Il venait de s’assoir à côté d’Ydan en lui piquant un morceau de pain qu’il s’apprétait à manger. Les deux se chamaillèrent quelques instants avant qu’une scène retienne l’attention de Klay. La table des Serdaigles, un peu plus loin. Kylie. Avec une lettre, dans la main. S’arrêtant dans sa bagarre sanglante, son regard se perdit. Elle rougissait, elle se cachait. Que diable lui arrivait-il ? Ydan lui tapa l’épaule, il ne réagit pas. Ce qui arrivait à Kylie n’était plus censé le regarder, trois mois sans se donner de nouvelles, trois mois sans même se regarder, ils n’étaient que des étrangers. Alors pourquoi, pourquoi est-ce qu’il sentait que son cœur se serrait, qu’elle s’éloignait encore plus de lui quand ce blondinet de Poufsouffle alla s’asseoir à côté d’elle, lui prit cette fameuse lettre ? Klay ne pouvait pas entendre d’où il était, mais chaque parole prononcée lui faisait mal. Il n’était pas amoureux de Kylie, ça n’avait rien à voir avec ce putain de sentiment qui le rongeait à chaque fois qu’il voyait la rouquine de ses rêves en compagnie de Silas, c’était autre chose. Comme si on lui volait son bien précieux, comme s’il n’aurait plus rien à protéger, son trésor qui s’envolait vers de nouveaux horizons sans qu’il ne puisse dire quoi que ce soit.

Il serra les poings, il n’avait rien à dire. A aujourd’hui, il n’était plus personne, même plus une connaissance. Il faisait partie du passé, et le passé devait rester là où il était, les fantômes n’avaient pas leur place dans le monde des vivants. Quoi que. Klay fronça les sourcils, il ne lui restait qu’un dilemme à faire, une décision décisive à franchir. Il déglutit. Il était un gryffondor, des courageux, de ceux qui savent ce qu’ils veulent, et pourtant il ne s’était jamais senti aussi faible, aussi inutile. Klay, il était jaloux, il était possessif, mais pas que. Il avait pourtant déjà perdu ce rôle de grand frère qu’il avait toujours eu avec elle – et par sa seule imbécilité d’être rancunier ! – mais il refusait encore qu’elle souffre. Kylie c’était quelqu’un de bien, et elle méritait surement mieux que cet inconnu sorti de nulle part ! ce gars ne poserai jamais une main sur elle, un regard encore et il allait le… Il se leva, ignorant les questions incessantes d’Ydan, il avait autre chose à faire que de lui répondre. Il gonfla les joues. Mais pour qui se prenait-il nom de Merlin, il ne resterait pas trois minutes de plus près de SA Kylie. Poings serrés, torse gonflé, pas assurés, Klay avait entamé son chemin jusqu’à la table des bleus et sans même regarder toutes les personnes qu’il connaissait, s’arrêter pour les saluer où même les calculer, il alla à sa cible. A maintenant, il n’avait qu’un but. Récupérer Kylie. Mais ça, il l’avait déjà oublié.

Il tapota l’épaule du jeune blond, sourit, d’un sourire forcé, trop forcé, en lui tendant la main.  Klay Corswelt. Son sourire avait disparu. On se recroisera. 

Klay, ça ne lui ressemblait pas. Il ne se mêlait jamais de la vie d’autrui, il était quelqu’un de calme, zen, de gentil et souriant. Il ne menaçait jamais, Klay. Mais là, on touchait à Kylie, et alors qu’il n’avait plus le droit d’être ici, il se permettait de défier le destin, de parjurer un chemin, il se permettait d’être présent une dernière fois pour elle. Il ne savait pas lui-même s’il était jaloux, s’il ne voulait juste pas qu’on lui la vole, s’il avait peur que cela trace une dernière ligne à leur amitié. Il ne s’était jamais montré aussi froid, et pour elle, il aurait tué, il aurait saccagé, il aurait été quelqu’un d’autre. Juste pour qu’elle sourit. Mais peut-être qu’il la ferait sourire, aussi n’irait-il pas plus loin. Il ne pouvait pas lui interdire d’être heureuse avec d’autres, en vérité, il ne lui souhaitait que ça. Même si ça faisait mal. Même s’il voulait être là pour la protéger, pour écouter si elle n’allait pas bien, si on la faisait pleurer. Alors il préférait fuir plutôt que de l'affronter, elle. Il n’attendit pas plus longtemps, pas qu’il lui serre la main, pas qu’il ne daigne lui répondre. En se retournant, il jeta un regard à Kylie, il croisa son regard. Et on ne sait si c’était de la peine, du courage, de la joie, de la souffrance, de l’affection, de l’encouragement, de la compréhension qu’on pouvait y lire. Il y avait un peu tout ça à la fois.

BY .TITANIUMWAY