À ses heures perdues, celles qu'il n'occupait pas à lire ou dessiner des plans d'excursions dans la forêt interdite, ou tout simplement à appliquer ceux là, Oliver joue du violon. Autant dire qu'il n'en joue pas souvent. Mais il fait en sorte d'en jouer régulièrement, puisque c'est un art qui s'entretient. Parce qu'il a déjà des cales sur les doigts et les muscles engourdis par l'étrange tenue de l'instrument. Enfant, il en avait souffert, jusqu'à s'en mordre les lèvres jusqu'au sang. Mais soucieux de ressembler à sa mère qui jouait à merveille, il avait continué de déchirer ses lèvres sans se plaindre. Ho, certains jours il avait tout envoyé en l'air, et s'en allait en pleurnichant, tant l'exercice le fatiguait. Mais il recommençait, vaille que vaille. Il avait appris à jouer des morceaux soigneusement choisit par sa mère, et dont il oubliait généralement les noms. Mais il connaissait ses notes, les cordes, l'archer. D'ailleurs, il en avait reçu un neuf de sa mère, ayant massacré le précédent sur un morceau un peu trop passionné. Et il s'imaginait bien que cet archer là ne ferait pas non plus long feu.
Soigneusement rangé dans son étui, contre le violon, Oliver transportait son instrument avec délicatesse. Parce que s'il était un peu beaucoup bourrin sur les bords, il prenait soin de ses quelques trésors. Même s'il risquait de livrer en pâture son précieux instrument. À un quasi inconnu. Qui voulait apprendre la musique, enfin le violon. Oliver d'âme charitable n'avait pas pu refuser. Et puis ce type là n'avait pas l'air d'être une brute stupide, alors il tenterait le coup. C'était une leçon test. La première fois qu'il lui avait demandé, Oliver avait haussé un sourcil. Pas de prétention, plutôt d'amusement. Combien de temps tiendrait il face à la rigueur du violon ? Le rouquin n'avait pas encore pris les paris, il attendrait de voir comment se comporterait son élève avec l'instrument.
Le rendez vous avait été fixé au septième étage, et appréhendant le couloir glacial, Oliver s'était emmitouflé dans une bonne grosse veste surmonté d'une écharpe à plusieurs tours, ne laissant visible que ses yeux et sa tignasse en bataille. Autant dire qu'il ne ressemblait pas à grand chose. Et qu'il avait froid. Alors il pressait le pas, puisqu'il risquait d'arriver en retard.

Il voyait un peu plus loin une grande silhouette qui agitait la main en l'apostrophant, et il se dépêchait encore un peu pour arriver en face de son ''élève''. C'était bizarre d'employer ce mot là.

Salut ! Je suis un peu en retard. On se met à l'abri ? Ça caille dans ce couloir !

D'ailleurs, il valait mieux se dépêcher, parce que même si son étui était étanche, il ne pouvait pas maintenir l'instrument à température idéale, ce qui risquait d'assécher le bois et de rendre les cordes assez rigides pour qu'elles se brisent facilement.

Oliver avait toujours eu à l'égard des Serpentards une certaine défiance. Parce que sa grand mère en avait été, et que sa grand mère était un véritable dragon ne jurant que par Serpentard, et éventuellement Serdaigle. Mais ça c'était juste pour ne pas se faire virer de chez la mère du rouquin. Mais il n'empêche que sa grand mère, et quelques rencontres auparavant l'avait un brin refroidi quand aux verts. Refroidi... En étant dans le couloir glacial. Il a l'esprit tourné vers les jeux de mots cet enfant ! Passons. Mettant de côté ses hésitations, il voulait juste accélérer la cadence, parce qu'il avait froid.

Par la barbe de Merlin, j'espère vraiment que la salle est chauffée, je ne resterais pas dix minutes de plus dans ce truc.

Serrant son étui contre lui, il mordillait sa lèvre sous son écharpe pour réprimer un grelottement. Oliver n'aimait pas le froid, comme l'eau. Le comble pour un anglais n'est ce pas ? Il appréciait la fraîcheur d'une forêt, ou l'eau glaciale d'une rivière, certes. Mais pour le reste, c'était une autre affaire. Peony éleva la voix, l'extirpant de ses pensées.

Il m'semble qu'il faut penser à la même chose. Une salle de musique avec du chauffage, ça t'convient ? Peut-être que l'château sera assez cool pour nous fournir des instruments, qu'j'abîme pas le tien avec mes bêtises.

Oliver n'avait pas vraiment remarqué cet accent traînant, mais ils n'avaient pas échangé beaucoup, ils se rencontraient à nouveau en quelque sorte. Par contre, la salle sur demande, il en savait un peu plus. Enfin, pas qu'il y soit déjà aller, plutôt l'expérience de sa mère, qui s'y était rendu plusieurs fois dans sa jeunesse. Il lui avait posé plusieurs questions dessus, et malicieusement, elle lui avait répondu qu'il ferait son expérience tout seul. Mais elle avait bien voulu lui souffler un petit renseignement. Y penser assez fort pour qu'elle devienne importante. Soufflant dans son écharpe pour réchauffer son nez, il se rapprochait de Peony pour que ses paroles soient à peu près audible.

Tu as raison, enfin je crois. Donc une salle de musique chaude, et des instruments. Une salle de musique chaude et des instruments, parce qu'on est en train de se peler sévère et que tu veux absolument apprendre la musique... On a froid nom d'un troll !

Plusieurs fois il marmonnait ces phrases, en espérant que ça fonctionne, en marchant un peu le long du mur, comptant plusieurs fois le nombre de portes. Parfois le bruit des escaliers qui changeaient de positions le perturbait, et il regardait avec attention si ce n'était pas la fameuse porte. Soudain, il sursauta, en tendant le bras vers une porte.

Là, là ! Ça a changé je crois bien !

Au passage, il avait bavouillé contre son écharpe, ce qui était passablement désagréable. Il priait donc pour que la salle soit vraiment apparue, sinon, ils iraient ailleurs.

Sa mère l'avait prévenu; la salle sur demande était facétieuse, et lorsqu'elle vous ouvrait sa porte, il fallait jouer au loto immédiatement. Blague à part, Oliver n'aimant pas les gens d'argent de toute façon, il continuait de grelotter en espérant très sincèrement que c'était jour de chance aujourd'hui. Et dans un frottement de pierre et craquement de bois, il lâcha un petit ''wooow'' de contentement. Il aurait pu sauter de joie, mais il serait un peu passé pour un idiot auprès de son ''élève'' (god, le terme ne lui plaisait toujours pas). Et quoi de pire pour démarrer une leçon ? Passer pour un idiot, exactement. Il sentait -malgré les épaisseurs de ses pulls- que Peony tapotait son épaule de contentement, sentiment partagé donc. En revanche, il semblait plus à l'aise que lui dans le rapport prof-élève, contrairement au rouquin, qui fronçait les sourcils en entendant le ''maître''. Déjà parce que ce semblant d'autorité qu'on lui accordait lui déplaisait, et puis parce qu'avec son esprit mal tourné... Il avait l'impression d'être un pervers tout terrain depuis que Kelsey l'avait insulté à la suite de leur duel. Bon, il l'avait cherché, mais elle aussi non ? Dans tout les cas, il fallait vraiment qu'il explique à Peony que ça ne lui plaisait pas. En attendant, il s'engouffrait le plus vite possible dans la salle, pour se réchauffer un peu.

Des frileux à Pouffsoufle ? Je ne sais pas, tout le monde est un peu frileux non ? Et puis ce couloir c'est une horreur, on se les pèle vraiment, non ?

Sentant son corps s'adapter de mieux en mieux à la chaleur de la pièce, il posa sur une chaise son étui et enlevait doucement son écharpe, puis sa cape épaisse. Ses yeux ne perdaient pas de temps, et détaillaient tout les instruments rangés dans la pièce. Il y en avait de toutes les formes, toutes les sortes. Et puis pas en mauvais état ! S'il n'était pas un grand mélomane, juste assez persévérant pour jouer du violon correctement, il savait à peu près reconnaître des instruments de bonne qualité. Les cuivres brillaient, le bois des violons, contrebasses, guitares et autres cordes semblait bien entretenu également. Après s'être débarrassé de ses couches de vêtements désormais inutiles, Oliver un brin plus léger s'approchait des étagères pour voir de plus près les petites merveilles de cette salle.

C'est génial ! Il y a tout un orchestre là dedans, et même plus ! Tu n'auras même pas besoin de prendre mon violon, ce sera plus simple pour les leçons !

Là par contre, il trépignait de joie, la salle fabuleuse le fascinait littéralement. Avec un peu de chance, les instruments devaient être déjà accordés. C'est son petit frère qui aurait été ravi de venir avec eux. Contrairement à son aîné, il n'avait aucune persévérance, mais un don. C'est sans rougir qu'il pouvait se définir comme virtuose, et sans grande difficulté qu'il apprenait d'un autre instrument que de sa flûte traversière. Il ne lui avait pas fallu beaucoup de temps pour essayer et rattraper son frère au violon par exemple.

Doucement, Oliver attrapait un violon sur l'étagère. Léger, de taille moyenne, c'était l'idéal pour commencer, un son harmonieux et un instrument pas trop lourd pour quelqu'un qui n'a pas l'habitude. Et oh, merveille, lorsque le rouquin faisait glisser l'archer sur les cordes, un son doux et juste se fit entendre. Ils pourraient commencer plus rapidement, puisque le violon était accordé. Se tournant vers Peony, il lui tendait l'instrument avec un grand sourire.

Je te laisse découvrir l'instrument sans te donner d'indication, comme ça tu es un peu plus libre de faire ce qu'il te plaît ! Moi je vais accorder le mien, et puis on pourra commencer d'accord ?

Toujours en souriant, Oliver se tournait vers son étui à lui, qu'il ouvrait rapidement pour attraper son violon à lui. Un peu abîmé par le temps, il était un peu plus grand que celui de Peony, et surtout un peu plus ''fait'' aux mains et manières du roux. L'archer par contre, était flambant neuf. Le précédent s'était brisé sur du Mozart, mort honorable donc. En quelques minutes, il l'avait accordé, habitué à le faire.

Faudra pas l'regretter hein, si tu deviens sourd. Faudra vraiment pas l'regretter.

Il l'avait pourtant prévenu, nom d'un troll ! À mi-chemin entre un cri de bébé mandragore et d'une fille à qui on vient de tirer les cheveux, le son émis par le violon de Peony était le comble de l'ignominie. Il en avait fait sursauter Oliver, qui avait resserré ses doigts sur le manche de violon, et s'était pincé avec une corde. Mais dans ses doigts, plus assez de sensibilité pour souffrir d'une si petite douleur. Se tournant doucement, affichant son éternel sourire banal du sorcier qui veut se socialiser, il se plaçait face à Peony, en prenant garde de maintenir une certaine distance.

Hum, quand je disais découvrir l'instrument, ce n'était pas forcément tenter d'en tirer un quelconque son, plutôt observer le bois, les cordes, ou essayer de le placer correctement. Mais qu'importe !

Raclant sa gorge, il réfléchissait à ce qu'il pouvait dire. Il n'avait jamais réellement joué au professeur, et n'en avait pas eu d'autre que sa chère mère. Donc il essayait de se remémorer les techniques d'apprentissages dont elle avait usé face à lui. Il se souvenait d'un long et ennuyeux discours sur la construction de l'instrument, et préférait épargner le serpentard. Il allait lui expliquer des basiques, et puis le faire essayer. Posant sur une chaise son violon, avec la plus grande délicatesse possible, il s'approchait de son élève et récupérait l'instrument.

Je te l'emprunte cinq minutes, et après c'est toi qui fais ! Donc déjà, pour jouer d'un instrument, tu dois à peu près comprendre comment il est. C'est à dire un coffre, qui est une grosse partie mais assez creuse, le manche, et la tête ! à mesure qu'il parlait, sa main gauche montrait du doigt les différentes parties. Et bien évidemment, la partie qui a servit à me torturer les oreilles tout à l'heure, les cordes. Il y en a quatre, qui a vide font les notes, sol, ré, la, mi. Tu connais tes gammes ? Sinon ce n'est pas grave, enfin si un peu, mais ça s'apprend facilement !

Pour illustrer son propos, il cala le violon correctement et fit sonner les quatre cordes en récitant leur nom au fur et à mesure. Même si c'était très simple comme son, un peu plus harmonieux tout de même que ce qu'avait fait Peony.

Après, pour faire d'autres notes, il faut les pincer, mais on verra ça plus tard ! Pour le moment, je vais te montrer comment tenir ton violon. Joignant le geste à la parole, il calait le violon correctement. Tu vois, tu dois l'incliner un peu comme ça, mais pas trop, sinon tu risques de ne pas frotter toutes les cordes ! Et ton archer, tu le tiens comme ça, bien dans ta paume, mais pas trop pour ne pas l'abîmer ou ''gêner'' le son.

Attendant quelques secondes que Peony analyse un peu, il lui tendait enfin l'instrument.

À toi !

Tandis que son élève récupérait l'instrument, Oliver s'était retourné pour se saisir du sien, et vérifier ce qu'il aurait pu éventuellement oublier. Vieille habitude, mais en même temps, son frère prenait un malin plaisir, quand ils étaient plus jeunes, à désaccorder le violon du rouquin dès qu'il avait un moment d'inattention. Mais tout de suite après, il posait l'instrument. Il avait envie de jouer, mais ce n'était pas le moment, il devait aider son élève.

Et ben, c'quand même foutrement plus compliqué qu'd'utiliser un harmonica. Et ouais c'bon, j'ai la théorie musicale, l'solfège, appelle ça comme tu veux. C'est la pratique qui coince. Les cours d'musique c'est trop cher pour mes parents et ici j'm'investis dans la chorale, et d'toute façon l'club de musique existe pas alors bon...

S'il était musicien, Oliver ne se souvenait pas un jour avoir mis les pieds à la chorale. Pas vraiment son truc, et puis le chant nécessitait beaucoup de souffle. Et il n'en avait pas. Il aurait tout aussi bien pu accompagner au violon, mais là encore pas la patience. Déjà qu'il ne se supportait pas lui même, toujours déçu de sa façon de jouer, alors s'il fallait s'accorder avec d'autres... Non, très peu pour lui. Et puis on ne l'avait jamais vraiment sonné pour qu'il rejoigne la chorale. Ce qui l'arrangeait assez.

Je ne savais pas que tu jouais de l'harmonica ! Ça doit être compliqué aussi comme instrument, enfin j'ai jamais essayé, mais bon. Tu me montreras ?

Voyant son élève qui attendait sans trop vouloir lui demander, il posait son archer, que machinalement, il faisait tourner entre ses doigts. Mauvaise habitude, puisqu'il le faisait parfois tomber, au risque de le déchirer.

Dis moi grand maître, quand est-ce que t'as appris à jouer ? Ou auprès d'qui ? Enfin, ça c'est passé comment quoi ? T'as d'autres musiciens dans ta famille ? Moi ma mère sait même pas différencier une flûte d'un piano alors...

Oliver sursautait, et marmonnait un petit m'appelle pas grand maître c'est gênant.
Et finalement il récupérait son violon, pour le caler sur son épaule, avec une extrême lenteur, incitant son élève à l'imiter.

J'ai commencé le violon quand j'avais la taille pour en tenir un petit, je devais avoir six sept ans à tout péter. Au départ c'était vraiment laborieux, parce que l'instrument était quand même trop grand pour moi, et puis fatiguant, tu te lasses vite quand t'es gamin. C'est ma mère qui me l'a appris. Elle joue aussi de la flûte traversière, comme mon petit frère, et...

Il essayait de se rappeler d'autres instruments que sa mère faisait tourner avec la plus grande aisance entre ses doigts. À défaut d'une baguette, qu'elle n'utilisait jamais.

Certainement autre chose, mais elle nous a appris ces deux instruments.

Et mon père jouait du piano, je m'en souviens, il me prenait sur ses genoux pour m'apprendre les touches. Mais j'ai du les oublier, je n'ai jamais retouché de piano depuis. Ma mère a explosé l'instrument quand il est parti, et c'est l'une des rares fois où je l'ai vue en colère.

C'est dommage, ça fait du bien de se détendre en jouant, on a l'impression de pratiquer une magie particulière et apaisante, enfin, c'est comme ça que je le vis. Bon du coup, tu vas jouer ta première vraie note ! Je te montre et tu essaies d'accord ?

Ce ne serait pas trop compliqué à faire, et puis il lui expliquait tout en attrapant son archer convenablement dans sa main libre.

Le manche repose dans ta paume comme ça, tu dois être capable de faire bouger tes doigts, sans toucher les cordes. Pour une première note, tu vas juste caresser une corde, au choix ! donc tu n'appuies pas comme un bourrin, tu risques de déchirer ton archer.

Appuyant doucement l'objet sur une corde, il frottait lentement, créant un son simple et long, pas assez puissant pour casser le tympan de qui que ce soit.

À toi !