▽ Réveille-moi.

Une chaussure en moins, des bleus sur ton épaule droite, ta chemisée tombant sur celle-ci. Et en plus tu boitais. Décidément, t'étais toujours très douée pour te mettre dans des situations un peu chiantes et celle-ci était sans doute une des pires; parce qu'en plus d'avoir mal dans ta poitrine, tu avais aussi de vrais bleus, douloureux. Sauf que tu n'avais pas envie de croiser l'infirmière ou encore un élève lambda. Peut-être que si Calypso avait été là, ça aurait été bien. Parce que Calypso elle était toujours là si tu avais besoin. Elle te câlinait, te chouchoutait et pétait la gueule à tous ceux qui te voulaient du mal. Oui, ça aurait été bien d'en parler à Calypso. Sauf que tu ne savais pas où la trouver. Et tu ne voulais pas demander à quelqu'un d'autre. Tu t'étais alors retrouvée là, pendant l'heure du repas, pour que personne ne te trouve. C'était hors de question qu'on te trouve. Parce que tu n'avais pas besoin de ça..

Tu t'adossas contre un mur mais reste debout. Tu fermes les yeux, tapes doucement l'arrière de ton crâne derrière toi. Tu étais bête. Tu étais vraiment trop bête, trop faible. Tu t'en voulais parfois, d'être comme ça. Tu t'en voulais surtout de ne pas t'en rendre compte. Parce que non, tu ne savais rien. Tu pensais encore que c'était parce que toi, tu avais fait quelque chose de mal. Et tu te maudissais d'être toujours coupable. D'être coupable de ces bleus, de ta chaussure en moins et de ce manque de tenue. Ah non, tu étais habillée, hein. Juste que tu avais du coup retiré ta robe de sorcier et baissé la manche de ta chemise pour que rien ne frôle ta blessure. C'était douloureux, vraiment douloureux.

Et tu restais là. Tu resterais là. Jusqu'à ce que tu puisses retourner dans les couloirs sans grimacer à cause de la douleur.  

C'était pas tellement dans les habitudes de Garfield de se balader pendant les heures de repas. Seulement voilà, ce matin-là, il y avait eu de la tarte au petit déjeuner, et il devait bien avouer s'être goinfré. Il avait réussi à garder tout ça dans son estomac vachement longtemps, même s'il avait l'impression que le sixième morceau était mal passé, et qu'il était tout vert (Garfield, pas le morceau de tarte) (enfin après quelques heures peut-être que si, on ne sait pas).

Le coup de grâce était venu à midi, en voyant la bouffe sur les tables. Et évidemment, il avait fallu que les toilettes des garçons soient à l'autre bout du monde... Il aurait été moins con d'aller au dortoir. Seulement quand on essaye de respirer suffisamment pour se retenir de vomir, on envisage la première solution qui vient à l'esprit. Voilà. Garfield est au sixième étage, on ne discute pas.

Il était un peu moins vert en sortant des toilettes, mais il envisageait tout de même d'aller se poser dans un coin et de ne plus bouger pendant un petit moment. Mais évidemment, le destin détestait Garfield, tout le monde commence à le savoir. Parce qu'en plein milieu du couloir silencieux, il y avait une des personnes qu'il n'avait pas envie de croiser dans un lieu public. La seule personne, en fait. Et dans un sale état.

« ... » Jodie ? Ça va?

Il porta la main à sa gorge. Couloir silencieux, on a dit.

« ... » Et meeerde.

S'accroupissant à sa hauteur, il tenta le mime. Si je fais genre je me coupe les cordes vocales, elle va capter que je peux pas parler, hein? Il la pointa du doigt, dessina un point d'interrogation dans les airs juste après. Il voulait savoir ce qui lui était arrivé. Mais ça n'allait pas être simple, parce que cette fois-ci, aucun des deux ne pouvait parler.

Il farfouilla dans son sac à dos à la recherche d'un bout de parchemin vierge, mais évidemment il avait dessiné tous les Serpentards de la classe avec des groins de cochon pendant le cours de Potion. Meeerde.

▽ Réveille-moi.

Garfield. Tu le regardes. Tu remontes ta chemise, remets ta robe de sorcier. Tout allait bien. Tout allait bien. Tout allait bien. Parce que tu devais aller bien. Parce que tu devais assumer que c'était ta faute. Sinon tu étais faible. C'est ce que ta sœur disait. Alors tu te rhabilles correctement. Tu n'avais toujours pas retrouvé ta chaussure, tant pis. Tu lui souris. Il fallait être forte pour survivre. Tu lui souris. Parce que tu étais forte. Ou alors juste parce que tu étais bête. Ça devait être ça, sûrement. Tu attrapes ton carnet dans ta robe et le lui tend, l'ouvre à hauteur de ses yeux. Tiens ? L'écriture était de nouveau noire.

Tu peux écrire sur le carnet, ce que tu écris disparaît mais il réapparaît dans ma tête.

Décidément, ce cahier était trop magique. Et toi, tu étais vraiment trop stupide. Parce que tu souriais. Parce que tu faisais comme si de rien n'était. Parce que tu avais préféré te mettre droite et gonfler la poitrine. Parce que tu avais préféré ne plus t'adosser au mur et tenir malgré tes jambes frêles. Tu étais bête. Et ta conduite était influencée par ta soeur. Tu étais trop influençable, tu sais ça ?

Oh. Il n'était pas du tout au courant que le carnet pouvait servir à quelqu'un d'autre. Et pour cause, personne d'autre de sa connaissance n'en avait eu besoin. Ce truc démoniaque allait sûrement lui jouer des tours, il le sentait mal. Néanmoins, il en toucha un coin. L'écriture s'étala en vert. Beurk beurk, du vert. Heureusement, ça disparaissait en moins de deux secondes.

Test test test okçamarche. O-ké ça mar-che.

Il y avait sans doute un rythme de pensée et une constance de concentration à attraper. Il plissa les yeux, et une nouvelle phrase apparut.

Qu'est-cequi t'es arrivé ? Qu'est-cequetu fiches ici ?

Il affichait un air inquiet, parce qu'il l'était. Garfield laissa ses yeux se promener sur la jeune fille, et cette fois-ci, pas la moindre pensée déplacée en vue. Bon, ok, peut-être une toute, toute petite, mais vraiment pas grand chose. Ses sourcils se haussaient un peu plus à chaque déchirure qu'il voyait, et les bleus... Il avait presque envie de se mettre en colère.

IL S'EST PASSÉ QUOI ?

.... Saleté de carnet qui lisait les pensées. Saleté, saleté.

Saleté.

Meeerde. C'était son mot préféré du moment, en fait, merde. Cooooncentration. Ah, ce mot-là aussi, il l'aimait bien.

PAS TOI. Le carnet, saleté. Il met en majuscule, c'estdésagréablejecrois pardon.

▽ Réveille-moi.

Tu souris, insistes un peu en serrant le carnet entre tes doigts. Tu te mets à l'écoute de ton esprit. Les phrases s'encrent en toi. C'était bizarre, comme sensation. C'était la première fois que tu laissais quelqu'un écrire avec ton carnet. C'était comme si on venait te chatouiller l'intérieur du crâne. Ce n'était pas désagréable, juste un peu stimulant.. En plus tu étais chatouilleuse. Ses phrases sont irrégulières, c'était drôle, selon toi. Enfin, jusqu'à ce qu'il te demande ce que tu faisais là et ce qui t'était arrivé. Tu maintiens ton sourire, n'osant rien mettre sur le papier et.. Il s'énervait ? Tu te brusques un peu, ravales ta salive.

Tu avais faillit rester perplexe jusqu'à ce qu'il t'explique que ça ne t'était pas destiné. Ok, on déstresse, Jodie, on déstresse. Peut-être qu'il aurait mieux fallut une plume et du vrai parchemin. Pas un carnet magique qui décodait tes pensées. Tu esquisses un sourire.

T'inquiète pas, on s'y habitue vite.

Elle avait évité la question. Ça c'était bien. Ou en tous cas, pour l'instant c'était bien. Parce qu'il n'avait pas encore eu le temps d'écrire quoi que ce soit. Après tout, tu allais plus vite que lui et tu étais vachement plus à l'aise avec le papier entre tes mains. Tu maintiens ton sourire.

Tu n'as pas faim ?

Garfield gonfla les joues d'un air parfaitement agacé. Elle avait zappé la question qu'il avait posée trois fois. Du coup, elle se foutait un peu de lui, là tout de suite. Il lui attrapa le bras, peut-être un peu brusquement.

Non. Je voudrais vraiment QUE TU EXPLIQUES ce qui s'est passé. Pardon majuscule.

Il ne savait pas pourquoi, il ne voulait pas savoir d'ailleurs, mais l'était dans lequel elle était lui filait un noeud dans la gorge et l'envie de cogner dans le mur. C'était la solidarité interblaireaux, voilà tout. Elle a bon dos, la solidarité, un peu comme quand il se disait qu'il réconforterait tout le monde de la même manière quelques jours plus tôt.

Pourquoi t'es ici etpasdans la grande-Salle ? Qu'estce que t'as fait ? On t'a emmerdée ? T'es tombée ? Jveux savoir.

Il hésita un moment, parce qu'il n'était pas sûr que la menace fonctionnerait... C'était tout de même un peu présomptueux.

Si t'explique pas jteparle plus. T'ascompris ?

Et un peu gamin, tout de même. Mais bon, dans le genre pire, il aurait pu dire 't'es plus ma copine' ou 'je t'inviterai pas à mon anniversaire', il aurait été capable.

▽ Réveille-moi.

Garfield était devenu plus violent que d'habitude. Est-ce que ça avait un rapport avec le fait qu'il n'avait pas mangé ? Tu ravalas ta salive, le regarde un peu inquiet, malgré une esquisse de sourire demeurant sur tes lèvres. Tu serrais le carnet entre tes doigts. Pourquoi est-ce qu'il voulait absolument savoir ? C'était pourtant son genre de baisser les bras et toi de lui courir après, non ? Pourquoi est-ce que tout à coup, c'est lui qui insistait ? Tu retroussas tes lèvres.

Tu me fais mal.

Pas qu'il l'avait attrapée trop fort, juste qu'elle était déjà blessée là où il l'avait prise et la serrer comme ça n'arrangeait rien. Tu ravales ta salive avant de cligner plusieurs fois des yeux. Charlie aussi, il t'avait demandé ce qu'il s'était passé quand tu t'étais retrouvée sans tes affaires, dans le jardin. Sauf que lui, si tu avais demandé à ce qu'il te foute la paix, peut-être qu'il l'aurait fait. En fait t'avais rien demandé à Garfield, en soi. Parce que tu voulais qu'il reste. Même si la question en elle-même, tu aurais préféré qu'elle n'existe pas. Ceci dit, la menace, ça marchait bien.

C'est juste une bêtise, je l'ai cherché alors les élèves ils se sont vengés, parce que c'était pas bien ce que j'avais fait.

Tu t'emmêlais tellement c'était nul, ce que tu venais de dire. La vérité plus simple aurait été "Coucou je me suis fait frappée parce que les gens profitent de moi". Tu étais bête.

Merde. (Ah tiens, encore) Il lâcha Jodie dés que les mots furent apparus sur le papier, reculant sa main précipitamment comme si elle l'avait brûlé.

Pardon. voulais pas.

C'était assez paradoxal, il n'arrêtait pas de s'énerver, et il n'arrêtait pas de s'excuser. Il la regarda dans les yeux en essayant d'y déceler un mensonge, un truc du style, parce qu'il avait un peu de mal à croire qu'elle ait fait quelque chose de suffisamment horrible pour qu'on la mette dans cet état-là.

C'est vrai ?... C'EST QUI ?

Il voyait rouge, et il ferma les yeux une seconde pour se reprendre et respirer. Il déglutit. D'habitude, ça aurait fait du bruit. Gentil couloir silencieux, juste pour ce détail. Pourquoi est-ce qu'elle restait là, d'ailleurs ? Pourquoi est-ce qu'elle n'était pas dans la Grande Salle ? Elle n'avait pas répondu, et Garfield passait largement outre le fait que ce n'étaient absolument pas ses affaires.

Tu veux aller à l'infirmerie ? Salle commune ? Jpeuxfaire un truc pour taider ?

Est-ce que ça arrivait régulièrement ? Il n'avait jamais rien vu... Ou peut-être qu'il n'avait jamais fait attention. Mais maintenant, il voyait, et ça l'énervait beaucoup.

▽ Réveille-moi.

Tu serres le carnet entre tes doigts tandis que tu lui souris. Encore. Parce que tu souriais toujours. Parce que tu aimais sourire. Parce que tu aimais de savoir qu'il te voyait sourire. Tu n'aimais pas avoir l'air triste ou encore faible. Tu gonfles les joues et les dégonfles aussitôt, peut-être que ça t'aidait à réfléchir, un truc comme ça. En tous cas, avec ça, les mots apparaissaient.  

Pourquoi est-ce que tu t'énerves ? C'est pas grave, je vais bien, j'ai l'habitude.

Tu t'étais grillée comme une grosse conne. Bravo Jodie. Non mais bravo. Il aurait pu croire que c'était exceptionnel mais voilà. Maintenant il savait qu'à chaque fois tu te faisais marcher sur les pieds. Le pire c'est que c'était toujours des mêmes personnes. Mais c'était tant pis. Parce que tu l'acceptais. Parce que même si c'était douloureux, tu continuais de croire que tu te relèverais éternellement, parce que tu continuais de croire qu'il y avait un moyen de s'en faire des amis.

Juste rester avec moi, c'est bien. J'ai pas envie de bouger.

Je m'énerve parceque. Attends, quoi ?

Elle avait l'habitude. Garfield ne savait pas trop quoi faire de cette information, à part lutter contre une horrible envie de la secouer comme un prunier. Maiiis c'était pas un bon plan, il fallait qu'il se calme et qu'il s'applique à parler gentiment, sinon elle allait flipper, c'était prouvé par l'expérience, et son cerveau avait l'air partagé entre le vide complet et la logorrhée. Comme d'hab, ce fut la mauvaise solution qui passa en premier.

Mais pourquoi ? Tu vas pas bien ça se voit je suis pas aveugle quand même t'as besoin de soigner ça faut que t'ailles voir l'infirmier.

Il l'attrapa par le poignet, sans serrer, sans vraiment tirer, juste pour donner une impulsion, et le carnet continuait de causer tout seul, déballant ce qu'il se passait dans sa tête.

Allez viens. Ce serait mieux qu'on bouge de là en plus, y a plein de monde qui passe dans le couloir, c'est pas un endroit pour rester surtout nous faut qu'on descende c'est dingue même toute cassée elle est jolie D'ailleurs t'as mangé ? Viens viens viens viens.

Au bout d'un moment, Garfield avait même arrêté de regarder ce qui s'affichait brièvement sur les pages, parce que ça ne voulait rien dire, et qu'il avait carrément peur de ce que sa confusion écrivait. Par exemple, de ce genre de trucs qui s'écrivaient en tout petit, en parasites dans le fond.

▽ Réveille-moi.

Jolie. Jolie. Jolie. Ce mot te restait gravé dans la tête. Tu souris, tellement largement que tes fossettes faisant leur grand retour sur tes joues. Il te trouvait jolie. C'était chouette, s'il te trouvait jolie. Même s'il t'obligeait à aller voir l'infirmière. Et même si tu l'avais suivie pour les quelques premiers pas, tu t'arrêtas.

Arrête, j'ai pas envie qu'on me voit comme ça.

Finalement, que Calypso l'apprenne, c'était pas une bonne idée. Et puis si ça se trouve Charlie remarquerait aussi et tu te sentirais faible de t'être encore laissée marcher sur les pieds. En fait il y avait plein de gens que tu espérais ne pas inquiéter ou ne pas décevoir. Tu ne voulais pas créer d'ennuis. Pourtant, c'est ce que tu faisais depuis le début. Raison pour laquelle tu te battais contre toi-même, finalement.

C'est nul, d'avoir des bleus partout. Ça montre juste que je suis faible. Et je veux pas qu'on voit que je suis faible. Parce qu'après, il y en a encore plus qui vont en profiter.

Pour une fois, tu n'avais pas tords. Mais en même temps, ça ne changeait pas le fait que tu devais aller à l'infirmerie ou que tu avais faim et que manger c'était important.

Jodie avait avancé de quelques pas, et Garfield avait cru la partie gagnée... Mais elle s'était arrêtée. Il regarda le carnet pour en voir la cause. Elle n'avait pas envie qu'on la voie comme ça. Il pouvait bien comprendre, mais...

Tu veux pas qu'on te voie comme ça alors fauttesoigner tu vas forcément croiser quelqu'un. Comment tu veux faire d'autre ? Faut partir d'ici sinon t'auras pas mangé tu pourras pas tchanger et t'iras en cours comme ça c'est ça qutu veux ?

Il essayait de trouver les arguments parce que ce n'était pas l'endroit idéal, et ça lui serrait le coeur de la voir comme ça. Elle avait l'air tellement différente, comme ça, même si elle souriait, il y avait trop de détails qui hurlaient que ce sourire aurait dû être beaucoup plus triste.

Si t'as une autre solution jveux t'aider, mais moi jvois pas c'estpas l'endroit idéal pour une planque le couloir, si t'as pas envie de te montrer, la preuve jte suis tombédessus. L'infirmerie ce serait mieux. Viens, viens.

Garfield était tenace quand il était inquiet. Et visiblement, il était aussi bavard. Enfin au moins, ce n'était pas une situation dans laquelle il pensait à quarante conneries à la minute, c'était déjà bien.

▽ Réveille-moi.

Non. Tu n'avais pas envie. Mais vraiment pas envie de le suivre. Pas par là. Parce que par là. Tu serres doucement les dents et perds ton sourire. Tu lui prends la main et le tire de l'autre côté. Pas pour rester dans les couloirs mais plutôt pour prendre un autre chemin. Tu clignes des yeux plusieurs fois, en frotte un des deux du revers de ta main. Ton poignet te fait mal, tu grimaces.

On passe par l'infirmerie mais pas la grande salle. J'ai pas faim.

Décidément, tu étais plus habile que lui pour mentir sur ce cahier. Parce que toi, les mots arrivaient à s'afficher. Même s'ils n'étaient pas convaincants. Oh, leur forme était très bien, c'est juste les gargouillis de ton ventre qui te trahissaient.. Couloir silencieux. En fait il fallait y rester. Comme ça il ne pouvait pas entendre que tu avais faim. Merde, tu lui avais dit que c'était ok pour l'infirmerie. Tu soupires. Tu t'arrêtes.

Et puis là les élèves sont occupés de manger alors je peux aussi retourner juste à la salle commune, comme ça l'infirmerie me fera pas perdre du temps. Et comme ça je te retiens pas pour aller manger, non plus. Bon appétit.

Tu comptais lui lâcher la main et puis en fait y avait encore ton carnet qui a commencé à te faire chier.

J'ai faim. J'ai mal. J'ai peur que tu me trouves faible. Tu me trouves faible ? En fait je suis faible. Et je t'aime. Mais ça a rien à voir.

Tu rougis, tu refermes le cahier après le lui avoir retiré. En plus il avait été en contact. Alors les mots s'étaient inscrits dans sa tête. Putain. Putain. Putain. T'aurais jamais du lui autoriser à écrire dans ces putains de pages. Tu serres les dents et lui tournes le dos. Putain.

Encore une fausse victoire. L'infirmerie ou la salle commune, c'était bien, une direction comme l'autre... Mais elle s'arrêtait encore. Et Garfield n'eut même pas le temps de lui dire qu'il était absolument hors de question qu'il la laisse toute seule, d'autres mots s'écrivaient dans le carnet. Depuis qu'il avait eu accès à l'objet du démon – ce truc le détestait, sérieusement hein, un peu comme quand les filles ont des chats qui agressent par jalousie les garçons qui approchent de leur maîtresse, Jodie elle avait un carnet hargneux – il avait une perception aiguë de ce qui y passait.

Il arrêta tout net d'essayer de la traîner vers l'infirmerie, parce qu'il avait une envie de hurler qui gonflait dans son ventre depuis tout à l'heure et qu'il devait la retenir encore un peu plus à présent. C'était une envie affreusement malsaine de répondre à la violence qui lui avait été faite par la violence de son incompréhension, pour essayer de lui faire comprendre que... Que... Il ne savait même pas. Mais son coeur battait trop fort, et il ne pouvait plus parler, à présent qu'elle avait refermé le carnet.

Alors il dit tout ce qu'il avait envie d'éjecter de lui, parce que de toutes façons, elle ne pouvait pas l'entendre, et il était tellement confus qu'elle ne pourrait pas le comprendre.

« ... » Arrête de te comporter comme un putain d'animal blessé, t'es pas faible, t'es juste chiante, mets un pied devant l'autre et avance, merde ! Arrête de dire que tu m'aimes, parce que ça peut pas être vrai, et ça me retourne la tête à l'envers ! J'ai pas besoin de ça !

Peut-être qu'il avait crié, mais de toutes façons, y avait pas de son, alors tant pis. Elle allait le rendre fou, il en avait parfaitement conscience. Garfield commençait à comprendre pourquoi Jodie pétait des plombs, comme elle lui avait fait le coup l'autre nuit. C'était horrible de hurler sans briser le silence assourdissant. Il ne savait pas comment lui dire autrement, parce qu'il était absolument hors de question qu'il touche encore à ce connard de carnet.

Sur une autre bouffée de colère qui l'acheva, il la repoussa contre le mur, plantant une main dans le mur à côté de son épaule, puisqu'elle avait envie de rester là, qu'elle y reste ! Et puis... Et puis il péta son dernier fusible, voilà. Il l'embrassa, violemment. Rien à voir avec un baiser sucré, avec des licornes, avec un ciel étoilé ; c'étaient les flammes de la colère et de la peur, parce qu'elle se laissait martyriser, parce qu'elle se dénigrait, et ça le rendait dingue.

▽ Réveille-moi.

Il te plaque contre le mur. La robe que tu avais posée sur tes épaules tombent à tes pieds, les bleus sur ton épaule son à nouveau visible. Tu entre-ouvres les lèvres. Tu as peur. Tu le regardes. Vraiment, tu étais terrifiée. Pourtant c'était Garfield, alors d'un côté, il n'allait pas te faire mal. Même s'il était encore. Il a préféré.. T'embrasser ? Tu as peur. Tu te crispes.. C'était pourtant si agréable. Désagréable, violent, mais délicieux. Pourquoi est-ce qu'il t'avait embrassée, en fait ?

Après quelques secondes, tu passes ta main sur son épaule, pour pouvoir le voir. Douloureux. Tu restais là, perplexe. Qu'est-ce que c'était que ce bordel ? Putain, t'étais quoi, à la fin, pour lui ? Tu fermes la bouche, retrousses tes lèvres. Tu avais peur. Non mais vraiment. Tu ne savais même plus de quoi tu avais peur. Tu baisses les yeux. Tu serres un peu des dents. Tu n'arrivais plus à comprendre pourquoi est-ce que ça se passait comme ça.

Tes doigts ouvrent ton carnet, des couleurs rosent apparaissent sur tes joues, pendant que l'écriture demeure noire. Un point pour Garfield.

Tu m'emmènes à l'infirmerie, alors ?

Interdiction de commenter ce baiser, Jodie. Interdiction formelle de faire le moindre commentaire.