Pour une obscure raison, au milieu des espaces verts du Londres sorciers se dressait depuis quelques années un bâtiment haut en couleur portant le nom de piscine magique. Soi disant, un complexe aquatique pour distraire les sorciers en vacances et leurs jeunes enfants. Rien que l'entrée en disait long sur les lieux : en guise de mascottes, des statues peintes de dragons marins s'agitaient et aspergeaient les visiteurs d'une eau multicolore.
Le Prince Solus n'aurait jamais pensé se rendre ici un jour ; son lac personnel au coeur du Royaume Solus lui suffisait amplement, mais voilà qu'une grande dame lui avait donné rendez-vous dans cet aquarium pour humains. Quel curieux concept, tout de même. Alors, bon gré malgré, son altesse s'était traînée, sur ses deux fausses jambes, jusqu'au plus grand bassin, celui en extérieur, pour laissez toute leur place à ses talents de nageur ; si seulement il avait conservé sa réelle apparence.

Sa majesté grinçait des dents.
Sa majesté, assise au bord de l'eau, battait des jambes en regrettant amèrement d'avoir dû boire de la potion de condition humaine pour se déplacer jusqu'à ce lieu de rendez-vous. Et puis, comme la chance n'était pas de son côté aujourd'hui, il avait dépassé la dose habituelle, alors sans doute mettrait-il du temps à se débarrasser de ces jambes ridicules. C'était d'autant plus ridicule que la femme qui lui donnait rendez-vous ce jour-là s'était engagée à revêtir la forme du peuple du prince.

Boudeur, le Prince Solus s'agaçait des petits sorciers qui courraient en tous sens, des adultes incapables de les tenir en laisse, et de l'absence du larbin Jaromir pour lui apporter un thé aux algues bien frais, et lui masser les épaules, et lui étaler de la crème contre le dessèchement des écailles sur les nageoires.
Non mais, vraiment, quitte à créer un lac artificiel nommé piscine, autant la protéger du soleil. On n'avait pas idée, de s'exposer volontairement à cette chose brûlante. Il ne comprenait pas les sorciers. Il ne comprenait pas les rares autres que la sienne. Et il commençait à douter de comprendre Flavia Mantis, pour avoir choisi un tel lieu de rencontre. Peut-être parce qu'il y avait une statut à son effigie en haut de ce curieux toboggan, allez savoir.

- Ahhh, ahhh, ce que Londres est ennuyeuse !

L'ambassadeur frappa vigoureusement ses pieds dans l'eau, de sorte qu'il éclaboussa généreusement l'elfe de maison occupée à nettoyer les abords du grand bassin où s'agitaient joyeusement ribambelles d'enfants de sorciers amusés par l'eau qui changeait de couleur. Les couleurs, c'était peut-être la seule chose tout à fait descente de cette piscine, puisque tout changeait tout le temps, à en faire fuir un épileptique. Ah, ces sorciers.

Au milieu des sorcières occupées à se dessécher en plein air déambulaient quelques jeunes gens qui, contre quelques mornilles, se délestaient d'un jouet : pistolet à eau ensorcelé capable de suivre sa cible, bouée change-forme, petit bateau capable de se transformer en sous-marin d'un coup de baguette et autres joyeusetés inutiles. Le Prince Solus, d'humeur exécrable comme à l'accoutumé, tenta de faire trébucher l'un de ces agaçants vendeurs, mais sa tentative échoua grâce aux sortilèges qu'employaient les travailleurs du coin pour ne pas glisser sur le sol humide ; ce qui vexa fortement l'être de l'eau.


De dépit, le Prince Solus se laissa tomber dans la piscine et, bras croisés, refusa de remonter à la surface sous les yeux ébahis de certains enfants. Il s'en fichait, il disposait toujours de ses branchies.