Il était tard mais Louis n’arrivait pas à dormir. Il était préoccupé par le match de Quidditch qui aurait lieu le lendemain pour sa maison et une autre. Louis détestait ce sport. Il était dangereux et violent. Même sans les cognards, au demeurant, il se jouait sur des balais volants : la moindre chute pouvait s’avérer fatale. Le petit Serpentard refusait, depuis deux ans, d’assister aux matchs, pour cette simple raison : il ne voulait pas voir de joueurs crier sous les coups d’une balle qui leur brisait un os, ou pire encore, quelqu’un mourir d’un coup trop violent, ou d’une chute d’un point trop haut, ou de n’importe quoi d’autre. Il ne pouvait pas s’empêcher de se demander si son frère jouait au Quidditch, quand il était à Poudlard. Ils avaient tant d’année d’écart, et son aîné était mort si tôt, que Louis le connaissait finalement très mal.
Trop agité, le garçon cessa de se retourner dans tous les sens dans son lit et choisit de le quitter. Il enfila silencieusement une paire de chaussettes, prit un gilet à mettre par dessus son pyjama, puis quitta le dortoir sans un bruit. Il traversa la salle commune, déserte, et erra dans les cachots sombres et froids. Il était bien content d’avoir pensé à cette petite veste en laine pour le réchauffer. Il n’avait plus qu’à prier pour ne croiser personne. Il savait que les adultes et les préfets effectuaient des rondes. Avec un peu de chance, si il croisait Pete, il ne lui dirait rien… Bon, où aller maintenant ?

Sans baguette, sans lumos, sans lanterne, sans rien, Louis déambula dans les couloirs, montant timidement les marches des escaliers sur la pointe des pieds pour ne réveiller aucun tableau. Il finit par sentir une porte sous sa main et l’ouvrit. Si il avait bien compté, il devait être au troisième ou au quatrième étage. Il avança encore, parfois éclairé par la lumière de la lune qui traversait une fenêtre au rideau mal tiré ; puis il sentit une nouvelle porte. Prudemment, il l’ouvrit.

Louis tomba alors nez à nez avec un miroir. Un grand miroir. Le genre que sa grand-mère aurait pu avoir dans son salon, si elle avait été moins maladroite. Mamie Lys était connue pour casser beaucoup de choses fragiles, dans la famille. Un peu curieux, le Serpentard s’en approcha. Un miroir, ça ne pouvait pas être dangereux, n’est-ce pas ? Il se regardait dans une glace tous les matins pour se coiffer et n’était pas encore mort, c’était plutôt bon signe.
Un peu fatigué de cette marche nocturne, Louis s’assit en tailleur devant le miroir, et contempla son reflet. Alors, à sa grande stupeur, il se vit grand, très grand, grand comme son frère ; et il était d’ailleurs là, à côté de lui, et il y avait sa soeur aussi. Et ses parents. Et il était habillé comme un employé du ministère, une baguette à la main, un objet magique dans l’autre, et li lançait un sort et…

- Non ! cria l’enfant. Non, non, non, je ne serai jamais un sorcier ! Je n’utiliserai jamais la magie et je n’irai jamais au mini… !

Il se tut subitement, plaquant une main sur sa bouche. Il ne devait pas crier, il allait attirer l’attention. Il regarda rapidement la pièce, comme par peur que quelqu’un y soit entré et… vit enfin la jeune fille qui le regardait. Sa bouche toujours bâillonnée par ses mains, il retint un nouveau cri, puis la pointa du doigt.

- Tu es préfète, c’est ça ? Vas-y, enlève-moi des points, je m’en fiche !

Par contre, qu’elle ait vu comme lui dans le miroir, il s’en fichait beaucoup moins. Personne ne devait savoir ça. Il ne voulait pas devenir un grand sorcier. C’était complètement faux...

Louis suivit la grande fille du regard. Elle se baissa devant lui, à sa hauteur, et le Serpentard recula à l'aide de ses bras, avec méfiance, toujours assis en tailleur près du grand miroir. Pas préfète, hm ? Est-ce qu'il pouvait vraiment la croire ? Qu'est-ce qu'elle faisait dehors, en pleine nuit, dans ce cas ? Les gens plus âgés étaient censés devenir sage, pas défier le règlement. De toute façon, il l'avait dit : tant pis si elle lui enlevait des points. Sa maison le détestait déjà tellement qu'un peu plus ou un peu moins... ça n'allait certainement pas changer sa vie.
Elle lui tendit sa main pour sceller une sorte de contrat. Un secret ? Un secret entre lui et cette fille ? Et puis quoi encore ? Louis repoussa sa main sans ménagement, les traits toujours tirés dans cette espèce d'expression de sincère contrariété. Et connaître son nom ou sa maison ne l'aidait pas à plus l'apprécier.

- Je conclus pas de marché avec toi. Je te connais même pas. Rien me prouve que t'es pas préfète. Et puis t'as vu comme moi et tu vas le répéter, je suis sûr. Il se releva et pointa le miroir du doigt, sans connaître les propriétés magiques de celui-ci, et ignorant donc qu'elle ne pouvait pas avoir eu la même vision que lui. Je veux pas être un sorcier, t'entends ? C'est un mensonge ! Le miroir ment ! Je déteste le magie, et le ministère, et Poudlard, et tout le monde ici !

Le garçon serra ses petits poings et ferma fort ses yeux. Il était très en colère, brusquement, et sans raison apparente. Il était en fait vraiment perturbé par ce qu'il avait vu, par ce reflet étrange. C'était un objet magique, ce miroir, il n'y avait pas de doute. Un objet qui mentait pour troubler son coeur et le faire souffrir de l'intérieur, c'était certain... la magie n'apportait que du malheur.

- Et si t'es vraiment pas préfète, tu fais quoi là ? finit-il quand même par demander en écarquillant un oeil. Tu connaissais le miroir qui ment ?

Louis demeurait un enfant. Il nourrissait une certaine curiosité, lorsqu'il réussissait à apprivoiser sa colère et ses protestations.