Drew avait une mine dépité. La mine des jours où il fallait surtout pas l'approcher. La mine où quand tu le voyait, tu te disait que, soit, il avait eu un Troll à son devoir d'Histoire de la Magie, soit, sa valise avait brûlée. Ni l'un ni l'autre ne venait de se produire, bien heureusement. Cependant, il avait une raison. Une sale raison. Une raison qui fait mal au cœur. Une raison qui fait ruminé. Une raison qui justifie largement sa mauvaise tête – pour une fois justifiée.

Il descendait les couloirs le regard noir, les sourcils froncés. La plupart des gens avaient pris l'habitude de l'éviter d'un bon mètre dans sas jours là, ne souhaitant pas finir à l'infirmerie. Drew avait beau avoir promis de se calmer et de ne plus – ou moins – se battre, sa réputation le précédait cependant. Au moins, personne ne venait l'embêter.

La mâchoire contractée, la cœur serrée, les visage crispé, il passa la porte de la grande salle le regard rivé au sol. Il avançait lentement et semblait mou à la fois. Comme si toute présence l'avait quitté. Il était contrarié. C'était tout. Et c'était déjà trop.

Au lieu de s'asseoir à la table des Gryffondors, Drew s'engagea du côté du mur, dépassa l'une des massives cheminées de pierre et vint se poser lourdement à la table des poufsouffles. A ses côtés, son ami Wesley l'attendait. Ou peut-être pas. En fait, les deux garçon avaient pris l'habitude de squatter la table de l'un l'autre. Parfois ils mangeaient séparément. Aujourd'hui, Drew avait besoin de compagnie. De sa compagnie à lui. Son grand ami, dans les deux sens du terme puisqu'ils formaient le duo d'asperges des cinquièmes années, était la seule personne à qui il voulait parler. Le seul qui pourrait le consoler ne serait-ce qu'un petit peu.

La table était vide, le repas ne commencerait que dans quelques minutes, le temps que chacun se rende à la grande salle. En fait, les deux garçons étaient dans les premiers à arriver. Drew leva un regard peiné vers son ami avant de laisser tomber sans tête au creux de ses bras et de longuement souffler. Il avait mal au cœur. Vraiment.

Est-ce que ça allait ? Drew ne vit même pas l'utilité de répondre à cette question. Il n'avait pas l'air d'aller bien, pas du tout. On ne s'échoue pas sur une table quand on va bien. On ne rumine pas quand on va bien. On n'a pas les larmes aux yeux et la voix coupée quand on va bien. On a pas la respiration longue et traînante quand on va bien. Non. Drew n'allait pas bien.

Et lorsque son ami prononça le nom fatal, Drew cru qu'il allait fondre en larme, la gorge serrée. Son ami eu pour toute réponse une longue plainte sourde affaissant sa cage thoracique. Heureusement, le peu d'amour propre qui lui restait su contenir ses émotions. Il avait les yeux clos et tremblants derrière ses paupières. Son cœur était douloureux, son estomac lui brûlait. Il avait mal à la tête. Il avait le mal d'amour. Mais il respira un coup et lui répondit.

« Loa ort aec ysdre. »

Il avait marmonné, n'avait même pas pris la peine d'articuler. En fait, il avait prèsque grogné. Ce qu'il venait de dire était incompréhensible, mais on sentait son irritation, tel un animal en colère. C'était étrange. Drew était triste, oui. Cependant, sa voix était froide, rauque et impétueuse. Il n'arrivait pas à se défaire de son habitude, n'essayait pas. Encore moins dans ce moment de douleur. En fait, il était aussi en colère. Contre lui, qui avait cru à une chimère et n'avait rien fait pour la saisir de toute manière. Contre le monde qui le détestait, il en était persuadé. Parce qu'il avait l'impression d'avoir tout rater. Sa vie, sa chance, son amour. Il avait un chagrin, un chagrin du cœur. Un chagrin d'amour.

Drew grogna. De quel autre Lysandre pourrait-il s’agir ? Aux dernières nouvelles, il n'y en avait qu'un dans ce fichu château. Quoique le sorcier brun songeait franchement à acheter un crapaud et le nommer ainsi. Lysandre Audlington, septième année, Serdaigle, un peu trop blond, trop angélique, bien trop sympathique et énormément trop proche de Loka pour que Drew puisse ne pas le haïr en cet instant. Non, en fait, s'il le voyait passer devant lui à l'instant, il lui aurait bien sauté à la gorge.

« Mais attends, du calme, comment tu sais ça d’abord? Tu les a vus ensemble ? »

Le grand garçon sortit la tête de ses bras, toujours affalé sur la table. Deux premières années allaient s’asseoir non loin d'eux. Un simple regard de Drew suffit à les faire fuir à l'autre bout de la rangée. C'était pratique, être un répulsif humain, malgré tout.

Drew se redressa, voûté, mou. Il souffla de désespoir, ses yeux exprimant de nouveau toute sa peine.

« Non... répondit-il d'un voix rauque. Harley me l'a dit tout à l'heure. »

Sa voix avait cédée, semblable à une plainte, brisée. Il leva un nouveau regard triste à son ami. Pourquoi lui ? Pourquoi il était le seul crétin de cette terre à tomber amoureux d'une fille à qui il n'avait jamais parlé ? Pourquoi alors qu'il venait enfin de faire le premier pas, il découvrait qu'elle était inaccessible ? Pourquoi après tout les espoirs et les films qu'il c'était raconté pour s'endormir ? Pourquoi le monde s'acharnait-il à détruire son cœur ? Lui qui ne savait se faire des amis, lui qui faisait fuir les gens plus ou moins volontairement, lui qui avait un mal fou à aller vers les autres, lui qui comptait sur les doigts les personnes dont il appréciait ne serait-ce que leur simple existence, lui qui se sentait des fois bien seul, lui qui ne se rendait compte de sa bêtise qu'après avoir cogné, avoir blessé, lui qui était capable du pire comme du meilleur. Pourquoi on lui enlevait, à lui, la seule personne avec qui il ait l'impression que se défauts s'envolaient?

« Tu viens de croire ça parce que Harley te l’a dit ? »

Oui, il venait de croire ce que Harley lui avait dit. C'est fou ce que prononcé tout haut ces prenait tout un autre sens ; cela paraissait ridicule, stupide. Drew avait toujours évité ce fichu fantôme comme la peste. Il était pour lui l'équivalent d'une bombabouse volante et menaçant à tout va d'exploser juste  parce que c'est drôle. Et qui trouvait que l'asperger lui en particulier de substance malodorante était des plus amusant.  Oui, il se sentait bête face à la déclaration de son ami.

Mais il n'y avait pas que ça. Drew avait immédiatement senti un malaise en lui, même s'il n'avait pas voulu croire l'ectoplasme trop bavard. Il avait un mauvais pressentiment, une évidence. Comme si actuellement, son cœur n'était pas aussi douloureux qu'il allait l'être. Comme si c'était le préambule pour le préparer à de longues semaines de désespoir. Parce que Loka ne serait pas à lui. Parce qu'elle tiendrait la main d'un-peu-trop-blond-et-gentilman. Il était persuadé que c'était vrai et qu'il allait les voir débarquer à tout moment dans la Grande Salle, main dans la main, parfaits amoureux. Il était persuadé que c'était vrai. Il le sentait. Illusion du désespoir ou véritable pressentiment ?

« Wes... commença-t-il d'une voix lasse. Je... Je suis sûr que c'est vrai. Et je l'aurais bien chercher. Ça fait combien de temps que je me fais des films dans mon coin sans rien tenter, hein ? Pas étonnant qu'elle ait fini par trouver quelqu'un. Quelqu'un de plus vif que moi. Je... »

Drew replongea dans ses bras et termina sans phrase en grognant. Quelque chose de semblable à ''je suis un crétin'', sans doute. Après tout cela faisait plusieurs heures qu'il se la répétait en boucle. Il fallait bien qu'elle sorte à un moment ou à un autre.

Franchement, Drew se voyait mal aller demander à la jolie brune qu'il avait mis tant de temps à aborder si elle sortait avec Lysandre et si, au fait, elle voudrait pas sortir avec lui parce qu'il est fou d'elle depuis, quoi, deux ans minimum. Non, ce n'était pas son style. Et puis même, il n'avait pas de style. Drew était un vrai débutant en relations sociales, même basiques. Alors quand il s'agissait de relation plus profondes, où de fortes émotions entraient en jeux, il était attardé. Drew ne savait gérer que ce qu'on lui servait tout chaud tout cuit, comme avec Wesley, Evelynn et Faelan, ou les conflits. Ça, il connaissait les conflits. Il avait tellement d'ennemis que c'était un peu son quotidien les conflits. C'était tellement plus simple d'ignorer ou de faire front à quelqu'un qu'on ne porte pas dans son cœur qu'à quelqu'un qu'on aime et pour qui on voudrait être la perfection. Un ennemi si on le blesse ou lui fait quelque chose de mal, c'est tant mieux. Un proche, quelqu'un à qui on tiens, c'est horrible.

« C’est comme si Harley avait voulu t’aider en fait. »

Il avait le droit de rire ? Harley l'aiderait le jour où le monde serait sur le point d'exploser ou de plonger entre les mains osseuse d'un surpuissant sorcier fou, blanc comme un mort, à l'âme morcelée, ressemblant à un serpent et rêvant de pouvoirs absolus. Non, si Harley lui avait dit ça c'était pour l'embêter. Et quoi de mieux pour lui pourrir sa journée que de lui annoncer que la fille qu'il admire depuis des mois s'est enfin trouvée un prince charmant. Qui n'est pas lui.

Drew lorgna son ami incrédule et les épaules aussi basses que les oreilles d'un chien désespéré. Il fit quelques allés-retour lents entre son ami et la tasse qu'il lui présentait. Tout ce qu'il voyait c'était un arc-de-cercle brun des plus commun pour un thés tout juste vidé. Il était gentil son ami, mais là il le prenait un peu pour un imbécile qu'il était loin d'être. La plupart du temps.

Il n'avait pas faim. Enfin, si. Son ventre gargouillait, que dis-je, rugissait à la vue des toast beurrés, des œufs brouillés aux fromage et du bacon frémissant. Mais son estomac était si tordu qu'il avait l'impression qu'il pouvait vomir la moindre bouchée qu'il avalerait. Cependant, en bon mort-vivant qu'il était alors, il attrapa mollement une fourchette et se saisis de son assiette. Vide de toute émotion, il porta une fourchette vide à sa bouche, sans se rendre même compte qu'il n'y avait rien dedans. Ce n'est que lorsqu'il rata la tartine qui le narguait à deux centimètres de ses dents, les rendant affreusement douloureuse, qu'il explosa.

Encore plus lunatique qu'un loup-garou, Drew abattit rageusement ses poings sur la table, la faisant sans doute vibrer jusqu'à l'autre bout. Un grognement sourd s'échappa de sa gorge alors qu'il montrait les dents, la mâchoire serrée, les yeux fulminant. S'il ouvrait la bouche, il ne savait pas ce qui allait en sortir. S'il se laissait aller à sa colère soudaine, il ne savait que ce qui se briserait entre ses doigts. Alors il serrait mâchoires et poings tant que ses phalanges devinrent blanches. Maudit lui ! Maudit Harley ! Maudit Lysandre-trop-blond-et-trop-gentil ! MAUDIT MONDE !