« Ludovic n’était pas souvent malade — aussi avait-il courbé échine et s’était-il dirigé vers l’infirmerie dès qu’il avait senti son ventre se tordre et se retordre ; lui faisant monter quelques nausées dont il se serait bien passé. Quelques minutes après son entrée, le blond préfet était déjà ressorti, ayant au préalable ingurgité une potion au coloris douteux mais croyons-le, efficace. Les maux d’estomac se changeant peu à peu en sensations d’étouffement, un mal de tête coutumier l’assaillant, il ne s’était senti d’aplomb à affronter le brouhaha habituel de la grande salle. Octroyant une autorisation après explications, il s’était réfugié dans son dortoir en compagnie de quelques mets de fortune.

Le silence l’avait accueilli — entrecoupé par les crépitements familiers qu’émettaient la cheminée des lions.
Il fallait dire que l’hiver avait fait son entrée, saupoudré de flocons ; tranchant le jour d’éclats de nuit. Le soleil ne tardait plus à basculer, se précipitant sans un regard en arrière au-delà de l’horizon. Aussi s’était-il placé dans les escaliers en colimaçon menant aux dortoirs — se collant tout contre une fenêtre, le dos collé au rebord et le fessier faisant de même. Soupirant, il s’était laissé aller, son regard aux bordures sapins dégoulinant sur le lointain ; se perdant dans des formes et des couleurs floues. Le ciel était rouge — quoique rose, d’un rose éblouissant teinté de jaune, c’était à la saison des pastelles, du vif et de l’obscur. Et il aimait ça, en un sens ; ces oppositions qu’amenaient l’hiver. Sans doute se serait-il bien passé des rhumatismes que ce dernier apportait aux vieilles injures, mais sans douleur l’on ne pouvait apprécier pleinement ce qui nous était offert, disait-on. Massant distraitement son épaule, celle qui lorsqu’il jouait encore au Quidditch avait été pleinement massacrée ; il finit par sourire au vide. Et il était heureux, comme ça ; Ludovic. D’un rien et d’un tout — c’était un amoureux, un détaché, un éphémère. Il le savait, et comptait bien vivre le tout pleinement, respirer à plein poumons et hurler si nécessaire. Qu’il était bon, des fois ; de se laisser aller. De planter ses pieds bien fermement au sol, d’écarter bras et d’exploser ; faisant vibrer ses cordes vocales. Crier au monde, crier au vent — crier à tout et à rien. Crier pour pouvoir se sentir vivant.

Ludovic était un poétique — un désabusé et un affirmé bâclé. Par dessus tout c’était la sympathie et la tendresse ; qui bordaient ses traits. Sans doute était-ce pour ça, qu’il avait fini Gryffondor. Il n’avait jamais cherché à être savant, avait toujours fui les quelques opportunités qui lui étaient données à ce sujet. Trop creuser, trop penser n’était jamais très bon. Cela noircissait l’âme, obstruait le cœur et amputait l’être de ses simplicités. Aussi riait-il, beaucoup — peut-être même de manière exagérée. Mais il ne pouvait s’en empêcher, il adorait ça ; sentir son corps, sentir les autres et se sentir tout entier. Aussi pouvait-on voir dans ses yeux chaleureux que l’éclaboussure des amusements était son salut — le sport, aussi. Surtout. A quoi rimait l’homme sans son corps ? Mystère.

Égaré, le blond finit par reprendre contact avec la réalité ; secouant imperceptiblement la tête, retrouvant sa salade qui elle, n’avait pas bougé — ni même songé. Elle attendait son heure. Ricanant dans son coin, de ses propres absurdités ; le septième année avait pris son assiette pour la caler sur ses genoux remontés, empoignant par la même occasion la fourchette qui l’aiderait à manger. Et il se sentait bien, ainsi — pour une fois loin du bruit, loin de tout ; il se sentait calme, presque reposé. Apaisé. C’était sans doute ajouté aux vacances approchant, au retour à la maison familiale ; avec les mêmes fenêtres, la même joie et les mêmes moments placides — passés à bouquiner, les lunettes fichées sur le bout du nez.

Ludovic n’était qu’un gamin vivant sa dernière année dans les bordures drapées de Poudlard. Il vivant ses derniers instants de dépendance sécurisée. Un an.

« Une voix avait tonné, et Ludovic avait sursauté. Cela avait été imperceptible, de l’ordre du tressaillement ; aussi avait-il lentement tourné visage pour planter ses obsidiennes dans celles voisines. Ah, Kesley. Sa cracmotte favorite, ou quelque chose du genre — y avait-il seulement une autre cracmolle au sein de l’établissement ? Se redressant quelque peu, il balaya les quelques songes persistants pour se focaliser sur les paroles de sa cadette — un rire le prit, lui montant à la gorge et sortant tout haut ; tout fort dans le silence qui n’en était plus vraiment un. S’arrêtant d’un sourire, ne riant jamais longtemps, le blond préfet posa son assiette ; histoire de ne pas la foutre en l’air tout en parlant.

Et c’était plaisant, ainsi — un bras posé sur les genoux, le coude y étant collé également. C’était plaisant, oui ; d’avoir de la compagnie. Ludovic se sentait calme, bien dans ses maux et heureux de l’instant présent. Conservant dans ses yeux les traces de son amusement, il laissa durer le moment. Qu’allait-il bien pouvoir répondre ? Souriant distraitement, la tête renversée contre le mur, il ferma les yeux — « Si tu savais. »

Et un rire lui reprit ; plus spontané, calme et mesuré. Ses bordures étaient complices, aussi rabaissa-t-il minois, adressant une œillade à sa brune comparse. Au final, il ne faisait que blaguer sur des faits qu’il ne réalisait pas lui-même. Célébrité ? Il ne saisissait réellement le principe ; riait de l’énormité de la chose comme on riait d’un silence communicatif, d’une blague sans mots que deux camarades de longue date seulement pouvaient s’échanger. Aussi reprit-il, plus simplement : « Je fais bande à part ce soir, que veux-tu ; il me faut bien un peu d’intimité ! » Et son ton était doux, bordé de nuances ; les dires n’étaient qu’humour, mais le visage peu hilare — plus secret, fatigué et à découvert.

L’on ne changeait pas les malades, ou du moins pas Ludovic. « Tu veux t’asseoir ? » Finit-il par enchainer, car l’instant semblait bien s’y prêter. Sans doute ne l’aurait-il pas proposé à d’autres, mais une certaine fatigue creusant son cœur, il laissait Kelsey rentrer dans sa sphère privée. Et puis, quel intérêt de rester collée au mur irrégulier, les pieds enroulés dans l’escalier alors qu’il y avait de la place pour deux où il était ? Se grattant évasivement l’arrière du crâne, ledit préfet laissa fondre son énorme esquisse ; la réduisant à simple trait enjoué.
Il baissait les armes — faisait tomber les gardes et les armures.

Il n’était jamais bon de rester enfermé ; disait-on.

« Ludovic s’était laissé aller ; laissé tombé — la tête callée au mur, débordant sur les vitraux, il écoutait sa voisine. Et que dire ? Il n’y avait qu’à rire. Le tout était si léger, elle se noyait dans les bordures du titillement ; celui amusant que l’on ne trouvait dérangeant. Aussi laissa-t-il s’échapper quelques maigres esclaffements, de ceux proches du chuchotement. Et c’était bien ; ainsi, à ne pas faire trop.

Le silence s’imposa, court, délicat — il rouvrit les yeux. Kelsey avait parlé, plus calmement, de manière peut-être plus réfléchie, voire intime. La curiosité était souvent coincée entre deux traits d’humour ; se dissimulant sous le rire et le désintérêt apparent. Aussi s’en contentait-il toujours pleinement, n’aimant trop parler de lui — du bien profond, bien sincère. « On est jamais déçu, quand on est seul. » Laissa-t-il cependant s’échapper d’entre ses lèvres rosées, aux prémices du craquelé. Son regard avait coulé vers la brune, cherchant ses iris ; l’œil amical. Ce n’était pas une critique, ni une confession bien particulière ; mais il était rare de voir le blond préfet se laisser entrainer par le sérieux. Un sourire plus loin, il reprenait : « Je plaisante — j’étais barbouillé. Le changement de saison, tout ça. Donc j’ai octroyé une autorisation pour venir me cacher ici, une salade à la main. » Rire. « Avec les vacances qui approchent, je préfère me ménager. Qui voudrait rentrer chez-soi malade et nauséeux en temps de fête ? » Il ne la lâchait pas du regard — et c’était bien Ludovic, à pouvoir conserver l’œillade dans toute sa sincérité sans flancher.

Et c’était un peu stupide — ses paroles, le reste. Après tout dans ce monde ou la magie se faisait toute aussi omniprésente qu’omnipotente, l’on pouvait tout régler d’un coup de baguette magique ou d’un mouvement de gorge, après avoir ingurgité une quelconque potion. Mais tout de même, des fois il y avait cette envie ; ces effets secondaires, ce retour en enfance. Ce désir d’isolement et de calme, d’admiration du silence, de la venue des chaleurs tendres au chevet. Si Ludovic tombait rarement malade, il subissait de réelles migraines assez régulièrement. Aussi la combinaison des quelques dernières heures passées ne l’avait pas rendu très conquérant. Se frottant les yeux, sortant de ses rêves éveillés il dévisagea sa cadette — il ne pouvait s’empêcher de toujours, toujours la regarder. Elle semblait si normale, à la première approche. Et pourtant, il lui manquait tant, qu’eux avaient. La magie ; le reste — tout ce qu’elle apportait. Il se demandait, des fois, ce qu’il se serait passé si il était né comme elle, dans sa famille où toujours tout avait été magique. « Tu rentres chez toi, pour Noël ? » Cela lui était sorti d’un coup ; d’un murmure se renforçant en voix réelle, au fur et à mesure des syllabes remontant sa gorge et dévalant sa langue. Comment cela se passait-il, chez elle ? Il ne savait pas — était certain que chez lui, rien n’aurait vraiment changé. Ses parents auraient été à l’identique, tout aussi aimant ; et ses frères à l’identique. Aurait-il été jaloux, des fois ? De ne pouvoir rien faire, face à eux tous puissants ? Aurait-il été égal ou inférieur — simplement différent ? Il ne savait pas, et ne pouvait lutter face aux questionnements surgissant qu’il ne pouvait vider que par le biais de la sixième année en face de lui.

Soupir — des fois tout était si difficile.  

« Ainsi posé, les genoux remontés venant se caller tout contre les vitraux ; Ludovic était bien. Ses yeux mis clos orientés vers le visage de sa cadette ; il l’écoutait parler. Aussi se laissait-il distraire par ses quelques moues passagères, ses courts sourires et rires rosés. Enfin, cela importait-il vraiment ? Laissant son regard couler hors de sa prison brune, il se perdit dans les horizons flamboyants quoique lointains rayonnant à sa droite, par delà la vitre et ses glaces usées. « Tu as des bons résultats. » Avait-il fini par lâcher en toute simplicité, le ton fade ; presque monotone. Et c’était un peu bête, de la rattraper ainsi ; mais que dire de plus ? Ludovic n’avait jamais aimé rehausser l’estime des autres, il n’avait jamais cherché à endosser le fardeau des autres ; et ne le ferait sans doute jamais vraiment. Pas dans l’enceinte de ces murs, en tout cas — ou peut-être que si. A l’égard d’une et d’une seule personne. Cassandre. Son frère cadet, bien présent à Poudlard ; quoique inconnu de la plupart. Un petit brun à lunettes, à la peau crémeuse et de trois ans son plus jeune. Un bout de chou de quatrième année, en somme. Tu es quelqu’un de studieux, tu ne devrais pas te dévaloriser de la sorte aurait-il pu poursuivre ; mais c’était si peu sa nature, que d’agir de la sorte.

Ludovic était un homme droit — mais par dessus tout, cela faisait bien longtemps qu’il ne se faisait plus influencer par les volontés extérieures à sa propre personne ; à sa propre famille. Il appréciait la compagnie et les rires baclés, les sourires engorgés de bonheur et les rayons de soleil tout contre son derme. Il aimait l’été et la transpiration dégoulinant de ses épaules jusqu’à ses reins. Il aimait se sentir vivant ; et adorait l’hiver pour ses couleurs et ses froids bien particuliers. Pour ses flocons et sa neige teintant son nez d’un beau pivoine et ses doigts à l’assorti carmin. Il aimait ne plus les sentir tant ils étaient glacés ; avoir peur de lâcher sa baguette car il avait peine à garder maîtrise de ces petits glaçons effilés. Enfin — enfin soit. Il avait souri avec tendresse à Kelsey quand elle avait parlé de sa famille ; car même si Ludovic n’aimait pas les lourdeurs n’étant siennes, il ne pouvait que vouloir enserrer sa cadette lorsqu’elle parlait de telles tristesses. Aussi aurait-il pu l’interroger, lui demander le pourquoi du comment — mais n’en fit rien. Il avait envie, pourtant, de savoir — le pourquoi, le comment. Mais l’instant ne s’y prêtait pas, et d’autres questions déjà l’assaillaient ; le titillant et lui arrachant un sourire assez large pour créer deux fossettes aux recoins de ses lèvres. « Ouais, je rentre ! » Et il ne put s’empêcher de laisser s’échapper un de ces petits rires fractionnés et bambins. « C’est… » Il avait déjà les yeux brillants, plus clairs ; moins sapins. Des yeux d’enfant — « Tu veux vraiment savoir ? » Et sa moue s’était un peu affaissée, il était bon conteur ; il avait l’habitude de narrer, chez lui ; lors des repas et des discussions, sur les canapés ou dans les escaliers. Avec ta famille… Semblait être insinué.

Attention et délicatesse — il savait, le Ludovic ; les bonnes manières.

« Comme ça. » Avait mystérieusement répondu le préfet ; un sourire collé au visage. Mais il était déjà loin — déjà ailleurs, bien en dehors de poudlard. Car plus sa cadette avançait dans ses propos, plus il se sentait vivant. Et c’était étrange, ainsi ; elle le reliait à la réalité tout en lui permettant de s’évader. C’était comme si ils n’étaient qu’eux, au rebord de la fenêtre ; dans la nuit prenant peu à peu le dessus, prêts à partir dans le monde des merveilles — celui des contes et des souvenirs. Aussi ne put-il s’empêcher de rire sur les derniers mots de Kelsey. Il n’y avait rien eu d’amusant ; juste une envie soudaine, jaillissant hors de lui avant même qu’il ne songe à l’émettre — l’on pouvait dire qu’il était content. D’être ici, avec elle ; dans l’instant présent. « Chez les Dave tout se fête ! » Et il avait levé quelque peu les bras — quel conteur ne bougeait pas ? « Nous sommes sept frères, pas une seule fille ; juste notre mère pour rattraper le coup. » Un rire étouffé avait franchi ses lèvres, le blond préfet était à la fois présent et absent. « Les anniversaires, les célébrations ; et même quand il n’y a pas de fête le simple fait d’être ensemble est une sorte d’événement, je suppose ? » Une jambe venant s’affaisser dans le vide, à moitié en tailleur, il posa ses bras sur le genou restant continuant à se dresser fièrement. Il se rapprocha imperceptiblement de la sixième année, bougeant sa tête, vrillant ses iris ; puis souriant : « Divus Jordan Louis Judas James moi-même et Cassandre. » Une belle ribambelle de prénoms, aussi repartit-il en arrière, heurtant le mur du rebord interne. « Enfin je m’égare, pardon. » Œillade amicale, il s’apaisa avant de poursuivre ; plus serein : « Les vacances de noël c’est toujours un peu particulier. On s’y retrouve tous, mais jamais en même temps. Entre ceux qui travaillent, ceux qui étudient encore et Cassandre et moi ; c’est un mélange d’euphorie et d’agitation permanente. » Aussi finit-il par sortir sa baguette, lançant quelques accio informulés. Le silence se fit quelques instants, et une sorte de châle aux couleurs gryffondors lui sauta au visage, alors que ses lunettes ; plus sages, venaient se poser dans sa paume libre, bien ouverte. Se dépatouillant avec la couverture qui n’en était vraiment une, il finit par mettre ses verres ; lâchant un soupir de contentement. « Mets toi face à moi ? Qu’on partage, et puis ce sera plus pratique ainsi. » Histoire qu’ils forment une belle symétrie, que leurs pieds se bloquent mutuellement et qu’il puisse mettre son plan à l’œuvre. En garçon prévenant, il avait déjà glissé l’assiette à terre ; sur la marche la plus proche de lui. « Et dis-moi si je parle trop ; hein. » Sourire.

Après tout, il ne faisait que commencer.

« Hehe. » Et il ricanait doucement, ses épaules oscillant alors que son regard baissé se redressait. Kelsey venait d’entrer sous le châle, aussi n’hésita-t-il pas à venir toucher ses pieds des siens — il n’était jamais agréable de toujours se sentir glisser, de se retenir en permanence ; laissant s’user muscles. Ludovic n’était que gamineries, libéré de tous fardeaux, la potion faisait effet : le propulsant dans des monts de confort, il se laissait aller à sourire ; pour de vrai — bien en grand, puis en plus petit. Une certaine espièglerie dansait dans son regard, baignant dans des eaux de maturité ; rendant le tout assez bancal, assez instable — mais très confortable. Et sa cadette avait appuyé sur les bons boutons, à s’enthousiasmer de sa famille ; à vouloir en savoir, le laissant s’évader un instant, plonger dans des flots d’images qui jamais ne s’arrêtaient.

Aussi fut-il coupé dans son élan quand il l’entendit reprendre ses dires de manière plus incertaine — ses œillades se faisant plus attentives, presque paresseuses ; il écouta sa demande. « Huh ? » Il fallait bien l’admettre, Ludovic était surpris. Reprenant consistance, balayant d’une main ses cheveux, la remontant le long de son front ; il finit par sourire : « Ouais, bien sur. » Après tout, il avait songé à lui proposer plusieurs fois ; pas sous cette forme, évidemment — celle de l’échange. Il ne quittait jamais vraiment son bois, aussi le dévisagea-t-il un instant ; avant de le-lui tendre, son torse venant toucher ses cuisses : « 32,7 centimètres ; bois de vigne, crin de licorne. » Rire.

Joues un peu rosées, il se souvenait de l’exclamation de ses frères quand sa baguette l’avait choisi — petit il avait rêvé de gloire, et s’était retrouvé coincé sous le signe de la sensualité. Que vouliez-vous qu’il dise ? Lâchant un soupir résigné ; il esquissa un de ses sourires bien à lui, bien intimes et bien rares — aux bordures embarrassées.

« Ouais, je savais. » Avait-il souri quand sa cadette avait parlé de sensualité, ne relevant pas son rougissement — la réaction était moindre face à celle qu’il avait eu enfant. Aussi s’était-il rehaussé, cherchant une position de confort, se retrouvant une épaule contre les vitraux, l’autre plaquée au mur. Sa tête quelque peu en arrière, le blond préfet avait continué d’écouter Kelsey — son regard sombrant dans des eaux inconnues plus elle continuait. Et c’était étrange, en un sens ; de se voir décrire par quelqu’un qui ne le connaissait vraiment, même si certains traits se voyaient être grossis ou déformés. Ludovic n’aimait se décrire et se dépeindre ; il parlait de sa famille, parlait de tout mais jamais de lui — tout comme des autres. Sans doute exagérait-il, mais il n’avait jamais trop apprécié le principe de la narration, du dévoilement à l’autre. Que ce soit une question de confiance ou de désillusion importait peu ; les faits étaient là. Aussi, lorsque la sixième année eut posé son interrogation, manqua-t-il de lâcher un commentaire évasif. Un de ceux qui lui étaient propres, bien personnels et habituels. Je n’aime pas parler de moi faisait toujours un peu trop spleen, un peu trop sombre. Alors toujours il innovait, fuyait et détournait la curiosité vers un autre pôle. Aussi, avait-il simplement répliqué : « Pas de secret, avec les baguettes. », un sourire se formant aux recoins de ses lèvres. Et récupérant son bois ; il n’avait pu s’empêcher de le serrer dans sa paume, avant de le faire rouler sur lui-même ; bien dans sa poigne.

Il n’avait pas dénigré — en était presque fier.

Riant un peu, reprenant une consistance plus claire ; plus régulière — de celles qui déversaient des cascades de lumière dans ses œillades, il demanda : « Tu aimes ça, la magie ? » Et c’était sans doute un peu cruel, de demander ainsi ; à elle — cracmolle, cracmotte. Mais Ludovic s’en fichait — Ludovic s’était toujours fiché de ceci et de cela, lorsqu’il avait quelque chose en tête. « Je peux lancer quelques sorts, si tu veux. » Et tant bien même était-il très peu doué lors des devoirs surveillés et des travaux pratiques, il s’était toujours montré exemplaire lors des examens. Gryffondor un jour, gryffondor toujours ; dirait-on.

Et sur son visage son esquisse était gamine.

« Ok ok. » Avait ri Ludovic, sous les assauts enthousiastes de sa cadette. Se frottant la tempe, il avait envisagé ses demandes. « Les sorts de duel sont un peu particuliers ; surtout quand ils sont créés par des étudiants, alors on évite la plupart du temps de les utiliser. Ils sont assez instables tu comprends ? C’est difficile d’inventer un sort, de former sa gestuelle, sa prononciation et tout ce qui va avec — donc on se méfie souvent des effets secondaires, même si ça peut-être très mignon. Au final, ça reste un sort offensif, hormis si on le dérive. » Avait-il trop parlé ? Ludovic était assez insensible vis à vis de ses professeurs — aussi les cours d’Emerald ne l’avaient jamais trop déstabilisé ou répugné. Ses matières favorites se résumaient aux défenses contre les forces du mal et aux cours de sortilèges — alors il relativisait. Enfin, avec son orientation prochaine, il avait du fourrer sa truffe dans des bouquins qu’il n’avait jamais trop songé à lire — à s’intéresser à des sujets qui lui passaient auparavant bien au dessus de la tête. Bref.

Souriant distraitement, il avait bougé son bois.
« Kelsey, c’est bien ça ? » Avait-il murmuré pour lui-même, n’attendant aucune réponse. Et au fur et à mesure de ses mouvements venaient s’écrire en capitales le prénom de la sixième année. « Ce n’est pas un sort très compliqué, je l’ai appris assez jeune je crois ? Aussi vu notre maison c’est un peu dur d’y échapper. Tout ce qui est rouge, flamboyant et qui vous donne envie de faire des roar… Enfin tu connais le principe. » Et balayant d’un revers de main les lettres qui déjà s’estompaient, il murmura entre ses lèvres : « Avis ! » Et c’était toujours plus compliqué, toujours plus difficile de faire sortir des pigeons de sa baguette — bien un sort de Serdaigle, que dirait-on. Surtout quand on devait s’imaginer la bestiole ; quand on en avait une en tête. D’ou le fait que le grand dadais ait évité toute tentative d’informulé — il ne s’y risquerait pas. Vous saviez, les principes d’honneur et de fierté. Herm.

Un colibri était sorti — puis deux ; et enfin trois. « Je comprends pas pourquoi les bleus sont si doués avec ce sort. » Avait-il finalement marmonné, les yeux toujours rivés sur ses volatiles — il n’aimait pas lâcher des yeux ses sortilèges en cours de production. Aussi Ludovic avait-il fait ondoyer son poignet, faisant louvoyer sa baguette de manière à faire bouger plus librement les petites créatures. « Tu peux les prendre dans tes mains, si tu veux. » Il leur ordonna de descendre à portée d’eux ; l’un allant se poser sur un de ses genoux.

Il fallait bien la laisser profiter — la magie n’était pas éternelle.
Aussi belles certaines créations pouvaient être ; elles finiraient toutes par s’évaporer, sans préavis et sans bruit.