Viviane boudait.
Son père était sorti aujourd'hui, c'était inhabituel de sa part. Il lui avait demandé de rester chez eux et avait exceptionnellement décidé d'ouvrir un peu plus tard. Elle aurait voulu le questionner à ce sujet, mais n'osait pas à cause de sa voix, d'autant plus qu'il avait retiré ses caches-oreilles en sortant. Il avait promis de revenir rapidement et l'avait enfermée à double tour sans plus d'explications. Cela n'avait, à priori, rien de très inquiétant... Son père devait parfois s'absenter pour faire les courses par exemple... Mais généralement il ne le faisait que tous les lundis. Et ils n'étaient que samedi...
Alors elle resta dans le salon, là où elle pouvait voir les gens passer par la fenêtre, à travers les rideaux. Mais c'était surtout l'endroit où se trouvait le vieux-tourne disque, qui crachotait des notes de musique et la voix d'une cantatrice qui semblait parler dans une autre langue. Quoiqu'elle n'était pas sûre qu'elle forme exactement des mots... C'était plus des sons sans queue ni tête, qui s'accordaient joliment. La petite fille l'écoutait distraitement, la main fourrée dans une marionnette en forme de chat qu'elle bougeait avec ses doigts, avec une moue boudeuse. Elle l'avait baptisé Beelzenef, et quand son père n'était pas là, elle jouait toute seule avec, car depuis la mort de son boursouflet, c'était le seul moyen qu'elle avait pour parler avec quelqu'un.
« Pfff... Beelzenef... Papa me cache quelque chose... »« Mais non, ça ne doit pas être important ! »« Alors pourquoi il n'a pas répondu à mes questions ? »« Parce qu'il n'a pas pu entendre... »La marionnette en tissu lui donna une petite tape sur le front avec sa patte pour avoir dit des bêtises, mais Viviane soupira. Cela faisait presque une heure qu'il était parti maintenant. Tout à coup, elle fut prise d'un doute.
« Il ne m'a pas abandonné hein ? »« Mais non ! Pourquoi tu dis ça ? »« Quand il part faire les courses, il prend son sac en toile... Et là il a prit sa valise... »« C'est sûrement pour une commande ! C'est pour ça qu'il était pressé ! S'il voulait partir il l'aurait déjà fais, petite sotte ! »« Mais... »Beelzenef avait raison. Son père aurait pu partir bien avant cela, et puis elle n'avait rien fait qui puisse le contrarier ces derniers temps. Elle ne se rappelait pas l'avoir déjà vu en colère en réalité, sauf une fois quand elle avait essayé de sortir dans le jardin. Il lui avait hurlé dessus tellement fort — sans doute deux fois plus de d'habitude puisqu'il avait ses caches-oreilles, qu'elle s'était mise à pleurer et qu'il avait du la barricader dans sa chambre en insonorisant les murs jusqu'à ce qu'elle se calme. Quand elle n'eut plus ni de voix ni de larmes à verser, son père ouvrit finalement la porte pour la serrer dans ses bras et s'excusant, l'air sincèrement désolé, en lui expliquant patiemment à quel point il avait eut peur et qu'elle ne devait plus recommencer.
Viviane n'avait plus jamais désobéit ensuite.
La musique s'arrêta, et la petite entendit quelqu'un ouvrir la porte. Un coup d'oeil par la fenêtre lui confirma que c'était son père et Beelzenef resta sur la table alors qu'elle décrocha les caches-oreilles de son père pour les lui donner. Il lui sourit en passant une main dans ses cheveux et les mit.
« J'ai une surprise pour toi... »« ...? »Elle eut l'air plus étonnée que contente. Son père ne faisait jamais de surprise, elle n'était pas sûre que ça signifie une bonne nouvelle. Il posa la valise sur la table et l'ouvrit, avant d'en sortir un... un cadre ? Non... C'était un tableau. Viviane fut encore plus intriguée. Il n'y avait aucun tableau chez eux...
Le nécromancien accrochait déjà la toile sur un mur du salon, s'assurant qu'il était bien fixé et droit, avant de demander à sa fille de s'approcher en posant une main dans son dos.
« Tu as 11 ans maintenant. Les enfants de ton âge vont à l'école... Et toi, tu ne peux pas. Mais ce n'est pas grave. C'est l'école qui viendra à toi. »Viviane fronça légèrement les sourcils. Le tableau ne représentait pas une école pourtant. Et à quoi bon apprendre des choses qui ne lui serviront pas... Elle ne sortirait jamais de cet endroit.
« Il ne devrait pas tarder à arriver. Ne t'en fais pas, tu pourras lui parler sans que ça ne lui fasse mal. »Cette fois-ci, la petite ne comprit plus rien. Tout était de plus en plus confus. Pourquoi est-ce que son père parlait de l'école tout à coup ? Pourquoi il l'autorisait à parler avec quelqu'un alors que d'habitude il le lui interdisait formellement ? Et de qui il s'agissait d'ailleurs ?
« Je serai à la boutique si tu as un problème, reste sage. »Et il la planta simplement là, devant un tableau, manifestement vide.
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