Même aux heures les plus creuses de la journée, la Grande Salle était loin d'être déserte. Il y avait toujours quelques élèves, çà et là autour des tables qui discutaient en buvant un grand verre de jus de citrouille. Certains révisaient en groupe, fuyant le calme imposé des salles d'études et de la bibliothèque, pendant que d'autres comparaient leurs collections de cartes des sorciers et sorcières célèbres ; mais tous voyaient à travers la Grande Salle une opportunité unique de discuter avec des élèves d'autres maisons, naturellement exclus de leur Salle Commune propre où ils auraient également pu se poser pour travailler.

Néanmoins, la Grande Salle portait bien son nom ; prévue pour contenir facilement la totalité des élèves en même temps, celle-ci paraissait fort vide dès qu'une partie d'entre eux seulement en était absente. Ainsi, de grands pans de tables à droite et à gauche étaient complètement vides et offraient à Stephen Oakstone toute la place dont il pouvait rêver pour s'y installer à une distance raisonnable des autres adolescents. Il ne faut pas se méprendre cependant ; la Grande Salle, même pendant ces moments moins peuplés, était loin d'être un endroit que le jeune garçon muet aimait vraiment.

Même si il y était généralement tranquille lorsqu'il s'y installait dans un coin, il était déjà arrivé que d'autres élèves viennent s'asseoir non loin de lui, ou, bien pire, viennent lui parler. Mais la Grande Salle avait quelque chose que la plupart des lieux délaissés de Poudlard n'avait pas ; des tables et des bancs.

Habituellement, Stephen préférait la solitude au confort de son dos, n'hésitant jamais à s'asseoir par terre dans un vieux local poussiéreux pour avoir la paix ; mais ce jour-là, comme trop souvent à son goût, il avait l'envie irrésistible de pratiquer une activité qu'il n'aurait pu faire sans les tables de la Grande Salle. Il voulait s'entraîner aux échecs.

Il n'avait pas toujours aimé ce jeu si compliqué. Ses parents, lorsqu'ils étaient encore mariés, jouaient souvent aux échecs. Et lui, n'ayant généralement rien d'autre à faire, les observait dans ces moments d'intense concentration. Pendant longtemps, les règles et la logique du jeu lui avaient échappés. S'il fallait prendre le Roi ennemi, pourquoi diable toujours revenir en arrière, replacer ses pions, prévoir tant et tant de coups à l'avance ? Une charge directe lui avait toujours parue plus évidente, et ce chipotage qu'effectuaient les joueurs qu'il regardait l'avait toujours agacé.

Jusqu'à ce qu'il joue lui-même. Moins de deux ans avant son arrivée à Poudlard, ses parents, conscient de l'autisme social de leur enfant muet, avaient décidé de le socialiser un peu en l'inscrivant dans le club d'échecs junior du quartier. Stephen avait eu beaucoup de mal à se laisser traîner jusque-là, angoissé à l'idée de devoir pratiquer avec des inconnus un jeu qu'il n'aimait même pas. Mais, pour une raison ou une autre, il adora cela. Instantanément. Le calme religieux de la salle de jeu, le tempo très lent qui rythmait les parties, la stratégie subtile qui devait être mise en place - car, il s'en était vite rendu compte, une charge frontale ne marchait jamais. Oh non, jamais.

Alors, lorsqu'il dut acheter ses fournitures scolaires pour sa première année, son père lui offrit l'édition sorcier du jeu d'échec.

Stephen l'avait ensuite longtemps délaissé. Il n'aimait pas jouer seul, et était persuadé que le seul moyen de faire bouger ces stupides pièces était de leur parler. Aussi idiot que ça puisse paraitre, dire "Cavalier en E5" lui était impossible, après tout. Malgré cela, il ressentit au cours de sa seconde année un vrai manque vis-à-vis de ce jeu et décida de sortir la boite de sous son lit. Il avait alors lu la notice et pu constater que pointer les pièces et les cases avec sa baguette pouvait les faire fonctionner aussi bien qu'un ordre oral.

Il avait donc commencer à jouer contre lui-même. S'il avait longtemps cru qu'une partie solitaire ne serait pas aussi intéressante qu'un duel épique contre un challenger humain, il se rendit ensuite compte qu'il n'en était rien. Se mesurer à sa personne lui avait permis d'affiner ses mouvements et ses stratégies, de mieux comprendre le jeu en lui-même et même de s'amuser. Alors, depuis le début de sa troisième année, il s'était obligé à faire au moins une partie par semaine. Ce qui nous amène à ce jour-là.

C'était encore le début de la matinée, et beaucoup d'élèves étaient en cours. Lui avait un trou dans son horaire, et en avait profité pour accomplir sa partie solitaire hebdomadaire. Il avait sa place fétiche dans la Grande Salle ; tout de suite à droite en rentrant. Si proche de l'entrée que la plupart des gens ne le voyaient même pas.

Cette fois, les Blancs l'emportaient largement sur les Noirs, malgré lui. Il jouait du mieux qu'il pouvait avec les uns et avec les autres, mais sa stratégie Blanche lui paraissait suspicieusement infaillible. Tenter de la contrer était un vrai plaisir.

Une pause. Enfin une pause dans ses cours de la matinée.
Les entraînements de Quidditch le fatiguait. Il adorait ce sport, vraiment. N’empêche qu'il le fatiguait. S'ajoute à ça la nuit très courte qu'il avait passé à cause d'un moustique qui n'avait pour but que de bourdonner dans son oreille dans le noir et de disparaître la bougie allumée.

Ce matin là Fillian était seul. On peut se demander comment c'était possible vu qu'il traînait toujours avec sa meilleure amie. Il s'en était détaché car elle avait à faire autre part et bien que ça lui en coûte il la laissa s'en aller en trottinant dans les couloirs de l'école de magie.
Il était rarement seul. Il n'aimait pas vraiment ce sentiment et ce n'est que dans des cas exceptionnel qu'il s'isolait des autres.
Il était resté immobile dans le hall pendant presque un quart d'heures quand il comprit qu'il devait peut être bouger de là.
Ni une ni deux il alla là où il avait toujours du monde : La Grande salle.
Un regard à travers l'ouverture de l'immense porte  et le voilà à l'intérieur. Balayant la pièce du regard il se sentit à nouveau mal à l'aise . Aucune tête ne lui revenait.
Il n'aimait vraiment pas être seul celui là.
Un coup d’œil sur la droite et une flamme s'alluma dans ses yeux. Un jeu d'échec. Un jeune garçon y jouait en solitaire. Il se dirigea vers lui.

Le sorcier semblait très concentré. La partie en cours était assez avancé et même un novice pouvait dire que ce gars là savait jouer.
Fillian se demanda un instant si il ne devrait pas le laissait tranquille jusqu'à ce que sa nature le pousse à prendre la parole sur un ton plus qu'amical.

« Yop ! Je vois que tu joues seul, je peux me joindre à toi pour une partie amicale ? »

Sans même attendre de réponse le quatrième année posa ses fesses sur le banc en face du joueur . Ce n’était pas qu'il s'imposait. Il était comme ça le batteur des Gryffondors. Il aimait partager avec les autres et ouvrir une discussion avec un inconnu pour le simple plaisir de s'amuser et de parler de choses et d'autres.
Les échecs...Il adorait ça lui aussi. Il n'était pas vraiment doué mais ça ne l’empêchait pas d'apprécier ce jeu. Son enfance marqué par la non-magie lui à au moins offert ça, s'ouvrir à tous et à tout. Les échecs en font parti. La subtilité et la finesse, tout ça dans un mélange de tactique qui rends chaque partie unique le fit frémir de joie.
Il sortit de ses rêves et regarda d'un peu plus près le petit sorcier .
Ce qu'il pouvait dire sur son nouvel adversaire c'était qu'il était de Serdaigle et qu'il n'avait pas l'air très ouvert à première vue.
Point de chichi il comptait bien se détendre avec lui jusqu'à la reprise des cours !
Oui parce que le cours suivant c'était les potions. Les potions il n'a jamais vraiment apprécié. Ça fait des bulles, ça pue et ça couine. Non. Il voulait vraiment se vider la tête avant d’être prisonnier de cette séance.
Il lança un grand sourire à son camarade, s'étira puis lui tendit la main avec chaleur.

«  Je m'appelle Fillian K. Mills, ravie de te rencontrer ! »

La salle n'était pas très agité à ce moment de la journée. Il espérait que ça resterait ainsi et qu'il aurait droit de faire cette partie d'échec.
Il devait s'occuper l'esprit sinon il allait finir à St Mangouste.
Encore un regard insistant vers le Serdaigle puis plus rien. Il attendit là. Il ne bougerai plus d'un pouce tant qu'il n'aurait pas poser la main sur cet échiquier.

Stephen venait de mettre le roi Noir en échec. La Reine Blanche pouvait rajouter le "mat" en un seul mouvement, et les dernières pièces Noires étaient loin. Malgré le fait qu'il jouait les deux factions, il ne pouvait pas s'empêcher d'avoir l'impression d'avoir perdu. L'avantage de jouer seul, c'est de toujours gagner ; l’inconvénient, c'est que, de la même façon, on perd aussi à chaque fois. Alors que le jeune garçon muet vérifiait de façon systématique chaque déplacement encore possible avec chaque pièces Noire encore en jeu, Fillian se présenta à lui.

Stephen leva lentement les yeux du plateau pour regarder devant lui. Et dire "lentement" n'est pas exagérer ; il ré-axa son regard avec un mouvement très lent, n'osant finalement jeter qu'un rapide coup d’œil à son interlocuteur,  avant de se re-concentrer sur le plateau. Il vit la main tendue du Gryffondor vers lui tandis qu'il disait son nom. Stephen sentait la pression monter jusqu'à son visage. Il était prêt à attraper son plateau avec un mouvement à la fois ample et vif et à s'enfuir en pleurant.

C'est d'ailleurs ce qu'il aurait fait, si la situation avait été différente. Mais là, quelqu'un lui proposait une partie d'échecs. Une vraie partie, contre une vraie personne. C'était quelque chose que Stephen n'avait plus eu l'occasion de faire depuis qu'il était entré de façon effective dans le monde des sorciers. Ainsi, l'envie soudain brûlante de profiter de cette opportunité rare d'avoir un adversaire de chaire et de sang prit doucement le dessus sur le sentiment de panique qui avait déjà envahi presque intégralement le petit Serdaigle, de son esprit jusqu'à son estomac, à présent noué plus fort qu'une corde d’amarrage.

Rassemblant son courage sur l'idée que "ça en valait le coup", Stephen fit semblant d'avoir l'air à l'aise en tentant un sourire amical - qui, dans les faits, devait plus ressembler à un tic nerveux - et leva sa main vers celle de l'élève de quatrième année. Le poignet branlant et la paume moite, il agrippa entre son pouce, son majeur et son index le bout des doigts de Fillian et fit un rapide mouvement de haut en bas. Au moins il aura essayé. C'était loin d'être une bonne poignée de main virile, mais c'était déjà beaucoup pour lui.

Il reprit ensuite sa baguette avec un peu plus d'assurance, et fit quelques gestes pour donner l'ordre aux pièces en morceaux de se reformer et se remettre à leurs places initiales. Pendant que la magie prenait place, Stephen lança un rapide coup d'oeil vers son carnet, unique médiat lui permettant de discuter avec les gens qui ne connaissaient pas son handicap. S'il voulait donner son nom à son adversaire, c'était la seule solution qu'il avait.

Malgré cela, il n'en avait pas envie. Non seulement parce qu'il ne voulait pas que le Gryffondor le regarde étrangement sur le temps où il rédigerait ses premiers mots à son égard, mais aussi parce qu'il avait l'insensée impression que signifier son mutisme à Fillian le diminuerait en tant que joueur, dégouterait l'autre, et ferait échouer la petite chance qui s'offrait à lui de disputer une vraie partie. Le Serdaigle décida alors de hocher la tête de façon à sous-entendre "Moi aussi" après le "Ravi de te rencontrer !" énergique de son interlocuteur - quand bien même il y avait peu de chance que Fillian interprète cela de cette façon si facilement.

Le jeune garçon savait que s'il voulait éviter de devoir communiquer des mots précis à l'autre élève, il lui fallait - et c'était quelque chose dont il n'avait pas du tout l'habitude - prendre les devants. Il fit donc tourner le plateau de façon à avoir les pièces blanches devant lui. D'un mouvement souple et travaillé, peaufiné par les nombreuses parties solitaires qu'il avait déjà pu faire, il pointa un pion de sa baguette et lui fit faire son premier mouvement.

Il regarda dans la direction de Fillian et l'invita d'un regard à faire son premier déplacement. Le bruit rugueux du déplacement de son premier pion, douce mélodie rassurante et habituelle à ses oreilles, l'avait un petit peu calmé. Il ressentait à nouveau l'ambiance calme qui entourait généralement ce sport de l'esprit.

Il reporta ensuite son regard vers le plateau. Le premier mouvement des Blancs n'avait généralement pas une grande influence sur le reste du jeu, aucune stratégie ne pouvant être mise en place si vite ; mais pour la première fois depuis longtemps, il avait déplacé une pièce sans penser à la suite. Il se rendit alors compte d'un problème évident mais terriblement angoissant ; la présence d'un adversaire humain risquait de bouleverser ses habitudes confortables et de perturber son esprit, ce qui l'amènerait indubitablement vers l'exécution d'erreurs fatales.

Il faudrait qu'il fasse encore plus attention que d'habitude.

Ce jeune élève était intriguant. Pas un mot ni une parole. A peine un sourire et encore celui ci semblait très malhabile . Peut être n'avait-il juste pas envie de lui parler ?
Ou alors il lui faisait peur ? Ça arrivait tellement que sa -fausse- réputation le précède...
Non il ne voulait pas que quelqu'un le repousse encore après tout les efforts qu'il faisait pour se faire de vrais amis et pas juste des noms.
Il lança un petit sourire de remerciement à son adversaire qui, au passage, n’avait toujours pas de nom.
Les pièces étaient en place et Fillian joua son premier coup sans grande attention. Il était plutôt concentré sur ce petit Serdaigle à l'apparence si craintive.
Il essayait de déterminer ce qui pouvait le confiner dans son mutisme. Il ne le connaissait pas du tout mais il pouvait déjà affirmer que ce jeune sorcier était timide.
S'il ne voulait pas de lui il serait tout simplement parti. Dans le cas présent il était resté là,assis, et accepta même qu'il se joigne à sa partie solitaire.
Tout ça tendait à prouver la pensée de Fillian.
En fait il lui faisait un peu penser à lui dans ses premières années. Calme et très réservé il avait appris à s'ouvrir au monde au cours de ses voyages et en se fixant pour objectif d’être un grand ensorceleur.
Il se demanda donc si son partenaire avait pu s'épanouir dans son enfance. Il ne savait rien de sa vie et il n'allait pas lui demander car c'était d'une impolitesse monstre à ses yeux.
Si il voulait lui parler ou lui communiquer quoi que ce soit il le ferai de lui même sans qu'on lui force la main.

«  Les échecs c'est important, ça rapproche les gens tu ne trouves pas ? »

Il se pencha sur l’échiquier pour observer la disposition des pièces.
Il n'arrivait pas à se focaliser sur le jeu. Le garçon l'intriguait et il voulait en savoir plus sur lui.
La Grande Salle s'était légèrement vidée et déjà le niveau sonore de l'immense salle baissa rendant les discussions plus appréciable et surtout plus abordable.
La tête du Batteur roula de droite à gauche pour observer les lieux pour la énième fois. Il ne cherchait rien de particulier en fait. Il aimait bien contempler son espace plus par simple plaisir que par un réel besoin.
Un silence s'installa entre les deux joueurs. Loin d’être pesant il était au contraire relaxant, paisible, agréable. Tellement paisible qu'il pouvait laisser son esprit s'y déverser, se construire puis se détruire par le remous de cette mer de pensée qui remplissait sa petite tête brune.
Un moment en plein match et l'instant suivant sur le bord d'un lac il apprécia se sentiment.
Il secoua la tête comme pour évacuer l'eau qu'il aurait eu dans les oreilles et fixa le sorcier en face de lui.
Si sa compagnie était toujours aussi reposante il essayerait de le croiser plus souvent !
Néanmoins cette timidité si apparente était gênant vu comment lui, Fillian, ne se retrouvait jamais seul un seul instant -ou presque-.
Il réfléchissait ,pendant que son adversaire jouait son coup, sur la possibilité de filer un coup de main à ce petit gringalet.
Oui, une sorte d'assistant pour qu'il arrive à se surpasser.
Bon, il devrait accepté les risques qu'il encourait d’être près de lui même si ces moment serait occasionnels voir rares.
Il lui lança sont plus beau sourire en lui tapotant la tête

«  Je peux te filer un coup de main si tu veux. Je vois que tu n'est pas ce qu'on appelle un grand extraverti et si ça peut t'aider je serait ravi de t'aider à t'amuser un peu plus ! »

Stephen avait des pensées bien éloignées de celles de Fillian. Il avait décidé de faire disparaître sa gêne habituelle d'être si proche d'un autre élève en se concentrant autant qu'il le pouvait dans la partie. Après les quelques premiers coups qu'ils jouèrent, le jeune Serdaigle avait déjà fait une liste mentale de plusieurs stratégies audacieuses que son adversaire aurait pu vouloir mettre en place. Il réfléchissait avec une intensité redoublée à la façon dont il pourrait contrer toute tentative d'insertion ennemie à travers ses lignes défensives, choisissant ainsi d'attendre que l'autre lance le début des hostilités plus sérieuses pour contre-attaquer de façon fulgurante.

Alors qu'il comptait le nombre de tours qui lui seraient encore nécessaires pour tenter de faire échec au Roi adversaire, Stephen fut tiré de sa réflexion par Fillian, qui s'était remis à parler. Rapprocher les gens, le jeu d'échecs ? Sans doute. C'était la première fois que Stephen restait volontairement si proche physiquement d'un autre élève pendant si longtemps. Le muet, l'esprit entièrement dans le jeu, se demanda si c'était une tentative de distraction que Fillian initiait. C'aurait pu être le cas ; Stephen savait que même s'il était encore tôt pour dire qui sortirait vainqueur de cette partie, il menait la danse. En même temps, il avait pas mal d'entraînement.

Il bougea un fou pour la première fois, puis son adversaire reprit la parole. Ensuite, il sentit la main de Fillian sur sa tête. Il sursauta, oubliant complètement le jeu et sa concentration, et se mit à rougir comme une tomate. Il fixait la table alors que Fillian lui proposait de l'aider pour "s'amuser" . Assez ironiquement l'idée de sortir de sa bulle n'amusait pas Stephen du tout, contrairement à la belle et subtile partie d'échecs qu'ils étaient en train de jouer.

Le jeune Serdaigle détourna le regard pour fixer le bout le plus proche de la table où ils étaient. Fillian n'était pas le premier. Au cours de sa vie, Stephen s'était plusieurs fois fait aborder par des gens un peu trop sympathiques qui rêvaient de diminuer la timidité du garçon, et de le mener à l'extérieur de son monde calme et solitaire. À chaque fois, ces gentilles personnes s'étaient découragées en découvrant l'insurmontable obstacle du mutisme qui handicapait Stephen depuis sa naissance. Et ceux qui tenaient bons finissaient par abandonner en constatant la puissance démesurée du côté introverti de la personnalité du jeune garçon.

Ce dernier était persuadé que Fillian serait comme les autres, qu'il se découragerait vite et reprendrait le cours normal de la partie si lui-même se décidait à avouer son handicap. Du coup, il se résigna à tendre le bras pour atteindre sa sacoche posée non loin du plateau sur la table, et en sortir son sacrosaint carnet. Sans lever les yeux une seconde vers son énergique adversaire, il y inscrivit quelques mots à une page aléatoire vers le milieu de l'objet et le fit ensuite glisser pour qu'il soit lisible dans le sens de Fillian, en face de lui.

" Non merci, mais c'est gentil. Je ne pourrais pas. "

Il prit une grande inspiration. Il n'osait toujours pas lever les yeux, de peur d'observer en direct la réaction - sans doute dégoutée - de Fillian au moment où il comprendrait la raison pour laquelle il était resté silencieux jusqu'alors.

Stephen sentait presque les larmes s'apprêter à ruisseler le long de ses joues. Il s'obligea à les retenir. Il se concentra à nouveau vers le plateau noir et blanc et ré-analysa la situation du jeu pour se calmer. Conscient que le Gryffondor en face de lui ne devait pas savoir vraiment quoi dire, il ajouta rapidement sur le carnet :

" À toi, si tu veux continuer. "

Apparemment sa proposition ne ravissait pas son adversaire.
Il ne dit mot et se contenta de lui détourner les yeux. Fillian était juste un peu trop volontaire parfois c'était un fait. Sa bonne humeur l'enflammait souvent plus qu'il ne le devrait mais il avait apprit à vivre avec. Il se disait que c'était pour compenser tout les gens négatifs qu'il se comportait ainsi.
Belle excuse que voilà.
La partie continuait toujours tandis que le Gryffondor ne faisait rien pour gagner. Il jouait plus sur la défensive pour gagner du temps et analyser toujours plus le comportement de jeune garçon en face de lui.
Il perdit encore une de ses pièces sans qu'il daigne s'en formaliser. A ce train là c'était mal barré pour lui. Il s'en fichait. Il était résolu à percer la carapace du Serdaigle. L'enjeu était beaucoup plus intéressant que la partie en cours à ses yeux.
Alors, sans prévenir, celui ci prit un petit carnet dans sa sacoche tout prêt de lui. Il écrivait.

« Non merci, mais c'est gentil. Je ne pourrais pas »

Tout s'éclaira dans sa tête. Il ne pouvait être que muet. Il aurait dut le comprendre dès qu'il l'avait vu replacer ses pièces à l'aide de sa baguette et non de sa voix . Sur le coup il ne dit rien. Un court silence s'empara des deux joueurs.
Le jeune garçon lui tendit alors à nouveau un message.
Continuer ? Évidement qu'il allait continuer ! Continuer et même gagner tiens.
Une idée germa dans son esprit jovial.
Beaucoup d'adjectif lui était attribué depuis qu'il avait commencé à se faire connaître à Poudlard.
Fou, d'agréable compagnie, dangereux, rigolo et bien d'autre encore mais le mot déterminé le définissait plus que tout les autres.
A présent il était déterminé à faire sourire son adversaire.

« Pimentons un peu le jeu. Si tu gagnes je te laisse en paix c'est promis. Par contre si c'est moi qui l'emporte tu devras m'accompagner de temps en temps dans mes activités extra-scolaire. »

Il lui laissait le choix sans vraiment lui laisser. De toute façon si il disait non il le forcerai à respecter le contrat qu'il venait d'instaurer lui même. Ce n'est pas qu'il voulait l’embêter mais il pensait vraiment que le bousculer un peu ne lui ferai pas de mal.
De la même façon qu'on lui avait appris à se débrouiller seul en l'abandonnant parfois il devait, pour son bien, montrer à ce sorcier que parfois les choses demandent de s'adapter même si l'on en a pas envie.
Il avança un de ses pions restant.
Le calme de la Grande Salle l'aida à se concentrer. Il scrutait son adversaire. Il voulait qu'il affronte son regard. Il le poussait à se surpasser en faisant ce que les autres n'osaient ou de voulaient pas faire. Il passerai peut être pour un méchant garçon mais tout ce qu'il voulait c'est faire évoluer son nouveau protégé.
Son regard se fit plus insistant. Dérangeant voir même insupportable.
Il déplaça son cavalier.

« Si tu me laisse t'aider tu verras que je peux te montrer plus qu'un simple adversaire de jeu »

Il en était convaincu. Il voulait, il pouvait lui venir en aide. En lui montrant comment le monde regorgeait de merveilles quand on prenait le temps de l'observer.
C'est de ça que Fillian tirait sa joie de vivre. Jouir des petites choses de la vie. C'est comme ça que même après s’être brisé le bras à cause d'un cognard il remontait sur son balais batte en main.
C'est ainsi qu'il n'abandonnerai pas se garçon malgré ses tentatives pour le repousser.
Il était déterminé.

Peu de choses n'effrayaient pas Stephen. Mais ces choses existaient néanmoins ; le chant subtile d'un violon, les livres autres que le Monstrueux Livre des Monstres, ses parents, certains petits animaux, les arbres autres que les saules cogneurs, et quelques types de friandises. Oui, juste certains types. Les chocogrenouilles, il en avait la trouille ; les dragées surprise, c'était un cauchemar. Et même la nourriture en général, ça ne le rassurait pas trop. Il avait toujours excessivement peur qu'un plat soit épicé de manière inattendue, qu'il y ait des os ou des arrêtes cachés dans la viande ou le poisson ; quand ça lui prenait, il avait même l'angoisse d'avaler de travers à chaque bouchée.

Mais parmi les choses qui ne lui faisaient pas peur, il y avait aussi les parties d'échecs. Perdre ou gagner, ça n'avait pas de conséquence ni d'intérêt. Pour preuve ; il jouait souvent seul. Ce qui l'intéressait, c'était le sport de l'esprit, la discipline et la rigueur qu'il devait se forcer à avoir pour faire un beau jeu.

Ici, Fillian venait de proposer de rendre cette activité, qui comptait donc parmi les exceptionnellement rares choses qui n'angoissaient Stephen en rien "pimentée". Avec un enjeu. De taille, en plus. Il persévérait à vouloir "dévergonder" le jeune muet. Quelque part touché que le garçon en face de lui ne se soit pas découragé devant l'obstacle de son handicap, le jeune Serdaigle ne savait pas vraiment comment réagir.

Alors, comme souvent, il essaya de ne pas réagir. Mais c'était difficile pour lui. D'abord flatté que Fillian souhaite s'intéresser à lui, Stephen voulait à présent qu'il l'oublie - et vite. Il réfléchit un instant à ce qu'il pourrait faire pour éviter d'être mis dans des situations compliquées avec le Gryffondor, avant de conclure que le moyen le plus simple pour cela était d'accepter son défi. Défi qui, vu l'état actuel de la partie, ne serait pas si compliqué à relever.

S'emparant alors à nouveau de son carnet, Stephen griffonna rapidement quelques mots de plus, utilisant un de ses styles calligraphiques les plus rarement montrés, teinté d'une arrogance très peu présente dans la personnalité du muet.

" sauf que tu ne gagneras pas "

Comme pour accentuer ce qu'il venait d'écrire à Fillian, le joueur d'échecs expérimenté qu'il était décida de porter un lourd coup au moral de son adversaire en bougeant pour la toute première fois de la partie sa Reine. Celle-ci se déplaça d'un grand nombre de case en diagonale, et prit sans l'ombre d'un remord la pièce qui était actuellement la mieux placée de Fillian ; son cavalier droit. La petite animation de la pièce fut aussi violente qu'à l'habitude ; la femme en armure se levant lentement de son trône de pierre avant de le soulever derrière elle et de l'envoyer valser sur son ennemi et celui-ci se brisant en plusieurs dizaines de petits morceaux.

Stephen savait que ce mouvement aurait pu être dangereux sur le long terme, sa reine étant à présent assez proche des lignes ennemies - bien qu'elle ne fut pas encore prenable. Néanmoins, elle était à présent bien plus exposée qu'elle n'aurait dû l'être. Peu importait, pour une fois, au jeune Serdaigle ; il voulait avant tout faire peur (aussi ironique que ça puisse paraître, imaginer Stephen tenter d'être effrayant) à son adversaire.

Pendant son déplacement, Fillian avait encore insisté sur le fait que Stephen devrait accepter sa proposition. Stephen ne voulait pas. Pas même pour faire plaisir à Fillian. Pas même si celui-ci lui proposait des parties régulières. Pas sans savoir le genre d'activités dans lesquelles il serait emmené.

La partie continuait lentement sous les yeux concentrés de Fillian. Il porta son attention sur le jeune Serdaigle qui prit à nouveau son petit carnet. Il griffonna un mot. Et quel mot ! Cet phrase résonna dans la tête du Gryffondor comme un défi.
Il aimait la réaction de son adversaire. Il se fichait de ce qui l'entourait, Il ne voyait même plus la nourriture succulente sur le bord de la table. Il gagnerai. Certes il était encore en position de faiblesse mais il vaincrai car c'est dans la nature de chaque Gryffondor.
Son cavalier droit fut prit par la reine adversaire qui éprouva un plaisir apparent à lui envoyer son trône dans la figure.
La détermination de son partenaire s'exprimait à travers son jeu, c'était amusant et stimulant.
Il bougea son fou et bloqua la retraite de la Reine sans pour autant la mettre directement en danger.
Fier il releva le regard vers le sorcier assis en face de lui.

«  Et maintenant ? »

Il le narguait, rien de plus. Il ne faisait pas ça dans le but de le déstabiliser bien qu'on aurait put facilement penser le contraire. Non ce qu'il voulait c'était juste le pousser dans cette voie.
Il ne s'en était peut être pas rendu compte mais son envie de vaincre était palpable.
Encore un peu et il s’ouvrirait.
Le rythme du jeu avait augmenté de façon exponentielle et s'en même le comprendre Fillian avait le cerveau qui tournait à son maximum.
La Tour en avant, le Fou vers la droite, la Reine prête à attaquer à la meilleure occasion.
Un léger soupir s'échappa des lèvres du grand brun.

« Je préfère te prévenir. Quand tu perdras tu devras venir avec moi une heure par semaine. Je t’emmènerai dans des endroits sympa et surtout je te montrerai que les gens ne sont pas aussi effrayant qu'on pourrait le penser. Les septième année par exemple, ne cours pas aussi vite que nous je peux te l'assurer! »

Il lui fit un clin d’œil comme pour lui dire que si il savait ça c'est qu'il avait déjà fait courir les élèves en question, et plus d'une fois en plus !
Si seulement il acceptait que Fillian voulait l'aider. Mais non il devait gagner cette partie d'échec pour ça. Non pas que ça le dérangeait, il adorait les échecs, juste qu'il trouvait dommage qu'il soit aussi réticent à s'amuser.
Il se demanda par quoi il commencerai la première semaine. Une virée dans le parc pour débuter calmement ? Ou une farce aux Serpentards pour entrer directement dans le vif du sujet ?
Dans les deux cas il était sur que ça serait vraiment poilant ou au pire très reposant.
Une autre pièce et le batteur prit la Tour ennemie.

« Par contre j'insiste pour que tu me donnes ton nom. Entre adversaire c'est la moindre des choses »

Il voulait connaître le nom de la personne qui l'affrontait.
Encore un moyen pour Filli' de le forcer dans la bonne direction. Décidément il était déterminé celui là ! A croire qu'il voulait étouffer le jeune Serdaigle.

« Toujours pas envie d'abandonner ? »

Comme électrisé par le défi, Fillian était passé de l'inoffensif débutant qu'il avait semblé être juqu'alors à un bien plus dangereux adversaire. Il était évident que le Gryffondor manquait d'entrainement et était beaucoup trop impulsif, malgré la concentration incroyable dont il faisait à présent preuve. Il semblait si motivé et déterminé à remporter la victoire que ça faisait presque peur à Stephen qui s'en retrouvait tout particulièrement perturbé. Il ne parvenait pas à lire clairement dans le jeu de son ennemi, ne parvenant à deviner ses déplacements qu'au tour précédent le moment où il comptait les effectuer ; il avait à présent du sauver sa Reine de justesse à plusieurs reprises.

L'avancer ainsi avait été une double erreur. Non seulement cela l'avait exposée, mais cette attaque plus directe semblait avoir hautement stimulé le second joueur. Ca allait très mal pour Stephen, qui ne parvenait plus à avoir un fil de pensées suffisamment clair pour jouer à son niveau habituel.

C'était une chose sûre que le Serdaigle aurait écrasé le Gryffondor s'il avait fait preuve de son calme traditionnel. Mais là, il paniquait comme si Hurricaine était au dessus de sa tête. Il avait bien trop peur de perdre, il réfléchissait à ce que lui disait Fillian plutôt qu'à ce qui se passait sur le plateau. Il s'en rendait compte, mais ne pouvait pas faire autrement que d'imaginer les horribles conséquences d'une éventuelle défaite que son adversaire décrivait en long, en large et en travers. Le forcer à rencontrer des gens ? L'emmener à des endroits sympas ? Les endroits les plus agréables à ses yeux se trouvaient être les plus isolés, pas les plus animés.

Son fou avança jusqu'à une case du roi Noir. Triomphant, il écrivit à côté du plateau sur son carnet, toujours avec son style calligraphique le plus agressif :

" ECHEC. "

Non, pas échec et mat, juste échec. Mais le fait était que si Fillian pouvait encore se tirer de cette attaque, un judicieux piège avait été mis en place par Stephen. Ce dernier imagina les prochains ordres paniqués que son adversaire donnerait, qui le mèneraient tout droit vers la chute de son monarque. Puis Stephen eut un doute.

Il y avait une fine faille dans sa stratégie. Il avait joué un peu trop vite. Si Fillian voyait que sa Tour gauche pourrait prendre la Reine Blanche d'ici deux tours, la situation s'inverserait en tout point, et le Serdaigle ne pourrait plus rien faire d'autre que regarder les pièces adverses déferler sur ses maigres défenses et mettre sa pièce maîtresse dans la détresse la plus totale d'une mort inévitable.

Mais ce déplacement de la Tour était difficile à voir. Il était même fort probable que Fillian n'y pense même pas. Il fallait juste que Stephen ait l'air sur de lui, et tout irait comme sur des roulettes.

Du coup, le garçon muet arborait un magnifique sourire nerveux, avait des tics dans sa paupière gauche, transpirait comme un bœuf et se frottait les mains l'une contre l'autre comme jamais. Discret Stephen, discret.

Échec. Ce petit mot écrit sur ce petit carnet sonna comme une alarme dans la tête de Fillian.
Sur le coup sa confiance habituelle vacilla. Vacilla mais se rattrapa au doute qui apparut sur le visage du garçon.
Son regard le trahit et l'ordre dans lequel ses yeux parcouraient le plateau s'encra dans la mémoire du Gryffondor. Tour gauche puis Reine adversaire voilà ce qu'il aperçut.
La situation s'illumina alors pour le Batteur.
Honnêtement il n'était pas vraiment fier mais il se dit que savoir cacher ses intentions faisait aussi parti intégrante du jeu alors il ne s'en formalisa pas. De plus la victoire lui assurerai une main prise sur ce jeune homme.
Il réfléchissait, pesant le pour et le contre afin de déterminer si ce qu'il avait vu n'était simplement du à une quelconque paranoïa.
Malheureusement pour son adversaire, il ne manqua pas de voir la multitude de TIC qu'il présentait, la sueur de son front ou encore ce splendide sourire nerveux.
Fillian ne put retenir lui même un léger sourire d'excuse étant donné que c'est le Serdaigle qui lui avait servi la réponse sur un plateau d'argent contre sa propre volonté.
Il prépara sa Tour.

« Tu sais ce qui t'attends maintenant ? »

Il pensait déjà à leur première virée. Embêter les septièmes années était peut être un poil rude pour commencer. Il devait débuter doucement pour gagner sa confiance car il se doutait que celui-ci serait réticent au départ .Il passa les endroits du château dans sa tête.
Il avait l'idée parfaite. Ce lieu serait vraiment idéal pour apprendre à son nouveau compagnon à se laisser aller à la confiance.

« La semaine prochaine je t’emmènerai dans le Couloir Silencieux. Il paraît que la bas aucun son ne filtre. Ainsi tout le monde sera sourd et muet en quelque sorte. On discutera un peu la bas, j'apporterai mon propre calepin ! »

Le jeune sorcier était ravi de sa proposition. Bon il devait d'abord remporter la victoire bien que ce ne soit maintenant qu'une question de temps.
Il était ravi et lança un de ses plus beaux sourire à son partenaire de jeu. Néanmoins il y avait encore quelque chose qui le titillait. Il ne connaissait toujours pas le nom de cet adversaire. Il le regarda.

« J'attends toujours que tu me donnes ton prénom tu sais ? »

Il savait qu'il insistait mais en tant que nouvel acolyte et lui devais de dévoiler son nom.
Fillian n'y dérogerait pas et il le lui fit comprendre en reculant le plateau pour qu'il ne puisse jouer avant que la question est trouvé réponse.

« Alors ? »

Fillian parlait, lui expliquait ce qu'il ferait de lui après avoir gagné, mais Stephen ne l'écoutait pas. Il observait le jeu, cherchait un déplacement tout à fait miraculeux qui pourrait le sortir de cette impasse. Chaque fois que son adversaire faisait un mouvement, sa Reine à lui était un peu plus exposée. Et si il décidait de la bouger, il n'avait plus aucun espoir de prendre le Roi ennemi.

Soudain, le Gryffondor bougea le plateau, et força ainsi Stephen à sortir de sa concentration. Ce dernier leva alors les yeux et vit le regard persistant de Fillian sur lui. Il perdit instantanément tout sa rage de combattre pour redevenir le petit lui-même discret et maladivement timide qu'il était hors de l'unique contexte des parties d'échecs. Il comprit rapidement ce que voulait son adversaire, et se rendit alors compte que, effectivement, il n'avait toujours pas communiqué son nom à son adversaire. C'était plutot malpoli de sa part, d'ailleurs.

Après une seconde d'attente de plus et un mouvement gêné pour reprendre son matériel d'écriture devant lui, il écrivit une réponse à la question posée sur son calepin.

" Stephen Oakstone. Tu as bien joué, je crois que tu as gagné. "

Le jeune Serdaigle n'abandonnait pas complètement, mais il était lucide. Après tout, les déplacements que Fillian venait de faire, c'était lui qui les avait imaginés. Il savait très bien que c'était une stratégie quasi-infaillible que son adversaire avait soudainement adopté.
Il fit un mouvement avec sa reine pour l'épargner un tour de plus, puis ré-écrivit sur son carnet :

" Je veux bien qu'on refasse des parties d'échec, si tu gagnes. Mais pas de choses dangereuses. "

C'était rare qu'il écrive des phrases si longues sur son carnet. Mais là, il savait qu'il allait perdre, et il voulait mettre les choses au clair. À la limite, aller faire un tour avec Fillian dans le couloir silencieux comme ce dernier l'avait proposé, ça ne l'aurait pas trop dérangé... Mais si il acceptait ça, il aurait sans doute du accepter l'idée suivante, et ainsi de suite. Il n'avait vraiment pas envie de se retrouver dans une situation qu'il ne pourrait pas drastiquement contrôler en suivant ce jeune Gryffondor.

Stephen Oakstone. Son adversaire avait enfin un nom. Fillian le mémorisa et retourna les yeux sur l’échiquier, satisfait de l'avancement de la partie.
Encore deux coups et il pourrait le mettre en échec et mat. Stephen l'avait bien comprit et il le félicita, même si au fond il n'avait fait qu'observer son adversaire pour trouver l'unique faille de son attaque.
Le jeune Serdaigle bougea sa reine pour la sauver d'un tour puis reprit son carnet pour dire au Gryffondor qu'il remettrait les parties d'échec si il gagnait mais à aucun moment il ne l'accompagnerait dans des actions un peu plus risquées.
Fillian y réfléchit un instant. Ce n'était pas à l'abri de tout qu'on pouvait s'épanouir mais il comprenait son adversaire et ne voulait surtout pas le brusquer.

« C'est d'accord si tu m’accorde quand même cette balade dans le Couloir Silencieux, marché conclu ? »

Il lui fit un beau sourire pour lui faire comprendre définitivement qu'il avait sa parole d'honneur. Fillian ne mettrait pas ce garçon en péril à cause d'une farce ou d'un sortilèges mal placé.
Dans un sens le Gryffondor n'aimait pas impliquer les gens dans ses bêtises car il estimait qu'assumer ses responsabilités faisait partie de la définition même du sorcier.
Le sourire aux lèvres il joua son avant dernier coup. Le prochain serait fatal. Sans grande fierté cependant car il était convaincu que si les deux garçons jouaient d'autres parties, Stephen était bien partit pour lui faire mordre la poussière à chaque fois . Triste vérité pour le batteur mais vérité tout de même.

« Ça commence à être bruyant ici non ? »

Fillian balaya la salle du regard et se rendit compte que celle-ci avait doublé ses effectifs. Le brouhaha lui donna presque mal à la tête . Il était tellement concentré sur son partenaire qu'il n'avait pas fait attention aux arrivants qui avaient rempli peu à peu l'immense pièce. Il grimaça. Il n'affectionnait pas vraiment le bruit. Il supportait agréablement celui des supporters lors d'un match de Quidditch, ça c'est sur qu'il l'aimait mais ce son grave qui émanait de la foule lui retournait presque l'estomac. Pour se détendre il mangea une friandise sortie de sa poche. Des malices réglisse, sa sucrerie favorite, leur goût aigre doux le mettait sur un petit nuage. Il tendit une poignée à Stephen pour lui en proposer.

«  Tu en veux ? Ne t’inquiètes pas elle ne mordent plus je les ai...endormi disons »

Par endormir il voulait dire complètement assommé avec un sortilèges anti-insomnies. D'ailleurs Fillian en avait déduit que les sortilèges basiques et inoffensifs pour le sorcier devenaient dévastateurs pour ses bonbons.
Une malice réglisse essaya d'ouvrir la bouche comme pour mordre le pouce du Gryffondor avant qu'un petit bâillement n'en sorte et que la bestiole retombe comme une masse dans sa paume.
Oui, dévastateur ce sort.

Avec le dernier mouvement sur le jeu de Fillian, Stephen s'était fait une raison ; ce coup-ci, il ne pouvait plus rien faire. Stephen était vaincu. Il baissa les yeux, et accepta sa défaite. Il s'empara de son carnet avec un geste lent et résigné, et accepta les conséquences de sa piètre stratégie pendant la partie :

" ...D'accord, si tu y tiens vraiment, je viendrai. "

Ce qu'il visait réellement en acceptant l'escapade dans le couloir silencieux, c'était imposer une limite à Fillian. Il irait avec lui cette fois-là ; ainsi, la mise remportée par son adversaire au cours de cette partie d'échecs serait "consommée", et le jeune Serdaigle n'aurait plus à craindre que son adversaire ne l'emmène ailleurs par la suite.

Le Gryffondor fit ensuite remarquer à Stephen que le brouhaha habituel de la Grande Salle avait regagné en intensité. L'heure du repas de midi approchait et de nombreux cours de fin de matinée s'étaient déjà terminés ; l'entrée proche de l'endroit laissait passer à travers elle un flux modéré mais constant d'élèves affamés, avides de nourriture après un long début de journée studieux.

Stephen réfléchit à la suite de sa journée. Il avait des cours l'après-midi, et il aurait aimé repasser à la Tour Serdaigle avant le repas pour y déposer son jeu d'échecs et prendre quelques livres et parchemins utiles pour la suite.

Ainsi, le jeune garçon muet secoua doucement la tête pour refuser poliment les sucreries de son interlocuteur - il essayait d'éviter trop de sucre avant les repas complets - et ajouta quelques lignes à la discussion écrite :

" Oui, ils sont là pour manger. Je dois repasser à ma salle commune, avant ça. Je vais y aller. Ici, même heure la semaine prochaine pour Couloir Silencieux ? "

Il proposa de lui-même l'heure et le lieu du rendez-vous afin de bien montrer à son adversaire qu'il assumerait sa défaite. C'était un peu au-delà de son personnage habituel que de relancer ainsi Fillian sur cette petite escapade, mais il ne voulait pas vexer l'un des premiers adversaire récurrents potentiels qu'il pourrait avoir aux échecs.

En attendant que le Gryffondor lise son message et lui réponde, Stephen donna un coup de baguette autoritaire sur le plateau posé entre eux, et les pièces se relevèrent toutes pour avancer jusqu'à la boite du jeu posée non loin sur la table et se ranger d'elle-mêmes. Stephen déplaça ensuite manuellement le plateau lui-même jusqu'à sa place et referma la boite qu'il glissa ensuite dans sa sacoche.

Il passa cette dernière à son épaule de façon à l'avoir en bandoulière et regarda dans la direction de Fillian pour s'assurer que les temps et lieu qu'il avait proposé lui allaient.

Stephen avait enfin céder. Ravi de sa performance de persuasion, Fillian retint un cri de victoire pour ne pas effrayer son camarade de jeu. Il avait gagné cette partie mais le chemin pour aider son nouvel ami à s'ouvrir un peu plus serait très long et tout aussi difficile surtout que la personne en question n'était pas vraiment partante. Le flot d'élèves se fit plus dense à mesure que l'heure du repas approchait. Le jeune Serdaigle lui proposa donc heure et lieu identique à aujourd'hui pour leur prochaine rencontre dans ce fameux couloir. Il avait déjà rangé son plateau quand Fillian releva la tête du calepin pour lui donner réponse.

«  C'est tout bon pour moi ! »

Stephen était prêt à partir, jeu d’échec rangé soigneusement dans sa sacoche porté en bandoulière par le sorcier. On ne pouvait pas en dire autant du jeune batteur qui s'était un peu étendu sur sa partie de table. Parchemins, emballages de bonbons composaient son petit « foutoir organisé » comme il aimait l'appeler. Son adversaire ayant eu sa réponse il était déjà partit pour rejoindre sa tour avant la reprise de son planning de cours. Fillian se retrouva donc seul à table, enfin seul, la table était bondée de Serdaigle et le rouge de sa robe ne manquait pas d'attirer les regards suspicieux. Pas que ça le gênait mais être le seul point écarlate dans cette marre de bleu n'était pas non plus amusant. Il se leva donc et d'un coup de baguette fit disparaître ses ordures.

« Je vais peut être aller en cours moi aussi sinon Gryffondor va encore perdre des points...Déjà qu'on est dernier. »

En effet, en passant devant les quatre Sabliers Géant du Hall on pouvait nettement voir que les Gryffondors étaient à la ramassent face aux Serdaigles et aux Pouffsoufles. Même les Serpentards étaient devant eux. Fillian détourna le regard de cette vue insupportable et se dirigea en direction des grands escaliers. La moitié de la journée était déjà fini.

« Encore quelques heures et je pourrais aller voler un peu... »

Fillian disparut ensuite dans les couloirs de l'école de Poudlard ne laissant pour trace de son passage que le bruit de ses pensées sur sa sortie du soir.