Gillian était dans le parc, et il fallait bien le dire : elle avait perdu de nombreux attributs féminins. Normal, en même temps. Elle avait reçu, en ce jour spécial de Noël, un drôle de cadeau de la part du Professeur, ce très étrange être qui avait le don de se métamorphoser en tout et n’importe qui, l’incluant elle. Elle pouvait se transformer en homme chaque fois qu’elle pensait à l’être idéal qui serait un jour son mari, et surtout, le père de ses enfants. Autant vous dire qu’elle avait eu une drôle de surprise en se réveillant ce matin-là, et en constatant que sa très généreuse et séduisante poitrine avait malencontreusement disparue. Et qu’elle avait de nouveaux atouts de séduction entre les jambes. Et une curieuse envie d’un bon gros steak-frites – ce qui n’avait sûrement aucun rapport, la professeure d’alchimie étant réputée pour manger un peu n’importe quoi n’importe quand, et ne grossir que de la poitrine. Bénie soit la génétique, comme elle disait souvent.

Gillian était donc désormais un superbe spécimen – elle aurait aimé pouvoir avoir des enfants d’elle-même, d’ailleurs – blond tirant sur le châtain, aux yeux verts pénétrants, plutôt fin, mais correctement musclé. Ille (mélange savant de elle et il, qui sera utilisé dès à présent pour la caractériser) n’avait pas de barbe, ce qui était son plus grand regret, mais ille avait vu plusieurs étudiantes se pâmer devant l’allure conquérante de ce nouveau professeur qui avait fermement décidé d’aller s’essayer au sport dans le parc, afin de voir si, vraiment, les capacités changeaient entre un homme et une femme.

La réponse était non. Enfin si, ille avait remarqué être un peu plus rapide sous sa forme masculine, mais ille avait toujours l’endurance de la progéniture d’un Poufsouffle crevé avec Precious, l’énorme chat très réputé des Serpentards. Autant vous dire qu’après 7 minutes et 33 secondes de course exactement, ille avait décidé d’arrêter de courir, et de marcher l’air de rien afin de retrouver une peau moins cramoisie et des poumons moins brûlants. Gillian n’était décidément pas faite pour le sport – ou, plutôt, elle n’avait jamais eu besoin d’en faire, et ses muscles étaient si peu habitués au moindre effort qu’ils lui feraient sûrement mal le lendemain. Ille souffla un peu, se demandant si repasser à sa forme initiale l’aiderait à récupérer ou, au contraire, empirerait les choses.

Elle avait intérêt à trouver un mari sportif pour aller jouer avec leur enfant, parce que ça n’allait pas donner grand-chose comme ça… Ah, leur enfant. La professeure soupira doucement, créant un nuage de buée dans l’air froid de ce mois de décembre. Plus le temps passait, plus elle se disait que trouver le parfait père pour son gamin était impossible, et qu’elle vieillirait seule, aigrie et triste, comme Flavia Mantis et Viridus Emerald ne cessaient de lui assener. Elle donnerait n’importe quoi pour avoir un bon père, et un bon gamin avec. Et elle aurait vraiment préféré que le Professeur lui crée un enfant plutôt que de lui donner la capacité de se transformer en homme… C’était marrant 5 minutes, mais il fallait le dire : cette manie qu’avait Poudlard à vouloir la transformer en sommité masculine – c’était quand même la deuxième fois ! – commençait à lui donner de sérieux doutes quant à sa capacité de femme séduisante.

A ce stade là, Wes n’était plus Bambi mais Alice !  On dit toujours que Noel réveillait l’enfant en chacun de nous. Dans ce cas, il fallait croire que le père Noel ou surtout le directeur avait un sens de l’humour assez douteux et prenait le dicton au pied de la lettre.  Wesley s’était endormi la veille dans un corps de grand dadais pour se retrouver à huit heures du matin à se la jouer boucle d’or avec une pièce où tout avait l’air très, très grand. Pas perturbé du tout de son état, il se comporta comme tout enfant à Noel : en faisant une roulade sur son lit pour se retrouver à l’autre bout et examiner ses cadeaux parmi lesquels trônait un vieil appareil photo magique qui appartenait autrefois à Ronove. Ils savaient bien tous les deux que Wes n’aurait jamais accepté qu’il dépense son argent pour lui mais qu’il le « débarrasserait » si jamais il en avait besoin. C’était cousu de fil blanc et ils le savaient très bien tous les deux mais c’était le but.  Il lui donnait une clef et Wes devrait se débrouiller comme un grand pour la potion de développement de photographie.  Mais aussi des livres sans images et donc qui perdaient grandement de l’intérêt pour son lui-même du haut, relatif, de ses cinq ans et trois quart.  

Mais si Wes enchainait les retours en enfance comme personne, durant ses derniers passages au rayon boutdechouisateur trois mille, il avait toujours eu la chance de conserver sa conscience d’adolescent intacte. Sauf que cette fois ça s’annonçait bien plus compliqué comme il avait vraiment l’impression d’avoir son âge physique. Tous les souvenirs se télescopaient ensemble et ceux qui contredisaient sa condition actuelle semblaient être vague et cotonneux : il savait qu’il était un sorcier, il savait que dans le lit juste à coté, il y avait Garfield mais ça ne lui venait même pas à l’esprit de se poser la question du comment un gamin de cinq ans était ami avec un « grand ».  Il dégringola de son lit et essaya de le refaire mais il était devenu drôlement plus grand pendant la nuit et le résultat était plutôt brouillon avant de tanguer un peu en retrouvant son équilibre jusqu’au coin du Garfield en question et de chuchoter pour ne pas réveiller les autres.  

« Psssst ! Fifi ! Tu veux faire un bonhomme de neige ? »

Pas de réponse. Les rideaux étaient tirés et il estimait quand même très méchant de les ouvrir pour réveiller Garfield même pour aller jouer dans la neige. Il se contenta alors de gonfler les joues, tout plein d’une déception boudeuse avant de retourner près de sa malle.  Tant pis ! Il s’estimait assez grand, ou pas, pour pouvoir se débrouiller tout seul et s’aventurer dehors.  Il retourna près de sa malle où étaient disposés les vêtements sortis la veille mais étrangement à sa nouvelle taille mais la curiosité de la chose ne lui passait même pas à l’esprit.

Une fois équipé pour le froid, Wes fit un tour avec son écharpe, puis un deuxième, puis un troisième… Au bout du septième, il pouvait presque marcher sans se prendre les pieds dans son écharpe qui pendait encore dans son dos comme une cape de super-héro.  Il sourit d’un air satisfait jusqu’à rejoindre l’extérieur et d’y découvrir un parc aussi blanc que si on l’avait recouvert de sucre glace.

Son regard émerveillé par la neige fut néanmoins rapidement détourné sur la source d’attraction générale en la personne d’un monsieur qui respirait comme un hippogriffe asthmatique.  Ca inquiétait presque mini-Wes qui voulait poliment lui demander si ça allait avant que son esprit déraille complètement. La partie logique de son cerveau criait sans doute un beau gros non mais c’était trop tard.

« PAPAAAAAAA ! »

C’était de la folie furieuse : il était absolument impossible que son père se trouve ici et il le savait très bien au fond de lui. Cet homme ne pouvait encore moins être son père comme Wes avait hérité du teint mat et des cheveux sombres de son géniteur et cet inconnu était aussi blond qu’il était brun.   Mais contre toute logique, le bambin le fixait avec un grand sourire et de grands yeux brillants avant de foncer sur ses minuscules jambes vers lui avant  de trébucher sur un bout de tissu et de tomber la tête la première dans la neige aux pieds de l’adulte.

On n’imagine pas, quand on est une femme, à quel point se balader avec une paire de testicules entre les jambes est compliqué et désagréable. Gillian avait toujours pensé qu’être un homme te donnait une sorte de super-pouvoir – aka la testostérone – qui te permettait d’arrêter de penser trop longtemps et de te reposer sur tes atouts masculins quand tu devais prendre une décision. Mais il n’en était rien. Non seulement, elle pensait toujours autant, mais elle avait en plus cette chose désagréable qui pendait à un endroit normalement lisse, chez elle. Enfin lisse. On se comprend. Et franchement, elle n’aimait pas vraiment cette sensation, même si elle aurait bien essayé de pousser l’utilisation de la chose un peu plus loin, juste pour voir. Commencer par tester sa force, finir par tester ses nouveaux organes… Voilà une solution bien plus rationnelle – oui, si elle avait l’apparence d’un homme, elle continuait à penser en femme. Et en scientifique qui plus est. Décidément, paraître un homme n’était pas ce qu’elle avait souhaité.

Elle voulait un enfant. Ce n’était quand même pas compliqué. Elle en aurait presque préféré que le Préfet Fayot la mette enceinte – mais il fallait le dire, en ayant recours à la magie. Parce que sinon, le Préfet Fayot… Il était loin sur sa liste de prétendants. Alors qu’elle grommelait toute seule dans la neige sans même s’étonner de ne pas trop mourir de froid – sûrement parce qu’elle était toujours en train de tenter de ne pas mourir malgré son endurance de musard pelé – elle entendit une voix. Une voix d’enfant. Qui criait Papa. Ah ? Des parents seraient-ils venu d’eux-mêmes pour venir chercher leur gamin à Poudlard ? Nul doute qu’Heatus, le directeur, n’allait pas aimer. En même temps, elle ne pouvait que comprendre, et malgré sa fidélité sans faille pour son supérieur, ce n’était sûrement pas elle qui balancerait un acte si touchant. Ravie de voir une scène dégoulinante de mignonitude, elle se retourna, cherchant du regard l’enfant qui accourait vers son père – elle avait toujours aimé les hommes qui prenaient soin de leur progéniture.

C’est alors qu’elle aperçut une petite tête brune, haute comme trois pommes, qui galérait un peu à mettre ses pieds devant l’autre – elle espérait qu’il ne tomberait pas ! – et courait manifestement vers elle. Enfin lui. Surprise, et clairement décontenancée – elle ne s’attendait pas à ce qu’un enfant trop jeune pour aller à Poudlard et trop adorable pour y résister court vers elle en criant Papa – elle ne réagit pas tout de suite, observant le petit bout d’homme galoper à travers tout le parc, un sourcil relevé. Coup d’œil à droite, puis à gauche. Non. Le petit courait définitivement vers elle. Ou lui. C’était difficile à expliquer. Et, évidemment, l’être adorable dont elle avait toujours rêvé – même si elle l’aurait préféré blond, comme elle – décida de se mélanger les pinceaux à deux mètres d’elle, alors qu’elle avait enfin trouvé le courage de bouger et d’ouvrir les bras pour l’accueillir – tant pis pour l’erreur, elle était tellement découragée qu’elle se sentait prête à kidnapper un enfant. Carrément.

Et voilà le petit bout d’homme qui s’écrase joyeusement la tête dans la neige et glisse jusqu’à ses pieds. Comme pour lui annoncer qu’elle ne sera jamais une bonne mère. Ou un bon père. Cette histoire de changement de sexe est clairement perturbante. Gillian tressaille, brasse l’air de ses bras trop grands – c’est incroyable ce qu’on peut être maladroit quand on gagne 20 centimètres d’envergure – les referme avec beaucoup de difficulté avant de tomber à genoux dans la neige, les larmes aux yeux. Gillian mâle n’est pas très virile, il est toujours bourré d’œstrogènes et voir un enfant qui se fait mal – surtout que, vu comme il semble abandonné, elle le considère déjà comme le sien – a un étrange effet sur elle. Ou sur lui. Difficilement, il retient ses larmes – après tout, le petit ne pleure pas, ce serait trop la honte – et annonce, d’une voix très moyennement virile :

« ça va mon petit bout de chou ? »

Non, elle ne connaît pas le prénom de la petite chose, même s’il lui rappelle vaguement un élève. Un Poufsouffle. Comment s’appelle-t-il déjà… Wessy. Greasley. Par la barbe de Merlin, voilà qu’elle oublie les noms des élèves. Mais peut-être s’agit-il là de son petit frère, et elle ferait mieux de le lui ramener pour qu’il s’en occupe avant qu’elle ne le blesse encore plus… Enfin… Elle peut bien profiter légèrement de la situation avant, non ? Il n’y aura pas de mal, elle pourra mentir en disant ne pas l’avoir reconnu de suite et elle aura la chance de profiter de cette adorable petite chose pendant quelques minutes – merci Fayot pour ce superbe cadeau de Noël. Clairement maternelle – si Gillian !homme est sexy, il n’a clairement aucune forme de virilité, c’est bien dommage – elle attrape le petiot dans ses bras et le colle contre son torse, surprise un instant par le changement de centre de gravité de ce côté-là. Voilà. Câlin koala. Rien de mieux pour rassurer un enfant qui pleure.

On ne dirait pas comme ça à vue d’œil, mais les enfants étaient des êtres drôlement résistants. Bien sûr, n’allez pas tester la plasticité du premier enfant venu pour le plaisir de la science, les enfants étaient plus du genre à se remettre rapidement debout qu’à être un véritable mini terminator, sauf si le nom de famille du gamin en question n’était autre que Morgan, là il pourrait sans doute combiner les deux. Bref, le fait est que les enfants, même après une glissade se relevaient sans trop de problème, mais c’était uniquement en voyant les adultes accourir tout inquiets qu’ils se mettaient à paniquer parce que si les grands s’inquiètent, c’est que forcément c’était grave et ils allaient mourir.  

Le bambin se releva, le visage plein de neige, avant de répondre à l’adulte un piteux  « Uwuuuuuu. » en se frottant le front pour chasser le bobo. La neige était, pour le coup, assez utile et lui éviterait sans doute une vilaine bosse.  Mais, la seule chose plus efficace que la neige ou un bisou magique était de savoir que son papa était là, et mini-Wes voulait lui montrer à quel point il était grand et courageux et qu’une petite glissade dans la neige c’était rien du tout. Mais il était encore assez petit pour se laisser consoler par un câlin et il enfouit son visage mordu par le froid dans le cou de l’adulte et de sentir les mèches blondes lui chatouillaient les joues.

Ses petites jambes quittèrent le sol et le petit se laissait faire docilement, pas perturbé pour une mornille de se faire porter par un inconnu. D’aussi près, Wes aurait dû tiquer, non seulement, ce n’était absolument pas son père mais surtout, il n’avait jamais vu cet homme dans l’enceinte de l’école.  Maintenant, il allait probablement se faire kidnapper ou autre, parce que, tout au fond de lui, son coté rationnel lui criait que, non, on ne parle pas à quelqu’un qu’on ne connait pas et on ne lui fait pas non plus un câlin à un inconnu comme ça, même si le monsieur en question est très très gentil ! Désolé partie logique du cerveau, tu dois passer sous un tunnel, là.  

« Et tu sais quoiiiiiii ? »

Les enfants n’avaient pas encore maitrisé l’art subtil de la transition et le petit balançait joyeusement ses jambes dans le vide avant de reprendre avec le regard pétillant de joie pour son faux géniteur.  Mais mini-Wes ne laissa même pas le temps à l’adulte le temps de répondre, il zieuta à droite à gauche avant de lui confier le fameux secret de l’univers avec un grand sourire ravi.

« Le Père-Noel est passé !! Et puis, je voulais faire un bonhomme de neige mais Fifi faisait dodo et tout. Et c’est pas rigolo d’en faire un tout seul… »

Comment faire plus triste qu’un gamin, tout seul, abandonné, sous la neige, à Noel, avec personne avec qui jouer ? Sans doute en ajoutant un chaton ou un bébé chien pour compléter le tableau du petit qui regardait son prétendu papa comme le meilleur cadeau de noël du monde.

« Mais maintenant on pourrait en faire un ensemble ! Tu veux bien ? S’il te plait, s’il te plait ?»

Plus besoin d’un chaton, Mini-Wesley avec ses grands yeux de Bambi faisait largement l’affaire maintenant qu'il tapait dans ses petites moufles avec un air implorant.

« Et on pourrait changer la neige qui tombe en bonbons ! »