Moriarty n'avait jamais compris le 14 février et les festivités qui en résultaient. Et pourtant, ce n'était pas une coutume datant de ses années en tant que spectre et dont l'apparition aurait dû l'étonner autant que savoir que oui, les garçons pouvaient aimer les garçons. Cet enseignement continuait à le secouer, pauvre fantôme dépassé qu'il était. L'amour semblait être une notion qu'il oubliait avec le temps.
Il était perdu sans ses réflexions, patrouillant dans les couloirs. Donner des cartes et distribuer des roses à son bien-aimé ou sa bien-aimée étaient des manières existant déjà de son vivant. Ce qu'il ne comprenait pas malgré tout, c'était le fait d'exprimer autant son amour à une personne lors d'un seul jour ? Être aux côtés de la personne que l'on chérissait devait être une fête chaque moment, c'était bien futile de consacrer de manière plus solennelle un jour unique à cette relation.
Définitivement, il ne comprenait pas.

Les angelots pour le moins laids qui voletaient partout dans le château l'inquiétaient plus encore. Moriarty n'était certes pas omniprésent, mais il était bien placé pour savoir lorsque quelque chose semblait mal se passer, après avoir passé plus d'un siècle en ces lieux. La Saint-Valentin de l'année dernière s'était résumée par un empoisonnement alimentaire, beaucoup de panique, d'amours à sens unique et au lendemain, des déprimes tragiques qu'il n'oublierait jamais. Si personne ne remarquait visiblement pas la présence des créatures potelées, trop occupés à vérifier le contenu de leur repas (ce qu'il comprenait parfaitement), la méfiance continuait à se lire dans les yeux grisâtres du fantôme. Sa cape vaporeuse survolait les tables des maisons, attentif ; cela faisait un petit moment qu'il avait déjà traversé les murs de la Grande Salle.
Une voix qu'il ne reconnut pas émergea derrière lui, le ton doux. À cette hauteur, seul un fantôme pouvait l'aborder et il eut le réflexe de penser à l'infirmière tout en se retournant vers l'origine de cet écho, soudainement plus détendu.

— Euphrasie avez-vo--

Il se tut, reconnaissant la tenue de nuit du fantôme de Serdaigle. La déception lui tomba dans ses entrailles inexistantes comme du plomb. Ses pupilles grisonnantes fixèrent le visage souriant de Superbia qu'il ne se rappelait pas avoir déjà observé, puis pivotèrent frénétiquement, cherchant une explication plausible. Du soulagement et la déception vint la confusion totale. Cet air bienveillant semblait éphémère, et il ne retenait de Superbia que ses cris et ses plaintes agaçantes qui l'obligeaient à s'en cacher. S'il se contentait de fuir à sa vue en voulant éviter une querelle, les salutations pleines de bonne humeur qu'elle lui avait faites le rendaient abasourdi.

— Superbia ? Vous sentez-vous bien ? fut la première réponse qu'il fut capable de trouver, bien trop stupéfait et sceptique pour lui rendre son salut.

Gentleman qu'il était, il ne put s'empêcher de sentir la méfiance de nouveau poindre. Trop d'années s'étaient écoulées avec elle dans les parages et il n'appréciait pas que l'on se joue de lui. Il était bien trop habitué à être chassé et blâmé pour des vêtements qu'il ne pouvait plus retirer. Manigançait-elle quelque chose en ce fameux jour ? Après tout, elle-même se régalait des rumeurs et des déboires des élèves.
À cet instant précis, sa méfiance put passer pour une colère violente tant le ton qu'il prit fut aussi glacé que son souffle.

— Je veux dire. Que voulez-vous ? Il n'est pas dans vos habitudes de venir me dire bonjour. Est-ce une invitation plus polie pour que je me rende dans les cachots ?

Il n'aimait pas Superbia après tout.