Viridus ne retournait habituellement pas à sa classe après les heures de cours, parce qu'il avait généralement mieux à faire de son temps. Mais ce jour-là, il s'avérait que les recherches qui l'occupaient à ce moment-là – sur le sortilège de découpe, rien de bien méchant – nécessitaient un livre particulier. Livre qui se trouvait dans la bibliothèque de la classe. Il avait fortement hésité à faire sans pour ce soir-là, et à se concentrer sur autre chose, mais la question qu'il se posait tournait dans sa tête, refusant de le laisser en paix. Il avait fini par soupirer et quitter ses appartements pour une rapide expédition au troisième étage. Il avait les jambes raccourcies, mais bon, avec cette horrible énergie de la jeunesse qu'il s'efforçait de ne jamais dépenser pour conserver sa dignité, il y serait vite.

En arrivant, il remarqua quelque chose d'étrange. La porte était entrouverte, et quelques lumières étaient allumées. Son sourire s'étira largement à l'idée d'un nombre astronomique de points qui allaient s'écouler hors d'un sablier si quelqu'un était encore là dedans. Il passa le seuil sans bruit, se glissant comme une ombre dans la salle mal éclairée. Et il plissa les yeux, se mettant sur la pointe des pieds pour voir la couleur de la cravate de l'élève qui osait profaner son sanctuaire, puisqu'il y avait effectivement quelqu'un.

Deux cent points en moins pour... pouuuuur... Ah non. Vert. Quel dommage, ç'aurait été une si bonne excuse.

Il s'approcha du garçon assis à une table en prenant bien garde de ne pas se faire voir. Il était léger et silencieux, autant en profiter. Et quand il fut tout près, dans son dos, il sourit de plus belle. C'était le moment de faire savoir qu'il était là. En parlant bien fort au milieu du silence, de la voix la plus grinçante qu'il puisse sortir avec ses cordes vocales de petit garçon.

« Puis-je savoir ce que vous fichez dans ma classe à cette heure, O'Neill ? »

Faisant semblant de rien, il contourna la table, pour aller voir directement ce qu'il faisait. Oooh. Un livre. Viridus posa ses coudes sur la table, joignant les mains sous son menton, penchant la tête sur le côté, en essayant de faire abstraction du fait qu'il ne devait même pas se pencher pour faire ce geste. Et du fait qu'il était sans doute – encore – mignon. Damned. Enfin, au moins, même avec son timbre fluet, il pouvait toujours rendre sa voix glaciale.

« Si vous voulez lire le soir, la bibliothèque fait des prêts. Donnez-moi ce bouquin. »

En réalité, il voulait regarder la couverture, pas vraiment le confisquer. Les livres de la salle de Sortilèges n'étaient pas toujours présents dans la bibliothèque, ou alors dans la réserve. Qu'est-ce que le gamin fabriquait, exactement ? Un Serpentard qui manigançait quelque chose en rapport avec la magie... C'était peut-être même intéressant. Cependant, Viridus se gardait bien de le montrer, au cas où ce ne serait pas quelque chose dont il puisse se mêler, histoire de pouvoir le punir quand même.

Viridus se saisit du livre pour en regarder la couverture dés que le gamin lui eut tendu. Les animagus, n'est-ce pas ? Son sourire s'étira, un sourire de requin.

« Pas de mauvaises idées en tête, mon garçon ? Cela seul devrait m'empêcher de vous coller en retenue, évidemment. »

Il fit défiler les pages du livre entre ses doigts. Ce n'était pas n'importe quoi comme lecture, surtout pour un adolescent. Et se promener dans sa classe en cachette montrait probablement qu'O'Neill était à cours de ressources. Viridus était intrigué, et le fut encore plus quand il remonta les yeux vers ceux de son élève, juste avant qu'ils ne redeviennent normaux. Son sourire s'agrandit et il fit claquer sa langue contre son palais. Trop tard, il avait vu.

« Et on fait déjà des exercices ! ... C'est mignon, vraiment. »

Le professeur reposa le livre avec fracas sur la table, à moitié en le lâchant parce qu'il avait du mal à le tenir, et se hissa sur la table voisine afin de s'asseoir en hauteur. Le petit – façon de parler – était ambitieux. Quelque chose qui plaisait à Viridus, immanquablement. Et c'était un sang pur, aussi n'avait-il pas de raison de lui mettre des bâtons dans les roues. Pour l'instant.

« J'imagine que vous n'êtes pas allé voir un de mes collègues, sinon vous n'auriez pas eu besoin de recourir à d'aussi basses méthodes pour accéder à mes livres. Alors maintenant que vous êtes là, dites-moi. Pourquoi cette ambition ? »

Dans sa tête, Viridus se frottait déjà les mains. Un animal assez petit que pour aller voir ce que Flavia fabriquait, ce serait parfait. Ou n'importe quel animal qui puisse lui rapporter des choses entendues par çi, par là... Après tout, le gamin était loin de ressembler à un ours ou quelque chose du genre. Il aurait presque ricané de ses propres pensées qui se mettaient en place à une vitesse affolante, mais sa voix aurait rendu la chose assez ridicule.

« Racontez-moi. Quel animal êtes-vous ? Depuis combien de temps vous entraînez-vous ? Parlez, enfin ! »

C'était une très, très bonne chose d'être tombé dessus en premier, évidemment. Si le garçon était assez motivé et doué que pour apprendre déjà seul à se transformer en partie, il arriverait sûrement à quelque chose avec de l'aide. Un excellent atout. Pour peu, il aurait donné des points à Serpentard pour l'intrusion – mais il ne fallait tout de même pas exagérer.

Viridus croisa les bras, un sourire moqueur au coin de lèvres. Le gamin était motivé, dites donc. Approcher les créatures dangereuses venait en premier dans ses motivations, c'était du joli. Mais enfin, cela ne tombait pas trop mal s'il devait espionner Flavia.

Le professeur écoutait, pour une fois, et il comprenait. Être un animagus ne l'avait jamais intéressé, il avait toujours préféré son apparence d'origine – la bonne blague – et il avait eu un peu peur de se retrouver avec le même animal que son patronus comme c'était parfois le cas. L'hydre à six têtes, c'est moyennement discret. Néanmoins, le jour où il n'aurait rien à faire d'autre, il tenterait peut-être le coup, pour s'occuper. La vie de Viridus était un peu comme celle d'un chat ; il faisait ce qu'il voulait bien quand il le voulait, et cherchait de temps en temps quelque chose pour titiller son intérêt.

Même s'il n'en était pas un lui-même, cependant, cela n'empêchait pas qu'il connaisse le sujet. C'était une branche de la magie, après tout, et il était un excellent théoricien.

« Il y a peu de gens qui deviennent animagus parce que c'est un travail long, pénible, et dont les résultats ne sont parfois pas à hauteur des attentes. Quand on découvre qu'on se transforme en limace, dans la plupart des cas, on arrête d'essayer. Tout le monde n'a pas non plus le même niveau magique. Il faut une certaine concentration pour transformer en entier, et plus encore pour faire corps avec l'animal. Quand la symbiose n'est pas harmonieuse, c'est le risque de voir le processus s'inverser. Généralement au mauvais moment, sous une émotion forte ou quelque chose comme cela. Imaginez-vous redevenir un humain avec de la viande crue mais encore chaude dans la bouche. Quelle que soit la viande, d'ailleurs, les accidents d'instinct arrivent. En plus de tout ça, vous êtes sensé le déclarer au Ministère, ce qui atténue fortement le côté pratique de la chose. Et si vous êtes une mouche, passe encore, mais si vous tombez sur un bufflon, je vous souhaite bonne chance pour y trouver une utilité réelle. Quant à mes collègues, j'imagine qu'ils n'ont pas forcément envie de voir l'école se transformer en ménagerie. Garder de l'ordre est déjà assez difficile sans ça. »

Loin de Viridus l'idée de le décourager, cependant. Son sourire s'élargit, mais il avait toujours l'air aussi moqueur. Le garçon était naïf, mais ambitieux. On ne peut pas tout avoir, après tout.

« Canis Lupus ? Fort pompeux, O'Neill. Surtout pour quelqu'un qui se trompe au moins en partie. Les yeux de loups sont bleu à la naissance, puis ambrés. Il n'y a pas de gris dans l'équation. Alors soit vous êtes une erreur de la nature, soit c'est autre chose. Si vous avez l'intuition que vous allez vers un canidé, suivez-la, mais attendez-vous plutôt à un chien-loup. »

Il se leva, se faisant glisser de la table pour atteindre le sol.

« C'est une bonne chose, de toutes façons. Un loup au milieu de Poudlard, c'est complètement inconscient. La moindre impulsion de hurler à la lune et vous provoqueriez une panique sans nom. Sans compter qu'un animal domestique est conditionné au contact humain, vous auriez moins de chances de tuer quelqu'un. »

Quoique ce serait drôle. Une bonne occasion de vérifier qui écoutait les cours de défense contre les forces du mal, vu qu'on y apprenait à différencier les loups-garous des loups normaux.

« Debout, maintenant. Montrez-moi cette réduction de taille, qu'on voie où vous en êtes. »

Il n'était pas dans les habitudes d'Emerald d'aider les étudiants, cela se voyait rarement. Néanmoins, quand on lui demandait de l'aide, c'était toujours pour des choses ennuyeuses. Ici... C'était un projet autrement intéressant.

L'enfant semblait déterminé. Le vrai enfant, pas celui qui avait l'air d'en être un ; Viridus ne pouvait s'empêcher de sourire d'un air très légèrement moqueur devant la détermination farouche du garçon. C'était toujours comme ça. On jure de ne pas faire de bêtise, on se convainc que tout ira selon les plans imaginés à la va-vite... Impétuosité d'une jeunesse que le professeur avait dépassé, du moins en magie. Néanmoins, il comprenait. Il n'avait pas été le dernier à faire des erreurs par entêtement ou amour du risque. Surtout entêtement, en réalité. Il hocha la tête sans commenter, car il savait que, quoiqu'il puisse dire, son élève n'en ferait qu'à sa tête. Quelque part, c'était plutôt bien ; ce manque flagrant de prudence élémentaire lui faisait balayer ses objections comme des fétus de paille. Quelqu'un de plus raisonnable aurait peut-être renoncé. De toutes façons, à présent que Viridus lui avait mis la main dessus, il s'en dépêtrerait difficilement. Cela avait ses inconvénients, certes, mais également l'avantage non négligeable d'un garde-fou.

Observant avec grande attention le début de transformation, Viridus se balançait doucement, debout, les bras croisés dans le dos, comme pris dans une grande réflexion. Une espèce de vibration autour du jeune homme, un peu de blanc, quelques dents, quelques courbures... C'était effectivement quelque chose qui ressemblait à un loup, du genre plutôt neigeux, mais il se tenait à son premier diagnostic. Il ne tenait pas très longtemps, non plus... C'était comme l'impression d'un élastique qui se tend pour se rétracter brusquement lorsqu'il approche du point de rupture, une action se faisant à l'envers.

La magie réservait à l'oeil averti de nombreux spectacles de ce genre, mais les balbutiements d'un futur animagus étaient particulièrement impressionnants, puisque ceux qui étaient aguerris dans le domaine se transformaient presque instantanément. Le pire était sans doute la métamorphose d'un loup-garou, mais Viridus n'avait pas été assez fou pour l'observer en situation.

Il devait bien avouer...

« Je suis impressionné, O'Neill. Ce n'est pas souvent qu'on peut arriver seul à un début de changement aussi visible. »

Evidemment, il passa outre le fait qu'il n'avait pas le droit d'être là. Viridus n'avait jamais vraiment été à cheval sur le règlement – il aurait fallu un règlement plus petit, pour qu'il aille en poney – et il arrangeait souvent les choses comme il le voulait. Aussi, pour le moment, le couvre-feu était officiellement à vingt-trois heures. Quand il croisait un Poufsouffle, il le fixait plutôt fin d'après-midi.

S'approchant en sautillant de l'une des nombreuses bibliothèques de la salle, il la regarda un instant d'un air songeur, avant de sortir sa baguette et de lancer quelques accio sur des livres placés très haut, trop haut pour lui ou même pour Icarus. Les bouquins atterrirent dans un nuage de poussière assez dense, se posant sur la table la plus proche.

« Je pense que ces trois-là vous seront plus utiles. »

Ce n'étaient pas les ouvrages généraux comme ceux qu'on trouvait en bas, à portée de toutes les mains ; ceux-là détaillaient la démarche et les différentes techniques pour réellement apprendre plutôt qu'étudier le phénomène. Plus d'exercices, moins d'histoire. Autant dire qu'avec le corps professoral qui ne souhaitait pas l'invasion de bestioles plus ou moins discrètes et plus ou moins de bonne intention, ces livres étaient gardés hors de portée de ceux qui ne savaient pas où les trouver.

« Vous pouvez les emporter, je sais qui les a, après tout. Et je compte bien qu'ils restent entre vos mains. »

Un sort marmonné, et les lettres sur les couvertures changèrent, pour se transformer en titres particulièrement attirants pour l'étudiant lambda.

« Le vieux tableau sera heureux de vous voir intéressé par les guerres gobelines, j'imagine. »

Viridus le regarda de haut en bas, comme s'il était encore incertain de l'aide à lui apporter.

« Ceci dit, il est hors de question que vous vous entraîniez seul, pour les raisons que je vous ai déjà énoncées. Méditer, lire, trouver votre animal, c'est une chose, mais je refuse que quelqu'un vous tombe dessus au mauvais moment. Pour votre information, puisque vous avez refusé toutes mes objections, je vais en ajouter quelques unes qui toucheront peut-être plus au but. Dans les premières transformations, les vêtements ne vous accompagnent pas, c'est acquis, pas inné. Vous pouvez vous retrouver bloqué entre deux formes si vous paniquez pour une raison ou pour une autre et devriez sortir pour trouver un professeur. Et enfin, je veux voir ça. »

C'était fou comme les priorités des adolescents étaient parfois déréglées ; Viridus pouvait essayer. 'Vous risquez de blesser quelqu'un' ne posait pas de problème, 'Vous risquez de vous montrer tout nu en public' allait-il mieux fonctionner ?

Spoiler:

Le gamin avait l'air surpris. Était-ce si difficile à comprendre, que Viridus puisse avoir un intérêt pour ses élèves ? Quelque part, c'était presque blessant. ... Bon d'accord, pas tant que ça. Il avait toujours été imbuvable, il était le premier au courant ; les professeurs sympathiques n'avaient que des ennuis, il suffisait de regarder ceux qui se laissaient martyriser par les étudiants. Le professeur Emerald était diminué à cause de l'autre fabricante de soupes, il n'allait pas en plus se transformer en gentil petit gamin. Il avait vite appris que plus quelqu'un était petit, plus il lui était difficile d'asseoir son autorité, alors il s'arrangeait pour que ladite autorité jamais ne se lève.

Restait qu'O'Neill avait un air bizarre, quelque chose entre « Noël est en avance » et « j'ai vu un détraqueur ». Viridus soupira. S'il n'était pas connu pour son indulgence, il ne fallait même pas parler de sa patience. Il n'aimait pas expliquer l'évidence ; on pouvait noter l'ironie du métier.

« Et bien, c'est plutôt évident. J'ai dit, pas d'entraînement tout seul. A moins que vous connaissiez un animagus dans Poudlard – n'hésitez pas, l'information m'intéresse – ou qu'un de mes collègues vous semble plus... pédagogue, je vais vous superviser. »

Avec l'agacement dans sa voix, la supervision commençait sous les meilleures augures.

« Vous faites partie de l'équipe de Quidditch, n'est-ce pas ? »

C'était quasiment un miracle qu'il soit au courant, avec l'intérêt débordant qu'il portait au balai volant. La vérité aurait beaucoup amusé les élèves ; il avait le vertige dés que ses pieds ne touchaient plus une surface plane. Aucun problème avec les tours et les tribunes du stade, mais il ne fallait pas lui parler de lévitation, a fortiori de voler stupidement après une balle – ou deux, connaître les règles du jeu n'étaient pas tellement dans ses priorités. Évidemment, c'était un secret d'état.

« Quels sont les jours où il n'y a pas ... réunion, quel que soit le nom de ces séances ? Je peux vous accorder... »

Il réfléchit un instant. C'était peut-être un peu pour se donner l'air occupé. Il pouvait au moins compter l'intelligence dans ses qualités, et les corrections engendrées par ses cours allaient plutôt vite. Viridus s'ennuyait souvent, et la plupart des gens redoutaient le moment où cet ennui se transformait en envie d'ennuyer les autres. Seulement, il fallait compter les – nombreuses – supervisions de retenue, et tous les moments inutiles où le directeur lui collait des corvées pour essayer de corriger son attitude, hm....

« Deux heures par semaine. »

C'était plus que généreux, si l'on se fiait à la rareté de ce genre d'offre venant de lui. Forcément, mépriser une grande majorité des gens n'aidait pas à passer du temps avec eux, encore moins pour les aider.

« Qu'en dites-vous ? »

Question rhétorique, dans le fond ; le sourire suffisant du professeur, plutôt déplacé sur sa bouille d'ange, ne laissait pas tellement de doute quant à la réponse attendue. Un refus serait plutôt mal pris, surtout pour de l'aide ; il n'en proposait pas tous les jours.

Viridus haussa un sourcil, pas spécialement convaincu. Ce n'était généralement pas le genre des élèves de dédaigner le sport pour les études, surtout quand ils avaient passé les sélections plutôt sévères pour rentrer dans l'équipe de maison. Si c'était réellement une décision personnelle, le garçon montait encore un peu dans son estime.

"C'est une sage décision," commenta-t-il sans plus s'étaler sur le sujet.

Il l'observa ranger les livres après un bref hochement de tête. Le respect que le gamin montrait pour les ouvrages avait intérêt à continuer lorsqu'il ne serait plus sous ses yeux ; Viridus les inspecterait avec soin lors de leur retour.

Alors qu'il allait lui dire de retourner à son dortoir, l'élève reprit la parole. Viridus soupira légèrement, n'ayant même pas le temps de répondre que les questions pleuvaient. Il y eut un silence, pendant qu'il réfléchissait à la meilleure manière de répondre sans avoir l'air de faire trop d'éloges.

"Vous avez le potentiel."

Au moins, ça avait le mérite d'être clair. Il le pensait. Icarus était arrivé à un stade déjà relativement avancé du processus sans avoir besoin d'aide. Il y serait probablement arrivé tout seul, après un certain temps.

"Le potentiel magique, en tout cas. Reste à voir si vous arriverez à gérer le reste."

Il eut un claquement de langue agacé.

"Le professeur Mantis a inventé une potion qui permet de devenir animagus temporairement, ce qui rend la compétence achetable pour ceux qui ont les moyens de s'offrir ses services. Ça rend les gens paresseux, même si heureusement ce n'est pas accessible à tout le monde."

Objectivement, il fallait aussi l'envie de traiter avec elle, parce qu'il fallait bien avouer que le caractère de dragon de l'autre machin n'en faisait pas la meilleure commerçante du monde.

"Je pourrais vous en... procurer un flacon, si vous désiriez voir votre animal pour mieux visualiser et vous concentrer sur la forme à atteindre. Mais ça ne veut pas dire que j'accepterais que vous vous laissiez aller à la facilité."

Par procurer, il n'entendait absolument pas qu'il allait demander l'avis de Flavia. Elle avait une collection de potions dans son bureau, après tout, il n'y avait qu'à se servir quand on savait où chercher. Et question recherches dans le bureau de la maîtresse des potions, Viridus avait au moins fait vingt fois le tour, pour d'évidentes raisons.

"Je ne sais pas combien de temps ça va vous prendre." Une question à la fois. "Il est possible que vous ayez une transformation totale dans une semaine, mais que vous bloquiez six mois pour revenir à la normale tout seul par après. C'est très variable, ça peut durer des années ou quelques jours. Néanmoins, avec un bon entraînement... Quelques semaines, peut-être."

Il en arrivait au dernier point, le plus intriguant.

"Qu'est-ce que vous voudriez savoir ?"

Viridus avait envie de lui dire que vouloir apprendre pour le plaisir d'apprendre n'était sans doute pas la bonne méthode, qu'il lui fallait un but, mais... Il avait fait la même chose. Tout seul, parce que les professeurs qui enseignaient en son temps ne lui semblaient pas dignes de son intérêt, ou avec le fantôme de Serpentard qui n'aurait de toutes façons pas pu intervenir si quelque chose tournait mal. C'était une attitude qu'il appréciait étrangement ; il aurait pu renvoyer le garçon au professeur de Métamorphose, certainement plus qualifié, mais pour une fois qu'une distraction se présentait sous une autre forme que quelqu'un à torturer, il n'allait pas la laisser filer.

Heureusement pour le garçon, Viridus ne fouillait pas en permanence la tête des gens, et il n'avait donc aucune idée de ce qui lui passait par la tête. C'était une nécessité que de se faire discret. Après tout, Flavia avait tout à fait les capacités pour devenir occlumens, et ce serait une occasion gâchée.

Il avait hoché la tête devant la décision de son élève, plutôt fier de cette réponse. A ses yeux, se reposer sur les potions n'était pas une bonne idée, surtout dans le cadre d'un acte magique qui en était indépendant. Néanmoins, lorsqu'il n'était pas de mauvaise foi, il reconnaissait que les potions étaient un art en soi, et que Poudlard abritait une virtuose du genre. Elle était véritablement utile, on ne pouvait pas lui enlever ça.

Évidemment, O'Neill avait hâte de commencer. N'importe quel gamin aurait eu hâte. Viridus espérait seulement qu'il allait respecter les règles établies et ne pas faire n'importe quoi. S'il y avait bien quelque chose à envier aux Poufsouffles et à leur directrice, c'était leur discipline de travail ; ses élèves à lui étaient bien plus motivés quand ils étaient passionnés, pas de manière régulière. La preuve de cette passion venait dans les questions, dont Viridus était persuadé qu'il y en avait encore des dizaines planquées dans cette petite tête. Il décida de prendre les choses une à la fois.

« Vous devez déclarer au Ministère de la Magie votre forme animale. Même si tout le monde ne le fait pas, c'est obligatoire. »

Viridus avait déjà consulté cette liste, histoire de voir si aucun de ses collègues n'y figurait. Certes, il y avait toujours le doute, vu que le corps enseignant comportait des gens plutôt doués ; il s'était même intéressé de très près à la maîtresse des potions, c'était en soi un compliment.

« Au delà de ça... Je crois que vous risquez gros si vous utilisez votre forme animale pour commettre un ou l'autre délit, obtenir des informations, voler, ce genre de choses. Je ne sais pas exactement quelles sont les limites de la loi. »

Il ne s'était jamais vraiment intéressé à la loi, ou alors juste lorsqu'il savait en approcher la limite. Il y avait bien trop de gens qui le détestaient pour qu'il ne soit pas extrêmement prudent ; Flavia aurait été assez maligne que pour lui attirer très facilement des ennuis s'il n'était pas irréprochable de ce côté.

Il fit un geste vague en direction des livres empilés.

« J'imagine que vous trouverez les détails là-dedans. Pour ce qui est de pousser la métamorphose plus loin... »

Réfléchissant un instant, il se dit que ce serait sans doute possible avec l'une ou l'autre potion. La dame qui occupait décidément toutes ses pensées avait le pouvoir de révolutionner pas mal de choses si elle le voulait.

« Il doit y avoir moyen d'améliorer votre forme animale en améliorant votre forme humaine et votre mental, j'imagine. Simplement l'âge doit jouer, ainsi que la constitution physique, c'est assez élémentaire... Sinon, il y a certainement des possibilités du côté des sortilèges de métamorphose et des potions, mais il vous faudrait probablement un humain à proximité pour tester. Pas de magie sous forme animale, sauf pour revenir à la normale. »

La dernière question lui fit, par contre, hausser un sourcil. Se battre ? Voilà qui était bien agressif, dans un genre pas très subtil. S'il comptait aider à gagner la Coupe des Maisons en dévorant les Poufsouffles, par contre, Viridus n'était pas contre ; il s'exposait juste à l'ire de Flavia, qui savait être plutôt impressionnante quand elle le voulait.

« Je pense que tout dépend de la forme qui vous prendrez. Si vous vous approchez du loup, vous aurez plus de chances de pouvoir vous... battre que si vous vous avérez tenir du chihuahua. Quoique. Il paraît que les petites choses sont plus hargneuses. »

C'était dit sans l'ombre d'un sourire, mais c'était incontestablement de l'humour, chose plutôt rare pour Viridus. Il était, après tout, conscient de son comportement, et que Flavia avait sans conteste trouvé la meilleure des punitions.

« Ceci dit, vous aurez les caractéristiques propres à votre bête une fois sous sa forme. Il paraît que les animagus transformés sont par exemples immunisés aux morsures de loup-garou, même si j'espère que cette information ne vous donnera pas d'idée d'escapade nocturne. Ce genre de choses sera à voir en fonction de la forme, en fin de compte. »

Il essayait de faire preuve de patience, d'expliquer en peu de mots ce que les livres lui apprendraient en plusieurs volumes. Aussi méprisable qu'il soit, il n'était pas un trop mauvais professeur dans sa branche, même s'il avait des collègues bien plus patients. Mantis n'en faisait pas partie, d'ailleurs, mais contrairement aux hippies du coin, elle savait au moins tenir sa classe.

« Est-ce que les réponses à vos questions en soulèvent d'autres ? »

C'était certainement le cas et, même si l'heure était de moins en moins raisonnable, Viridus était de bonne humeur, fait surprenant quand on comptait le nombre de fois où il venait de penser à Flavia en trois minutes.