Voyage vers Poudlard

Marwin & Thomas & libre

Souffler.
Inspirer l’air pollué. Il était bien décidé cette fois ci. Alors il mit tout son poids sur son chariot et se mit à courir vers le mur. Vite. Encore plus vite. Il ferma ses yeux. Fort. Encore plus fort.

« AAAAAIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIE »

L’enfant criait, ratatiné par terre, quelques personnes autour de lui pour voir s’il allait bien, et surtout, lui demander pourquoi il s’était mis à courir vers un mur. Sa soeur, un peu plus loin, était prise d’un fou rire injuste. Plus jamais, plus jamais il ne la croirait ! Il la détestait. Il se releva, douleur aux genoux, douleur partout. Il l’avait cru - il croyait toujours tout le monde. Même après mille mensonges, même après avoir compris qu’on lui mentait. Il ramassa ses affaires, priant pour que sa soeur ne vienne pas se moquer. Prière non écoutée : merlin de bouse ! Ses yeux regardèrent un instant les deux voies autour du mur : 8 et 9.
Le choc commençait à prendre forme dans son esprit. Il rigola. Thomas était un pleurnichard, mais il ne voulait pas pleurer, alors il préféra rigoler. Il riait à s’en faire mal au ventre, et les gens se regardaient, perplexes. Il les rassura, assurant qu’il allait très bien.
A 12 ans, on n’était plus censé pleurer.
A 12 ans, on était un homme, disait papa. On ne croyait plus les bêtises de n’importe qui, et encore moins celles de ses soeurs.

Il poussa sa soeur qui était sur son chemin. Et face à la barrière, la vraie cette fois ci, il était pétrifié. Il ne voulait pas une nouvelle fois se retrouver à souffrir, par terre. Il avait déjà mal, très mal, même s’il en avait rigolé. Il observa les différents sorciers se ruer vers le mur et disparaitre dans le monde magique de Poudlard, et sa soeur y aller, le laissant derrière, mort de trouille. Déjà à l’époque, il n’avait aucun courage, sauf celui de rappeler le règlement aux gens. Deborah se moqua de lui, et il la regarda disparaitre derrière la barrière.

Souffler.
Inspirer l’air pollué. Il était bien décidé cette fois ci. Alors il mit tout son poids sur son chariot et se mit à courir vers le mur. Vite. Encore plus vite. Il ferma ses yeux. Fort. Encore plus fort.

Le quai 9 3/4 prit forme devant lui. Il l’observa, et souffla un coup de soulagement. Il grimpa dans le Poudlard Express, mais tous les wagons étaient déjà pris, et il ne voulait pas aller avec sa soeur, cette fois-ci. Il vit un garçon tout seul, assez jeune, dans un wagon. Sans réfléchir plus, il ouvrit la porte et lui fit un grand sourire.

« Salut ! Je m’appelle Thomas. Je peux m’asseoir ? »

Il n’attendit pas la réponse pour s’installer en face du garçon. Il observa les nombreuses égratignures sur ses coudes.

« Je me suis trompé de mur, et j’ai foncé dans un mur moldu. »

Il rigola sincèrement. Il ne maudissait plus sa soeur, elle n’avait voulu que rigoler, ce n’était pas grave. Il lui pardonnait, comme toujours, parce qu’il l’aimait et ne voulait pas détester les gens qu’il aimait. Il valait mieux profiter d’eux. Quittant des yeux ses coudes, il reporta toute son attention sur le garçon.

« Je t'ai pas demandé comment tu t’appelles ? Tu es en quelle année ? Waw, tu as une chouette ! J'ai toujours rêvé d’en avoir une, mais mes parents disent que je n’ai qu’à utiliser celle de ma soeur pour le moment, parce qu’elle ne me servirait à rien.» Long soupir.  «Mais en vrai, mon rêve, c’est d’avoir un phoenix ! »

Ils devaient avoir le même âge, à quelques années près. Mais la chouette était bien plus intéressante, dans sa cage. Si jolie ! Thomas en était presque jaloux. Il sourit au garçon. Il lui parlait comme il parlerait à un ami. Il était comme ça Thomas, il aimait les gens; tous. Et il était l’ami de tout le monde, naturel dès les premiers instants, dès son premier âge.

Voyage vers Poudlard

Marwin & Thomas & libre

Thomas était encore jeune, il était encore un émerveillé. Il était né dans le monde magique - il l’avait fréquenté et aimé depuis ses premiers pas. Mais jamais il ne se lassait de voir ce qu’il offrait, il était toujours surpris de voir ce que la magie pouvait produire, et ses yeux brillaient toujours autant face à autant de belles choses.
En revanche, une chouette, c’était un animal commun, pour lui. Un peu comme les crapauds - à force d’en voir tous les jours, cela lui semblait tout à fait normal. A 12 ans, il était encore persuadé que les moldus en possédaient, bien qu’il connaissait le système de courrier compliqué qu’ils utilisaient. Il posa un doigt sur son menton, songeur. Il se demanda un instant si les moldus avaient des phoenix ou des dragons, mais cela lui paraissait étrangement plus difficile à concevoir.

« Il n’y a rien dans le règlement qui interdisse les phoenix. Tu l’as appelée comment ? Enfin, ta chouette je veux dire. Tu ne peux pas que dire « ma chouette », elle doit absolument avoir un nom ! Sinon comment tu pourras l’appeler quand tu auras besoin d’elle, ou comment est-ce que tu pourras la rendre heureuse ? »

Son doigt pointa d’un air accusateur le garçon en face de lui, les yeux brillants d’enthousiasme.

« J’ai une idée ! On va lui trouver un nom ! Une fois j’ai eu un crapaud, je l’avais appelé Croaker; mais il s’est enfui. »

Ses joues se tintèrent timidement de rouge ; il n’avait pas honte, pas réellement, mais il révélait sa maladresse en quelques mots. Ses parents lui répétaient de faire attention, mais tous les efforts du petit ne suffisaient pas: il finissait toujours avec une dent cassée, ou un crapaud perdu. Mais son idée d’occupation pour le voyage semblait le ravir, puisqu’il se rassit les yeux remplis d’étoiles.

Il fut soudain décontenancé. Ses yeux cherchèrent ceux de Marwin. Thomas était déçu, triste - oui, il était bavard. Ses soeurs le lui disaient tout le temps - mais il aimait parler. Il cligna plusieurs fois des yeux, haussa les épaules. S’ouvrir aux autres devait-il réellement être pris comme un reproche ? Il sourit.

« Hm… Je suis content d’aller à Poudlard, et je dois être bavard, aussi. Enfin, c’est un combo ! »

Il rigola, d’un rire pur et sincère. Les deux étaient vrais, en un sens, pourquoi plus réfléchir sur le sujet ? Thomas était naturel, Thomas croyait en la nature humaine; il ne s’en rendait pas encore compte, il était bien trop jeune, mais les sourires et les paroles étaient pour lui très importantes. Il l’était trop, il était lourd - c’est un défaut dont il ne fut jamais réellement conscient, et un défaut qui lui allait assez bien.

« Si tu préfères, je peux me taire, ça ne me dérange pas. En vérité, j'aime bien rencontrer de nouvelles personnes, et pouvoir discuter avec. Tu sais, un peu comme on fait maintenant. Ca permet de découvrir une autre façon de penser, et tu apprends beaucoup de choses en parlant ! Tout le monde a des connaissances différentes, et même si elles ne sont pas importantes, elles restent intéressantes ! »

Il sourit, il se mit en tailleur sur le siège du wagon - son dos à moitié contre la fenêtre, à moitié contre la banquette, il observait le garçon en face de lui. Ils étaient deux opposés ; lui aux cheveux corbeaux et aux yeux sombres; Thomas, aux cheveux de soleil et aux yeux clairs. La nuit, le jour. Cela fit doucement sourire le jeune garçon. Les différences ne faisaient pas peur à Thomas : il était persuadé que tout le monde pouvait s'entendre avec tout le monde, il était persuadé que les gens ne pouvaient qu'être compatible, et que ne pas aimer n'était que de la mauvaise foi.

« Tu n'es pas d'accord, Marwin de première année ? »

Il savait qu'ils pourraient être amis !

Voyage vers Poudlard

Marwin & Thomas & libre

Marwin semblait honnête, semblait de ceux qui disent ce qu’il ne va pas. Thomas lui sourit alors qu’il lui demandait de parler moins vite. Il avait peut être raison, Marwin - peut-être que le Serdaigle était un peu rapide dans ses paroles. Un peu hyperactif, un peu trop - toujours dans la démesure, autant que sa maladresse. Il était trop pur, bien trop pur, bien trop naturel, bien trop souriant, bien trop actif, bien trop. Emerveillé. Juste, trop, c’en était lourd, lassant.

« D’accord. En échange, tu devras sourire au moins une fois pendant le trajet. »

Il ria, de ce rire infantile, de cette naïveté aveuglante, et se tourna vers le wagon qui venait de s’ouvrir. Le chariot à confiseries était tout aussi impressionnant que l’année précédente, et la dame répétait les mêmes choses.

« Bonjour ! Comment allez-vous cette année ? Ah oui ? Oh ! C’est dingue, mon père m’a raconté la même chose ! Bourg-la-Fantasque devient vraiment dangereux, faites attention.  »

Il sourit à la dame avec qui il venait de converser dignement. Elle était gentille. Marwin daigna enfin tourner la tête vers Thomas, qui pu enfin croiser son regard sombre. Il cligna plusieurs fois des yeux et chercha dans ses poches. Il sentit quelque chose qu’il avait oublié, mais ne se précipita pas dessus. Il sortit plutôt trois gallions, sa fortune du mois, qu’il tendit avec sourire au garçon.

« Tiens, c’est tout ce que j’ai. Prends ce que tu veux, je n’aime pas trop les confiseries, et puis j’ai déjà… une chocogrenouille ! »

Il sortit de sa poche une chocogrenouille encore emballée, que sa mère lui avait données avant de partir, pour le trajet. C’était ça, la chose bizarre dans sa poche. Il espérait qu’elle ne s’était pas enfuie !
Il n’était pas de nature généreuse, ni égoïste. Il n’avait aucune nature à proprement parler - sauf celle de parler. Mais il aimait bien aider les gens, et il se disait que peut-être que s’il lui offrait des bonbons, il sourirait, et ça, c’aurait été la plus belle victoire de Thomas. Alors il laissa tomber les gallions dans la paume de la main du garçon. Et plus que tout, le petit Thomas n’avait aucune notion de l’argent : il s’en fichait totalement. Il regarda alors Marwin faire son choix, en ouvrant sa chocogrenouille.

Pas de chance pour lui, trop absorbé par Marwin, sa grenouille de chocolat s’échappa ! Il tenta de la rattraper, se cogna le front contre la vitre et adieu petite grenouille, tu ne finirais pas dans le ventre de Thomas.
Il rigola; se frotta le front et se rassit en tailleur.

« Hengist de Woodcroft, c’est le fondateur de Pré-au-lard ! J’ai lu un livre dessus. Il était roux. Les roux au moyen-âge étaient chassés, tu le savais ? Les moldus pensaient qu’ils étaient tous des sorciers. Mais des méchants sorciers, alors ils les brulaient. »

Son regard s’était perdu sur la carte. L’histoire des sorciers était dure, difficile et remplie de sang. Thomas ne comprenait pas pourquoi, n’acceptait pas qu’on ait pu les discriminer. Il comprenait la haine de certains sorciers envers les moldus, il comprenait aussi la peur des moldus. Mais il aurait voulu vivre dans un monde égal, où tout le monde réussissait à s’entendre. Il voulait un monde où les vampires pourraient se balader dans les rues sans avoir peur d’un jugement. Enfin, il voulait surtout voir un vampire, à cet âge là, c’était surtout ce qui l’intéressait.

« Pour survivre il s’est enfui et a fondé Pré-au-lard, où les moldus n’auraient jamais accès. Pour protéger tous les sorciers. C’était un homme bien. Tu le veux ? Je fais pas la collection. Notre crabe-de-feu les mange à chaque fois. »

Il lui tendit la carte, sortant brusquement de ses pensées. Il sourit.
Il souriait tout le temps, Thomas.

Voyage vers Poudlard

Marwin & Thomas & libre

« C’est à Londres Magique, un quartier. Il y a plein de maisons étranges, un peu de toutes les couleurs et de toutes les formes - c’est un bel endroit ! Tu devrais le visiter un jour. Oh mais - il y a plein de choses à visiter, à Londres Magique. La place universelle est unique, aussi ! Mais tu as déjà du voir le Chemin de Traverse, et crois moi, c’est le plus impressionnant de tous les endroits du monde ! »

Un rire anodin, simple, infantile. Des yeux passionnés, une carte lâchée. Il n’y avait pas besoin de mots pour confirmation - il n’y avait pas besoin de confirmation pour savoir qu’il était un né-moldu. Il l’enviait un peu, Thomas, de pouvoir tout découvrir pour la première fois. De se plonger dans la magie sans en connaitre les contours - de simplement vivre des instants de pure excitation, de pure surprise. Lui ne les avait pas connus, lui ne les connaitrait jamais - lui savait, au fond, que la surprise d’un monde unique ne lui était pas réservée. Il ne se plaignait pas, il était content de sa vie, de son entourage. Il l’enviait simplement, un petit peu, de découvrir tout d’un oeil nouveau, de ne rien savoir, sur Poudlard, sur Londres, sur la magie. Savait-il seulement que les dragons existaient ?
Thomas aimait les surprises - aimait être impressionné, aimait être un émerveillé.
Son côté naïf le lui permettait, encore.

Il n’avait non plus mis de mot sur sa victoire, ne l’avait pas faite remarquer. Il ne voulait pas que l’enfant se sente jugé, qu’il se sente perdant. Un sourire avait simplement étiré ses lèvres, quand il avait entendu le rire de Marwin. Il était content, il en avait oublié sa douleur au front - finalement, il pouvait faire sourire, même ceux qui semblaient trop sombres pour le faire. Finalement, il suffisait d’une maladresse, d’un geste et il pouvait rendre le rire à ceux qui l’avaient perdu. Finalement, il pouvait peut-être rendre les gens heureux. Et ça lui réchauffait tout son être, tout son coeur, toute sa façon de penser, de le savoir, de se sentir utile à quelque chose - ou à quelqu’un. Il n’avait non plus fait de commentaires sur son choix de bonbons - qu’il jugeait loupé. Il aimait les surprises, il n’aimait pas les dragées de Bertie crochue. C’était un paradoxe exemplaire, de ceux qui donnaient à Thomas une complexité que seul lui pouvait voir, pouvait palper.
Il n’aimait être surpris que positivement.
Il évitait ce qu’il n’aimait pas, il évitait le négatif. Il était de ceux qui rayonnaient en toute situation, de ceux dont le sourire était indémontable.  En apparence.
Les mauvaises surprises lui faisaient peur, le contrariaient. Il se rendait compte à travers elle - que tout n’était pas blanc. Qu’il y avait du noir aussi, quelque part, et que ce noir venait de lui et de lui seul. Il n’aimait pas certaines saveurs des Berties Crocues ; cette noirceur ne venait que de lui. Et il voulait être un héros; un sauveur. Comme dans les contes. Il ne voulait pas être noir, seulement blanc.
Il ne savait pas encore que le monde était gris.

Son regard se baissa sur sa robe. Bleue et noire - sourire.

« Serdaigle, je suis chez Serdaigle. C’est une maison à Poudlard, c’est euh…. »

Trouver les mots sur ce qu’était Serdaigle. Il sourit. C’était impossible. Des amis, une famille, une maison, un foyer. C’était ce qui lui remplissait le coeur - c’était la curiosité, c’était la connaissance. L’amour des professeurs - la haine d’autres. C’était la pérennité d’enfin appartenir à quelque chose - quelque part. C’était la chaleur d’un endroit - c’était un sentiment sans mots.

« Tu verras. »

Sourire. Rire. Il passa une main dans ses cheveux clairs - il aimait bien ses cheveux, Thomas. Il ne pouvait pas les coiffer - il n’arrivait pas, mais il les appréciait, comme ça, indisciplinés. Il le regarda.

Il ne voulait pas lui gâcher la surprise, il ne voulait pas mettre fin à cet émerveillement. Sa maturité soudain l’abasourdit. Il n’était pas mature - ne le serait jamais, pas à Poudlard, pas quand on lui laissait la possibilité d’être un enfant. Il ne voulait pas grandir - il ne voulait pas être un adulte. Il se refusait à cette simple idée - de devoir un jour observait le monde d’un regard grand - haut. Rattraper ce début de maturité qui ne lui convenait pas - se convaincre qu’il ne l’était pas, ne serait-ce qu'un petit peu.

« En fait, je ne sais pas trop comment l’expliquer ? Il y a quatre maisons à Poudlard, et tu es réparti dans l’une d’elle en arrivant et. Et la mienne est la bleue et noire. Enfin, ils te répartissent en fonction de ton caractère. Mes soeurs m'ont croire que c’était en combattant un dragon - mais c’est faux ! »

Il rigola. Sa naïveté le tuerait, un jour. A force de trop croire, aux mensonges, aux gens. A force de trop faire confiance, au premier qui pointait le bout de son nez.

« C’est encore plus étrange. »

Vague sourire amusé, vague regard espiègle. Thomas était taquin - pas encore trop, pas encore insupportable. Il n'avait encore que 12 ans.