En quittant le couloir des tableaux Cyryiel avait vu que Timothy la suivait, enfin après un moment d’hésitation il avait commencé à la suivre en évoquant les hypothèses les plus farfelues. Il semblait se méfier d’elle, c’est drôle à voir. Autant rentrer dans son jeu,  ça pouvait être marrant. Se retournant vers le Poufsouffle la sorcière lui décocha un sourire éblouissant tout en déclarant  avec le ton le plus innocent du monde:

-Oups, découverte pour la salle de potions, mais promis, ça ne fera pas mal, enfin, normalement. Il me fallait un cobaye, et je suis tombée sur toi.

Quoi ? Elle avait bien le droit de s’amuser un peu, non ? Il n’allait quand même pas gober ça. Si ? Tout à ses pensées elle ne vit pas les quelques marches juste devant elle et ce qui devait arriver, arriva. Bien qu’il n’y avait que deux marches en béton, les louper ça faisait mal, surtout au fessier qui avait réceptionné sa propriétaire. Se relevant du mieux qu’elle pouvait, avec le peu de classe qui lui restait elle se retourna pour dire au Pouffy qui la suivait toujours :

-Tu vois, moi aussi j’ai la poisse. Est-ce que tu t’es déjà pris une armure dans le museau ?

Intérieurement elle pestait contre sa maladresse. Enfin, ce n’était pas sa première chute, ni la dernière qu’elle ferait dans les vénérables escaliers tordus de l’école. Si son camarade n’avait pas encore peur d’elle ça n’allait pas tarder si elle continuait comme ça. Quelle question stupide !
Elle continua a se diriger dans un autre couloir, ici la lumière du jour n’existait plus, les voutes de pierre étaient éclairées par des flambeaux fixés à la roche. Ils ne devaient plus être très loin maintenant. Ce couloir menait encore à d’autres chemins qui pouvaient conduire soit à la cuisine, soit à la Salle de potions. Pousserait-elle la plaisanterie plus loin ?

-On est plus très loin maintenant.

Cyryiel avait employé le même ton qu’auparavant, ce ton tout doux, gentil et innocent. Elle voulait voir la réaction de Timothy, c’est pourquoi elle s’arrêta au milieu du croisement des couloirs, laissant planer le doute sur leur destination. Elle se retourna vers lui, tout doucement, avec son sourire figé sur les lèvres et ses yeux pétillants de malice. Allait-il partir en courant ? La suivre encore ? Marcher dans la combine ? Ah, l’avenir et ses milles chemins tortueux.

Alors qu’ils s’enfonçaient toujours plus avant dans les sous-sols du château, le seul bruit qui brisait le silence qui les entouraient étaient le couinement des chaussures du Poufsouffle, ah, oui si, et de ses dents aussi. Parmi les bruits que Cyryiel détestait il y avait les crissements des ongles sur les tableaux d’ardoises, le pain sec qu’on coupe. Mais pas les grincements de dents, sauf si il continuait, ça tapait légèrement sur son système.  C’est donc avec son sourire le plus innocent qu’elle lui dit :

-Fait attention avec tes dents, à force de trop les faire grincer, tu vas abimer l’émail, et du coup tu risques de chopper des caries et tu ne pourras plus manger que des légumes.

Milles dragons, qu’est-ce que c’était encore cette ânerie ? Enfin, elle était prête à raconter à peu près n’importe quoi pour qu’il cesse son vacarme. Ah, si il venait d’arrêter, pour remplacer son chant dentaire par un glapissement de souris effrayée. Pour l’instant il était en train de suçoter son doigt comme si la plume qu’il avait englouti avant ne lui suffisait pas.
« Regarde-moi pas comme ça… », ou la phrase la plus étrange pour masquer son anxiété, huhu, il était drôle.  Timothy eut comme un léger sursaut de courage, (dans la mesure où il avait l’air de la prendre pour une psychopathe qui comptait l’utiliser comme cobaye), et il la dépassa pour être en tête et avoir l’honneur de choisir le chemin. Soit. Voyons voir ou il voulait les envoyés. A droite, d’accord, bien, suivons le guide.

-Tu es sur ?  

Fufu, comme elle s’amusait, elle s’adossa au mur derrière pour contempler le Poufsouffle qui semblait aussi paumé qu’elle dans les couloirs, ça allait promettre cette histoire encore. Timothy avait l’air d’hésiter, elle en profita pour l’embêter encore un peu, après tout, il la prenait sans doute pour une cinglée qui faisait des tests sur les élèves.

-Non, vraiment, tu es certain que c’est une bonne idée ? Enfin, pas le chemin, c’est toi qui a choisi après tout, puis là ou il va, c’est justement, là ou on doit aller. Non, je veux dire tu n’a pas peur de passer devant moi ? Alors que je veux t’utiliser  comme cobaye ?

Promis, après elle arrêterait pour l’envoyer aux cuisines, pour l’instant elle attendait de voir comme  il allait réagir. Elle se détacha du mur pour prendre la voir qu’indiquait le jaune. Elle le regarda tout en lui décochant son sourire le plus gentil, ce qui ne manquerait sans doute pas de le faire paniquer encore plus. Hmm, le choc pos traumatique d’avoir failli être étranglé pas sa cravate devait encore faire effet.

-Après tout, c’est toi qui vois.

Allait-il changer d’avis, prendre à gauche, ou tout droit ? Ou alors, comptait-il s’enfuir en courant ? Surprise, surprise.

Cyry, suivait Timothy, corps massif, imposant, qui n’aurait aucun mal à fuir s’il souhaitait. Mais non, l’individu la fixait toujours, l’air ahuri.  Il paraissait un chouia actif, trop, au point qu’il avait l’air anormal. Non pas qu’il avait l’air normal, non. Mais pas anormal non plus. Hum, ardu, la miss n’arrivait pas à choisir un qualificatif pour Timothy. On aurait dit qu’il allait mourir d’un instant à un instant. Cyry avança, Timothy suivit. L’individu masculin avait choisi son couloir, allons-y !

"Poils d'un chat,
Bout d'rat,

Touillons, mijotons,
faisons bouillir a gros bouillons,
mon joli chaudron.

Os d'un crapaud
Fanion d'cachalot

Touillons, mijotons,
faisons bouillir a gros bouillons,
mon joli chaudron.

Oursin moisi
Doigt d'un Timothy

Touillons, mijotons,
faisons bouillir a gros bouillons,
mon joli chaudron.
Thorax d’un cafard
Sang d’canard"

Touillons, mijotons,
faisons bouillir a gros bouillons,
mon joli chaudron.

Grain d’bouton d’or
Palpitant d’alligator

Touillons, mijotons,
faisons bouillir a gros bouillons,
mon joli chaudron."

Chantonnant sa chanson, Cyry souriait, sa chanson avait subit moult modifications. Il fallait savoir : la chanson qui flottait, un air niais, un air qui s’accrochait à vous, parasitant la paix.  Un air moldu, chanson d’abandon, qui s’abandonna, qui choisit pour abri un tympan pouffy.
Cyry avait parfois pour occupation, amusant train-train : transformation d’un air, ici un mot normal arrivait à un mot plus…anormal, donc la chanson subissait la transformation, cool non ? Là, Timo, il avait sa chanson à lui, il avait son nom dans la chanson, chic, tiptop !

Il avançait, la miss aussi, là dans un sous-sol obscur, Cyry pouvait ouïr un scouic scouic dans son dos. Timothy la suivait sans savoir où son couloir (qu’il avait choisi n’oublions pas) aboutissait.  
Illusion, ou non ? Du moins il apparaissait clair qu’il s’imaginait qu’il allait finir mal, voir mourir. Faux, archi-faux, Timothy avait faux s’il imaginait ça. Puis, si il avait voulu la fuir, il aurait put, un tas d’occasions, moult fois.

-D’accord, voyons si ton instinct à bon goût.

La miss stoppa, puis s’approcha du pouffy transi. Cyry s’amusait, mais la miss  comptait pas parcourir un couloir au hasard. Non, Cyry avait un but plus doux. Nourrir Timothy qui avait subit un choc avant, si,si avant.

-Tu crois qu’on a raison ? Sur ?

Sans un mot plus haut la miss continua à parcourir un bout du couloir choisit par Timothy. Cyry n’avait pas l’option GPS. Plus la miss marchait, plus Timothy soupirait. Mais son couloir (au pouffy) n’avait-il pas fin ? Quand finissait-il ?

La miss souriait plus, Cyry voulait sortir, là ! Un mur par ici, puis un là !  Suffoquant, voilà un mot parfait pour la situation. Icarus, lui aurait sut ou il allait, Cyry n’y arrivait pas.  L’individu aux jupons, alias Cyry, n’avait pas d’inspiration quand au bout dudit couloir.  Un maudit couloir, choisit par Timothy. Disparus, voilà. Cuits par un couloir sans fin, mais la miss avait faim., Cyry voulait pouvoir nourrir son corps qui avait faim. La miss voulait surtout la fin du maudit couloir. Promis, Cyry n’irait plus par ici.

La nervosité qui se lisait sur le visage du jaune était assez amusante. Il devait très certainement la prendre pour une cinglée. M’enfin, il n’avait pas totalement tort non plus, elle était un peu bizarre la miss. Aussi bizarre qu’elle soit, elle avait quand même un doute, ce couloir, il menait ou ? Parce que c’était bien gentil de crapahuter dans les couloirs pour s’amuser mais là ça commençait à faire un bout de temps qu’ils gambadaient. Et en plus, elle avait espéré que Timothy ait un meilleur sens de l’orientation qu’elle, sauf que ça n’avait pas l’air d’être le cas. Eh ben, ils étaient pas sortis de l’auberge les cocos.
Et les mots du Poufsouffle ne firent que confirmer ce que la sorcière pressentait. Ils étaient donc paumés. La super équipe que voilà, alors qu’à la base elle voulait juste aller aux cuisines pour faire manger le gus qui s’était fait agressé par sa cravate. Résultat : ils avaient réussis à se perdre dans les sous-sols d’un château qu’ils fréquentaient depuis plus de  cinq ans, tout en sachant qu’y en avait un qui utilisait ces couloirs tous les jours. Bande d’andouille que voilà !

-Okay, bon, je vois que tu as l’air aussi convaincu que moi. Enfin, tu dois avoir raison, ce couloir doit bien mener quelque part.

Se retournant pour faire face au jaune qui semblait de plus en plus nerveux, elle essaya de garder un peu d’assurance. Il fallait bien qu’un des deux restes calme. Sinon, ils seraient vraiment dans la panade. Essayant au mieux de masquer du mieux qu’elle pouvait c’est avec une espèce de sourire crispé qu’elle lui répondit.

-Et surtout ne pense pas que je suis perdue…j’ai juste un sens de l’orientation…différent, mais oui, j’ai faim aussi.

Non, elle n’allait pas admettre qu’elle était perdue, ça risquait de paniquer le jaune, qui n’avait pas besoin de stress en plus. «On va bien finir par tomber quelque part », la phrase tournait en boucle dans sa tête. Alors faisait la chose la plus logique qu’ils leur restaient à faire la sorcière continua à avancer dans le couloir, ils finiraient bien par tomber quelque part comme disait Timothy.

Le silence qui les entourait permit à Cyryiel d’entendre le jaune dire qu’il avait faim, super, ils étaient deux comme ça. Elle farfouilla vaguement dans son sac avant de se rappeler qu’elle avait donné sa plume à manger au rescapé de la cravate. Résumons, ils étaient seuls, perdus dans un couloir au sous-sol, sans idée de leur destination, et sans nourriture. Merveilleux, et, ah dernier détail, ils n’avaient pas croisé une seule âme depuis le départ. Sauf que, oh, joie, bonheur.

-Timothy, il y a une lumière là-bas !

Déclaration accompagnée du mouvement de doigt qui va avec, pitié, que ce soit le couloir des cuisines !

Alors qu’elle était plongée dans ses pensées, Cyryiel entendit une grosse voix grave un peu bizarre sortir de nulle part. Elle se tourna vers la seule personne présente dans le couloir (du moins à sa connaissance).  Avec sa pose, il ressemblait un peu aux tribuns romains qu’on montrait aux élèves en primaire. Il ne lui manquait plus que la toge et la couronne de laurier pour parfaire le tableau.  Ce qui ressortait globalement de sa tirade c’est qu’il avait l’air au moins aussi paumé qu’elle. Le seul son qui réussi à franchir la barrière de ses lèvres fut un merveilleux et fort éloquent.

-Humpf...

Au moins ça avait le mérite d’être passe partout, ça pouvait exprimer la conviction et l’approbation. Le tout à la fois, bien pratique tout ça. Après la tête de sénateur romain, la face de Timothy vira vers un air un peu perplexe. M’enfin, la miss n’allait pas disséquer son cerveau pour savoir ce qui se passait à l’intérieur. A vrai dire, le plus comique c’était encore la tête qu’il avait fait à l’instant. Les mains plaquées contre ses joues, comme si il cherchait à s’aplatir le visage.

« On est sauvés! », la déclaration du Poufsouffle exprimait tout à fait ce que Cyryiel ressentait mais n’avait pas encore eut le temps de dire. Mais à peine avait-il prononcé ces mots qu’il se dirigeait limite en courant vers la lumière au bout du couloir. La demoiselle de Serdaigle se dirigea à enjambées plus mesurées vers son camarade  qui semblait toujours méfiant. Tout en répondant à sa question réfléchissait, et sentit finalement la fameuse odeur qui les entourait.

-Si je sens ce que tu sens, et que tu sens ce que je sens, alors oui, c’est bien à manger. On dirait une odeur de cookies en plus.

Attrapant sans aucune délicatesse le poignet du jaune elle l’entraina à sa suite en direction du fabuleux fumet synonyme de la fin de leur calvaire et d’errance dans les couloirs tortueux des sous-sols. Ils allaient enfin finir par trouver le chemin des cuisines. Leur direction d’origine, en fait.Tentant tant bien que mal de dissimuler les chants de son ventre qui venait de se réveiller avec l’odeur appétissante qui flottait dans le couloir. Pourvu que cette fois ce soit la bonne !