Icarus avait pris conscience, il y a de ca longtemps, que personne ne vivait de la même manière la découverte du monde magique. Triste vérité que voilà. Il était né dans une famille si stricte que cette découverte fut une véritable délivrance, dans les deux sens du terme. Il avait vu le bout d'un tunnel déjà si long et si noir, que le soleil avait brûlé ses yeux et ranimé son cœur. C'est donc sans grande surprise, qu'il nota la pointe d’anxiété dans le visage de Cyryiel. Elle n'avait probablement pas vécu la chose avec autant de joie que lui et peut être que le temps n'avait pas encore pansé cette plaie ci. Les paroles de la jeune sorcière trouvèrent refuge dans le creux de l'oreille du jeune homme, comme si c'était naturel, comme si c'était évident. Une expression pleine de douceur illumina le préfet et, d'une main, caressa la chevelure éclatante de sa camarade.

« Je vois. Mais maintenant c'est derrière toi. Maintenant tu es ici. Maintenant tu es préfete. Et bientôt tu va devenir une grande sorcière ! »

Sa main retrouva le chemin de sa serviette, comme un enfant qui connaît le chemin de l'école mais qui n'a pas envie de le suivre pour autant. Iko fit légèrement tomber le tissu pour plonger son regard sur la Serdaigle, une lueur amusée dans les yeux.

« Oh, tu es donc à moitié Irlandaise ? Je me demande comment c'est la France. Peut être qu'on pourrai se voir pendant les vacances ? Je te présenterai mes chiens comme ça ! »

Il s'était peut être emporté, peut être qu'elle n'avait pas envie de s’embêter à le voir en dehors de l'école ? Sauf que, ce qui effaça le sourire d'Icarus ne fut rien d'autre que ces derniers mots. Il n'avait personne à présenter. Pas de famille. Enfin si, mais c'était des animaux, pas des humains. Le Serpentard n'était pas triste. Il ne pouvait pas l'être. Pas en si bonne compagnie et avec un cœur aussi chaud dans la poitrine.

Cyryiel était, sans aucun doute, une meilleure sorcière que lui. Alors comme ça un Flambios ne causait aucun dommage ? C'était bon à savoir, surtout pour quelqu'un comme lui. Quelqu’un qui n'était pas particulièrement doué en sortilège.
Mais pourquoi est ce que la réponse de sa camarade le soulagea ? Elle n'avait pas d'amis intimes...du coup pas de... ? Le sorcier s'empressa de lui répondre pour ne pas s'enfoncer plus dans une réflexion déjà si étrange.

« Eh bien je m'entends bien avec deux ou trois personnes, mais c'est...de la sympathie mutuelle tu vois ? »

Ce qui se rapprochait le plus d'un ami n'était autre qu'Emmet, mais là encore, leur relation était si explosive, qu'ils passaient plus de temps à se balancer des sorts qu'à se confier l'un à l'autre. En y pensant il y avait bien quelqu'un maintenant, quelqu'un juste en face de lui. Il ouvrit la bouche pour rajouter ce point qui lui semblait important, tout en séchant ses cheveux avec puissance. Ses mots et ceux de Cyryiel se croisèrent et sa voix, un peu timide, se perdit dans celle, plus assurée, de la demoiselle.

« Il y a toi. »

Elle était à nouveau revenue vers lui. Elle posa ses mains sur les siennes comme pour l’empêcher de continuer à malmener sa tignasse. Elle posa ses mains sur son cœur. Icarus ne bougea pas. D'un mouvement discret il tira à peine sur la serviette pour voiler son visage. Juste un geste imperceptible. Juste une action pour dissimuler des rougeurs aux joues qu'il ne comprenait pas...

Comme il s'en doutait, sa camarade n'avait pas beaucoup connu la France. Icarus s'était toujours demandé comment étaient les autres écoles, est ce qu'elles avaient une apparence similaire à Poudlard ? Sa curiosité avait, depuis longtemps, franchit les frontières de la Grande Bretagne pour s'envoler en quête de questions toutes aussi folles les unes que les autres. Et si, un jour, il mettait à jour une nouvelle espèce de créature magique ? Et si, un matin, il participait à l’élaboration d'un nouveau sortilège ? Et si, un soir, il partageait tout ça avec Cyryiel ? A cette pensée, le préfet manqua une respiration. C'est pour se rafraîchir les idées qu'il répondit aussitôt à la question de la Serdaigle.

« C'est vrai ? J'aimerais bien te voir en dehors de l'école. Je pourrais t'inviter à Pré-au-lard un de ces jours ? »

Iko ne prit pas vraiment conscience de ses mots sur le coup, il était trop occupé à se sécher les cheveux en se demandant quelle était le plat favori de la demoiselle ou encore quelle était sa boisson préféré. Les mains de Cyryiel était vraiment légère et c'est sûrement quand elle dégagea un à un ses doigts de sa prise qu'il en sentit toute la douceur. Ses mots étaient si réconfortant. Le simple fait que quelqu’un s'inquiète pour lui suffisait à le rendre heureux. Qu'une personne fasse attention à lui de cette façon était, en plus d'être nouveau, une sensation très agréable.

Le Serpentard sentit alors la serviette glisser délicatement de sa tête humide. Son regard tomba droit sur celui de Cyryiel et quelque chose se brisa. Une chaîne ? Un cadenas ? Une grille ? Peu importe l'image qu'il tentait de lui attribuer, il le savait. Un poids immense fut libéré et se volatilisa avec pour seul adieu le sourire de sa victime, Icarus K. O'Neill. C'est dans ces yeux bleus qu'il avait trouvé une second souffle.

« Mes cheveux sont aussi facile à coiffer, qu'un dragon à être dressé. »

La Serdaigle était en train de démêler une à une ses mèches rebelles. C'est à peine si Iko avait conscience de ses mains tant elle y allait doucement. C'était presque comme la caresse d'une plume.

« Non. Tu ne me fais pas mal du tout. »

Elle était douce, oui, mais pas dans le sens physique. Ils avaient noué un lien si vite et si facilement qu'Icarus était convaincu que cette demoiselle était une personne admirablement gentille. Il comprenait pourquoi elle avait été nommé préfete et surtout qu'elle n'avait rien à envier à qui que ce soit. Si Poudlard avait plus de gens comme elle, l'école ne s'en porterait que mieux.

« Tu es une très bonne personne Cyryiel. Si tu as besoin de quoi que ce soit tu peux me le demander »

Juste une pensée qui s'était transformé en mots. Juste une idée qui s'était mué en sourire. Il était face à elle. Elle qui tentait adroitement de mettre un peu d'ordre dans sa chevelure. Elle qui était relativement proche. Elle qui méritait tellement plus. Il ne pouvait pas la lâcher des yeux. Il n'arrivait pas à s'éloigner. Il n'arrivait pas à comprendre pourquoi.
Pourquoi la fixait-il si intensément...

Elle était d'accord pour lui rendre visite durant les vacances. Plus que la joie d'imaginer des vacances en sa compagnie, ce qui frappa surtout Icarus, et en bien, fut qu'il passerait au moins une période en dehors de l'école avec de la compagnie. Des vacances avec un autre sorcier, une sorcière en l’occurrence, était un rêve inavoué qu'il venait enfin de toucher du bout des doigts. Il ne serait plus tout seul chez lui. Et comme une bonne nouvelle n'arrive jamais seule, elle voulait bien l'accompagner à Pré-au-Lard. Iko en resta presque figé tant il était ravi et stressé à la fois. Comment avait-il pu trouver l'audace de le lui faire cette requête ? Peu importe la raison, il ne pouvait qu'en être comblé. Son regard se heurta sur les cheveux blanc de la Serdaigle qui cachait son visage. Cyryiel s'était remise en guerre contre sa tignasse et le Serpentard ne pouvait qu'être amusé par tant de ferveur. Il attrapa une mèche de la demoiselle pour jouer avec pendant qu'elle s'affairait à rendre les siens plus présentable.

« Oh je n'y fais pas très attention je dois bien l'avouer. Pour te dire, je n'essaye même plus de les coiffer au réveil. C'est gentil de ta part de tenter d'y remédier. »

La préfete passa derrière lui et il se retrouva face au bain qui lâchait encore bulles et autres senteurs à son plus grand plaisir. Icarus s'offrit même le luxe de fermer les yeux pour savourer chaque seconde, comme si sa fin était proche. Malgré quelques piques de douleur ici et là, rien n’arrivait à refroidir l'ardeur de son petit bonheur. C'est donc d'une voix très calme et très douce qu'il reprit la suite de la discussion.

« Ne t’inquiètes pas, je ne sens rien du tout. Merci encore de faire ça pour moi, tu n'y était vraiment pas obligé tu sais ? »

Sachant qu'elle ne pouvait pas le voir, un sourire illumina son visage. Être là, avec elle, avait un coté si reposant qu'il aurait tout donné pour que son bien être soit permanent.

« C'est vraiment agréable. Si tu dois rester avec moi pour que je sois aussi bien, je ne vais plus te lâcher tu sais ? »

Pourquoi cette pensée le fit rougir et rire à la fois ? Petit mystère. Cyryiel finit par glisser ses doigts dans ses cheveux, pour leur donner une certaine normalité, avant de retirer ses mains dans un silence qui dura quelques minutes. Comme si le temps s'était figé. Iko se retourna vers la Serdaigle pour l'observer, toujours sans un bruit, afin de s'imprégner des traits de son visage. Un sourire timide naquit au coin de ses lèvres, une faille dans son esprit.

« Tu es une fille vraiment très jol-... »

Des pas résonnèrent dans le couloir, portés par l'écho de l'immense pièce. Le Serpentard se tut. Si c'était la marche du Prefet Fayot ce n'était pas bon, ni pour lui, ni pour elle. Aucun mal n'avait été fait mais on ne discutait pas avec ce bon monsieur. Avec précipitation il ramassa ses affaires et fila vers la porte. A mi chemin, Iko fit demi tour pour se retrouver à nouveau face à la préfete et sans rien dire lui embrassa le front avec un petit sourire.

Il repartit vers la grande porte de bois. Juste avant de disparaître dans l'encadrement de celle-ci, il murmura à Cyryiel.

« On se voit donc demain à midi ! Je t'attendrais ! »

Juste une phrase. Juste un clin d’œil. Juste une promesse. Juste une impatience ardente qui brûlait dans le cœur du jeune sorcier. Vivement demain...