi ? Animagus ? C'est ridicule... »

Il s'inclina légèrement en essuyant ses larmes dans un calme et sérieux : «  Merci de votre patience professeur, je suis désolé de vous avoir embêté, cela ne se reproduira plus. »

L'enfant ravala courageusement ses larmes et dit dans un doux sourire encore un peu triste : «  Je vais recoudre Pouic Pouic, ça je sais bien faire. Mon frère déchirait toujours ses habits, je les recousais bien vous savez ! »

Dans un rire embarrassé l'enfant s'exclama : « Mais je vous embête avec tous ça ! Pardon ! »

Seul, seul, il devait rester seul, voilà la pensée de l'enfant en cet instant. Seul car ça embêtait les adultes tout ça, même Monsieur Waltham. Et pourtant ce professeur était le premier à qui il racontait.

* Sûrement le dernier. Les enfants ça embête les grands... * pensa le petit garçon qui avait perdu sa fragile confiance naissante. Mais il prenait sur lui, pour avancer, pas reculer, jamais, il prenait sur lui car il faut vivre. Il le faut c'est tout, faut pas faire comme Maman ou ça rend des larmes dans les yeux, il faut se battre et ravaler sa tristesse, car c'est comme ça la vie, on est seul, on est toujours seul avec soi-même et ça Lucas le savait, et ce qu'il savait encore plus c'est qu'on était seul le soir dans la froide nuit, seul face à ses cauchemars, seul le matin dans le bruit du dortoir qui s'éveille, et faut faire avec, oui avec ça, et avancer. Car personne ne le fera à notre place. Car on sera toujours seul quand on pensera à ceux qui nous manquent. Car cette solitude aucun entraînement ni dialogue ne la comblera. Car Maman ne reviendra pas...

Lucas le savait pertinemment.

Mais alors qu'il partait il s'aperçut avoir oublié son livre de métamorphose, il se retourna pour aller le prendre. Ses pas résonnaient sur le sol, il posa Pouic Pouic éventré sur la table et rangeant ses affaires, il osa adresser un coup d’œil au professeur de métamorphose.

Il y avait, définitivement, des journées étranges, et Sven en vivait une. Il s'en voulait un petit peu d'avoir oublié ce tas de copies sur son bureau. Aider les élèves ne le dérangeait absolument pas, loin de là, mais disons que ses compétences en tant que pédagogue disposaient de quelques petites limites, et il avait le sentiment de lentement les atteindre. Il y avait un fossé plutôt large entre conseiller ses propres enfants, dont il connaissait jusqu'à la première étincelle de magie, et ceux des autres, dont il savait bien peu. Le nom, l'âge, la maison, somme toute.

Un peu décontenancé de voir le gamin s'enfuir en courant, Sven imagina que ses derniers propos l'avaient un peu blessés. Il avait sans doute brisé un rêve, en quelques sortes. Mais c'était son rôle de professeur, n'est-ce pas, de pousser ses élèves à ne pas griller les étapes, non ? Qu'aurait fait le professeur Emerald, lui ? Les Serpentards étaient connus pour leur ambition.... avait-il mal agi ? Le professeur Waltham se sentit brusquement envahi par la culpabilité.
Puis, alors qu'il allait sans aller avec ses copies sous le bras, le petit Onlay regagna sa salle de classe, des chiffons informes et carbonisés sous le bras. Un objet un minimum précieux, au vue des grosses larmes qui coulèrent sur les joues du garçon.

Sven se râcla la gorge. La situation était épineuse. Il reposa les copies sur un pupitre d'élève, et sortit sa propre baguette magique d'une poche de ses vêtements. Il s'accroupit devant les cendres, et sans prononcer la formule à haute voix, lança un réparo. Il était certes professeur de métamorphoses, mais il maîtrisait largement les sortilèges de bases enseignés à Poudlard. Les cendres reprirent alors la forme d'une peluche, à en juger par la matière.

- Voilà, voilà, ajouta précipitamment le professeur Waltham. Ce n'est pas un sortilège facile, tu n'es là que depuis, deux mois, à peu près ? Il faut, disons, enfin, prendre ton temps, faire les choses à.... à ton rythme ? Poudlard ne s'est pas construit en un jour, comme on dit, enfin, comme dit le proverbe, tu vois ?

Si les petits sorciers de onze ans savaient déjà tout sur tout, il n'y aurait plus aucun intérêt à venir étudier. N'en déplaise à certains élèves.

Quoi qu'il en soit, le petit Onley avait l'air d'avoir de sacrés problèmes familiaux, et régler ça était bel et bien hors de ses compétences. Il n'y avait guère grand chose à dire à ce garçon. Une mère à l'hôpital, décédée aujourd'hui, suicidée visiblement, ce n'était pas la plus grande des joies, mais il allait lui falloir surmonter ça. Sven tapota gentiment la tête de l'enfant.

- Je n'ai pas dis que tu ne deviendrai jamais animagus, seulement, sois patient.

Voilà, ainsi, c'était peut-être un peu mieux dit ?

« Professeur... » L'enfant marqua un temps de pause. Et s'il refusait ? Avait-il le droit de demander ça ? Tout hésitant Lucas répéta du haut de ses onze ans : «  Professeur Waltham ! » Il inspira, non décidément il ne pouvait pas dire ça et pourtant...

« Vous avez réparé Pouic Pouic... » murmura l'enfant en regardant la peluche requin émerveillé.

« Vous devez être un super sorcier ! » s'exclama Lucas levant la tête vers l'adulte, Lucas qui abordait à cet instant un adorable sourire heureux. Toujours sans oser dire l'enfant ajouta tout sourire : «  Merci ! »

Puis il regarda ses chaussures tout rouge aussi rouge que ses yeux qui avaient tant pleuré. Peut-être par peur que le professeur parte il attrapa de sa petite main la robe de sorcier et il se lança : « Professeur Walthman ! Soyez ma maman ! Je suis sûr que maman voudrait me voir heureux ! Alors elle serait OK ! »

L'enfant reprit son souffle tellement dire cela lui avait coûté.

« Je sais bien que vous pensez peut-être que je suis fou... » ajouta le petit garçon. Rire nerveux de l'enfant. «  Mais je pense qu'une maman fille ou garçon c'est quelqu'un qui aime sans limite et vous avez réparé Pouic Pouic et vous m'avez écouté, consolé, et vous êtes toujours gentil ! »

L'enfant rougit encore plus se balançant d'un pied à l'autre : « Alors je pense que c'est possible. » Comme se sentant soudain coupable l'enfant baissa la tête : «  Je sais bien que je suis assez turbulent et embêtant, chialeur aussi et anormal comme tout sorcier... à cause de la magie selon maman....autrefois... Mais maman m'aimait quand même beaucoup et elle voulait mon bonheur. »

L'enfant releva la tête tout sourire : «  Mais je sais faire la cuisine ! Je sais balayer ! Je sais faire toutoutoutout le ménage ! Ça pourrait aider non ? » Tout sautillant l'enfant s'exclama : «  Vous verrez ce sera bien et et et... » L'enfant rougit soudain et fit une petite moue embarrassée : « Pardon je redeviens turbulent. » Rire du petit garçon qui se calma un peu.

« Je me sens seul ici et puis.... Je ne vois personne de confiance...Mais vous vous n'êtes pas un  méchant professeur ! Alors si vous le voulez bien vous pourriez être ma maman non ? Je sais bien que je ne le mérite pas... »

Une ombre sombre comme un Détraqueur passa dans les yeux marrons et les cheveux roux en bataille semblèrent comme se balancer au vent. Pourtant la fenêtre était fermée...un courant d'air ?
« C'est vrai que j'ai fait mal à Arthur...Mais j'ai pas fait exprès....vous comprenez je voulais pas qu'il se fasse mordre....mais je me suis endormi...Je dois le dire à personne ! Personne ! C'est pour ça que je veux lui tenir compagnie...en animal... » L'enfant ravala ses larmes se souvenant de son idée précédente : «  Mais à vous je peux vous le dire ! » De nouveau souriant radieusement, le petit conclut : «  Alors vous voulez bien ? Je vous emmènerai dans un champs de fleurs ! Tout le monde aime les fleurs ! »

A propos de fleurs...l'enfant s'aperçut vite que le sol de la classe de métamorphose en était brusquement couvert...la magie instinctive ou ces accidents de magie qui arrivaient parfois à ceux qui ne la contrôlaient pas, souvent sous l'émotion, toujours sans faire exprès. L'enfant pâlit passant d'un grand bonheur plein d'espoir à la peur d'un refus suite à sa « bêtise » . « Pardon je vais tout balayer ! » Seulement il s’aperçut vite que les nombreuses fleurs avaient poussées entre les pierres et donc qu'au lieu de lieux de balayer il fallait les arracher... «  Professeur on doit vraiment toutes les tuer ? » dit l'enfant la voix tremblotante de crainte et de répugnance à cette idée.

[ HRP : A toi ^^ ]

La situation s'engouffrait petit à petit dans un gigantesque nœud de problèmes que Sven se sentait de moins en moins capable de résoudre seul. C'était, bien sûr, toujours agréable d'être complimenté, bien qu'un sort de si faible niveau soit loin de l'ériger en sorcier de grand talent, mais une demande d’adoption aussi franche, que devait-il en faire ? Il avait toujours eu une attitude paternelle, c'était plus fort que lui. Néanmoins, c'était bien la première fois qu'un élève désirait, en quelque sortes, intégrer sa famille.
Quelle situation délicate.

- Comment dire, enfin... Sven se racla la gorge et ébouriffa ses cheveux. Persone ne peut remplacer ta maman, enfin, surtout pas un homme. Est-ce que, disons, tu comprends ?

C'était un peu étrange à dire sachant que lui-même tentait de combler l'absence de mère pour ses propres enfants. Seulement, c'était différent. Ces enfants-là, il en était le père biologique, et il les avait vu grandir, et les avait aimé dès le jour de leur naissance.
Le petit Onlay, il ne le connaissait pas, ni lui ni sa famille et, de plus, ne pouvait décemment pas adopter tous les enfants en détresse de Grande-Bretagne.

- Et puis, j'ai, enfin, j'ai déjà ma famille. Je crois que tu n'aimerais pas que d'autres enfants inconnus intègrent ta famille et te prennent ton papa, non... ?

Sven visualisait déjà la crise de larmes de sa fille aînée, qui, à coup sûr, si elle ne le reniait pas en tant que père, se dépêcherait d'apprendre un sortilège impardonnable pour rendre la monnaie de sa pièce au nouveau venu de la famille ; qu'il s'agisse d'une femme ou d'un garnement.

Ignorant que dire de plus au petit Onlay pour lui faire comprendre la situation, Sven décida de se charger du problème des fleurs. C'était rare, à onze ans, et en possession d'une baguette, de continuer à réaliser de la magie involontaire. A dire vrai, ce garçon semblait manquer légèrement de maturité. Peut-être était-ce dû à son contexte familial ?
Quoi qu'il en soit, Sven s'arma à nouveau de sa baguette et, d'un petit sort, fit disparaître les végétaux de son plancher.

- Elles ne seraient pas, hm, heureuses, tenta-t-il d'expliquer avant que le garçon se mette à pleurer davantage. Elles ont besoin de.... de soleil et de vent, dehors.

Et lui avait vivement besoin que le professeur Emerald prenne en charge ce pauvre enfant, en tant que directeur de sa maison.

« C'est comme les arbres dans les rues moldues... » murmura Lucas soudain sombre. «  Ils les mettent en « cage » pour ne pas qu'on les blesse... » Lucas réfléchit... «  En fait Poudlard c'est un peu pareil avec des enfants sorciers... »

Silence...

« Maman ne reviendra jamais même sous une autre forme, je le sais bien. Je ne voulais pas la remplacer. » dit brusquement l'enfant. Puis il se calma un peu, il ne pleurait pas, il se contenta de demander accusateur : «  Professeur...Maman n'aimait pas ce monde et elle est morte...Elle avait besoin d'un autre monde, un autre endroit...Comme les fleurs de cette salle...Elles sont mortes aussi n'est ce pas ? Car elles n'étaient pas au bon endroit... »

Silence de la part de Lucas.

« Alors on ne les reverra jamais car il y a beau avoir beaucoup de gens sur la terre, on ne revoit jamais l'unique de chacun... »

Chaque mot semblait nécessiter un immense effort de réflexion à Lucas alors il parlait doucement, prenant son temps...

« Maman est morte peu après qu'Arthur a dû souffrir à cause de mon manque de vigilance...Ces fleurs sont mortes car je les ai fait apparaître dans votre salle de classe... » s'obscurcit un peu plus le petit garçon. «  Je n'ai pas besoin d'aide des autres, ils sont dangereux....ou c'est moi qui le suis...je ne sais plus... »

L'enfant prit ses affaires et allait sortir mais ce fut plus fort que lui, il alla en courant de sa petite taille d'enfant de huit ans ( il en a onze mais a un retard de croissance qui le complexe énormément ) serrer, agripper, brusquement la jambe du professeur.

«  Je vous aime fort professeur mais je n'apporte que la mort...Mais je comprends...enfin pas que vous ne puissiez pas être maman...mais que vous ne pouvez pas m'adopter...C'est car j'attire que la souffrance, même maman a dit «  Pourquoi Arthur et pas Lucas ? » et je ne lui en veux pas à ma maman, elle avait raison, j'aurais dû souffrir à sa place mais...mais...mais... »

De grosses larmes mouillaient le pantalon du professeur et Lucas murmura d'une petite voix de jeune enfant bien que sincère : «  S'il vous plaît laissez moi rester là encore un peu ! A la maison c’est moi qui organise tout, je suis un peu le papa... » Il rit et ses larmes se tarirent un peu mais il ne lâcha pas la jambe du professeur : «  Mais je crois que moi aussi j'ai besoin de pouvoir faire confiance à quelqu'un, d'un câlin même de temps en temps, pas pour embêter....juste comme ça... »

Lucas resta encore un peu agrippé, quoi que fit le professeur ou dit il ne lâcha pas, Monsieur Sven Waltham avait gagné sa confiance et son affection. Ce qui est rare chez Lucas, très solitaire, trop... Qu'est ce qui avait fait ce petit miracle ? L'attirance qu'il a pour sa matière ? Le coté paternel du professeur ? Sa gentillesse et en même temps sa justice ? Il ne le savait pas lui même. Mais c’était un fait Monsieur Sven Waltham avait gagné le cœur du petit garçon. Ce Lucas si distant avec les gens hors de sa famille, ce petit si souffrant et pourtant si espiègle...Cet enfant perdu et rieur. Cet étrange oxymore. Cette innocence naïve mêlée de gravité et d'intelligence. Ce cœur fendu et glacé et pourtant grand pour le monde. Ce petit garçon de onze ans nommé Lucas.

Lucas fourra sa tête dans la jambe du professeur, il se sentait un peu mieux...mais pas assez pour cesser le câlin. Cependant il leva la tête hoquetant : «  Professeur je sais bien que vous pouvez pas être mon papa...Mais moi...J'ai le droit de vous aimer fort ? C'est sans risque ça non ? » Pleine de franchise cette voix d'enfant répéta : «  Je peux ? S'il vous plaît ! »

Brusquement l'enfant sursauta à une voix d'adolescent  furieuse, très furieuse : «  LUCAS ONLAY ! »

Aussitôt son visage devint très pâle, Lucas savait que les « grands » le cherchaient car il s'était amusé à faire croire à un tableau-porte ( il ne savait plus exactement l'endroit, mais ce n'est pas grave se perdre dans un château magique est agréable après tout selon Lucas), que le mot de passe était mauvais. C'était pour s'amuser certes comme toutes ces petites taquineries : Faire tourner en bourrique les tableaux aux murs, mettre des chocogrenouilles dans le lac au cas où cela leur donnerait vie en plus de la magie ainsi que des Fizwizbiz pour voir si une créature allait remonter et planer au dessus du lac ( ce qui bien entendu n'était jamais arrivé ) , dérégler les escaliers magiques en leur demandant tout et son contraire, tenter des plans d'explorateurs en faisant des cartes du château ( incomplète et qu'il devait sans arrêt corriger). Bref des plaisanteries sans gravité mais c'est  vrai que ce matin avant d'aller en métamorphose Lucas avait fait fort !

«  Professeur ! » s'exclama vivement un gryffondor. Puis il se calma aussitôt et un groupe d'élèves (tous des gryffondors) arriva derrière lui. Il corrigea donc : «  Bonjour Professeur Waltham ! » Lucas se cacha un peu plus face à cette bande de toutes années confondues. Bien sûr le dos du professeur n'était la plus discrète des cachettes mais on fait ce qu'on peut quand on peut.

« Professeur Waltham, Lucas a déréglé la grosse dame ! Elle n'arrête pas de dire qu'un enfant fort intelligent l'a persuadée que le mot de passe du jour était ridicule face à je cite «  sa sublimissime beauté » et que donc en punition elle ne devait laisser rentrer que ceux qui auront un mot de passe digne d'elle ! Elle est devenue complètement folle ! Et nous on ne peut pas rentrer ! »

Un élève de cinquième année s'avança et repoussa le troisième année véhément avec délicatesse : «  Ce que mon camarade veut dire c'est que Lucas ou « Chauve-souris » puisque c'est son nom quand il fait une bêtise selon d'autres sources, a fait une grave erreur envers notre maison et qu'il est donc juste qu'il soit puni et répare sa faute par des excuses et une volonté de s'améliorer. »

Lucas fait une grimace, la colère plus forte que la peur il pointa du doigt le cinquième année : «  Je te connais toi d'abord ! » Il leva sa manche de pull-over et un gros bleu y était. «  Tu m'as tapé hier car je voulais garder mon dessert et même que tu es méchant et même que tu me dis sans arrêt que mon frère est un cabot...C'EST MEME PAS VRAI MON FRERE IL EST FUN ET C'EST UN LOUP ! »

Lucas au bord des larmes non à cause de la punition qu'allait peut-être entraîner sa vengeance...mais à cause des souvenirs humiliants liés à ce garçon et à ses amis ( qui riaient des bêtises de leur ami malmenant Lucas) devint soudain blême.

La plupart du groupe, surtout les plus jeunes, ne comprenaient pas. Mais le garçon de 15 ans le comprit très bien.

« Un Loup tu dis ? C'est fun mais ennuyant très ennuyant...Un sang-mêlé miniature avec un frère loup...garou je suppose ? Tu me donnes quoi si je persuade les autres de garder le secret ? Quoi que ça pourrait être très amusant d'en parler à tous que ton frère est un bâtard ! »
 
Larmoyant de tristesse, peur et fureur mêlées, Lucas sortit sa baguette et allait se défendre face au cinquième année ( même s'il n'avait aucune chance mais traiter son frère ainsi était, avec sa petit taille qu'on ridiculisait parfois, la seule chose qui l’empêchait de réfléchir)  mais...on le retint. Un autre élève ? Le professeur ? Autre ? Qui sait...

[ HRP : A toi ^^ ]

Ce n'était pas très habituel de sa part, mais le professeur Waltham commençait légèrement à avoir mal au crâne. Fier d'élever trois enfants avec tout son amour, il était plutôt tolérant au bruit et à l'agitation, et se satisfaisait de résoudre les querelles les plus puériles avec un calme exemplaire, mais l'arrivée des élèves de Gryffondor lui arracha un discret soupir qu'il voulut le plus silencieux possible. Sven se pinça l'arête du nez et ferma les yeux quelques secondes, le temps de se concentrer et de mettre de l'ordre dans son esprit.

Lorsqu'il choisit de les rouvrir, ce fut, après coup, le bon moment. Le petit Onlay sortait sa baguette, peut-être décidé à en découdre avec ses aînés. Sven jugea le moment opportun pour le priver de son arme, la lui prenant délicatement des doigts pour la poser sur le pupitre derrière lui ; et ceci fait, chassa rapidement les élèves de Gryffondor, non sans leur rappeler que discriminer les êtres et créatures magiques n'étaient en aucun cas une preuve de maturité ou un exemple pour leurs cadets.

De nouveau seul avec l'élève de premier année, Sven tenta d'esquisser un sourire maladroit à celui-ci, lui tapotant gentiment l'épaule.

- Tu as l'air fatigué, tu devrais peut-être retourner dans ton dortoir pour te reposer, enfin, je veux dire, te détendre un peu, te remettre d'aplomb ? Ne t'emporte pas envers les autres élèves, aussi. L'adolescence n'est facile pour personne ,tu sais, et cela se traduit parfois par, disons, enfin,  de la méchanceté, mais ils grandiront, sans doute.

Les plus grands aimaient bien profiter de la position de faiblesse des plus jeunes ; Sven s'en rendait bien compte lorsque sa petite Galatea tentait de manipuler ses frères cadets pour obtenir ce qu'elle voulait d'eux. Seulement, si le petit Onlay commençait à riposter avec de la magie, il risquait des sanctions. Sven ne pourrait pas toujours le défendre.
Il ne pouvait d'ailleurs pas le défendre dans le cas actuel.

- Je vais devoir aussi parler de cette histoire de Grosse Dame à ton directeur de maison.

Ce serait un bon début. Puis il glisserait peut-être le fait que s'intéresser à la famille de cet enfant ne serait peut-être pas une mauvaise chose. Sven ne comprenait pas tout mais, à n'en pas douter, son environnement n'était pas sain.

Lucas savait qu'il allait être puni, mais ça il s'en moquait comme de sa première chaussette. Par contre punir les autres Serpentards le fit grimacer. Alors il se décida, il sortit un parchemin de son sac à dos et y lut ce mot ci :
« Un Bouquet de roses roses comme la rosée,
Des lueurs d'azur dans vos yeux de mille beautés,
Un peu de sourire pour animer les cœurs fêlés,
Une voix enchantée comme un oiseau bleuté,
Rêve est votre aura,
Belle dame ,
Aurore des reines de ces rois,
Laissez moi passer,
Avec un mot de passe ancien,
Qui pourtant est le tien,
Bien que simpliste il est dans votre voix,
La vie :  la mer d'éclosions, la voie, le printemps doux telle la soie. »

Il le donna ensuite au professeur Sven Waltham, avant de croiser ses bras sur sa poitrine. « C'est avec ces mots qu'elle retrouvera la raison et laissera entrer comme d'habitude avec le mot de passe normal. Mais j'ai pas menti ! Elle est vraiment belle la grosse dame ! D'abord je déteste les menteurs ! Et je pouvais pas savoir que mon premier poème allait la dérégler ! C'est pas comme si je savais que ça allait marcher ! Je voulais juste tester, m'amuser ! Mais quand j'ai vu qu'elle délirait en disant que seuls ceux qui écriraient quelque chose de beau sur elle en poésie pourraient entrer j'ai écrit ça....»

Il soupira : «  C'était certes mal de se venger en l'utilisant....mais le hic c'est pas qu'il me rackette ou me tape ce type ! Et puis si ma maison perd des points ce serait naze pour les autres...mais ils me détestent déjà sûrement en tout cas je préfère rester tout seul...cependant le gros soucis n'est pas là ! » Lucas s'assombrit : «  C'est qu'il dit des mots cruels sur mon frère et ça je ne laisserai jamais passer même si ça doit me coûter ma peau ! D'abord Arthur c'est le meilleur, il m'a appris la poésie ! Lui il sait encore mieux écrire des poèmes et moi....  » Lucas hésita devait-il montrer ses dessins ?

Il murmura dans un soupir comme un secret qu'on dit sans savoir si c'est le bon choix : «  J'ai vu une photo de vous et des enfants une fois....sur votre bureau...Mais je ne savais pas que c'étaient les vôtres...Et elle bougeait...alors... »

Lucas sortit un dessin de son cartable, un dessin qui était tout sauf immature, il avait un vrai talent pour le dessin cet enfant ! On aurait presque dit que les personnages, bien que statiques sur le parchemin, avaient une étincelle de vie, les couleurs étaient aux crayons aquarelles pales sans gâcher la profondeur des contours, les proportions, la perspective étaient bien respectés, le dessin n'était pas seulement une très belle reproduction d'une petite photo vue une fois. Non. Il reflétait comme de la tendresse et de l’espièglerie, quelque  chose en plus que Lucas n'avait pas connu : l'amour sans haine d'une famille unie.

Lucas sourit, un grand sourire suivi d'un rire heureux d'un bonheur simple, enfantin : «  Le feutre noir fin et les crayons aquarelles c'est quand même mieux que la plume pour dessiner ! » Lucas rougit en posant sa feuille sur un bureau près du professeur : «  Personne ne doit savoir que j'aime dessiner … En plus mes dessins sont pas magiques ! C'est pour ça que je n'osais pas vous le donner ….mais....c'est  car je suis nul en magie pour l’instant... »

Une étrange lueur brillait dans les yeux du petit, du courage : «  Mais ça viendra et je reviendrai chez moi et je protégerai Arthur pour la vie de toute ma vie ! » L'enfant sourit une dernière fois au professeur puis un peu rouge de gêne désigna le très très beau dessin : «  Pour vous » et il fila après avoir récupéré affaires et baguette.


[ HRP : A toi et tu clôtures ? ^^  ]