C'est pas tes affaires - Garfield S. Andersem

Date d'inscription : 14/02/2014

Wendy se laissait entraîner dans des aventures toutes plus effrayantes les unes que les autres. Il était loin, le temps où elle vivait une petite vie tranquille avec sa meilleure amie Juliet, où tout allait bien et rien ne se passait ; depuis le début de l'année, tout son monde avait été secoué sans dessus dessous. Elle s'était disputée avec Juliet, puis elle avait commencé à lui faire des câlins et à lui tenir la main, elle avait reçu une lettre de sa mère où elle la perdait définitivement, une folle avait tenté de la noyer dans les marécages du quatrième étage, et puis elle avait parlé à plein de gens, des grands, et à Alix, et aux professeurs, qui l'impressionnaient, alors qu'auparavant Wendy se contentait de rester avec Juliet. Rien n'était plus pareil, et son existence était plus active et agitée (et stressante) qu'avant. Peut-être que c'était ça, grandir. Elle se demandait quoi faire comme métier dans la vie plus tard. Elle apprenait à danser et à faire de la musique. Et elle s'était même promise de postuler pour une place dans l'équipe de Quidditch. Enfin, on lui avait un peu forcé la main : son amie Alice l'avait poussé à essayer, malgré son manque de confiance en elle, parce qu'elle ne perdait rien à essayer. Wendy savait voler avec un balai, mais elle n'avait pas d'expérience et n'avait que rarement eu l'occasion de jouer au Quidditch, alors elle ne savait pas si ce serait suffisant.

Les essais, ce n'était pas pour tout de suite, ce qui laissait à Wendy tout le loisir de s'inquiéter dans son coin.

Faire du Quidditch, elle en rêvait beaucoup : la petite sorcière avait envie de s'envoler dans les airs, de se disputer le souaffle avec l'équipe adverse, de se serrer les coudes avec ses camarades et d'éviter les cognards avec adresse, et peut-être même de réussir à marquer un but et de s'auréoler de gloire devant tout le stade et Juliet. C'était l'aventure. C'était excitant, c'était dangereux, c'était glorieux, et la petite fille s'imaginait déjà dans son attirail, en train de faire un coucou à sa meilleure amie avant d'aller s'illustrer par son talent dans un match. Wendy la poursuiveuse. C'était agréable comme rêve. Ca aurait fait le plus grand bien à sa confiance en elle. Et Wendy était prête à vivre les réveils tôt le matin et les entraînements sous la pluie hivernale ; elle y aurait mit toute son énergie et en serait revenue fière et fourbue. En plus, elle aurait peut-être réussi à devenir plus proche de Kalev, ou de Wesley, voire même d'Alix, des élèves qu'elle connaissait un peu et qu'elle admirait beaucoup. Peut-être même qu'ils voudraient devenir ses amis.

Seulement voilà, lorsqu'elle n'était pas en train de rêvasser avec un sourire béat dans un coin de la salle commune, la petite fille se mettait à considérer ce que ça impliquait concrètement, et à paniquer. Parce qu'elle n'y arriverait jamais. Parce qu'elle se figeait devant le danger, parce qu'elle ne savait pas si elle avait les réflexes qu'il faut, parce qu'elle n'avait jamais fait de Quidditch en vrai dans la vie, et qu'elle était trop débutante, et qu'elle était trop nulle, et qu'elle allait juste se rendre ridicule devant son idole Alix et la décevoir et lui faire perdre son temps. Et quand elle pensait à tout ça, elle avait juste envie de se terrer dans son lit et de ne plus jamais en sortir, quitte à briser sa promesse, quitte à décevoir tout le reste du monde, quitte à ne plus voir personne même Juliet, quitte à, non, quand même, elle ne pouvait pas faire ça.

Et puisqu'elle ne pouvait pas se défiler, il ne lui restait plus qu'une solution : la fuite en avant. Puisqu'elle était forcée d'essayer, autant y aller à fond, mettre toutes ses chances de son côté, et profiter du temps qu'il lui restait pour s'entraîner au maximum, et devenir une bonne poursuiveuse, une qui ne se couvrirait pas de honte devant tout le monde, et qui ferait honneur à l'équipe et à sa maison. La perspective effrayait beaucoup la petite Poufsouffle, et elle ne s'y résolvait que parce que les autres options qu'elle avait étaient pire encore. En plus, comme elle ne savait pas comment s'y prendre, ça voulait dire qu'elle devait demander de l'aide à quelqu'un qui savait jouer au Quidditch, donc à un membre de l'équipe, et ça aussi, ça lui faisait peur. Elle était devenue bien mouvementée, sa vie.

Wendy n'était pas courageuse, et il lui avait fallu beaucoup de temps pour oser demander de l'aide à quelqu'un. Elle aurait bien parlé à Wesley, mais il avait l'air terriblement occupé ; elle aurait bien parlé à Kalev, mais elle n'arrivait pas à le trouver ; elle aurait bien parlé à Alix, mais en fait non, demander des leçons de Quidditch à Alix, c'était vraiment trop intimidant. Mais il y avait Garfield. Il était gentil, quoiqu'un peu bougon, Garfield : il avait bien voulu l'accompagner, elle et toute la bande, Jodie, Juliet et John, partir à la chasse à la licorne alors qu'il n'était même pas cinq heures du matin. S'il avait dit oui pour ça, il allait sûrement dire oui pour le Quidditch.

Fortifiée par cette hypothèse, Wendy était venue le voir, timidement d'abord, n'osant presque pas le déranger, puis avec plus d'assurance ensuite. Elle avait insisté, un peu, elle l'avait regardé avec les mains en prière et des étoiles dans les yeux, elle avait beaucoup dit s'il te plaît, et il avait cédé. Il lui avait dit d'accord pour jouer au Quidditch avec elle et lui montrer en quoi consistait le rôle de poursuiveuse, même si lui, il était attrapeur, et que ce qu'il avait l'habitude de faire, c'était de rester en-dehors de l'action pour chasser le vif d'or.

Ils avaient eu la chance d'avoir le terrain à eux lors du rendez-vous qu'ils s'étaient fixés, et Garfield lui avait montré toutes les situations que pouvait vivre un poursuiveur lors d'un match. Wendy s'était appliquée. Elle avait suivi toutes ses instructions, elle avait fait de son mieux, elle avait fait des passes avec la balle, elle avait essayé de marquer des buts, elle ne savait pas si elle s'en était bien sortie, elle avait probablement fait mieux qu'elle ne le pensait, peut-être, ce n'était pas sûr : Garfield n'était pas du genre à bruyamment féliciter ses réussites en lui serrant chaleureusement la main. Mais au moins, la petite fille savait quoi faire pour s'entraîner toute seule et devenir meilleure au Quidditch et noyer ses appréhensions dans le travail.

C'était assez pour aujourd'hui. Les deux Poufsouffles avaient finalement mit pied à terre, et avaient entrepris de ranger tout l'équipement. Wendy en avait encore pour un moment à se débarrasser de tout l'attirail qui la protégeait – elle avait elle-même insisté pour porter la panoplie complète du joueur de Quidditch, au cas où elle aurait besoin de connaître ça ; et maintenant, elle se rendait compte qu'elle allait mettre du temps à s'en défaire. Mais ce n'était pas grave. Avec un peu de chance, elle arriverait à retenir Garfield, et à discuter avec lui, et à subtilement lui poser toutes les questions qu'elle pouvait avoir sur la sélection des candidats et la vie de l'équipe de Quidditch et tous ces sujets qui la préoccupaient tout le temps, sans qu'il ne se rende compte de rien.

Parce qu'elle ne lui avait pas avoué qu'elle voulait rejoindre l'équipe des Poufsouffles.

Il devait s'en douter, en fait. Une fille qui vous supplie de lui donner un cours de Quidditch, qui demande à connaître tous les détails du poste de poursuiveur, qui s'acharne à faire et à refaire toutes les figures qu'on lui montre pour les réussir aussi bien que possible, et qui fait tout ça « parce qu'elle aime bien le Quidditch », personne n'y croyait vraiment. Mais Wendy n'osait pas lui avouer ses ambitions (rien qu'insister et le tirer jusqu'au terrain de sport, ça lui demandait des réserves de courage qu'elle n'imaginait même pas avoir). Dès qu'il le saurait, il lui rirait au nez, elle en était sûre, et il aurait raison, parce que c'était prétentieux de sa part, et naïf, de croire qu'elle avait une chance. Alors elle n'avait rien dit. Il fallait qu'elle réussisse à le faire parler sans amener la discussion sur elle.

« Merci pour ton aide. » commença-t-elle vaguement, tout en commençant à se défaire de son attirail.

Elle ne le connaissait pas beaucoup, Garfield, en fait. Il avait deux ans de plus qu'elle, il avait une sœur à Serpentard qui s'appelait Zelda et qu'elle n'avait probablement jamais vue, et il ne s'intéressait pas vraiment aux mêmes choses qu'elle, donc ils n'avaient jamais beaucoup discuté jusque-là. Il était proche de Jodie et de Victoria, qu'elle connaissait bien mieux, mais ces derniers temps quand Wendy essayait de leur parler de lui, la discussion s'arrêtait net, avec un certain froid, comme si c'était plutôt un sujet à éviter. Elle avait entendu dire qu'il sortait avec Victoria, mais il avait embrassé Jodie le jour où ils étaient tous ensemble allés chercher des licornes, et il était allé au bal avec une autre fille, Evelynn. C'était compliqué. La jeune fille en avait surtout retenu que les histoires d'amour, c'était difficile à expliquer, et que ce n'était pas un sujet dont on voulait lui parler (probablement parce qu'elle était trop petite). Du coup Garfield lui paraissait bien mystérieux, une sorte de chevalier servant sombre et tourmenté qui charmait toutes les filles (sauf elle, parce que Wendy avait toujours du mal à trouver les garçons intéressants). Du reste de sa vie et de ses intérêts, elle ne savait rien. Wendy aurait bien aimé mieux le connaître. Mais elle ne savait pas trop par quoi commencer.

« Alors … Pourquoi tu es rentré dans l'équipe de Quidditch, au fait ? Tu voulais impressionner quelqu'un ? Tu as fait comment ? »

Wendy lui fit un grand sourire chaleureux. Parler d'une des rares choses qu'ils avaient en commun, c'était une bonne idée. Comme ça, elle allait pouvoir obtenir toutes les réponses qu'elle voulait, et le faire parler de lui en même temps. La jeune sorcière trouverait bien le moyen d'en apprendre plus sur ce qu'il aimait, et ceux qu'il aimait aussi.

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Garfield avait été surpris de voir quelqu'un lui demander de l'aide pour s'entraîner au Quidditch. Sa première réaction avait été de l'ordre de « Mais, je suis attrapeur... », parce qu'il n'avait pas vraiment l'habitude de se mêler aux autres joueurs. Pourquoi ne pas demander à Alix, qui connaissait chacun des rôles, ou simplement aux poursuiveurs ? Il avait un peu souri, incrédule devant la détermination de Wendy. Peut-être qu'elle s'adressait à lui parce qu'il avait l'air moins occupé que les autres, ou qu'il était plus proche d'elle en âge ; Victoria était plus proche encore, mais elle avait annoncé son désir de quitter l'équipe. Encore un truc compliqué.

Il avait accepté sans trop se faire prier, malgré son énorme flemme. Jouer était toujours fun, quelle que soit la place qu'on occupait, quoiqu'il appréhende un peu de faire le gardien pour entraîner Wendy ; quand il jouait avec son frère, sa soeur et les voisins pendant l'été, c'était le rôle auquel on ne le mettait jamais, vu sa propension à se prendre le souaffle dans la tête. Évidemment, ça, il n'allait pas le dire à son élève. Et puis, il s'était certainement beaucoup amélioré, avec les entraînements, tout ça.

Effectivement, en sortant de la séance, il pouvait affirmer que ça allait beaucoup mieux. Et que, même si Wendy était toute petite, elle ne se débrouillait pas mal. C'était un peu perturbant d'ailleurs, cette sensation d'être le « grand » dans l'histoire. Il était rentré dans l'équipe de Quidditch à quatorze ans, et il était de loin le plus jeune à cette époque, avec la moitié de ses coéquipiers qui le prenaient pour un bébé, le petit frère de Zelda. La poussée de croissance qui était intervenue entre-temps avait corrigé une partie du problème, mais il se rendait en plus doucement compte qu'il était passé dans les « anciens » de l'équipe. C'était une impression entre la fierté et un vague pincement au coeur en songeant à tout ce temps écoulé.

L'entraînement n'avait pas été particulièrement éprouvant, aussi Garfield se contenta-t-il de s'asseoir sur le bord du terrain pour défaire patiemment toutes ses protections plutôt que de se laisser tomber dans l'herbe comme un chien hors d'haleine comme à la fin des vrais entraînements. C'était plutôt reposant, dans le fond. Il répondit aux remerciements de son élève par un haussement d'épaule et un sourire, tout en s'attaquant aux lacets bien serrés d'une jambière. Il portait toujours son équipement au complet, et était particulièrement méticuleux lorsqu'il l'enfilait, afin de réduire au maximum les chances de blessures.

« Tu te défends pas mal. »

Il ne savait même pas comment tourner les éloges qu'il aurait voulu exprimer, pour ne pas sembler hautain ni en faire trop. Il était maladroit, mais sincère, c'était déjà ça. Il y eut un moment de silence, pendant lequel il vérifia que la clef de l'armoire à équipements était toujours dans sa poche, et c'était heureusement le cas. S'il la perdait, ce serait un sacré problème pour toute l'équipe.

Garfield releva un peu le nez lorsqu'il entendit une série de questions, plutôt hésitantes. Elle était choupinette, la petite. Et, il fallait bien le dire, c'était le genre de questions qui étaient plutôt agréables, dont les réponses permettaient d'étaler son expérience ; c'était toujours valorisant. Il délaissa les lacets récalcitrants de sa jambière pour s'asseoir simplement en tailleur, un exploit avec la rigidité des protections attachées sur ses jambes.

« Je suis rentré dans l'équipe parce que j'aime jouer au Quidditch, bêtement. »

C'était la raison la plus simple du monde : il avait toujours adoré le jeu, aussi bien les parties jouées avec les enfants de son entourage dans le jardin familial que les matchs officiels que son frère et lui étaient allés voir en quelques occasions.

« La place d'attrapeur s'est libérée quand j'étais en quatrième année, j'ai passé les sélections en n'y croyant pas trop et puis... voilà. »

Il s'était attendu à ce qu'on l'éjecte tout simplement parce que, pour un attrapeur, il n'avait pas vraiment une bonne vue, comme en attestaient les lunettes qu'il venait de remonter sans même s'en rendre compte.

« C'est pas vraiment que je voulais impressionner quelqu'un, juste... Jouer, je crois ? »

Bon, d'accord, il avait un peu voulu montrer à Zelda qu'il était tout à fait capable de faire quelque chose de cool. Il se tourna un peu vers Wendy.

« Pourquoi ces questions ? »

Il se doutait un peu, à vrai dire, des intentions de la jeune fille. Et, même s'il n'était pas très fin à ce niveau, il n'avait pu que remarquer la manière dont Wendy et sa meilleure amie se comportaient l'une avec l'autre, alors s'il était question d'impressionner quelqu'un, il se doutait même de qui. Ou alors, c'était peut-être que les histoires de Jazzie lui montaient à la tête, c'était une autre possibilité.

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Tu te défends pas mal, et un sourire, c'était tout ce à quoi elle avait droit. Elle ne savait pas trop quoi en penser. Tout le monde se défendait pas mal, en un sens, c'était un peu vide comme phrase, c'était un gentil compliment passe-partout, ça voulait dire que ce qu'elle faisait, c'était correct, sans plus. Mais en même temps Garfield n'était pas très expressif. Peut-être que c'était une grande marque d'appréciation venant de sa part. Wendy aurait bien aimé réussir à l'impressionner, faire bonne impression face à un vrai membre de l'équipe de Poufsouffle, et se rassurer elle-même sur ses chances dans la foulée. Là, elle n'était sûre de rien, et il était même possible que Garfield la trouve un peu médiocre, comme joueuse. Wendy n'allait pas se laisser démoraliser, mais elle était tout de même un peu déçue, même si elle se rendait bien compte qu'elle rêvait beaucoup et que ses espoirs étaient un peu démesurés.

Garfield avait l'air tout à fait disposé à discuter avec elle : il accueillit ses questions avec plaisir, en s'asseyant dans l'herbe. Wendy en fit de même, et défaisait distraitement ses protections tout en écoutant attentivement ses réponses.

Il était dans l'équipe parce qu'il aimait jouer. Il n'avait pas la tête pleine de questions comme elle, il n'était pas animé de mille envies diverses et pas toutes vraiment liées au Quidditch, il aimait jouer et c'était tout. Ca aussi, c'était un peu décevant comme réponse. Il avait du passer toute son enfance à jouer au Quidditch avec ses amis dans le jardin, et devenir très doué très jeune, et l'équipe l'avait probablement sélectionné pour ça, même s'il n'avait pas eu confiance en lui lors des essais. Wendy, elle, n'avait pas pu beaucoup jouer au Quidditch dans sa vie. Elle n'avait pas beaucoup d'amis, et elle passait son temps à regarder les autres voler en rêvassant. Et même maintenant, alors qu'elle commençait vraiment à agir et à s'entraîner, elle pensait à beaucoup d'autres choses, comme impressionner Juliet, ou réussir à faire quelque chose d'impressionnant, ou se rapprocher d'Alix, elle aimait beaucoup jouer au Quidditch mais elle ne pensait pas qu'à ça. Elle n'avait sûrement pas le mental qu'il fallait pour être une bonne joueuse. En fait, Garfield l'avait probablement vu, et le « tu te défends pas mal » ça voulait dire qu'elle n'était pas assez bien pour l'équipe, et Wendy allait se couvrir de honte et de ridicule quand elle tenterait sa chance. Le visage de la petite Poufsouffle s'attrista un peu, et elle baissa les yeux, sans plus trop sourire. Elle essaierait quand même. Mais elle regrettait déjà sa résolution. Tout ceci allait bien mal finir.

Garfield lui demanda le pourquoi de ses questions, et Wendy eut tout de suite un petit rire gêné, relevant la tête, évitant de croiser son regard. Elle ne pouvait pas lui avouer ses ambitions, surtout après sa performance vraiment moyenne à l'entraînement qu'ils venaient de finir. Il fallait lui mentir.

« Mais je suis juste curieuse c'est tout. » débuta-t-elle, hésitante. « J'aime beaucoup le Quidditch moi aussi. » C'était son scénario d'excuse et elle s'y tenait. Wendy ne savait pas mentir de façon convaincante, alors elle faisait de son mieux pour maintenir une histoire simple et crédible, et pour reporter la discussion sur autre chose le plus vite possible. Elle avait d'ailleurs d'autres questions.

« Et tu as eu beaucoup de mal à réussir les sélections ? » demanda-t-elle. « Et tu as pu voir d'autres sélections une fois que tu as été dans l'équipe, ou tu es le dernier membre en date ? Ca se passe comment ? Qui peut venir ? »

Ca, c'était vraiment subtil comme approche, Wendy. Essayant de sauver les meubles, la petite fille rajouta précipitamment :

« Juste pour regarder, bien sûr, hein, parce que j'aime beaucoup le Quidditch ! Je ne compte pas me présenter du tout. Et puis Kalev m'a demandé d'encourager l'équipe, moi et Juliet. » ajouta-t-elle tout aussi hâtivement, heureuse de s'être souvenue de ça à temps. Cette remarque allait sûrement aider Garfield à croire à ses excuses. « Donc je me disais que je pouvais venir observer. Parce que j'aime beaucoup le Quidditch. Voilà. »

Et, soucieuse de ne pas s'enfoncer un peu plus, elle se tut, osant regarder l'attrapeur de Poufsouffle, visiblement mal à l'aise. Garfield était probablement en train de se poser des questions. Elle espérait juste qu'il ne se moque pas trop d'elle une fois qu'il aurait deviné. Wendy s'imaginait déjà le grand Poufsouffle raconter aux autres membres de l'équipe l'entraînement impromptu qu'il avait fait avec une petite fille médiocre, et ils s'en amuseraient tous, même Kalev, même Alix, et ils l'attendraient tous avec le sourire aux lèvres le jour des sélections. Mais Wendy allait quand même essayer.

Elle restait assise dans l'herbe comme ça. Merlin, faites qu'il ne se mette pas à rigoler. Elle en oubliait même de défaire son équipement.

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Ah, elle était juste curieuse. Garfield haussa les épaules, pas spécialement convaincu. Sauf peut-être d'une chose ; même les filles toutes jeunes étaient compliquées. Apparemment, l'entièreté de la gente féminine échappait complètement à son entendement. Elle avait le minois un peu froissé, comme s'il avait dit un truc de travers, et il n'avait pas la moindre idée de quoi. La différence par rapport aux moments compliqués qui lui tombaient dessus régulièrement, c'était que Wendy n'avait pas son âge. Elle était toute petite. C'était, quelque part, plus facile à gérer, parce que ça lui évitait de bafouiller comme une andouille, mais il s'avérait qu'il devait quand même marcher sur des oeufs. Pour le coup, il ne savait même pas lequel il avait écrasé.

Autant répondre aux questions qui venaient, sans faire mine de se préoccuper de ce qui la tracassait. C'était une fille, même en format de poche. S'il lui demandait ce qu'il avait fait de mal, elle allait dire 'rien', il allait insister, et ça allait faire une catastrophe. Il n'avait rien vu, voilà tout.

« Eh bah... Il n'y avait pas grand monde qui voulait le poste d'attrapeur je crois. » Il grimaça un peu. « C'est un peu... l'attire-cognard de service. Y avait pas beaucoup de concurrence. Les gens ont un peu peur de l'infirmerie. »

Garfield devait être le seul cinglé à placer un minimum de confiance en Absynthe. Après tout, pour les nombreuses visites qu'il lui avait déjà rendues, il était toujours entier ; c'était un signe, non ? En plus, aussi peu doué que soit l'infirmier, si quelqu'un croyait en lui et lui permettait de faire son job sans stresser ni hurler à la mort, il finirait forcément par s'améliorer.

« Je suis pas le dernier arrivé, en fait je suis dans les plus anciens. Y a souvent du changement dans l'équipe, parce que certains joueurs arrêtent avant la fin de leurs études, même si je comprends pas trop pourquoi. La plus ancienne c'est Alix – normal, c'est la capitaine -, Kalev était là aussi avant moi... J'ai vu les sélections pour tous les autres. »

Dit comme ça, ça faisait un peu bizarre. Tout avait pas mal changé. Ce n'était plus la même capitaine, et il n'était plus considéré comme le bébé de la troupe. A son arrivée, ça lui avait fait grincer les dents de se voir pouponné parce qu'il était « le petit frère de Zelda » et pas grand chose d'autre.

« Y a une date qui est fixée, et tous les Poufsouffles peuvent se présenter à partir de laaa... deuxième année, je crois ? Deuxième, troisième, je sais plus. Moi j'étais en quatrième. Faut s'inscrire sur une liste dans la salle commune, sur le panneau d'affichage, et quand on t'appelle y a une série de petites épreuves, et voilà. »

A vrai dire, il n'avait pas trop fait attention à la manière dont Alix gérait les choses puisqu'en tant qu'attrapeur, il était plutôt mal placé pour juger les performances des autres joueurs. Il donnait son avis quand on le lui demandait – avec fierté, même – mais les détails pratiques étaient peut-être complètement différents ; enfin bon, c'était ce dont il se souvenait, Alix n'avait probablement pas révolutionné le système.

Il y eut un rayon de soleil un peu plus chaud, et il se laissa tomber en arrière dans l'herbe, les bras croisés sous sa tête. Tant qu'à faire de papoter, autant être bien. Il ferma les yeux. Il n'était pas vraiment étonné d'entendre que Kalev recrutait des supporters, et il se sentit sourire.

« Tu sais, t'es à peu près aussi douée que moi pour raconter des salades. »

Aussi subtile, aussi. Il était un peu moqueur, mais c'était gentiment. Il n'avait aucune intuition, alors pour qu'il comprenne, Wendy était vraiment transparente, exactement comme Garfield l'était la plupart du temps. C'était quelque chose qui l'énervait beaucoup, alors avoir l'occasion de le faire remarquer chez quelqu'un d'autre, c'était plutôt agréable.

« Si t'as envie de te présenter tu peux y aller, t'as pas mauvaise ! »

Il ne savait toujours pas comment tourner ça, mais c'était sans doute déjà mieux que la première tentative.

« Tu aurais tes chances, et t'as encore un peu de temps pour t'entraîner. Et si tu étais pas prise, bah... Tu aurais encore plus de temps pour t'entraîner pour les sélections suivantes. »

S'il s'était retrouvé dans le cas de ne pas être pris, il aurait probablement envoyé son poing dans un mur qui n'avait rien demandé à personne, et il n'aurait jamais osé se présenter aux suivantes. Mais bon, ça, il n'était pas forcément obligé de le dire.

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Garfield continuait de répondre gentiment à ses questions comme s'il n'avait rien remarqué. Wendy pouvait se détendre un petit peu. Elle savait qu'elle était une très mauvaise menteuse, et elle se doutait bien que le grand garçon se faisait des idées, s'il n'avait pas déjà compris, vu comment il l'avait regardée. Il n'était sûrement pas bête et naïf au point de croire à ses excuses. Mais il avait décidé de faire comme si de rien n'était. La petite sorcière pouvait continuer son interrogatoire et s'occuper des conséquences de son audace quand elle lui tomberaient dessus, c'est-à-dire plus tard.

Elle allait quand même faire un effort pour être un peu plus subtile à l'avenir.

Garfield lui expliquait qu'il avait eu le poste d'attrapeur un peu par défaut, parce que personne ne voulait le poste à cause des cognards. Ah oui, les cognards. Pendant quelques secondes toutes les inquiétudes de Wendy furent remplacées par une autre : à quel point ça faisait mal, un cognard ? Elle n'avait pas envie de finir à l'infirmerie et que l'assistant se trompe de potion, comme il l'avait fait par deux fois déjà, une fois pour Juliet et une fois pour Wendy, parce qu'elles avaient attrapé la varicelle du dragon à tour de rôle. Et puis la petite fille se souvint qu'elle voulait être courageuse et qu'elle n'avait pas peur d'une stupide baballe, hein, et qu'elle avait vécu pire déjà. Si elle devenait membre de l'équipe, elle survivrait aux cognards. Et puis de toutes façons ce n'était pas sûr qu'elle devienne membre de l'équipe, parce qu'elle était vraiment médiocre, après tout … En fait, Wendy n'avait probablement pas à s'en inquiéter, parce qu'elle ne s'approcherait probablement jamais d'un cognard de sa vie.

Au vu des explications de l'attrapeur des Poufsouffles, qui avait vu beaucoup de sélections, elle avait l'âge requis pour s'inscrire, et elle allait devoir passer beaucoup d'épreuves probablement très difficiles, parce que c'était Alix la capitaine, et les jaunes les meilleurs, et qu'il ne fallait pas que les nouveaux fassent retomber le niveau de l'équipe. Wendy prenait des notes mentalement. Elle n'avait au final pas grand-chose à faire. Pas de paperasserie administrative à remplir, pas de professeur à aller voir, pas de recommandation à fournir au capitaine, rien. Il fallait juste qu'elle écrive son nom sur un papier dans la salle commune, afin que tout Poufsouffle soit au courant de ses projets, et qu'elle se présente et se ridiculise. Enfin, qu'elle se présente et qu'elle tente de se qualifier. Elle allait le faire.

Elle allait le faire et elle était en train de s'encourager à persévérer dans ses entraînements et dans sa décision quand Garfield se mit à parler de l'éléphant dans la pièce. Il avait tout compris, depuis le début. Il savait que Wendy lui mentait – et elle mentait aussi mal que lui – et il avait deviné qu'elle voulait se présenter.

La petite sorcière se sentit rougir jusqu'au bout des oreilles et se mit à balbutier quelque chose d'inintelligible pour essayer de cacher le ridicule de ses projets.

« Mais oui mais non, c'est pas du tout ça, je veux dire, je vais me présenter, je, je veux dire, je, enfin ... »

Et puis elle abandonna. De toutes façons Garfield n'avait pas l'air de la trouver médiocre, et il était en train de lui dire qu'elle avait ses chances. Elle ne savait pas trop s'il faisait ça pour l'encourager, ou s'il le pensait vraiment – mais il devait être sincère, parce qu'il avait l'air à peu près aussi peu doué qu'elle pour dire des choses qu'il ne pensait pas vraiment tout en restant crédible. En tous cas, il n'avait pas l'air de penser qu'elle était ridicule de vouloir se présenter, et il n'avait pas l'air de vouloir se moquer d'elle.

C'était rassurant, un peu. Mais Wendy n'était pas aussi sûre d'elle-même. Elle baissa les yeux, et se mit à triturer les lacets de ses jambières, moins rougissante qu'avant mais toujours aussi gênée.

« Tu es sûr ? » finit-elle par demander d'une petite voix. « Je veux dire, j'aime bien le Quidditch, mais je n'en ai presque jamais fait. Et je ne suis pas très grande non plus et vous devez avoir plein d'expérience, même si on m'accepte dans l'équipe je vais juste gêner tout le monde. J'ai bien envie de faire du Quidditch. Mais je ne sais pas … Je ne suis pas si douée que ça. Et puis ... »

Et puis tout le monde avait l'air d'aimer le Quidditch pour le Quidditch, dans l'équipe, et les motivations de Wendy étaient plus diverses, plus éparpillées, moins centrées sur le sport en lui-même. Elle s'imaginait toute l'équipe en train de courir dans la joie et la bonne humeur le petit matin, elle s'imaginait Garfield et tous les joueurs impatients de bondir hors de leur lits pour aller s'entraîner pendant que le soleil et le reste de l'école dormaient encore, et elle, elle allait faire tâche au milieu de tout le monde. Oh, Wendy allait courir et se lever tôt sans aucun problème, mais pas pour les bonnes raisons. Si on l'acceptait dans l'équipe, on allait accepter un imposteur. Toute l'équipe allait penser au match à venir sauf elle qui allait penser à Juliet. C'était sûrement très mal et indigne d'un bon joueur de Quidditch, et la petite Poufsouffle n'avait pas envie d'arriver encore en-dessous de ce qu'on attendait d'elle. C'était une mauvaise idée que de se présenter aux sélections. Mais elle avait fait une promesse.

« Et puis, j'ai envie de faire du Quidditch parce que j'ai envie de, enfin ... » Wendy avait essayé d'avouer ses intentions à Garfield et n'y arrivait pas. « J'aime beaucoup le Quidditch, et c'est chouette d'en faire et de voler dans les airs et tout, je veux dire, mais je voudrais aussi … être dans l'équipe et l'impressionner, les gens, impressionner les gens je veux dire. » A force de marmonner des débuts d'explication sa langue avait fini par fourcher, mais de toutes façons elle avait honte de ce qu'elle avait dit. Elle n'avait pas des motivations respectables comme celles de Garfield. Wendy replia ses genoux contre elle et n'osait plus trop regarder l'attrapeur.

« Et c'est pas bien, je sais, mais j'ai fait une promesse. Je dois me présenter. » conclut-elle, un peu pitoyablement. Puis elle se tut. Il n'y avait rien à rajouter. Wendy n'avait pas la motivation qu'il fallait, et elle avait un peu honte d'elle-même.

HRP:

Date d'inscription : 13/09/2013

Rolala. Tout ça avait l'air bien compliqué. Garfield avait déjà maintes fois prouvé que son expertise en gestion de problèmes plus ou moins émotionnels était complètement nulle. Il soupira profondément, en se demandant pourquoi ça tombait sur lui. D'un côté, bon, c'était un signe d'espoir, si Wendy lui racontait sa vie c'était sans doute qu'il n'avait pas une réputation aussi horrible que celle qu'il imaginait. Ou alors, elle était complètement folle. Il ne la connaissait pas assez pour écarter complètement cette possibilité.

Quelque part, il comprenait, même si admettre l'empathie ne faisait pas tellement de bien à sa propre estime personnelle. Elle était morte de peur, la petite. Il passait une bonne partie de son temps à être mort de peur pour plein de choses, mais il était un mec. Il n'allait pas s'asseoir à côté du premier venu pour lui raconter en tremblotant qu'une fille lui plaisait mais qu'il se demandait s'il parviendrait à lui dire un jour et si, le cas échéant, il n'allait pas se manger la baffe de sa vie. Baffe qu'au demeurant il aurait méritée.

Ce n'était pas vraiment qu'il se dise que Wendy n'aurait pas dû vider son sac – c'était une fille, elle pouvait sans honte -, c'était plutôt qu'elle aurait dû le vider chez quelqu'un d'autre parce que lui était vachement nul, voilà. Est-ce que ça passait s'il l'envoyait parler à quelqu'un d'autre ? Kalev était certainement beaucoup plus qualifié. Non, ça ne passait pas. Prends tes responsabilités d'aîné, crétin, surtout après lui avoir fait cracher le morceau.

Il y eut un silence après que Wendy ait fini de parler, le temps que Garfield connecte ses neurones, son bon sens et son tact. Les branchements étaient compliqués, sur des zones aussi atrophiées.

« L'impressionner, hein ? », fit-il en regardant toujours le ciel. C'était plus facile. « Y a pas vraiment de mauvaise raison de jouer au Quidditch, tant que tu fais de ton mieux. Si tu te plantes aux entraînements en faisant tout ce que tu peux, personne ne t'en voudra, c'est si tu tires au flanc que t'as des ennuis. Même si bon, à Poufsouffle, c'est un peu le sport national, tirer au flanc. »

Certains d'entre eux étaient des bosseurs, qui faisaient tourner l'équipe et qui forçaient les autres à s'y mettre. Pas Garfield. Il faisait partie de ceux à qui il fallait botter le fion. Mais ça non plus, il n'était pas obligé de le dire.

« Et puis en match y a tellement de stress que généralement t'as pas la possibilité de penser à autre chose qu'au jeu. Enfin si tu veux impressionner quelqu'un, mieux vaut pas te planter. De toutes façons, tu bouges tellement que pour voir quelqu'un dans les tribunes c'est coton, tu verras ce qu'elle en pense après. Le côté chaud du truc c'est quand la personne que tu zyeutes est sur le terrain mais bon... C'pas ton cas, hein ? »

Je sais que tu sais que je sais. Ou, plus réalistement, je vais à la pêche aux indices pour ne pas trop merder si je ne sais finalement pas. Tout en subtilité. Même s'il ne devrait pas s'aventurer sur ce terrain-là. Oh well. Victoria était sur le terrain, hein. Il sentit une vague familière de culpabilité monter, et il essaya de l'étouffer au plus vite.

« Dans tous les cas, même si t'as promis de te présenter, ça veut pas dire que tu vas être prise. » ... Nope. Trop brusque. Il finit enfin par la regarder au lieu de compter les nuages, vaguement paniqué. « Enfin euh, je veux dire, euh. C'est des sélections ? T'as tes chances mais voilà, te présenter ça coûte rien ? Si tu flippes après tu peux toujours te rétracter. C'est ça que je veux dire. »

Autant pour son air assuré. Fifi étalait de nouveau tout son côté boulet au grand jour.

Date d'inscription : 14/02/2014

Wendy se mit à rougir comme une tomate. Elle n'avait fait que parler des raisons qui la poussaient à se présenter comme poursuiveuse au Quidditch et voilà que Garfield ne faisait plus que souligner son lapsus, lui parler de celle qu'elle avait envie d'impressionner, comme si tout ça l'amusait beaucoup. Mais ce n'était pas le sujet! Wendy, elle était là pour parler Quidditch! Et puis d'abord, comment savait-il qu'elle voulait impressionner une autre fille? Et qu'elle n'était pas dans l'équipe non plus? Est-ce que c'était si ridicule de vouloir impressionner sa meilleure amie? Il n'y avait pas à en faire toute une histoire! Franchement.

Wendy triturait nerveusement les lacets de ses chaussures, tirant dessus du bout des doigts sans arriver à rien, pendant que Garfield contemplait le ciel - les deux prenaient soin d'éviter le regard de l'autre.

Au moins l'attrapeur des Poufsouffles avait-il pris soin de répondre à toutes ses inquiétudes. Il n'y avait pas de mauvaise raison de jouer au Quidditch. Personne ne lui en voudra si elle n'arrivait à rien malgré son acharnement au travail. Il lui donnait peu à peu confiance en elle, et lui donnait envie de se présenter. Wendy avait moins peur au ventre. Elle était juste beaucoup plus gênée qu'avant. Et rouge comme une tomate. Et gênée. Pourquoi fallait-il qu'il lui parle de Juliet ?

"Je vais faire de mon mieux pour les sélections," finit-elle par répondre, essayant de se concentrer sur le sujet en cours, le vrai, le Quidditch, "mais si quelqu'un se présente et qu'il est meilleur que moi, c'est normal que je ne sois pas prise. J'espère juste ne pas être trop nulle et ne pas ralentir l'équipe." avoua-t-elle.

C'était après tout l'une de ses véritables craintes. Plus que de se ridiculiser en public, plus que d'embêter toutes les personnes qu'elle admirait, Wendy avait peur de faire perdre Poufsouffle parce qu'elle était trop nulle. Elle ne voulait pas décevoir Alix. Ni Kalev, qui était toujours très gentil envers elle. Ni Wesley non plus, ni personne. Wendy n'avait pas vraiment confiance en elle. Elle s'était toujours montrée discrète jusque-là, parce que c'était plus sûr, que c'était mieux pour tout le monde, et elle avait peur de faire une bêtise en se présentant aux sélections. Mais Garfield avait l'air de trouver qu'elle ne jouait pas si mal.

Wendy resta silencieuse pendant un moment, toujours un peu rouge et recroquevillée sur elle-même. Elle se concentra sur sa tenue, qu'il fallait défaire, et qui demandait toute son l'attention. Elle ne pouvait pas faire ça en pensant à autre chose. Il fallait qu'elle se concentre.

"Comment tu sais que je veux impressionner Juliet ?"

C'était parti tout seul. Wendy n'arrivait pas à défaire ses lacets. Cette question qui occupait son esprit n'avait pas pu rester bien gentiment à l'intérieur de sa tête. Et la petite fille se sentit rougir encore plus.

Cette discussion, ça devenait vraiment n'importe quoi. Wendy se sentait encore plus gênée, et elle se sentait un peu en colère. Ce n'était pas drôle. Ce n'était pas le sujet non plus. Pourquoi est-ce qu'il s'amusait à souligner tout ce qu'elle avait laissé échapper, et pourquoi est-ce qu'il voulait tant lui en parler? Elle était sérieuse Wendy. Elle était là pour le Quidditch. Elle savait différencier les moments où elle pouvait s'amuser avec Juliet de ceux où elle allait travailler dur pour être une bonne addition à l'équipe. Et puis comment il savait qu'elle voulait impressionner Juliet d'abord? Son lapsus, il avait été ridiculement obscur! Elle ne les montrait pas tant que ça, ses intentions! Son attachement pour sa meilleure amie n'était quand même pas aussi visible que ça, non? Juliet était sa meilleure amie, c'était tout! C'était normal que les gens aient des meilleures amies! Ce n'était pas si original. Et puis, elle ne voyait pas où il voulait en venir, avec toutes ses remarques. D'abord. Wendy ne voyait pas pourquoi Garfield avait dit tout ça.

Date d'inscription : 13/09/2013

Ces sélections avaient vraiment l'air de la chiffonner. Garfield tourna la tête, pour constater que Wendy était toute rouge, et visiblement nerveuse. Il avait dit à peu près tout ce qu'il savait sur le sujet, il ne savait pas tellement ce qu'il pouvait ajouter pour la rassurer. Rien, sans doute ; elle serait nerveuse jusqu'à être fixée sur les résultats, si elle participait. Il espérait juste qu'elle n'allait pas se dégonfler. Avoir complètement loupé sa chance, c'était pire que d'avoir un retour négatif, il avait appris ça peu de temps auparavant. ... Bon, d'accord, il avait toujours tendance à fuir ou à paniquer, mais il essayait un peu plus. La preuve, il avait réussi à inviter Evelynn à la fête de fin d'année. Il y avait du mieux.

Il sourit un peu, avant de faire un bruit d’acquiescement, signe qu'il avait entendu. Un silence s'installa, que lui percevait comme léger, parce qu'il adorait être à l'extérieur, et par dessus tout, s'étaler dans l'herbe après avoir volé. Elle n'avait pas relevé ses insinuations, signe qu'il ne s'était peut-être pas complètement planté, mais il n'allait pas insister alors qu'elle était toute stressée comme ça. Il ouvrait la bouche pour lui dire de se détendre un peu, quand elle décida finalement de rebondir sur ce qu'il avait dit.

Garfield se redressa sur ses coudes, pour la regarder avec un grand sourire.

« Sérieux ? J'ai bon ? » Il eut un éclat de rire. « J'en savais rien du tout, c'est juste que je te vois jamais qu'avec elle ! Roh je deviens bon ! »

Il avait évidemment l'air atrocement fier de lui, et il avait un peu le droit. Sa capacité émotionnelle avait évolué, de cuillère à café à cuillère à dessert, il y avait de quoi se réjouir. Peut-être qu'un jour il atteindrait la cuillère à soupe. Il tendit une main pour ébouriffer les cheveux de la gamine.

« Tu te fais du mal pour rien. C'est pas grave si t'es am – si tu veux impressionner ta copine. Tu devrais aller voir Jazzie Jones, elle te dira sans doute que c'est super bien. »

Il avait retenu le mot en A de justesse ; lui-même ne voulait pas l'entendre. Si elle allait vraiment voir Jazzie, elle allait probablement être traumatisée à vie, autant ne pas en rajouter tout de suite. Son sourire se fit un peu plus raisonnable.

« Le Quidditch ça marche bien, ça fait de l'effet aux filles apparemment. Enfin, sauf aux filles qui y jouent elles-mêmes je crois. », ajouta-t-il, un peu pensif. « Alix est raide dingue de Light, mais Light sur un balai c'est juste bon pour arroser le terrain de vom- euh. Il aime pas ça. »

C'était de notoriété publique, pas besoin de donner les détails. Surtout dans une phrase pas nécessaire en elle-même, parce qu'il ne pensait pas à Alix à la base, il avait juste ajouté ça un peu trop rapidement. Parce que non, Garfield ne passait pas sa vie à penser à Alix, quelle surprise.

« Enfin. Sérieusement, détends-toi. » Si elle n'avait pas été toute jeune et toute petite, il lui aurait dit de péter un coup, mais bon. « Que ce soit pour les sélections ou pour Juliet. Si tu l'impressionnes pas avec ça, on trouvera autre chose et puis voilà. »

Wendy le faisait se sentir bizarre. Elle le faisait se sentir grand. Petit dernier, il n'avait jamais été le grand frère de personne ; il ne savait pas si c'était super cool d'en avoir soudainement l'impression, ou si c'était super nul de ne plus être le bébé du coin, même après avoir tempêté pour qu'on arrête de le materner. Bah, il s'y ferait sans doute.

Date d'inscription : 14/02/2014

Wendy se figea. De gênée, elle se sentit soudainement vexée, et le rouge sur ses joues n'était pas le même rouge qu'avant. De quel droit Garfield se permettait-il de rigoler ? Ce n'était pas un jeu ! Ce n'était pas une chasse aux indices, une devinette, une blague qu'il fallait comprendre ! Ce n'était pas un exercice à réussir et il n'avait pas à se pavaner d'avoir compris comme ça. Wendy se sentait particulièrement humiliée de voir ses angoisses existentielles trivialisées comme ça. C'était sérieux. Extrêmement sérieux. On ne rigolait pas avec ce sujet-là. C'était de Juliet dont on parlait, tout de même. Il ne comprenait vraiment rien à rien, Garfield.

Et il continuait de lui donner des conseils comme si c'était facile, comme ça, il lui disait de se détendre comme si Wendy prenait trop au sérieux le sujet de sa meilleure amie, il lui disait quoi faire comme s'il suffisait de respecter la marche à suivre, et Wendy se sentait horriblement vexée. Wendy avait envie de casser ce sourire suffisant de son visage. Parce que Garfield était bête, et passait beaucoup de temps à flatter son égo, là, et que ce n'étaient pas ses affaires. Il n'avait pas à mettre son nez là-dedans. Pourquoi est-ce qu'il l'avait fait.

Et puis elle se mit enfin à parler. L'autre ahuri n'avait même pas capté que Wendy était restée crispée tout du long, ruminant sa colère.

« Non mais tu comprends rien du tout, en fait. » fit-elle, d'une voix calme. C'était drôle comment les mots lui venaient facilement. « Juliet c'est juste mon amie. Et c'est vraiment que mon amie. C'est pas comme Jodie pour toi, hein. Je vous ai vu, moi, hein, j'étais là tu sais. Il faut pas trop t'imaginer des choses non plus. Ou l'autre poursuiveuse de Serdaigle que tu emmènes au bal. Et elle en pense quoi Victoria d'ailleurs ? »

Non parce que si en fait, c'était tout à fait ça. Wendy avait la même relation trouble avec Juliet que Garfield avait envers toutes ses amies – si ces filles étaient ses amies. Wendy ne comprenait pas ce qui se passait dans la vie du grand Poufsouffle, mais elle sentait que là, si elle voulait lui faire du mal, elle pouvait essayer d'appuyer sur ce sujet, et voir ce que ça donnait. La petite sorcière ne s'aventura pas plus loin. Enfin, pas beaucoup.

« Parce que Victoria, elle a l'air triste parfois. C'est mon amie aussi, tu sais. »

Juste un peu.

C'était assez ignoble d'utiliser Victoria comme ça, juste pour atteindre Garfield et lui faire du mal, et c'était assez ignoble aussi d'aligner tant de mensonges alors qu'il avait raison. Wendy allait sûrement beaucoup s'en vouloir, après coup – elle n'était pas très gentille, comme fille. Mais elle s'était sentie blessée par la réaction du grand garçon, et elle n'avait pas envie qu'il continue de fanfaronner en décortiquant sa vie comme ça. On ne se moquait pas de Juliet.

Date d'inscription : 13/09/2013

Garfield n'avait rien compris, pour le coup, persuadé d'aider. En percevant l'hostilité de Wendy, il se ferma instantanément comme une huître, serrant les dents. Surtout au vu de ce qu'elle amenait sur le tapis.

D'un côté, il se demandait ce qu'elle avait besoin de ramener tout ça. Elle était une des quelques personnes au courant de tout ce bazar - et encore, personne n'était au courant pour la Saint Valentin, ça faisait un truc en moins - et elle le ressortait apparemment juste pour être désagréable.

Le réflexe sage aurait été de se taire et de hausser les épaules, mais il n'avait que seize ans, et il voyait rouge.

"Je sais pas pour qui tu te prends, mais tu nages dans un déni tellement épais qu'on dirait de la confiture."

Il prit une grande inspiration, fermant les yeux. Il ne devait pas s'énerver sur Wendy, parce qu'il avait probablement dit un truc de travers, même s'il ne savait absolument pas quoi.

"Dans tous les cas, puisque tu veux tellement savoir, c'est terminé, avec Victoria, depuis un bail déjà. Et quoi que ce soit qu'il y ai eu avec Jodie aussi, pour ce que ça peut te faire. Donc j'ai emmené UNE AMIE à ce putain de bal parce qu'il fallait y aller à deux, et t'as fait pareil, alors t'as juste le droit de rien dire. Sauf si j'ai raison et que tu fais l'autruche."

Il était un petit peu de mauvaise foi, certes, mais pas tant que ça. Il s'appliquait tellement à ne pas faire de connerie vis à vis d'Evelynn qu'ils se tourneraient encore autour dans huit ans au moins, et il était hors de question qu'il fasse plus que lui prendre la main avant d'être absolument certain de ce qu'il faisait. Autant dire que c'était pas demain la veille.

"Je fais parfois pas gaffe à ce que je dis, ok, je sais, je suis désolé, même si je sais pas trop pourquoi. Si t'as fini de me pondre une brique et de rajouter ton grain de sel dans des trucs dont t'as pas suivi la moitié, tu peux te barrer, pour moi c'est le même prix. Bon vent. Tous mes voeux pour Juliet quand elle se sera trouvée un copain parce que t'auras été trop stupide pour t'exprimer."

Garfield se laissa retomber dans l'herbe comme une crêpe - énervée, la crêpe - en essayant très fort d'avoir l'air indifférent. C'était un peu raté, au vu des plaques rouges qui grimpaient le long de son cou.

Date d'inscription : 14/02/2014

Wendy se recroquevilla sous les remontrances de Garfield. Il ne lui disait rien de vraiment méchant. Il n'était même pas en train de dire qu'elle avait vraiment tort. C'était juste que tout dans son ton lui faisait des reproches, et la petite Poufsouffle sentait bien qu'elle les méritait. Ce n'était pas ses affaires. Et en plus, ce qu'elle avait essayé de faire était particulièrement méchant.

Wendy se souvenait de la dernière fois où elle avait agi comme ça. Juliet lui avait parlé du gentil centaure qu'elle avait rencontré dans la salle commune, et, blessée, jalouse, elle avait commencé à lui renvoyer dans la figure tout ce qu'elle pouvait trouver de blessant, de douloureux et de mesquin, elle s'était mise à appuyer là où ça faisait mal, elle s'était montrée injuste et cruelle, parce qu'elle avait eu mal, à cause de toutes les choses que Juliet lui avait innocemment dites, et elle avait voulu lui faire tout aussi mal. Wendy avait été odieuse.

Ca s'était passé l'année dernière. Wendy s'était faite la promesse de ne jamais recommencer, et voilà qu'elle venait de briser cette promesse. Garfield avait été blessant. Il était parti à la pêche aux informations, il avait voulu jouer à savoir, et puis une fois qu'il avait compris que ses suppositions était bonnes, une fois que Wendy, gênée, avait candidement démasqué ses intentions, il avait traité ça comme une sorte de petite victoire personnelle, il s'était mis à rire, il avait fanfaronné sa réussite mais tout ça, ce n'était pas juste une médaille de plus à collectionner. C'était un sujet sérieux. Ce n'était pas drôle, c'était très important, c'était très grave, et Wendy s'était sentie très humiliée de voir ses sentiments réduits à, à ça, elle n'arrivait même plus à trouver ses mots, elle n'arrivait même pas à s'expliquer pourquoi, mais le rire de Garfield l'avait blessée.

Et elle avait voulu le blesser en retour. Lui montrer que tout ça, ce n'était pas un petit jeu bien drôle qu'on pouvait faire aux dépends d'autrui. Lui montrer que ces histoires étaient très sérieuses, très sensibles, et pouvaient faire mal quand les gens s'en moquaient. Elle avait réussi. Il était énervé. Et elle avait honte maintenant, parce que c'était minable comme comportement, de retourner ses histoires contre lui, de les traiter comme une arme, un outil, un jouet pour sa gratification personnelle. Garfield avait utilisé son amitié envers Juliet comme un moyen de regonfler sa fierté, mais il ne s'était pas vraiment rendu compte de ce qu'il avait fait. Wendy avait utilisé les amitiés troubles de Garfield comme un moyen de prendre sa revanche, et elle, elle savait ce qu'elle avait fait, et elle savait que c'était vraiment petit. Et maintenant qu'elle l'avait fait, maintenant que l'attrapeur des Poufsouffles était vexé contre elle, Wendy se sentait honteuse, et s'était recroquevillée, les bras entourant ses jambes et la tête enfouie dans ses genoux, n'arrivant qu'à marmonner des justifications bancales.

« Il ne fallait pas rigoler. » faisait-elle d'une toute petite voix qui s'entendait clairement dans le silence du stade de Quidditch. « C'était pas rigolo. Juliet elle est très importante. »

Elle replongea dans le silence. Wendy sentait, au fond d'elle-même, que ce n'était pas assez. Ce qu'elle faisait, c'était juste lui envoyer de timides reproches qui n'arriveraient qu'à souffler sur les braises et continuer la dispute. Garfield avait été blessé lui aussi. Et puis Wendy se sentait mal. Elle n'était vraiment pas gentille comme fille.

Un temps. Il lui en fallait, du courage, quand même.

« Je suis désolée. » finit-elle par lâcher, avant de se taire, et de replonger la figure dans ses genoux.

Date d'inscription : 13/09/2013

Garfield avait bien compris, enregistré le message et pourtant elle continuait ; faiblement, certes, mais c'était extrêmement énervant, d'autant plus qu'il essayait de se calmer pour ne pas faire encore plus de dégâts qu'il n'en avait déjà fait. Il savait qu'il avait un sale caractère, il tentait de le contrer, mais si elle rajoutait de l'huile sur le feu ça allait vite devenir problématique.

Il s'appliquait donc à ne pas répondre, en regardant le ciel comme s'il voulait y mettre le feu, mais ça ne l'avait pas empêché d'entendre. Il ravalait toutes les opinions qu'il avait envie d'exprimer. Juliet était très importante. Sans blague, ouais. Wendy se comportait comme une andouille, et refusait que ce soit souligné. Il voulait bien croire que c'était important, mais jusqu'à preuve du contraire, c'était plutôt positif, il n'y avait pas de quoi se promener avec un balai dans le fion.

Toute cette colère ne pouvait cependant pas durer. Garfield s'énervait plutôt vite, mais tout retombait très facilement ; les mots d'excuse un peu étouffés furent suffisants pour lui arracher un profond soupir, qui évacuait les vexations du même coup. Il se redressa, se sentant fatigué.

« C'pas grave. Torts partagés. »

Il avait la voix un peu ronchon, mais plus agressive. Il soupira encore en voyant la petite roulée en boule à côté de lui. Il fallait qu'un des deux soit raisonnable. Étendant un bras, il le passa autour des épaules de Wendy pour l'attirer légèrement vers lui, lui ébouriffant les cheveux.

« Te fais pas de bile pour ça hein. J'ai été maladroit, t'as été maladroite, ça arrive et voilà. J'ai enregistré le concept. Juliet est très importante. Je ferai attention. »

Il finit par la relâcher, ne voulant pas être trop envahissant, mais elle avait besoin d'un câlin d'après ce qu'il voyait. Elle ne rentrait pas dans la catégorie des gens avec qui il était mal à l'aise, alors il se comportait de manière bien plus libre dans ses mouvements, malgré les éclats de voix. Il posa ses coudes sur ses genoux, après avoir cueilli un brin d'herbe histoire de s'occuper les mains.

« Mais tu sais. Même si je suis pas doué, si t'as besoin d'en parler, je suis là. Je peux sans doute pas vraiment t'aider, mais je sais écouter, et me taire après. Parfois, ça fait du bien de raconter. »

Lui adressant un sourire léger, il haussa un peu les épaules avant de reprendre.

« Comme tu veux hein. Maiiis. T'as l'air un peu. Assise entre deux chaises ? J'peux me tromper hein, mais ça doit pas être le genre de feelings dont tu peux parler directement avec Juliet – t'énerve pas, je sous-entends rien, j'ai compris, c'est ton amie, mais si elle est si importante... Tu peux pas vraiment ouvrir le débat sur le sujet avec elle. Enfin c'est gênant, je crois. Du coup voilà. »

C'était une main tendue, sans insistance. Elle pouvait juste décliner et la conversation passerait à autre chose.

Date d'inscription : 14/02/2014

Wendy prenait un air boudeur, laissant Garfield lui faire un câlin et lui ébouriffer les cheveux. A vrai dire, ça ne la dérangeait pas. Elle était plutôt contente qu'il ne lui en veuille pas, et elle était d'accord avec lui – ils avaient eu tous les deux tort, ils s'étaient tous les deux excusés, et c'était bien. La petite Poufsouffle se détendait un peu. Elle avait rallongé ses jambes sur l'herbe, et serrait ses deux bras contre elle. Si elle ne souriait pas, toujours un peu rougissante avec le regard par terre, c'était surtout parce qu'elle ne savait pas quoi faire d'autre.

« Juliet, elle est très importante. » commença-t-elle stupidement, comme pour essayer d'avancer une explication. Ou faire quelque chose. Wendy sentait qu'il fallait qu'elle fasse quelque chose. Elle ne pouvait pas rester là sans rien dire.

Mais quoi ? Est-ce qu'elle avait vraiment envie de parler de tout ça à Garfield ? Garfield était maladroit, et il ne comprenait rien aux filles, et à l'amitié des meilleures amies, qui était quelque chose de très sérieux et de très compliqué. Et puis Wendy ne savait même pas ce qu'il y avait à dire dessus. Elle était elle-même un peu perdue. Juliet était la personne la plus importante de sa vie. Juliet était un peu toute sa famille. Elle avait bien un papa, mais son papa ne vivait plus avec elle, il vivait dans son monde. Juliet, elle, passait tout son temps en compagnie de Wendy, et rayonnait de joie, faisant briller ses journées avec son sourire. Juliet savait toujours quoi faire pour remonter le moral de Wendy. Juliet était magnifique. Et très jolie. Et parfaite.

« Tu as déjà eu une meilleure amie ? » continua-t-elle. « Ou, enfin, un meilleur ami ? »

Un silence.

« C'est pas la même chose qu'avoir juste une amie. Pas du tout. Mais je ne suis pas amoureuse d'elle non plus. » Pas comme ça. Wendy ne savait pas où elle en était. Garfield avait été blessant, à parler du copain qu'aurait Juliet un jour, à lui dire qu'elle nageait dans le déni – le déni de quoi de toutes façons – et à lui expliquer qu'elle faisait l'autruche. Wendy serra les poings, et se mordit les lèvres, tentant de ravaler une vague de colère et de jalousie. Elle n'avait pas envie que Juliet tombe amoureuse, en fait. Ni d'un sorcier ni d'un centaure.

« Elle est juste très importante. Elle est ma famille. Elle est ma meilleure amie. Et je veux qu'elle soit heureuse et qu'elle me trouve chouette, parce qu'elle est super chouette, Juliet. Tu l'as vue, c'est celle qui est toujours contente dans la salle commune, qui a plein d'animaux, qui est amie avec tout le monde, qui est gentille et qui aide, elle est parfaite Juliet. » Et Wendy … Wendy n'avait pas vraiment confiance en elle. Wendy n'était pas parfaite.

« Et c'est même pas à elle que j'ai fait une promesse. C'est à mon amie qui voulait me prouver que je pouvais y arriver. » Wendy se sentait de plus en plus stupide. Ce n'était pas vraiment facile, d'avoir des amis et de s'en montrer digne. « Je tiendrai ma promesse. »

« C'est pas pour Juliet que je veux faire du Quidditch. Juliet elle a peur sur un balai de toutes façons. » avoua-t-elle finalement, comme si c'était mal. Juliet allait avoir peur pour elle.

« C'est juste que Juliet c'est la personne la plus importante au monde. Alors, alors, euh. Voilà. » conclut-elle pitoyablement. « Je veux qu'elle me trouve chouette ? Je sais pas. »

En fait, Wendy était juste complètement perdue.

Date d'inscription : 13/09/2013

Garfield écoutait en silence. Sa colère était retombée, et il avait l'impression que le moindre mot de travers pourrait briser l'ouverture timide de Wendy. Il avait beau être maladroit, il ne voulait pas la faire fuir. C'était précieux, qu'elle parle un peu ; il se rendait compte de l'envergure de son indélicatesse, et il était un peu gêné.

Il avait secoué la tête à sa question, n'osant pas parler vraiment de peur de casser quelque chose d'infiniment fragile. Il n'avait pas de meilleur ami, lui. Il était l'ami de tout le monde et l'ami de personne en particulier, drôle de bestiole à la fois indépendante et très influençable. Ce n'était pas facile, de baisser sa garde pour quelqu'un, et ce n'était pas facile non plus de ne pas tout confondre quand on avait seize ans. Il avait des cases bien définies pour ranger les gens, et un comportement tout à fait caractéristique pour chacune des cases, et il était au final bien plus froid que ce qu'on voyait de l'extérieur. Quand il y avait quelqu'un qui attirait son regard, il préférait que ce soit directement ses hormones qui parlent plutôt que de se rendre compte d'un amour venu de nulle part pour un pote ; les amis, c'était trop précieux pour les perdre sur une histoire de coeur. De son point de vue, Wendy effaçait les délimitations sans s'en rendre compte. Est-ce que c'était bien ou mal ? Aucune idée, mais il avait soudainement un peu peur pour elle.

Juliet était sa famille, elle était la personne la plus importante, et Wendy voulait briller à ses yeux. Tout ce que Garfield pouvait en conclure, c'était que le pauvre chaton n'avait pas l'air très bien dans ses baskets sur ce sujet. Peut-être que c'était autre chose, hein. Peut-être qu'elles finiraient juste par être colocataires toute leur vie, et élever un milliard de chats si c'était ça leur kiff. Mais peut-être, surtout, que Wendy vivait les choses un peu trop vite, un peu trop fort.

- Ah.

C'était une réaction prudente à tout ça, un petit bruit pensif, n'exprimant rien en particulier.

- Je crois que je comprends ?

Une demi-question, pas très assurée ; il essayait de se mettre de son point de vue.

- Je peux au moins te dire qu'y a pas trop de doute, pour le Quidditch. C'est un peu plus mon rayon, et tu joues bien. Pour le reste...

Comment dire ? Il avait cette envie inexplicable d'être utile, et puis qu'elle aille bien ; il se sentait honteusement maman poule. Ce n'était pas facile à gérer, surtout qu'il avait merdé.

- T'as tout à fait le droit de considérer tout ce que je vais dire comme de la bouse de dragon hein. Mais bon, comme ça tu auras un avis extérieur. C'est plutôt bien d'avoir quelqu'un d'important. Mais faut pas que ce quelqu'un soit tellement important que ça te rende, toi, malheureuse. Je sais pas comment je peux expliquer, ça a l'air profondément débile dit comme ça.

Il sourit, essayant de se montrer encourageant. Il lui parlait comme il aurait parlé à Sloan ou à Kalev, comme à un égal ; c'était encore le meilleur moyen d'être un ami.

- Vous êtes toujours toutes les deux. Wendy et Juliet, Juliet et Wendy, on dirait un nom de dessin animé. Et c'est super cool. Seulement... Est-ce que si Juliet trouvait quelqu'un qu'elle aime, d'amour amoureux je veux dire, ou si elle devait partir pour une raison ou une autre, tu tiendrais encore debout, toi ?

Passant une main dans ses cheveux, il soupira.

- Je veux pas être pessimiste, mais. Faut que tu fasses attention à toi aussi, pas juste à Juliet.

Garfield n'aimait pas être dépendant. Il n'était jamais tombé amoureux, parce qu'il s'était toujours rendu compte après que ce soit fini que ça ne lui faisait pas si mal que ça. Wendy, elle, aurait mal, et ça se voyait comme le nez au milieu de la figure.

- Et puis, Juliet est ta meilleure amie, et c'est parce que tu es toi. Je suis sûr qu'elle te trouve parfaite aussi. Si tu changes pour qu'elle te trouve chouette, tu fais disparaître ce qu'elle trouve chouette à la base pour le remplacer par un truc prévisible. C'est comme si, hm. Comme si elle était attrapeuse et que tu lui mettais directement le vif d'or dans la main parce que tu penses que ça lui fera plaisir. Ouais, ça fait plaisir d'avoir le vif, mais c'est pas ça qui est cool dans le jeu, si tu prémâches tout elle a plus grand chose à découvrir. C'est un peu tordu, et je veux vraiment pas te vexer, mais voilà. Elle est heureuse avec toi déjà, non ?

En gros, il lui disait de manière un peu détournée qu'elle devait se détendre. Il espérait qu'elle comprendrait.

Date d'inscription : 14/02/2014

Wendy écoutait sagement les réflexions de Garfield, sans rien dire. Ses hésitations incessantes se faisaient lentement repousser dans un coin de sa tête, après tout, il avait raison, Wendy se rendait malheureuse, l'adolescente naissante qu'elle était ne faisait jamais rien dans la demi-mesure. Peut-être qu'elle devait prendre du temps. Peut-être qu'elle devait arrêter d'y penser. Elle ne savait pas trop quoi faire. Elle ne savait pas trop comment s'y prendre pour arrêter de s'inquiéter. Il y avait trop de choses qui se chamboulaient dans sa vie. Trop de silences et de non-dits qui s'empilaient doucement, aussi. Wendy avait l'impression de ne plus rien savoir faire d'autre que sourire, parfois. C'était triste.

Parce qu'au fond, Garfield avait raison. Wendy n'était pas sûre de pouvoir tenir debout bien longtemps si Juliet tombait amoureuse. Rien que l'idée lui faisait mal.

Mais puisqu'elle ne savait que sourire, Wendy fit un beau sourire à Garfield. Avec un peu plus d'apaisement dans les traits de son visage.

« Je vais me présenter pour le Quidditch, alors. Je crois que c'est bien. »

Wendy, ou l'art d'esquiver la question. Elle ne voulait pas y répondre tout de suite, mais elle ne pouvait pas l'éviter indéfiniment.

« J'aime bien le Quidditch. Et si je suis prise dans l'équipe, je vais beaucoup m'entraîner, et je vais faire plein de choses de mon côté, et ça va être chouette. Je pourrais montrer ce que je fais à Juliet, quand on se verra, parce que tu sais … tu sais, je, en fait non, je sais pas. Mais Juliet, elle est très importante pour moi. On passe beaucoup de temps ensemble, et elle a toujours été avec moi. Et je ne veux pas être prévisible et ennuyante. Je veux être une bonne amie. Je, voilà. »

Wendy ne disait pas tout, et Garfield ne pouvait pas tout comprendre. Juliet avait été un rayon de bonheur dans tous les moments tristes de la vie de la petite Poufsouffle. Juliet avait été là quand la mère de Wendy était partie, Juliet avait été là les années suivantes aussi. Wendy avait besoin de l'aide et de la présence de sa meilleure amie, même quand c'était juste un câlin et des mots gentils qui n'arrangeaient rien. Et parce qu'elle se rendait bien compte de l'importance qu'avait prise sa meilleure amie dans sa vie, Wendy avait peur de devenir trop pesante envers Juliet – c'était venu petit à petit, au fur et à mesure des journées, des semaines et des mois, et des difficultés qui s'empilaient dans sa vie. C'était encore bien léger comme inquiétude. C'était présent. Wendy ne baissait pas les bras. Elle était une bonne amie. Tout irait bien.

« Mais je suis pas malheureuse quand je suis avec Juliet, tu sais. C'est impossible de l'être. Il suffit de la voir. Elle est radieuse. Et elle est ravissante aussi. Elle est toujours heureuse et souriante et c'est contagieux, tu sais, et elle prend toujours soin de tout le monde, elle est présente et elle est gentille, elle est amie avec tout le monde et tout le monde est content d'être son ami. Moi en tous cas je suis très contente. J'ai beaucoup de chance qu'elle soit ma meilleure amie. Moi je suis pas malheureuse, et je veux qu'elle soit heureuse, elle aussi. »

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