Les extérieurs de Poudlard méritaient qu'on y aille afin de découvrir leur beauté. Enfin, c'est ce que se disait Serah. La jeune Serdaigle de première année avait voulu y faire une petite promenade, pour changer de la bibliothèque. Elle n'avait pas cours, donc bon, c'était une bonne idée non? Elle se promenait toujours avec son carnet de "test" si on peut dire, où elle y marquait la date au début, l'heure à laquelle elle faisait son test, c'est-à-dire son laisser de tomber de tartine beurrée avec toutes les mesures qui allaient avec : dimensions de la tartine, consistance, mollesse, type de pain, type de beurre, poids, angle de chute, angle de disposition de la tartine sur le support (une table le plus souvent)... etc. Il y avait même des corrections de mesures. Elle prenait aussi l'heure exacte de début et de fin du test, ainsi que la température de la pièce et le temps qu'il faisait dehors. Enfin, allez savoir où elle trouvait la patience de faire cela. On pourrait se dire : elle s'amuse. Mais en fait, elle comptait tirer des conclusions. Elle était persuadé qu'on puisse faire de la divination avec ça. Elle noterait donc à la suite de ses tests de la journée, ce qu'elle verrait d'insolite, ou qui (ou quoi!) elle rencontrerait...

Voici qu'elle réfléchissait à cela en se disant que ce ne serait pas une mauvaise idée du tout enfin... Uniquement si elle n'avait pas fait de test et qu'elle n'était pas en quête d'informations pour ses conclusions. Soudainement, elle s'arrêta et regarda une personne, une personne blonde. Elle ne la voyait que de dos mais...pour elle c'était sûr, elle était plus vieille. Cette personne portait l'uniforme des Poufsouffles. Tiens tiens. Elle n'était pas accompagnée. Alors, la jeune Serdaigle approcha, doucement, pour uniquement voir ce qu'elle faisait. Elle se fit silencieuse.

Une fois de plus, Nemesis s'était levée de bonne heure, et, après son jogging, ses pas, alors qu'elle errait dans les couloirs, l'avaient inconsciemment menée à l'extérieur; le ciel était assez dégagé, même si la température ne convenait toujours pas au sang brésilien de la jeune blonde. Celle-ci avait pris le soin d'emporter de quoi s'occuper dans son éternelle besace; cela incluait ses cartes de tarot faites-maison, des pierres divinatoires ainsi que quelques bâtons d'encens et son briquet porte-bonheur. Elle prévoyait ce matin-là de méditer pendant quelques heures et de faire le point sur ses oracles.

S'installant dans un coin du parc qu'elle appréciait pour son calme et sa position éloignée des habituels groupes d'élèves bruyants en ces matinées libres. Oh, si elle n'avait pas l'intention de méditer, elle se serait jointe à eux sans éducations; mais cela faisait presque deux jours qu'elle ne s'était pas isolée pour interroger ses étoiles, ce qui était une atrocité, pour Nemesis. Après s'être trouvé une position confortable sur l'herbe, elle avait ramené ses jambes en position du lotus, avait esquissé les gestes nécessaires à l'ouverture de ses chakras en respirant profondément, et avait commencé sa méditation. Un violet apaisant avait envahi ses yeux, parcouru de formes reposantes qui se mouvaient lentement derrière ses paupières, les battements de son cœur et sa respiration se firent moins saccadés.

Alors qu'elle commençait tout juste à débrider ses pensées, un froissement d'herbe se fit entendre derrière elle. Les yeux de la jeune fille s'ouvrirent soudainement, agacée qu'on l'ait dérangée en pleine séance de relaxation, et elle se retourna avec une moue énervée, en foudroyant l'intrus du regard, appuyée sur un bras, tandis que le violet qui l'avait apaisée un peu plus têt disparaissait peu à peu. Nemesis avait horreur qu'on l'interrompe, même involontairement, dans ses réflexions intérieures; elle réagissait au quart de tour si l'on intervenait au cours ses préparatifs.

- Je peux t'aider ? lâcha-t-elle avec un ton un peu revêche, qui allait à l'encontre de son vœu de sérénité et de bienveillance.

Elle en profita pour examiner l'importun; c'était une petite fille, qui devait avoisiner les 11-12 ans, et qui la regardait avec une mine curieuse et intelligente. Cela ne fit pas flancher Nemesis, dont le regard accusateur était toujours fixé sur l'intruse. Nom d'un strangulot, elle allait regretter son intrusion, foi de Nemo ! Elle se retourna pour faire face à la petite brune, en attendant d'entendre ses explications. Cette réaction pouvait paraître un peu excessive, mais pour Nemesis, elle était totalement justifiée. 

Elle fut très intriguée de voir tes gestes. Décidément... C'était une étrange façon de faire. Ah ! C'était une méditation ! Plutôt étrange, mais une méditation tout de même. Ce devait être quelqu'un de relaxé. Quelqu'un de zen mais surtout quelqu'un de sympa, elle se sentait bien avec cette bonne impression. Elle pratiquait quelque chose qu'elle appréciait, bien que débutante en la matière. Elle allait sourire quand...en fait... la personne en face d'elle lui adressa la parole de façon... dure. Enfin, d'une façon qui faisait clairement comprendre qu'elle la gênait plus qu'autre chose. Elle fut surprise et légèrement intimidée, légèrement. Parce qu'elle avait beau être quelqu'un qui n'avait pas peur comme ça, mais elle restait jeune et consciente que face à quelqu'un de plus grand qu'elle, elle n'était pas de taille à continuer dans sa lancée. Ici, pas question d'ignorer le ton qu'on avait employé pour lui parler, non non. De plus, elle commençait par se dire qu'il faudrait quelque chose en béton pour ne pas se faire démonter. Elle serra son carnet de test contre elle. Elle se remémora sa tartine beurrée et se dit qu'en effet, elle était tombée d'une drôle de façon. Mais qu'est-ce qu'elle avait fait ?

Nemesis remarqua la surprise et la crainte quasiment imperceptible qui traversèrent furtivement le regard de son interlocutrice. La grande blonde fut quelques instants décontenancée par l’aspect et l’expression totalement innocente de la petite fille, mais elle reprit contenance, bien que son regard se soit adouci. C’est vrai qu’en temps normal, une personne qui pratique la méditation ne se montre pas aussi agressive mais, comme dit plutôt, cela faisait bientôt deux jours qu’elle n’avait pas pu se recueillir ; elle était en manque de sérénité, ce qui troublait son aptitude au calme et au contrôle de son énergie.

Cependant, c’est avec plus de calme qu’elle écouta vaguement la petite fille s’expliquer, tout en sondant son regard pour s’assurer qu’elle ne la faisait pas tourner en bourrique. Elle fut rassurée par l’honnêteté que renfermaient ces grands yeux noisette, et puis, elle pensait que les Serdaigles, dont la petite fille faisait visiblement partie et pour qui elle avait une certaine sympathie car c’était la maison de son amie la plus chère, Santana, étaient incapables de proférer des mensonges. De plus, Nemo était assez naïve ; elle décida donc de croire la jeune fille, dont les joues avaient viré au cramoisi.

-Tu veux te joindre à moi ? Avait lâché Nemesis sans réfléchir et sans accorder de réponse aux excuses de la jeune Serdaigle.

Sur le coup, elle eut la pressante envie de se fracasser la tête contre un mur; elle ne savait pas quelle mouche l'avait piquée. Elle regretta rapidement cette invitation ; elle était toujours seule pour méditer, et totalement incapable de se concentrer si des gens l’entouraient car ils n'étaient, pour la plupart, pas initiés à la méditation et à l'ouverture des chakras, ce qui leur conférait une aura mouvementée qui troublait la réflexion de Nemesis, surtout s'il s'agissait d'enfants.

Mais une sorte de fierté l’empêchait de revenir sur sa décision et puis, inconsciemment, elle n'avait aucune envie de blesser la jeune fille. Au fond, elle était heureuse que cette dernière s'intéresse ainsi aux sciences occultes et fière d'avoir été l'objet de sa curiosité.

Alors Nemesis adressa un sourire, certes un peu crispé mais un sourire quand même à la jeune Serdaigle et tapota doucement un espace libre d'herbe en face d'elle, pour l'inviter à s'asseoir. Elle se disait que, de doute façon, elle ne perdrait pas plus d'une heure de sa journée et que l'énergie d'un enfant pouvait être bénéfique pour recharger son énergie astrale, si elle était maîtrisée.

Un instant, la grande blonde songea à l'idée que la petite fille qui se tenait devant elle pouvait en fait être un redoutable espion envoyé par les Serdaigle pour trouver la faiblesse des Poufsouffles et remporter la coupe des maisons en fin d'année. Mais elle écarta cette pensée désagréable, se sermonnant; la méfiance n'était pas favorable à l'épanouissement de son âme et à l'ouverture de ses sept chakras.

La jeune Serdaigle semblait vraiment intimidée et Nemesis s'en voulait de lui avoir fait peur. Pourtant la grande blonde n'avait pas l'air d'un horrible monstre, si ? Nemesis ne pouvait s’empêcher de se sentir un peu vexée; était-elle si repoussante que la petite refusait de prendre place près d'elle ? Nemesis songea aux nombreuses réunions familiales au cours desquelles elle s'était souvent plu à effrayer ses petits frères et cousins dont l’exubérance l’agaçait. Et cela devait fonctionner puisque les petits monstres se calmaient sur-le-champ et ne l'approchaient plus pendant tout le temps que durait la réunion. Disons que lorsqu'elle le voulait vraiment, Nemesis pouvait être terriblement intimidante.

Mais là, elle ne comprenait pas; elle n'avait fait aucune horrible grimace, n'avait hurlé aucune abomination. Bon, d'accord, elle s'était peut-être retournéE brusquement, mais ce n'était pas aussi terrifiant que l'attitude qu'aurait adoptée un monstre pour effrayer un enfant, si ? La petite Serdaigle semblait cependant s’apaiser peu à peu; elle reprenait des couleurs normales et ses épaules étaient moins crispées; c'est avec une voix assurée et enthousiaste qu'elle accepta l'invitation de Nemesis. Cette dernière regrettait toujours un peu de lui avoir fait cette offre mais elle ne se départit pas de son sourire rassurant lorsque la petite brune s'assit devant elle.

La grande blonde lâcha un petit ricanement amusé en remarquant que son invitée inspirait et soufflait nerveusement, comme pour se donner contenance. Elle remarqua également qu'une lueur déterminée s'était installée dans le regard de celle qui lui faisait face. Cela lui fit plaisir, cette soif d'en apprendre plus sur son domaine l'enchantait secrètement, et elle commençait à se dire que, peut-être, lui apprendre quelques bases ne serait pas si agaçant que cela.

Après que la jeune brune l'ait informée sur son expérimentation et sa volonté d'apprendre, Nemesis se fit plus confiante; la petite fille avait vraiment envie d'apprendre, non pas de la faire tourner en bourrique ! Cependant, elle ne pouvait s’empêcher de se sentir un peu nerveuse; jamais elle n'avait endossé le rôle de professeur; et ses seules prises de responsabilité se limitaient à sa fonction de baby-sitteuse pour ses frères, lorsque les parents Wayne sortaient. Mais la jeune Serdaigle lui semblait bien plus mature qu'Alex et Jeremy au même âge; elle se sentait dans le besoin de sortir le grand jeu et d’impressionner la petite Serdaigle. Elle se tritura nerveusement la peau du coude, à la recherche de quelque chose à dire, pour combler le silence pesant qui commençait à s'installer. Le parc, à cette heure-ci, était encore presque vide; les élèves profitaient du week-end pour faire une grasse matinée ou pour lézarder dans leur salle commune. Au-dessus de leur tête, une poignée d'oisillons se battaient pour on ne sait quelle bestiole que leur tendait leur mère et qui rassasierait le ventre de l'un d'entre eux. Ce bruit agaçait inexplicablement la grande blonde, qui essayait de se concentrer pour trouver quelque chose à dire. Elle finit par interroger son «élève», sur qui elle ne savait pas grand chose:

-Dis-moi, avant tout, tu t'appelles comment ?

Nemesis était légèrement troublée par le regard intelligent de la petite Serdaigle; celui-ci semblait en effet pouvoir lire tout ce qui pouvait se cacher derrière vos yeux. Oh, il n'y avait rien de vraiment compromettant derrière ceux de Nemesis, mais la grande blonde se sentait quand même légèrement mal à l'aise, comme si elle avait quelque chose à se reprocher. Elle se rendait compte maintenant à quel point ce type de regards inquisiteurs était angoissant ; elle-même s'en servait quelques fois pour en découvrir plus sur les cibles de ses prédictions ou pour dénicher les personnalités manipulatrices. Elle détourna les yeux quelques secondes, faisant mine de vérifier que son sac n'avait pas bougé (vu tout ce qu'elle cachait dedans, cela ne l'aurait pas étonnée) puis revint sur son "élève" qui avait répondu. Serah, c'était un joli prénom, rare, qui se distinguait grâce à sa singularité par rapport au prénom "Sarah". Nemesis hocha la tête en souriant puis s'étira rapidement, tout en dressant un programme de ce qu'elle pouvait apprendre à la jeune fille en une heure. Elle n'avait pas vraiment l'intention de dépenser plus de temps ; c'était distrayant, certes, mais elle était tout de même en septième année et, même si elle n'était pas du genre à bosser longtemps, elle souhaitait s'avancer un peu dans ses devoirs ce dimanche.

-Bien Serah, voyons un peu ce qu'on peut faire...

Nemesis ramena ses cheveux sur son épaule droite avant de se tourner vers son sac qu'elle vida entre elle et son élève. Toutes sortes d'objets se logèrent dans l'herbe, il y avait des pierres, des cartes, d'étranges incrustations dans quelques galets, des bougies, une ou deux poupées vaudou méchamment abîmées, des sachets de thé apaisant, des huiles essentiels, de l'encens et tout un tas d'autres babioles, dont la plupart avaient été achetées sur internet. Nemesis eut quelques secondes d'indécisions, ne sachant par où commencer. Décidément, le métier de professeur n'était pas fait pour elle, il lui faudrait de l'entraînement, et ses premières expériences seraient sûrement laborieuses et ennuyantes. Elle espérait qu'elle finirait par s'y faire... Elle attrapa au hasard un quartz qu'elle fit rouler dans sa main et qu'elle tritura tout en réfléchissant. Elle leva les yeux vers son élève et lui demanda simplement en désignant les objets étalés devant elles:

-Il y a quelque chose qui te fait particulièrement envie ?

Nemesis ne pouvait s'empêcher de voir de l'admiration dans les yeux de sa jeune élève, et elle en était toute fière ! Pour d'autres, cela n'aurait pas représenté grand chose, toutes ces babioles. Mais pour elle, c'était toute sa vie, en exagérant à peine et elle ne pouvait s'empêcher de se sentir heureuse lorsque ses possessions avaient autant de valeur aux yeux de ceux à qui elle les montrait. Pendant que Serah observait tous les objets déballés, Nemesis avait reposé son quartz et s’affairait à organiser un peu mieux ce qu'elle avait sorti. Il faut dire qu'il était difficile de s'y retrouver, elle-même ne se rendait pas compte de tout ce que pouvait contenir son sac ! Nemesis chassa un moustique qui s'était posé sur sa jambe et qui devait avoir du cran pour survivre en Écosse avant de se pencher pour remettre une dernière pierre en place, attendant patiemment la réponse de la jeune serdaigle.

La jeune blonde se retint de faire une grimace peu encourageante en entendant la réponse -non, l'interrogatoire- que lui fournit la jeune fille. Décidément, sa curiosité n'avait pas de limites ! Elle serra les dents et résista à l'envie de lui refiler un bouquin sur la méditation au lieu de devoir tout lui expliquer. Mais non, elle se devait d'être une "professeure" -cela sonnait toujours étrange à son esprit- attentionnée. Elle tria les questions et prit l'initiative d'y répondre petit à petit en expliquant à l'aide de réponses personnelles et en regardant son élève dans les yeux, pour bien se faire comprendre.

Nemesis reprit sa respiration, fière de son explication et surprise de se rendre compte qu'elle prenait peu à peu goût à son rôle de professeure. Elle sourit à son élève et voulut s'assurer si elle avait bien tout compris; elle s'était peut-être emballée dans sa passion pour la méditation et était allée trop vite ?