Juste une histoire de brioche
Edgar n'était définitivement pas matinal, surtout le week-end et encore moins le dimanche ; d'un autre côté, il était aussi fanatique des petits-déjeunés, c'était son repas préféré, celui que comme les autres il ne ratait jamais. Jamais. Alors, chaque dimanche matin, après avoir mis son réveil à une heure humaine, il restait allongé pendant une bonne demi-heure à se questionner philosophiquement.
Devait-il se rendormir ou aller prendre le divin repas du matin ?
Pour se rendormir, il faudrait déjà que ce soit possible. Il n'était pas sûr que le sommeil repasserait après l'heure, alors que le dortoir avait été remué par ses camarades de classe déjà réveillé et qu'il résonnait toujours des ronflements de ceux qui n'avaient pas à faire de choix. Edgar n'avait pas de problème avec le bruit, il pouvait facilement le transformait en fond sonore dans sa tête, par contre, la lumière qui passait par la fenêtre juste à côté de son lit, cette fois-ci, ça le gênait. De plus, s'il finissait par se rendormir, il ne se réveillerait pas avant midi ou quelque chose dans le genre, ou alors il se ferait réveiller par les lèves-tôt, qui, ayant fini le petit-déjeuné, remonte s'habiller, se laver
dans la salle de bain dont l'existence même est remise en cause par son absence, se raser, lire, ou d'autres choses dont Edgar ne tenait pas à être au courant – ni témoin. Se rendormir serait donc médiocre, synonyme d'un dévorement volontaire de la moitié de la journée par une activité purement inutile dont le seul plaisir ne peut être vécu qu'en étant absent.
Tandis qu'au contraire, le petit-déjeuné était le moyen de commencer de manière dynamique la journée, avec motivation et gaieté ! C'était un bon repas, plein de gens et tout et tout.
Et pendant ces réflexions, Edgar restait allonger sur le dos sans bouger plus que ses doigts de pieds. Le temps filait et il restait éveillé dans un demi-sommeil qui le laissait pensif – et tu vois la profondeur des pensées. Mais au bout d'un long moment, comme ça, sans savoir quand la décision avait été prise, il se leva, s'étira et s'habilla avant de descendre dans la grande salle.
A cette heure-ci elle était souvent pleine – pas à craquer, mais pas loin – et c'était habituel de se marcher les uns sur les autres pour atteindre sa table. Edgar s'avança donc au milieu de cette masse de jeunes gens affamés, endormis, et traversa la salle courageusement, comme si c'était l'acte le plus épique du siècle, ne réalisant qu'à la moitié qu'il s'était trompé de côté. Il avait encore la tête sonnée par le sommeil et ajouté à son côté sans gêne habituel, cela lui valût la belle idée de s'avancer près de la table des bleus et de piquer un bout de brioche, avant de se redresser dans l'intention de reprendre sa route avec un beau sourire. Pourquoi avoir fait ça ? Hé bien... pourquoi pas ?