Elle était mignonne, sa petite Galatea, a essayé de lui donner une seconde jeunesse. Mais il le savait, lui. Il savait bien qu’il n’avait plus vingt ans. A vingt ans, il avait encore Darcy au bras ; et c’était une sacrée grosse différence. A vingt ans, il étudiait et il riait avec la plus belle femme du monde. Et puis maintenant, il avait presque quarante ans, et il enseignait et chouchoutait les plus adorables enfants du monde. La vie n’était pas complètement injuste avec lui.
Mais si la vie avait bu s’abstenir de mettre des idées aussi saugrenues dans la tête de sa fille, ça l’aurait tout de même grandement arrangé.

A l’idée de sa petite Galatea travaillant durant les vacances pour aider à subvenir aux besoins du foyer, Sven sentit à nouveau la panique l’envahir, comme une grosse bouffée d’angoisse. Galatea ne devait pas penser comme ça, enfin. Elle n’avait que douze ans. Elle devait profiter d’être toute jeune et libre de contraintes. Elle devait plutôt projeter de voir ses amis, ou de réviser ses sortilèges, peu importait ; mais pas travailler et gagner un salaire.

Après avoir nerveusement agité les mains en l’air pendant deux ou trois minutes, Sven prit une immense inspiration et s’accroupit devant sa fille ; et posa ses mains sur ses épaules, encore, et la regarda droit dans les yeux.

- Ecoute Tea, tu es adorable, vraiment, tu ferais le bonheur de tous les papas du monde. Mais tu ne dois pas chercher à jouer le rôle d’une adulte, d’accord ? Durant les vacances tu dois te détendre et t’amuser. C’est à moi de vous nourrir tous. Toi tu as juste à me regarder faire comme tu as toujours fais, d’accord ?

Non, bien sûr qu’elle ne serait pas d’accord. Galatea était têtue comme un dragon. Elle tenait ça de sa mère. Darcy ne laissait jamais rien tomber, quand elle avait une idée en tête ; et c’était sans doute pour ça qu’elle n’était jamais revenue une fois partie. Si seulement elle n’était jamais partie, d’ailleurs… alors probablement que Galatea n’aurait jamais eu toutes ces idées saugrenues.

- Tu n’es pas obligée de remplacer ta maman, d’accord ? osa énoncer Sven. Avec tes frères, oui, tu peux, tu es une grande soeur, tu as le droit de jouer le rôle d’une grande soeur. Mais justement, une grande soeur joue avec ses frères, elle ne travaille pas pour eux, d’accord ? Et puis regarde, si tu ne restes pas à la maison durant les vacances, il va falloir payer une nourrice. Ce serait dommage, non ?

Sven priait pour que ce dernier argument soit assez convaincant. La tristesse des frères, les coûts engendrés, c’était de plutôt bonnes armes, il l’espérait. Etait-il donc un si mauvais père que ça pour que sa propre fille le prenne en pitié et cherche à l’aider à ce point ?

Elle était vraiment têtue, cette enfant, adorablement têtue. Sven avait envie de lui faire un énorme câlin, et lui dire de ne s'inquiéter de rien, et de rester sa petite fille pour toujours. C'était nul que les enfants grandissent. Il ne comprenait pas ça, lorsqu'il était petit et que sa propre mère le lui disait en l’étouffant dans ses bras, mais maintenant qu'il était papa, il pouvait comprendre.

- Tous les enfants de seize ans ne travaillent pas, Tea, enfin. Et tu n'es pas une adulte à seize ans.

Pour ne pas dire "tu ne seras jamais une adulte dans le coeur de ton petit papa". Sven soupira, ébouriffa encore ses cheveux, l'air perdu, l'air désemparé. C'était dur d'être un adolescent, mais c'était difficile aussi d'être parent. On ne pouvait pas protéger ses oisillons toute leur vie, mais on ne pouvait pas non plus les regarder sauter du nid, non ?

- Et puis à seize ans, tu seras toujours à Poudlard. Tu devras travailler dur pour réussir tes examens et devenir une grande sorcière. Tu n'auras pas le temps de travailler. Oublie ça, d'accord ?

Est-ce que l'argent inquiétait cette petite à ce point ? Est-ce que Sven devait songer à trouver un second travail ? Bon, il devrait sûrement dormir encore moins, mais si sa fille, elle, dormait mieux, est-ce que ça ne valait pas le coup ?

- Et comment on partira en vacances si tu travailles ? Ce serait nul sans toi. Myrddin et Percy refuserait de partir si tu ne viens pas.

Bon, pas qu'il soit sûr de pouvoir les emmener en vacances à chaque fois, mais il allait faire de son mieux. Hors de question d'avoir des petits malheureux pour des questions aussi triviales que les moyens financiers. Ils s'en sortiraient, et resterait une famille chaleureuse envers et contre tout.