« Tu sais les femmes enceintes ne sont pas ma spécialité, mais oui ; n’hésite pas — puis j’ai de bons collègues dans le domaines, y’a Cecil qui est beaucoup aimée je crois ? Une petite rousse ; enfin une comme toi tu sais — c’est souvent moins gênant. » Et il savait pas trop, voir des malades tous les jours c’était un peu une routine, au final. Lui s’était orienté vers les choses plus salées, la médicomagie avait toujours eu ce côté un peu trop vaste ; compreniez-vous. Alors il avait viré guérisseur, s’était spécialisé dans des cursus un peu plus ardus, les sortilèges qui ne guérissaient jamais vraiment, puis les trucs liés aux potions et bref. Il poursuivait encore son apprentissage, mais entendait parfois ses collègues ne plus faire trop la différence, si pour certains montrer leurs pieds était gênant, pour les médecins les traitant et les voyant tous les jours, il n’y avait plus vraiment de différence à faire. Enfin.

Il s’était un peu perdu dans ses pensées, le brun — elles n’étaient jamais très ordonnés, il dérivait toujours de ce qu’il voulait songer à la base, en premier. C’était sans doute son statut d’éternel fatigué qui en rajoutait une couche, l’empêchant d’être très clair et concis lorsqu’il était laissé pour seul ; avec lui-même en seul ami. « Tu sais, ça ne me dérangerait pas, bien au contraire. »

Car il fallait bien l’avouer, il se sentait un peu crevé James — sans son retourneur de temps. Il avait décidé d’arrêter car il s’était senti hors du temps, hors des gens — mais à présent que sa routine était passée, il se sentait en marge, presque différent. Il se sentait au ralenti, se sentait quelque chose — se sentait un peu bizarre, oui. Alors il tâtonnait, cherchait à reprendre ses marques sans trop y faire attention.
Il fallait qu’il aille voir sa fratrie, aussi — ça remontait déjà à loin. Quelques semaines, oui. A peine et pourtant déjà tant.

« Je suis toujours mieux occupé que dans le vide à brasser du rien. » Quoique. Avoir du temps pour bosser ses sortilèges serait aussi une bonne idée — mais. Voilà. « Tu sais tu m’as un peu sauvé Carys, le fait que tu sois rentrée dans ma vie m’a permis de poursuivre, de vivre. Mes rêves, ma vie ; mon existence. Tu m’as allégé alors ? Je sais pas ? Je pense que tout va bien pour le moment. Je peux mener cette sorte de double vie aux bordures diverses et, bref. Merci ? Ton attention me touche, en tout cas. »

Sa voix s’était faite simple et sincère ; alors que d’un mouvement devenu mécanique par l’habitude, il avait refermé les boitiers entrouverts — ceux ayant glissé des étagères au fil du temps, laissant s’entrevoir pan de bois. « Enfin oui, promis. » Dans le sens je ferai un effort pour dormir plus.

Il ne savait pas encore quand ni comment — mais sans doute le ferait-il, oui.
Il avait fini par connaître ses limites.

Spoiler:

Begopa

Carys sourit légèrement, si par "une comme toi" il voulait dire "une femme", oui, forcément, ça la mettrait plus à l'aise... Si tant est qu'elle est déjà tombée enceinte auparavant ou qu'elle s'y connaissait.

« C'est juste plus rassurant si c'est un ami qui me le dit que quelqu'un que je ne connais pas... Mais je retiens le nom, quand je passerai à Saint-Mangouste pour le prochain check-up. »

Et elle ne put s'empêcher de soupirer légèrement quand il prétendit que ça ne le dérangeait pas. C'était le problème des gens passionnés, ils ne prêtent plus attention à autre chose que leur travail à s'en ruiner la santé. Ce que James faisait était admirable - quoi de plus admirable que sauver des vies ? Mais s'il cherchait du repos, n'aurait-il pas mieux valut qu'il ne prenne pas d'autre boulot ?

Enfin, qui était-elle pour se plaindre, d'autant plus que c'était probablement elle qui bénéficiait le plus de sa décision, sans lui elle n'aurait peut-être pas trouvé un autre travail, et elle trouvait qu'il la payait un peu trop bien pour le travail qu'elle faisait, mais encore une fois, elle ne pouvait pas s'en plaindre énormément. Sa situation était assez précaire et, c'était un peu égoïste, mais elle ne pouvait pas refuser les avantages qu'il lui proposait.

C'est donc avec une expression un peu surprise que Carys entendit James la remercier. Elle secoua la tête.

« Non, c'est plutôt à moi de faire ça... Mon ancien job était très stressant et il pouvait devenir dangereux, et je n'étais pas très bien payée non plus... Sans parler des horaires incongrues... Travailler ici est très reposant à côté, c'est même l'exact opposé. Je suis contente de pouvoir t'aider, même si j'ai surtout l'impression que je ne ferai jamais assez pour te remercier... »

Garder une boutique et occasionnellement préparer du thé ne demandait pas beaucoup de travail, et il lui laissait accès à la chambre attachée à la boutique si elle se sentait fatiguée, c'était beaucoup plus de chance qu'elle ne s'en serait jamais crue dotée. A cela il fallait ajouter qu'il la laissait actuellement gérer plus que du simple travail administratif et le secrétariat, en lui apprenant parfois deux ou trois choses sur les baguettes, ce qui était toujours bon à prendre.

« Parfait alors ! Je m'en souviendrais. Si je te vois encore somnoler quelque part, tu finiras au lit jusqu'à ce que je décide que tu sois assez en forme pour gérer ta boutique. Enfin, sauf si tu dois partir à l'hôpital, là je ne peux plus rien faire, mais je connais tes horaires de toute manière. »

Elle avait ce ton, mi-affectif mi-sévère, comme si elle rouspétait un enfant malade qui voulait aller jouer dehors avec ses amis, malgré le fait qu'il neige.

Car enfin, si James s'occupait des autres, qui s'occupait de James ?

© one more time.

« James avait retenu sa surprise lorsque Carys l’avait qualifié d’ami. Il tenait à la jeune femme, mais ne s’était jamais vraiment donné le droit de réciproquer son affection. Aussi un sourire avait-il fini par fleurir sur ses lèvres alors qu’il enchainait, compatissant : « Bien sur, c’est toujours mieux de se sentir en confiance dans ce genre de situation. Après je ne peux pas vraiment comprendre dans l’exactitude ce que tu ressens. » Il avait ri un court instant — de ces rires chuchotés voués à s’éteindre avant même d’être entendus. C’était une façon de sourire, sans doute — un de ceux que l’on pouvait desceller les yeux fermés. « Je pense que tu avais choisi la voie de tes rêves Carys. Ou peut-être un hobby ? La magie est un hobby pour moi, aussi tu m’as permis de ne pas abandonner une partie de moi-même. Alors que je me suis engagé vers quelque chose d’autre, sur lequel je n’étais pas certain de me plaire. Mais à présent je découvre à quel point cela me convient et je ne regrette pas. Aussi je serai éternellement reconnaissant que tu préserves Apostrophe, en un sens c’est comme si tu avais en ta possession une des clefs menant à mes rêves d’enfant. » Ses yeux étaient quasi clos de par l’énième esquisse qu’il lui offrait. Et il se sentait serein, tant bien même certains points et certains choix passés lui pesaient encore lourd. Il regrettait d’avoir perdu la vie en vivant — il regrettait d’avoir perdu des amis; et de se retrouver si seul à présent. « Merci, vraiment. Et je pense que quand nos situations respectives se stabiliseront; je t’aiderai à trouver un moyen de conserver le côté dragon dans ta vie. Ce ne sera sans doute pas facile, mais il existe tant de choses encore inconnues sur le domaine; rien n’est perdu, si ? » Il ne voulait trop insister, cependant. Car à présent qu’il avait grandi il se rendait compte de la volatilité des rêves et des envies — se rendait compte; oui. Des prévisions se heurtant à la réalité, et du bonheur qu’on pouvait trouver dans des choses imprévues. Il ne doutait pas que Carys saurait trouver le bonheur au delà de sa passion pour les créatures magiques. Car il voyait dans ses traits que le bonheur ultime de l’ancienne lionne résidait déjà dans ses entrailles — dans ce ventre s’arrondissant jour après jour. Son enfant serait sans doute la voie de son épanouissement.

« Ne t’inquiète pas haha. Je crois que plus j’avance, plus je me décide sur ma voie. Ce que je découvre jour après jour à St-Mangouste me plait énormément. Nous nous embêterons mutuellement à l’avenir, alors. Merci d’être là — je serai aussi là pour toi. Que je ne te surprenne pas à faire des choses néfastes pour toi, ta santé ou encore ton corps. » Il lui avait cédé un clin d’oeil gamin tranchant sur son visage fatigué. Cela lui faisait bizarre d’avoir quelqu'un après lui, il avait toujours eu l’habitude d’avoir Claude; son frère. Sa famille, sa fratrie oui. Mais un autre être humain ? Un inconnu du cercle ? C’état une sensation nouvelle après ces dernières années passées à s’exiler sans s’en rendre compte du social et des autres. « Il faudra que l’on sorte d’Apostrophe un de ces quatre. Qu’on prenne du temps pour nous, j’ai l’impression que des fois; à force de trop vivre notre vie nous ne vivons plus ! Comme si notre champ de vision se réduisait au fur et à mesure ! Catastrophe, n’est-ce pas ? »

Il avait ri.
Ce n’était pas si mal, après tout — de réapprendre les autres.

Spoiler:

Begopa

Carys ne put s'empêcher de soupirer légèrement. La voie de ses rêves hein ? Déplacer de la bouse de dragon toute la journée quand elle ne noyait pas sous la paperasse ne faisait pas vraiment rêver... Ignis ne l'emmenait même pas avec lui quand il devait réellement soigner des dragons, elle n'avait droit qu'aux tâches ingrates.

« Oui et non... J'ai la chance d'avoir un des meilleurs dans son domaine comme professeur, et j'ai du me battre pour qu'il accepte de me prendre comme apprentie, mais je vois bien qu'il cherche à me faire partir... »

Et pourtant, son personnage s'était, semble-t-il, adoucie, sous la couche de réprimandes quand il apprit pour sa grossesse. Il ne lui donnait plus de tâche difficile et lui préconisait des régimes étranges en veillant à ce qu'elle mange correctement sous son regard perçant. Bon, il n'avait pas encore compris que les femmes enceintes n'étaient pas comme des dragons femelles enceintes et qu'elle ne pouvait pas vraiment manger 3 seaux de poulets dans leur sang par repas — cette simple pensée l'avait fait courir jusque dans les toilettes pour vomir.

Il l'avait forcé à prendre congé également et elle avait accepté après lui avoir fait signé un contrat comme quoi il était forcé de la reprendre quand elle reviendrait réclamer son poste. Ce fut long et difficile, mais au moins, elle obtint sa signature.

Elle avait, à vrai dire, un peu de mal à accepter le compliment. Elle ne pensait pas vraiment faire grand chose au sein de la boutique, à part l'entretenir quand James n'étais pas là, et elle ne pu s'empêcher de rougir légèrement. En fait, c'était même pire que ça, ses yeux se mirent à lui piquer et elle se retrouva à hoqueter. On dira ce qu'on voudra, les hormones de femmes enceintes étaient terribles, et elle se mit bientôt à pleurer comme une fontaine.

« T-Tu es trop gentiiiiil !! J-Je... C'est pas vrai je... Je suis pas si utile que ça... C'est t-toi qui fait tout... Tu m'as aider à-à avoir un travail et m-même un endroit o-où je peux rester j... Je suis celle q-qui devrait te remercier parce que sans toi j-je serai... »

Probablement au chômage, même si Rick a eut énormément de chance de s'être fait contacter par quelqu'un qui a beaucoup d'influence, elle avait été désespéré et au bord du gouffre, et à l'époque Rick n'avait pas encore été en relation avec Solus. Elle aurait voulu pouvoir dire plus, beaucoup plus, mais ses sanglots devinrent trop fort pour qu'elle puisse parler.

© one more time.

« Le visage de James s’était décomposé. Si il y avait bien une chose qui lui faisait perdre ses moyens, c’était de voir une personne proche fondre en larmes. Même un inconnu, d’ailleurs — il ne savait pas quoi faire, se sentait juste terriblement mal; et terriblement maladroit. Il se sentait terrible, oui. Et ce n’était pas comme à St-Mangouste, non; car à l’hôpital il y avait toujours une raison pour pleurer. Mais en dehors des murs blancs de l’édifice, James était un homme perdu; un homme de gris. Il était une banalité s’échouant tout contre d’autres. Il n’était qu’un bout de corps venant en heurter d’autres — et il aimait, oui; profondément. La nature et les hommes, la magie et ce monde.

Mais il ne savait pas quoi faire, face à Carys en larmes. Alors il s’était décomposé; s’était traité d’affreux et d’empoté. Ses deux mains étaient venues brasser du vide, avant de frotter l’arrière de son crâne; et profondément embarrassé il s’était approché de son assistante : « Voyons Carys, voyons ne pleurez pas ! »

Le vouvoiement prouvait son effroi. Et l’une de ses paumes étaient venues tapoter le dos de la jolie jeune femme; alors que de l’autre il l’avait maladroitement attirée vers lui. « Ce n’étais pas dans mon but que de te mettre dans une situation pareille ! C’est plutôt moi qui devrait pleurer, taper du pied et ! » Et il ne trouvait pas les mots. Les beaux; les doux, les réconfortants.

James était un homme dépassé.
Alors il avait fait la chose la plus simple au monde; la seule chose qu’il savait faire — une chose de grand frère : il l’avait prise toute contre lui. « Tout va bien, Carys, tout va bien. Il n’y a rien à remercier, rien à pardonner. Il y a juste vous et moi; moi et toi. Juste deux personnes s’aidant l’une et l’autre, juste deux amis. Alors sachez vos larmes, et promettez-moi que dans la semaine nous allons sortir boire un verre, ou que sais-je d’autre ! Vous êtes une personne exceptionnelle, et c’est un honneur pour moi de vous avoir avec moi. » Il s’y perdait un peu, dans les règles et usages. Il était noyé dans sa propre langue, mais ne s’en rendait pas trop compte.

Aussi il l’avait un peu relâchée; Carys — attendant qu’elle se calme, se mette au mieux. « Je peux faire quelque chose pour toi ? N’hésite pas à me le demander. Je peux à peu près tout faire, la seule chose que je ne fais pas souvent c’est la cuisine; et du mal aux gens. » Il avait ri, de son humour un peu particulier; un peu piètre et médiocre. Mais bon, c’était sans doute un charme; que d’être maladroit et dans sa façon d’être, et dans sa façon de parler — et dans sa façon de faire des blagues ! Il en riait un peu jaune, d’ailleurs.

Il était mortifié. Mais il était lui-même et n’y pouvait pas grand chose. Alors il se contentait d’être, et de prier pour que tout aille. Car si il était doué pour le formel, pour le professionnel; le social et le personnel étaient des domaines dans lesquels il s’était noyé depuis bien des années.

Alors il fallait lui laisser le temps de réapprendre, compreniez-vous.
James était un homme malhabile; alors il fallait l’aider à rester droit, et ne rien trop dire sur ses maladresses. Car il y en avait tellement.
Mais il avait bon fond, oui; sans doute.
« Tout va aller, Carys, oui. »
Tout irait bien, il n’en doutait pas.

« Haha, bien sur — chez moi, boire un verre est souvent synonyme de… Boisson douce ? » Ce n’était pas qu’il n’aimait pas l’alcool, juste qu’il ne ressentait le besoin d’en boire régulièrement. Il préférait de loin les thés et autres boissons légèrement sucrées : finissait souvent par réserver les bière-au-beurres pour les sorties qu’il faisait avec son frère et ses soeurs. Car en famille, il y avait ce petit quelque chose de chaleureux qui lui donnait envie de se laisser aller; de se mettre dans une zone de confort inhabituelle — inaccessible à tout autre. Il était une muraille, James; tant bien même restait-il attentif, aimant et maladroit. Ce n’était pas un choix, c’était un trait de caractère. Il avait un jour ressenti le besoin de s’éloigner de ce monde, de ces déceptions diverses et s’était refermé aux paroles inutiles. Il ne comprenait pas trop ce paradoxe chez lui — tant il aimait autrui. Mais c’était ainsi, et des fois ses yeux se perdaient dans le vague : il entrait dans sa bulle.

« Tu sais Carys, j’ai une vision du temps complètement détraquée haha. J’ai des fois l’impression d’un jour est pavé de 48h au lieu de 24h ? Je sais, c’est complètement étrange. » Il avait ri, cela avait été bref. « J’essaie encore de tout gérer — mais depuis que tu es là je me dis que je vais pouvoir plus me reposer. » Ou plus se concentrer sur ce dont il ne pouvait plus se détacher ? Qui aurait cru, qu’enfin; il trouverait un domaine le satisfaisant ? Alors qu’il l’avait pratiqué toutes ces années ? Guérisseur. Peut-être avait-il eu besoin de voir à côté, de retourner à ses sources — celles des sorts et de tout ce qui était lié à ces derniers. Peut-être avait-il eu besoin de retourner en arrière, oui; pour comprendre que son présent lui convenait. Que ce qu’il continuait d’étudier et d’exercer ne le laisserait pas. 
Et puis, cela lui permettait de conserver un contact permanent avec les autres. Car que serait-il devenu, sans ce genre d’activités ? Il se sentait si gris, si en dehors du monde. Il se sentait si en marge; si pataud — si inapte à commencer une conversation. Il n’y avait qu’avec ceux rencontrés sur son lieu de travail, qui le lui faisait ressentir une certaine normalité. A St-Mangouste comme ici, il était normal oui. Pas maladroit, pas lourd; pas décalé. Il était juste James Pete Elton, et ce sentiment lui allait bien. Très bien.

boom headshot: