Il y avait un moment que Violet réfléchissait, caressait cette idée. Plusieurs années, en fait, depuis qu'elle avait remarqué que ses frères, en ayant la même ascendance qu'elle, ne rencontraient pas le moindre problème. Mais c'était compliqué, et plutôt risqué, assez cher, et... Et puis était arrivé un incident particulier mettant en scène un membre du personnel, un demi-vampire et un capitaine d'équipe de Quidditch à moitié mort. Ce qui lui avait fait prendre conscience qu'elle avait horriblement besoin de vacances. Des vacances loin d'elle-même, ce serait absolument parfait.

Dans sa table de nuit bien protégée par un sort, elle avait commencé à mettre de côté de la monnaie, et il y avait une liste de choses à faire, ou à se procurer. "Adresse" était cochée - grâce à Emmet, malgré qu'elle devrait en payer le prix plus tard. Après, il y avait "Potions", et surtout, "Pantalon", qu'elle venait de rajouter. Violet avait commencé un tri dans ses affaires pour son plan, et il y avait des choses qu'elle avait déjà. Comme des chaussures, puisque par coup de chance, elle avait dans le fond de son coffre de vieilles baskets un peu pourries qu'elle avait prises à Poudlard au cas où un cours (de Botanique, par exemple) nécessiterait de se salir. Elles feraient l'affaire. Un sac, c'était facile aussi, puisqu'elle en avait un de rechange pour quand elle ramenait un stock de trucs à manger dans une de ses planques, pour éviter que de la nourriture ne coule sur ses cours. Le problème majeur, en fait, c'était que Violet n'aimait pas les pantalons, et que le seul qu'elle avait avec elle à l'école... C'était un bas de pyjama rose. Problème, donc, parce que ça ne conviendrait en aucun cas à un autre cadre que le dortoir.

A regret, elle avait dû allonger sa liste, et il lui avait fallu un moment pour trouver une solution au problème. La solution en question ne lui plaisait d'ailleurs que moyennement, parce qu'elle n'aimait pas trop demander des trucs aux gens. Encore plus quand la requête était aussi bizarre. Elle aurait aimé être plus avancée en métamorphose, et pouvoir modifier son pyjama, mais elle n'avait pas envie que le sort s'annule en public. Elle soupira, et enferma les chaussures, un t-shirt blanc tout simple et un vieux sac à dos dans la table de nuit, à double tour. C'était vraiment la dernière chose qui lui manquait, et elle aurait sans doute l'occasion d'en acheter un aux prochaines vacances. Mais. Emmet allait lui demander son dû avant les prochaines vacances où elle rentrerait chez elle, elle pourrait le parier.

C'était donc le moment de se montrer sociable. Après avoir passé un bon moment à éviter les gens encore plus que d'habitude de peur de gaffer et de faire virer l'infirmier, ça allait être difficile. Mais elle avait une petite idée de qui pourrait peut-être l'aider. Après tout, Ginkgo l'aimait bien. Violet avait une confiance aveugle en Ginkgo.

—-

Violet frappa à la porte du dortoir des garçons de son année, pour ne pas être impolie. Et puis elle se dit que si tard dans la journée, il n'y avait probablement personne en caleçon - tiens, encore un truc qu'elle n'avait pas... Mais pour le coup, elle ne demanderait pas. Trop glauque. -, et elle ouvrit la porte pour glisser la tête dans l'entrebaillement, sans oser entrer tout à fait, pour parler d'une voix timide à la personne la plus proche, qui que ce soit. Elle ne connaissait - tristement - pas grand monde, de toutes façons.

" Euh, pardon. Est-ce que Andrea est là ? "

Un garçon près de la porte lui avait répondu, avec une drôle de voix.

« Caldwell ? »

Violet avait hoché la tête timidement, pas vraiment sûre que c'était son nom, mais presque.  Puisque quelqu'un pouvait la renseigner, elle rentra dans le dortoir plutôt que d'en bloquer la porte entrouverte sur elle. C'était dommage, elle aimait bien cette porte, un merveilleux rempart contre les gens.

« Tiens Caldwell, ta copine ? »

Elle savait bien que c'était une mauvaise idée, voilà. Elle allait causer des soucis à Andy, elle n'aurait jamais dû venir là, elle allait repartir et trouver une autre solution à son problème pour ne pas qu'il ait la honte de devoir lui parler.

« Roh la ferme. »

... Ou peut-être pas. Violet devait apprendre à ne pas paniquer quand il y avait des gens. Prenant une grande inspiration, elle essaya de toutes ses forces de ne pas s'enfuir en courant. C'était un bon exercice, voilà. Andrea n'aurait pas de problèmes parce que, manifestement, Andrea se débrouillait très bien pour faire taire les imbéciles. Vraiment très bien, en fait, parce que la jeune fille écarquilla les yeux devant tant de grossièreté, sans faire vraiment attention au garçon devant elle qui la regardait avec des yeux de merlan frit. Tant mieux, quelque part, sinon elle n'aurait peut-être pas résisté à l'envie de s'enfuir précédemment citée. De toutes façons, il fut bien vite éjecté. Violet sourit un peu, parce que même si ç'avait été compliqué, Andy était là.

« BjourVioletunsouci ? »

Il y eut des éclats de rire, et la jeune fille baissa les yeux vers le bout de ses chaussures. Elle avait mal au coeur pour lui, elle était désolée d'être là, en fin de compte, retour en haut du yoyo auquel ses pensées jouaient. Violet ne voulait embêter personne, et pour le coup, c'était un peu raté. Son estomac fit un noeud, et elle se mit à jouer avec une mèche de cheveux pour se donner une contenance.

« Euh enfin. Bonjour. »
« ...Bonjour. »

Elle avait répondu très, trop rapidement, comme si c'était vraiment très important d'être polie pour s'excuser. Elle aurait bien aimé pouvoir discuter sans cet embarras qui semblait gonfler comme un ballon, un peu plus à chaque seconde.

« Tu. Tu ne veux pas qu'on parle dehors ? Euh. Enfin. Ils m'énervent. »

Violet releva les yeux d'un coup, et un soulagement indicible s'épanouit sur son visage.

« Si. Si, bien sûr. »

Elle repoussa la mèche de cheveux qu'elle tripotait derrière son oreille, et rouvrit la porte. Moins de gens, c'était toujours mieux, quel que soit le cas de figure. Le couloir avait au moins le mérite de ne pas être rempli de gens à l’affût du moindre mot. Violet se disait tout de même vaguement qu'Andy devait avoir un peu honte d'être vu en train de lui parler à cause du trouble qu'elle causait, mais ce n'était pas très grave. Elle avait l'habitude.

« Je suis désolée de t'avoir dérangé, je ne voulais pas... Enfin... Pardon. »

Venait le moment de lui expliquer ce qu'elle voulait. C'était un peu compliqué, même si c'était une requête assez simple dans le fond.

« J'aurais voulu savoir si tu pouvais me prêter un pantalon d'uniforme. Parce que je ne connais pas vraiment beaucoup de garçons, je me suis dit que tu pourrais peut-être m'aider. »

Ohlala. Dit comme ça, c'était furieusement louche. Ses joues se colorèrent un peu, elle était mal à l'aise.

Violet s'était d'abord dit que la question était passée correctement, qu'il n'avait pas trouvé ça louche. Évidemment, il aurait dû se demander ce qu'elle voulait et... Ah. Voilà, ça venait. Il avait l'air complètement perturbé, et Violet baissa les yeux en rougissant furieusement.

« Un pantal-- Mais que. Euh. Tu n'aimes pas les jupes, c'est ça ? »
« Je... Si. »

Leurs répliques semblaient se manger mutuellement, comme s'ils avaient tellement peur d'un quiproquo qu'il fallait répondre dans la seconde où l'autre finissait de parler. Violet ne se souvenait pas de la dernière fois où elle était allée parler à quelqu'un de sa propre initiative, surtout en personne. Elle n'avait pas l'habitude ; c'était déjà un miracle qu'elle n'ait pas encore renoncé, qu'elle ne se soit pas encore enfuie. Andy lui faisait un peu moins peur que le reste du monde, c'était déjà ça. La jeune fille ne fréquentait pas suffisamment les autres élèves pour avoir entendu parler de son comportement colérique.

Ce qui la gênait sans doute le plus, c'était de devoir mentir. Elle avait été obligée d'expliquer à Emmet ce qu'elle allait faire, parce que la question de la potion était encore plus louche que celle du vêtement, mais là, elle n'avait pas à se faire passer pour une folle. D'autant plus qu'elle n'était même pas certaine que cette brillante idée allait fonctionner. Ni que ce n'était pas interdit par le règlement, d'ailleurs. Une raison de plus de ne pas expliquer la vérité.

Le problème, c'était que Violet n'avait pas assez l'habitude du contact humain pour mentir correctement. Elle était une très mauvaise actrice par manque d'observation des autres, et elle avait la notion de justice un peu trop bien ancrée dans la peau. En détestant les mensonges, ce n'était pas facile d'en élaborer.

« Mais... Un pantalon de ma première année. Tu voudras une ceinture avec ? Euh. Mais je. Pourquoi ? »

Elle voyait bien qu'il attendait une réponse, deux à vrai dire, mais elle avait l'impression que les mots restaient bloqués dans sa gorge sans aucune volonté d'en sortir. Elle referma la bouche, déglutit, et réessaya, le visage flamboyant.

« Je veux bien. Le cours de vol. »

Ce n'était absolument pas clair, surtout dans ce couinement qui lui servait de voix à ce moment-là. Elle ferma les yeux, juste le temps de parler. C'était plus facile pour raconter des salades.

« J'ai oublié qu'on a de la pratique cette année aussi en cours de vol. J'irai acheter un pantalon dés que je pourrai, mais le cours va arriver trop vite, je ne savais pas à qui demander, je suis désolée de t'avoir dérangé et... Et, oui, je veux bien. »

A ses oreilles, ça sonnait complètement faux. Elle parlait trop vite. Espérons que ce ne soit pas le cas pour quelqu'un extérieur. Elle se remit à tripoter cette mèche de cheveux qui s'était dégagée, en se disant qu'il n'était vraiment pas normal d'être aussi tendue juste pour demander un service à quelqu'un ; elle ne savait même plus si elle était triste ou en colère contre elle-même. Violet compliquait tout.

« Merci. »

Elle hasarda un sourire. Elle s'était promis de faire des efforts, mais c'était tellement difficile. Violet essayait de parler sans avoir d'abord appris à respirer.

Violet se mordilla la lèvre inférieure ; elle savait qu'elle n'était absolument pas convaincante, ce n'était pas difficile à déterminer après tout, au vu de la manière qu'elle avait de retenir son souffle en attendant de voir si ses bêtises allaient passer bon. Et apparemment, c'était le cas. L'ineptie de ce qu'elle racontait était d'autant plus flagrante qu'elle leva vers le garçon des yeux emplis d'une gratitude infinie. Pour accepter de l'aider, pour ne pas poser de questions. Elle aurait d'ailleurs été bien en peine d'expliquer le pourquoi du comment, puisqu'elle n'était pas sûre elle-même de la raison exacte de ce plan étrange. A un certain stade du désespoir, il fallait bien se résoudre à tester les solutions saugrenues.

« Merci ! »

Elle remercia encore, sans se rendre compte qu'elle l'avait déjà fait, avec un soupir de soulagement dans la voix. Souriant avec reconnaissance à la nouvelle invitation à entrer, elle fit quelques pas dans le dortoir. Pour rester ébahie devant la manière dont Andy mettait tous les autres dehors. C'était un peu impoli, mais d'une manière un peu tordue, Violet comprenait. Ou croyait comprendre, peut-être, avec sa manière étrange de voir les choses ; elle aurait aimé faire pareil dans son dortoir, mettre tout le monde dehors. A la place, c'était souvent elle qui finissait dans un coin désert du château, à attendre la toute dernière limite du couvre-feu pour rentrer. Le pire, en plus, c'était que les garçons sortaient vraiment, malgré les commentaires qui la firent rougir.

« C'est plutôt efficace. »

Elle avait commenté sur un ton neutre, un peu amusé en fait. C'était étonnant ; prononcer des mots sans avoir un but direct, c'était plutôt rare chez elle, un drôle de truc au milieu du silence ponctué de marmonnements. Violet croisa les bras derrière son dos, observant la pièce distraitement pendant qu'Andrea cherchait. C'était la réplique quasi-exacte de son propre dortoir, sans doute avec un peu plus de désordre ; plutôt normal, puisqu'ils étaient du côté des garçons, et que ceux qui venaient de sortir avaient l'air assez chahuteurs. Rien de bien nouveau en somme, rien de très palpitant, et il était plutôt gênant d'être là sans rien faire. Sans doute était-elle un peu trop bien élevée, un peu trop rigide que pour prendre ses aises.

« Hm... Est-ce que tu trouves quelque chose...? », fit-elle après un instant.

Penchant la tête sur le côté, elle regarda ce qu'il faisait, pour voir s'il trouvait quelque chose. Au pire, elle pouvait chercher un autre moyen, c'était déjà très gentil de regarder et de provoquer tout ce remue-ménage pour lui rendre service.

« Si tu ne trouves pas, c'est pas si grave, je peux me débrouiller autrement, il y a bien quelqu'un qui aura ... ça ne va pas ? »

Elle avait ajouté sa question au milieu de ses babillages après s'être rendu compte qu'Andy était rouge comme une des tomates bio de Gertrude. Peut-être était-ce à cause de l'emportement d'un peu plus tôt, mais il était quand même très, très rouge. Du coup, Violet était plutôt inquiète, et ça s'entendait. Elle s'approcha un peu.

Andrea avait l'air perturbé, au point d'en tomber, et Violet se demanda un moment s'il voulait qu'elle parte. Peut-être qu'il trouvait sa présence dérangeante, pour une raison ou pour une autre ; après tout, elle-même ne se voyait pas grand intérêt. Elle ne savait pas trop quoi faire, à part le regarder se démener. Et reculer. Même s'il était simplement nerveux, ce qui était une possibilité, elle ne pouvait pas s'empêcher de se dire que c'était de sa faute. Elle avait sans doute fait quelque chose de mal, mais c'était difficile de déterminer quoi. C'était une sensation que Violet avait souvent, cette culpabilité sans objet précis qui lui faisait penser qu'elle était un problème.

« Je suis désolée... »

Elle ne savait même pas pourquoi elle s'excusait, presque inaudible, pourquoi elle baissait les yeux pour regarder ses souliers avec un intérêt beaucoup trop prononcé. Depuis qu'elle était entrée dans la pièce, son humeur faisait cet aller-retour permanent et usant entre l'optimisme, l'impression qu'elle progressait, même à tout petits pas, et l'envie de s'enfuir en courant pour ne pas poser plus de désagréments qu'il n'y en avait déjà eu pour le garçon.

En plus, il était en train de mettre le bazar en faisant cette recherche étrange. Violet le vit brandir une première trouvaille, avant de se raviser en quatrième vitesse.

« Tu voudras que je t'aide à ranger ? »

C'était la moindre des choses, après tout. Néanmoins, il semblait avoir trouvé quelque chose qui puisse aller. Violet espérait que c'était le cas. Elle le trouvait plutôt grand, en fait, puisqu'elle-même était du genre miniature, elle avait un peu de mal à se rendre compte ; il se disait « vraiment pas très grand », et elle devait lever le nez pour le regarder. Un problème d'échelle, sans aucun doute.

Elle sourit et allait le remercier, attrapant ce qu'il lui tendait, mais Andy reprit la parole. En devenant encore plus rouge, si c'était possible. Violet détourna les yeux, encore.

Lorsqu'elle avait eu vent de la fête de l'école, elle avait décidé par avance de l'oublier, de réprimer toute la curiosité qu'elle aurait pu avoir à ce sujet. Qui disait 'fête' disait automatiquement 'gens'. Trop de gens. Violet avait senti par avance son souffle s'étrangler dans un début de panique rien qu'à l'idée d'un rassemblement dans lequel elle serait perdue. Alors quand elle avait en plus pris connaissance de la condition nécessaire pour y participer, autant dire qu'elle avait définitivement jeté l'idée aux oubliettes, et jeté la clef avec pour faire bonne mesure. Ceci dit...

« Je... Je ne pensais pas y aller. Je ne connais presque personne, donc je me suis dit que c'était pas la peine... »

Ils tenaient tous les deux le pantalon entre eux, un drôle de mouvement arrêté sur une indécision. Violet finit par attirer le vêtement contre elle, le serrant dans ses bras comme un doudou, une protection. Elle repoussa encore une mèche de cheveux derrière son oreille, d'une petite main aux ongles rongés.

« Je n'ai pas de c-cavalier... »

Elle butait sur les mots, parce qu'elle réfléchissait en même temps, parce ça ressemblait à une invitation, ou alors Violet se fourvoyait vraiment beaucoup. Andy avait été tellement gentil de l'aider, sans poser aucune question. D'ailleurs, il était toujours gentil avec elle. Et Gertrude serait là, avec Louis. Peut-être, maintenant qu'elle y réfléchissait, que ce ne serait pas si horrible. Que ce serait un effort comme elle avait promis d'en faire, un tout petit pas de plus. Elle prit une inspiration tremblotante, essayant de ne pas écouter son instinct qui lui disait que cette fête n'était pas une bonne idée, parce qu'elle était morte de peur, comme pour beaucoup de choses.

« Mais... Si tu voulais y aller... Je veux bien y aller avec toi. »

C'était dit ; elle avait fait preuve d'un peu de courage, même si c'était en regardant ailleurs, et en mourant de peur à la perspective de ce qui serait soit un grand avancement, soit une grande catastrophe.

Violet avait déjà peur de cette fête avant même d'y être réellement. Elle n'aurait jamais envisagé d'y aller, d'ailleurs, si elle n'avait pas eu encore plus de mal à l'idée d'envoyer Andrea se faire voir alors qu'il venait de lui rendre un service. Certes, il n'avait pas vraiment formulé sa question, mais il aurait été difficile de faire semblant de ne pas comprendre, et elle devait faire des efforts. Beaucoup de bonnes raisons, qui l'obligèrent à hocher de la tête avec raideur lorsqu'il lui offrit la possibilité de se rétracter.

Non parce que bon, revenir sur sa décision quand il lui demandait si ce n'était pas une blague, c'était encore pire que de faire la sourde. Violet n'était après tout pas ermite par nature, ni méchante quand elle n'avait pas besoin de se défendre, juste pétrie d'angoisses qu'elle avait du mal à dépasser.

Elle sourit un peu, à la fois contente et perplexe devant la réaction du garçon. C'était une grande première, question mélange d'émotions. Peut-être parce qu'Andy n'avait pas vraiment osé, pas insisté, que c'était elle qui avait plus ou moins décidé, et surtout, parce qu'elle lui faisait un peu confiance. Enfin, sur son échelle personnelle, c'était un peu, mais elle était beaucoup plus exigeante que la plupart des gens.

Andy souriait, et ça semblait étrange. Ça lui allait bien, malgré tout. Violet prit une inspiration tremblante pour essayer de parler, mais avant qu'elle ne trouve les mots, il reprit la parole, visiblement un peu paniqué.

« C'est pas grave du tout. J'aimerais bien pouvoir faire pareil. Faire sortir tout le monde de mon dortoir, je veux dire. »

Elle était presque étonnée de l'entendre s'excuser ; ça ne l'avait pas perturbée plus que ça. Elle n'était pas un modèle de bon comportement avec les gens, même si elle s'enfuyait plus qu'elle ne hurlait. Ce qui comptait, à ses yeux, c'était l'attitude des autres envers elle-même. Et un peu envers les gens qu'elle aimait bien, ce qui se limitait à peu près à Ginkgo en dehors de sa famille. Andrea ne hurlerait sûrement pas sur le gentil centaure, n'est-ce pas ?

« Je vais jamais à tout ça, » Elle parlait des activités organisées régulièrement dans le château, qu'elle fuyait soigneusement. « J'aime pas trop quand y a des gens, en fait, y a du bruit, et. Voilà. »

Ce n'était pas très joli de dire qu'elle n'aimait pas qu'on la regarde parce que ça aurait pu être perçu comme de l'orgueil, mais c'était le fond du problème. Elle avait toujours l'impression qu'elle ne pouvait pas être comme tout le monde, et qu'elle étouffait au milieu des gens. Pas pratique, pour survivre à une fête.

« Du coup, si tu les fais fuir, c'est bien. »Elle rougit un peu. « Enfin, c'est pas le but d'une fête mais... Je sais pas trop ce que c'est, le but. J'y vais jamais, c'est. Compliqué. »

Violet était en train d'étaler sa bizarrerie au grand jour ; ça n'arrivait pas souvent, puisque le concept de conversation lui était quasiment étranger. Elle avait à la fois l'impression de le prévenir, ce qui était une bonne chose, et d'être un extraterrestre, ce qui était exactement la sensation qu'elle fuyait en évitant le contact humain.

« Tu es un rustre, et je suis un monstre. Avec ça comme point de départ, ça devrait être fun. ... Eeet je raconte n'importe quoi. ... Désolée ? »

C'était une vraie question, parce qu'elle ne savait même plus s'il était autorisé de faire de l'humour à voix haute, surtout avec le cynisme qu'elle gardait généralement pour elle-même. Bientôt, elle commencerait à parler toute seule pour s'entraîner, et elle deviendrait définitivement folle.