Qu'elle approchait, la Saint-Valentin, jour béni chocolats, fleurs et mots tendres qu'échangeaient les amoureux, et que Kalev était toujours seul au monde. Que cela le rendait triste ! Qu'il était étonnant, vraiment, ce manque de succès, en ce moment. Pourtant, qu'il avait marqué un but formidable lors de son dernier match de Quidditch ! Non, vraiment, qu'elle était incompréhensible cette solitude persistante. Alors, dans l'espoir d'avoir un peu de compagnie le fameux 14 février, qu'avait décidé le Poufsouffle ? De prendre les choses en mains et d'envoyer une lettre d'amour à l'une des jolies demoiselles de Poudlard ! A peu de choses prêt, ce qu'elle disait :

Citation :

Belle harpie des forêts,

Que ta beauté me laisse sans voix. Que ta bonté m'fait rêver. Que les autres filles valent des noix à côté de toi. Que j'ignore ton nom ! Et pourtant que je savoure de te voir chaque jour dans Poudlard. Que j'aimerai te parler rien qu'une journée, te demander si avec moi, qu'est-ce que tu dirais de flirter ? Que se soit hier ou demain, à jamais que je voudrais te prendre la main. Que si tu aimes cette lettre, à midi, déjeuné passé, que tu me retrouves devant les toilettes.

Que la fin manquait de romantisme. Que ne fallait-il faire au nom de la rime ! Qu'il soit fier, le blaireau, de ces petits mots. Qu'aille son mignon furet porter cette lettre à sa dulciné. Qu'il traverse la Grande Salle et, devant la belle, qu'il dépose la paperasse ! Hélas, qu'il était idiot ce furet. Se tromper de deux tables, vraiment, qu'il fallait être bête pour y arriver.

(scuse, défi du préfet)

Comme tous les matins, Juliet prenait son petit-déjeuner, le repas le plus important de la journée, et sans doutes son préféré – il y avait des tartines et du chocolat chaud ! D'ailleurs ce matin-là, elle était toute en beauté. Sa tignasse rousse partait dans tous les sens, un peu comme d'habitude, mais en fait, en pire. Elle avait de grosses cernes parce qu'elle avait passer la soirée à écouter sa meilleure amie lui raconter des histoires jusqu'à pas d'heure. Sa robe de sorcière avait une belle tache de confiture sous le coude et, élégance infinie ! Ses lèvres étaient bordées de chaque côté de chocolat au lait. Ajoutons à cela les taches d'encre qu'elle avait sur les doigts et, c'est sûr, vous avez une reine de beauté. Mais Juliet, inconsciente de tout cela, enfournait (presque) élégamment tartine après tartine.
Elle vit tout à coup un petit furet s'arrêter juste à côté d'elle. « Il est mignon », pensa-t-elle avant de reprendre son repas gargantuesque. Et puis, elle se rendit compte que le petit animal lui donnait des coups de museau sur la cheville avec insistance, comme s'il lui voulait quelque chose. Juliet, toujours prête à venir en aide à un animal, posa sa tartine, se lècha les doigts et s'apperçut que le furet portait... une lettre ! Ben tiens. Quand elle croyait que plus rien dans le château ne pouvait la surprendre, voilà qu'un furet délivrait le courrier ! Elle prit la lettre, ravie d'avoir un mystère à élucider, et la parcouru du regard. Une fois. Deux fois. Hein ?? Trois fois. Quatre fois. Elle eut un petit rire nerveux, qui se transforma en fou rire, et elle se disait, mais arrête de rire espèce d'idiote ! Tu vas le blesser ! Il est vraissemblablement amoureux de toi et toi tu as l'air de te moquer de lui en riant comme une vache ! Elle finit par se reprendre, mais cela lui demanda beaucoup, beaucoup d'efforts. Ce n'était même pas qu'elle trouvait la chose drôle, en soit, juste très... Surprenante. Et peu crédible. Les garçons, c'était une race étrange et encore inconnue à son âge, alors, que l'un d'entre eux l'ait remarquée et l'aime ? Ce serait une première. Enfin... C'était une première. Il ne pouvait pas y avoir d'erreur, le furet était venu la voir elle, en particulier, et avait insisté pour lui donner sa lettre, et il n'y avait pas moyen d'interpreter la missive d'une autre façon.
Elle regarda autour d'elle et remarqua que le furet trottait à présent le long de la table des poufsouffles. Mais oui ! Il devait retourner vers son propriétaire, et elle allait savoir qui donc lui avait envoyé cette lettre enflamée ! Elle le suivit du regard... Ah ! Un première année ! Voilà qui est plus log... Ah non, il s'était juste arrêté pour se gratter le museau... Il continue, continue, tiens c'est bizarre, de ce côté là de la table y avait juste des grands cinquième ou sixième années... Mais... Il s'est arrêté ! Pour de bon cette fois, il avait sauté sur les genoux d'un grand sixième année. D'a...ccord...
Juliet fronça les sourcils. Elle comprenait maintenant pourquoi il voulait qu'elle le retrouve devant les toilettes, il ne voulait pas que ses camarades le voient faire la coure à une petite troisième année. Ce n'était pas très gentil. S'il avait honte d'elle, pourquoi lui envoyer une lettre d'amour ? Bon, elle n'était pas vraiment blessée, Juliet, à vrai dire elle se sentait plutôt désolée. Elle était flattée, mais bon... Il n'était pas vraiment son type. Enfin, si elle avait un type, rappelons que Juliet avait 13 ans, et encore un peu moins en âge mental. Cependant, sans trop savoir ce qui la prenait, peut-être son alter ego épris de justice avait-il pris le contrôle de son corps, elle se leva avec la ferme intention de dire à ce garçon que ce n'était pas des façons de traiter sa dulcinée. Et puis vraiment ! Un rendez-vous devant les toilettes, avez-vous déjà vu moins romantique ? Elle remonta la table jusque là où était assis le Don Juan. Et puis, en chemin, tout le petit discours qu'elle avait préparé dans sa tête devint de plus en plus flou et toute sa confiance se dégonfla comme un ballon de baudruche. Arrivée sur place, elle ne fut plus capable que de lui adresser un sourire et de faire avec un petit rire nerveux :

"Hihihi... Salut ? J'ai reçu ta lettre, c'est euh... Très joli."

Jupiter, le plus mignon mais aussi le plus bête des furets, vint rejoindre son imbécile de propriétaire avec un air bien benêt. Kalev pointa un doigt inquisiteur vers le museau de l’animal et, l’oeil sévère, commença à le rabrouer.

- Triple Serpentard, Jupiter ! Pourquoi tu l’as donné à une toute petite petite fille ? C’était deux tables plus loin, bougre, pas chez nous ! Tu gâches ma Saint-Valentin ! Tu seras privé de papouilles !

L’animal paraissait bien s’en ficher, de tout ce que pouvait dire le blond, puisqu’il vint lécher le bout du nez du Poufsouffle qui, dans un soupir, abandonna de jouer les méchants, ce qui ne lui allait pas du tout, et cajola la petite bête, alors que venait le rejoindre la mauvaise personne. Fichtre, il devrait tout de même éduquer ce furet, un jour. Kalev leva les yeux sur la rouquine.

- C’était pas vraiment pour toi mais c’est gentil. Jupiter aura fait une heureuse, au moins. Il reposa l’animal sous la table. De toute façon, je suis sûr que je peux faire encore mieux. Kalev Hopwar, rédacteur de lettre d’amour pour jeunes hommes en détresse ! Ça, c’est un métier d’avenir.

Il fit un clin d’oeil et leva un pouce conquérant en signe de victoire. On ne rendait pas intelligent un idiot en quelques secondes. Toute une vie serait insuffisante pour enseigner à cet énergumène la notion de quotient intellectuel. Bon, en attendant, c’était un peu dur de gérer la situation. Envoyer bouler une fille, ce n’était pas dans ses principes.

Tiens, elle riait. Enfin une jeune fille sensible à son charme ! Bon, d’accord, il ne s’intéressait pas à cette douce petite (à la rigueur, il pouvait l’adopter comme petite soeur, ça faisait bon genre auprès des autres filles) mais c’était toujours valorisant de faire rire les filles plutôt que de les voir pleurer. La légende voulait que certains garçons étaient si laids que certaines demoiselles se vidaient de leurs larmes rien qu’en les voyant. Les pauvres.
Kalev récupéra sa lettre et la brûla d’un petit Incendio. Voilà, toute preuve, toute trace de cette bévue s’en était envolée. Une chose était sûre, il ne confierait plus son courrier à Jupiter avant de lui avoir correctement appris à différencier les filles de Poudlard.

- Je ne regrette jamais l’écriture d’une lettre très chère. Je ne suis qu’amour et peu importe qui reçoit cet amour. Mieux vaut avoir distribué de bons sentiments par erreur que de laisser les gens se morfondre !

Il leva un pouce victorieux et fit un clin d’oeil. De toute façon, il n’en était pas à sa première tentative manquée. Au bout de six années à errer dans les couloirs de Poudlard, pour sûr, nombre de demoiselle avaient reçu ses mots doux, par accident ou non. Juliet Windsor s’ajoutait à cette liste.

- Kalev Hopwar au service de la bonne humeur. Mon but dans la vie est de lutter contre la morosité, donner le sourire aux gens, m’amuser et trouver le grand amour. Il écouta les conseils sur sa lettre de la rouquine, puis se fit songeur. Hmm… d’un côté, les toilettes, c’est original. Il faut réinventer le prince charmant des temps modernes, Juliet. La tour d’astronomie, c’est has been.

Il se leva, prit une pose aussi sérieuse que théâtral et entama son explication avec toute l’émotion qui se devait à une si importante histoire.

- Nos parents se sont tous rencontrés à la tour d’astronomie ! Notre père invitait notre mère à regarder les étoiles, il ne savait pas différencier deux planètes mais disait “regarde, c’est la constellation de l’amour, je te l’offrirai à notre mariage !” et ils s’embrassait langoureusement à la pâle lueur de la lune ! Puis quand le concierge les surprenaient, ils faisaient perdre des points à leur maison et un autre couple recommençait le lendemain… Il baissa les bras, comme abattu. Il faut changer les traditions.

Un noble combat auquel il se dévouerait jusqu’à son dernier jour au sein de cette école.

Il était drôle, Kalev. En quelques minutes, Juliet décida qu'elle l'aimait bien. D'après ce qu'elle avait compris, c'était dans ses habitudes d'envoyer des lettres d'amour à plein de filles pour répandre la joie et la bonne humeur, et peut-être trouver le grand amour. C'était tellement chouette comme façon de vivre ! C'était si positif, si joyeux ! Kalev, en fait, c'était une sorte de chevalier de la joie, un Don Quichotte de l'amour. Elle lui donna quelques conseils sur sa lettre, mais se rendit bien vite compte que Kalev semblait avoir réfléchis bien longuement à tout ça, et qu'en fait, son idée de donner rendez-vous à une fille devant les toilettes, c'était beaucoup plus romantique que, par exemple, la tour d'astronomie. Oui, maintenant qu'il le disait, c'était un peu nul, la tour d'astronomie, c'était bien trop commun. Il avait bien raison. Elle but ses paroles comme du petit laid, en acquiesçant avec un grand sourire sur le visage.

"Oui, tu as raison ! Les étoiles c'est ce que tout le monde fait. Moi, si j'étais amoureuse, j'emmènerait mon amoureux dans la forêt interdite, parce que c'est interdit et alors, ça montrerait que je suis prête à enfreindre les règlements pour lui et tout. Et que je suis courageuse. Mais les toilettes c'est bien aussi, t'as raison. Mais c'est pas un peu fréquenté comme coin ? Ca doit être difficile d'avoir une conversation d'amoureux là-bas. En même temps je sais pas vraiment comment c'est, une conversation d'amoureux."

Juliet s'était un peu laissée emporter. Elle était toute contente, elle venait de rencontrer quelqu'un de très intéressant et de très intelligent. Elle voulait continuer à l'écouter parler d'amour et tout ça. Elle n'y connaissait pas grand-chose à l'amour, Juliet, juste ce qu'elle avait entendu dans les histoires. Ses parents n'étaient pas très romantiques tous les deux, ils étaient trop raisonnables pour ça, et les parents de sa meilleure amie s'étaient séparés. Et Juliet elle-même, elle n'y pensait pas trop, à l'amour. Elle ne voulait pas vraiment d'amoureux, en fait. Les garçons, c'était bizarre et pas très joli, et puis, elle n'avait pas le temps pour un amoureux, elle était très contente de passer presque toutes ses journées avec sa meilleure amie Wendy. Mais toutes ces histoires de romance et de chevaliers indomptables et de princesses magnifiques, ça la faisait rêver.

"Dis, c'est qui la fille à qui tu voulais envoyer la lettre normalement ? Tu veux bien me dire ? Elle est jolie ? Tu es amoureux d'elle ?"

Kalev fut ému. Très ému. Parce que, Merlin, quelqu’un reconnaissait son art ! Quelle brave pteite Juliett. Pleine de vie et d’idées, la recrue parfaite pour répandre joie et bonne humeur. La Forêt Interdite, ça avait du bon, et surtout les motivations étaient bonnes ! Fier de sa jeune élève, le Poufsouffle prit ses deux mains dans les siennes et fixa longuement ses doux yeux de biche.

- Juliett, ton potentiel est immense. Répands la gaieté et l’amour avec moi. Envoyons des lettres, donnons rendez-vous aux toilettes et dans la forêt interdite, bravons les règles de cette société obsolète, actualisons le bonheur !

Il se leva de son banc, croisa les bras, le regard perdu dans le loin, grand penseur qu’il était. Penseur au tout petit cerveau et un peu allumé, mais ça, c’était du détail.

- Un autre coin de rendez-vous trop utilisé, c’est la volière. Forcément, les hiboux sont des animaux et les animaux ça fait craquer les filles. Il faut plutôt s’introduire dans les serres ! Il serra les poings. Montrer que ni la mandragore ni le tentacula vénéneux ne peut te freiner dans ta recherche de l’âme soeur, que t’es un guerrier de l’extrême !

Néanmoins, il s’égarait. Il se racla la gorge et se rassit poliment, lissant sa robe de sorcier. Il attrapa négligemment un petit pain et l’éventra pour manger sa mie. A s’être ainsi emporté, il en avait oublié que la grande réflexion du jour concernait les rendez-vous aux toilettes.

- Tu fais abstraction du bruit et tu verrouilles la porte. Tu sais, il faut voir le côté pratique des toilettes : c’est original, ça résonne quand tu parles, tu peux te laver les dents pour pas avoir une haleine de chacal et si tu te prends un méchant vent, c’est plus facile de justifier que c’était un pari entre pote. Même si mentir, c’est mal.

Mort du quignon de pain, une gorgée d’eau. Kalev croisa ses bras derrière sa nuque. La fille à qui était destinée la lettre hein ?

- Bonne question. Je la connais pas. Serpentard, cinquième année à vue de nez, petite brune à lunettes. C’est mignon, les lunettes. Mais maintenant y’a plus intéressant. Il attrapa le poignet de Juliett, curieux. Tu dis que tu sais pas ce que c’est une discussion d’amoureux, mais n’empêche que, t’aimes quelqu’un ?

Kalev, en bon amateur de bruits de couloir, se devait d’obtenir cette information capitale.

Elle était quand même rudement mignonne, cette petite, songeait le Poufsouffle en contemplant les réponses pleine de joie de Juliet à ses tirades enflammées. Pas mignonne comme pouvait l’être une belle jeune fille de sixième année dans la fleur de l’âge, mais mignonne comme une petite puce pouvait l’être. S’il avait eu une petite soeur, elle aurait été comme cette gamine là : éduquée à la niaiserie sentimentaliste et dégoulinante d’idiotie de Kalev.

- J’ai rendu un devoir sur les acromentulas, y’a pas longtemps. J’ai eu optimal en imaginant comment la première de ces bestioles était née. Il joua négligemment avec sa baguette. Une sinistre histoire d’usine nucléaire, c’est so moldu. Les filles n’ont étrangement pas beaucoup aimé ce cours. Faut dire que les grosses araignées, ça met pas toujours à l’aise.

En entendant la réponse de la petite Juliet quant à ses sentiments, Kalev fut particulièrement amusé. En amour, il s’y connaissait : les lapsus ne trompaient pas. Cette fille-là s’annonçait très intéressante. Et comme c’était bien plus fort que lui, il fallait la taquiner.

- Tu aimes Wendy ? C’est une fille bien ? Il prit son air de grand maître un peu snob. Tu sais, en amour, fille ou garçon, c’est pareil : trouver la bonne personne, ça met du temps, et pour savoir si ton/ta amoureux/amoureuse est le/la bon/bonne, il faut essayer. Déclarer sa flamme. Faire passer des émotions. Il se pencha vers le visage de la troisième année te posa un doigt sur son front. On a pas tous le troisième oeil, on peut pas lire le coeur des gens.

Il était même prêt à l’aider à trouver un lieu de rendez-vous et à rédiger une belle lettre pleine de poésie et de compliments mignons. Et de références à Peter Pan.

Juliet était bien contente que Kalev s'intéresse aux acromantulas. Décidément, il était parfait ! Peut-être qu'un jour elle lui parlerait d'Hakuna, le bébé araignée géante que Wendy et elle avaient sauvé d'une mort certaine en la cachant dans un buisson près du lac noir. Et elle était contente de ne pas être une fille comme les autres, qui ont peur des araignées. Elle se sentait Originale, elle aussi, du coup, et tous les caractères qui pouvaient la rapprocher de Kalev étaient les bienvenus. Il était quand même trop cool, ce sorcier. Si jeune et déjà un génie !

"Moi je n'ai pas peur des araignées, surtout les grandes comme les acromantulas. Elles ont plein de poils, c'est trop mignon." Dit-elle, se vantant presque. "Et puis c'est beaucoup plus intéressant que les boursouflets. Tu savais que les acromantulas parlent ?"

Et puis il lui demanda si elle était amoureuse, et pour une raison inconnue, sa langue fourcha et elle nomma Wendy. Elle rougit violemment. Kalev se trompa alors et cru qu'elle était amoureuse de Wendy. Comme c'était insensé ! Elle ne pouvait pas être amoureuse de Wendy voyons ! C'était sa copine ! Elle eut un rire qu'elle voulait amusé, mais qui bizarrement, ressemblait grandement à un gloussement gêné.

"Oh non, je n'aime pas Wendy… Enfin, si, je l'aime, c'est ma meilleure amie et j'adore être avec elle et on fait tout ensemble depuis qu'on a six ans et elle est trop chouette parce qu'elle peut raconter plein d'histoires et son nez fait ce petit truc quand elle arrive à un passage intéressant et c'est très amusant de la faire sourire mais je suis pas amoureuse d'elle ! C'est insensé voyons. Tout à fait insensé. C'est pas possible d'abord, parce que c'est ma copine."

Elle eut ensuite un grand sourire satisfait. Voilà, elle était sûre qu'avec ça, Kalev serait convaincu et qu'il ne lirait pas plus dans ses lapsus. Vraiment. Insensé, cette histoire. Qu'en penserait Wendy ! Tout à coup, sans savoir trop pourquoi, Juliet se rendit compte que ce serait vraiment un désastre si Wendy apprenait l'erreur de Kalev. Ce qui était très bizarre, parce qu'en soit c'était plutôt drôle. Mais elle ne voulait surtout surtout pas que son amie soit au courant.

"Tu le diras pas à Wendy, hein ? Je veux dire, ce que tu penses, qui n'est pas du tout fondé de toutes façons et qui n'est pas vrai du tout. Parce que je sais pas. C'est une erreur. Wendy aime pas les erreurs. Voilà, c'est pour ça. Elle a une phobie des erreurs. Elle en fait jamais même, j'te jure. Même qu'elle a tout le temps Optimal partout."

Et bien, elle avait un débit hallucinant quand il s’agissait de parler de son “amie”. C’était un signe de plus qui ne trompait pas. Entre le déni, les étoiles dans les yeux et l’ode à la perfection, pas de doute : petite Juliet était amoureuse. Kalev, expert en lettre niaises, était formel.
Comme s’il s’apprêtait à annoncer une grave maladie à la pauvre enfant, le Poufsouffle lui attrapa les deux épaules et la regarda droit dans les yeux. Il prit une mine grave et soupira.

- Juliet Windsor, j’analyse votre mal comme étant celui de l’amour. Un seul remède pour vous : la déclaration.

Et avec toute son immense générosité et le talent qui était sien, il était prêt à l’aider. Que ce soit pour lui organiser une escapade nocturne, rédiger un doux poème ou éloigner les oreilles indiscrètes. Avec lui, le secret serait bien gardé. Il adorait les bruits de couloir, mais n’en était JAMAIS à l’origine. Enfin, pas souvent…

- Mon MIP est là pour toute demande de conseil. En cas de panne de patronus, mon adorable furet pourra jouer le pigeon voyageur. Bonne chance.

Il abaissa une casquette fictive et, solennel, lui tendit son Jupiter adoré.

Juliet gloussa un peu lorsque Kalev la prit par les épaules et lui dit, les yeux dans les yeux, qu'elle était amoureuse. C'était très drôle, en fait, parce que ce n'était pas vrai du tout. Du tout du tout. D'abord, Wendy, c'était une fille, alors c'était pas possible, on pouvait juste être amoureuse des garçons. Et puis, d'abord, voilà, quoi, hein, bon. Voilà. Elle rigola de plus belle quand Kalev parla de déclaration, voilà qui était saugrenu. Juliet s'imagina, un genoux à terre, déclamant un poème à Wendy… Quel poème choisirait-elle d'ailleurs ? Elle aimait bien la poésie Wendy, mais Juliet elle y connaissait rien. Faudrait qu'elle lui demande l'air de rien ce qu'elle aime comme poèmes, et puis qu'elle cherche dans la bibliothèque, et puis est-ce qu'elle lui offrirait des fleurs aussi ? Ou un cactus, c'était plus original. Ou un saule cogneur bonsaï.

Mais pourquoi est-ce qu'elle pensait à tout ça ? Elle n'était pas amoureuse d'abord. Pas du tout du tout. Alors elle se retint de demander à Kalev si le mini saule cogneur était une bonne idée parce que même si bien sûr, ça ne voulait pas dire du tout qu'elle était amoureuse, elle sentait - ça devait être son sixième sens - qu'il le lirait comme ça. Elle fut quand même un rien soulagée lorsqu'il lui dit qu'elle pouvait faire appel à lui par patronus ou via son gentil furet.

Elle remarqua alors, derrière Kalev, à l'entrée de la grande salle, que Wendy descendait elle aussi prendre son petit déjeuner. Sans qu'elle sache trop pourquoi, Juliet avait très envie de la voir et de lui parler. Genre, là maintenant. Tout de suite. Mais bien sûr ça n'avait rien à voir avec le sujet de sa discussion avec Kalev, non non non. Elle se tourna alors vers le grand poufsouffle, le guide de sa vie, et lui dit :

"Bon, il faut que j'y aille ! Wendy va devoir s'asseoir toute seule pour le petit-déjeuner sinon. A bientôt !"

Et elle laissa donc là Kalev et se rua pour trouver deux places côte à côte pour Wendy et elle.