Dumbing of age ♥ Maxwell

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Eurydice était en train d'avancer d'un petit pas enjoué dans les rues du Londres moldu. Elle allait voir Maxwell. Elle allait voir Maxwell ! Elle allait même chez lui – carrément – et elle allait voir l'intérieur de sa maison, et comment il vivait, et elle allait dire bonjour à sa sœur, qui peut-être allait la reconnaître, et ça allait être génial. Elle avait hâte d'y être. Elle avait un peu peur du moment où elle se retrouverait devant la porte, mais elle avait hâte d'y être quand même. Elle aimait beaucoup Maxwell. C'était un ami formidable.

Et puis, Eurydice aimait bien le Londres moldu, et les moldus. Elle avait le sentiment d'avoir plus en commun avec eux qu'avec les sorciers. Elle était une créature magique, enfin, à moitié, un demi-monstre quoi, mais elle ne savait pas faire de magie, elle n'avait pas de baguette, elle n'était jamais allée à Poudlard, tout ce qu'elle avait, c'était cette espèce de résidu dans son être qui faisait que les objets magiques pouvaient interagir avec elle. Elle était plus sorcière que Maxwell, mais ça ne voulait pas dire grand-chose, parce que Maxwell n'était pas sorcier du tout. Et le monde sorcier trouvait que c'était une tare, en plus, alors qu'il était formidable comme garçon, sur tous les points de vue. Eurydice se sentait toujours un peu triste de ne faire partie ni d'un monde ni de l'autre, mais quand même, elle était heureuse de ne pas vraiment être une sorcière.

Elle aurait aimé être moldue, en fait. Et ne pas avoir à se barbouiller le visage en brun. Maxwell avait bien de la chance, quelque part.

Maxwell vivait dans une jolie maison dans la banlieue Londonienne, pas dans un immeuble comme elle. Le quartier avait l'air un peu répétitif et monotone, mais quelque part c'était intéressant – comme une succession de maisons presque identiques, mais chacune marquée de manière subtile par la vie qu'elle accueillait, et qui la rendait un peu différente de ses voisines. Ce quartier incarnait une façon de vivre, une sorte d'idéal qu'elle aurait aimé mieux connaître. Eurydice se demandait si Maxwell aimait vivre ici. Eurydice trouvait les banlieues Londoniennes aussi exotiques que les gratte-ciels de Hong Kong. Eurydice était devant la porte de son ami, en fait (elle en était sûre, elle avait déjà vérifié le numéro trois fois) et se cherchait des excuses pour ne pas sonner. Elle devait avoir l'air un peu bête. Courage.

Eurydice sonna à la porte.

Ca faisait une sorte de jolie musique, quelques notes agréables à l'oreille au lieu de l'espèce de crissement qui annonçait que la porte de son immeuble à elle était ouverte. Et puis elle entendit du bruit, des mouvements, des pas, et puis la porte s'ouvrit.

Et Eurydice qui avait été toute heureuse de venir jusqu'ici se sentit soudainement très timide devant un Maxwell en train de tenter de contenir sa sœur. Elle tenait ses mains ensemble l'une dans l'autre et elle se tenait droite, rougissant derrière son maquillage qui lui donnait un air impassible alors qu'elle ne l'était pas du tout.

« ...Bonjour ! » osa-t-elle finalement faire, un peu trop fort peut-être.

Date d'inscription : 15/03/2015

Un peu nerveux, Maxwell avait fait en sorte qu'il fasse rangé, autant que possible entre Abigail et Gus, le vieux chien de la famille. Ce n'était pas tous les jours qu'il invitait quelqu'un, après tout, à part les quelques amis proches qui toléraient les frasque d'Abby. Et encore, il y avait toujours le risque qu'elle fasse de la magie. Au moins, avec Eurydice, tout se passerait bien. Il avait installé sa soeur sur le tapis du salon avec des legos, et elle s'occupait toute seule depuis un moment ; c'était infiniment triste, pour une jeune femme de son âge, mais Max ne s'en rendait même plus compte. Quand elle allait bien et était calme, sa mission était accomplie, c'était tout ce qui comptait.

On sonna à la porte, et il s'empressa de se diriger vers l'entrée. Il n'était pas complètement certain que ce soit une bonne idée de faire venir un contact d'internet directement chez lui, puisque ses parents lui avaient appris la prudence, mais il pouvait difficilement faire autrement, entre le comportement d'Abby et la, euh, couleur d'Eurydice. Ce serait bien plus confortable pour tout le monde. Il remonta les manches de sa chemise blanche, un geste réflexe trahissant sa nervosité. Ce n'était pas tant que la rencontre le stressait, pas plus que n'importe quelle IRL, mais plutôt qu'il espérait vraiment que tout se passerait bien. Genre sans référence à des petits pois. Ou avec. Il ne savait pas s'il devait prier pour que sa soeur ne soit pas grossière ou au contraire pour qu'elle montre un léger signe de reconnaissance envers l'invitée.

En parlant de sa soeur, il n'avait pas vraiment prévu qu'elle abandonnerait son jouet pile au moment où il s'apprêtait à ouvrir la porte, il ne l'avait pas entendue venir, tout à ses réflexions. Abby avait visiblement décidé de dire bonjour avant lui, parce qu'elle essaya illico de sortir, et il n'eut que le temps de la rattraper.

« Woooow tu reviens ici ! »

Il l'attira dans ses bras, calmement une fois la surprise passée ; il essayait de la traiter avec le plus de délicatesse possible plutôt que de la balancer sur son épaule comme un gros sac à patates, question de respect – enfin, quand il ne perdait pas patience. Ce devait donner un spectacle étrange, entre l'enthousiasme enfantin de la malade et la douceur précautionneuse de son gardien.

« ... Pardon. Salut. »

Eurydice lui rendit son bonjour, et il se sentit inexplicablement fatigué. Il bâilla, sans pouvoir mettre une main devant sa bouche puisqu'il retenait sa jumelle. C'était plutôt bizarre, avec le coup d'adrénaline précédent. Il afficha un sourire d'excuse pour son impolitesse.

« Entre. »

Il tira Abby avec lui à l'intérieur de la maison, remerciant une fois de plus ses parents de l'avoir fait grand et d'avoir fait sa soeur plutôt frêle ; il avait assez de force pour la manoeuvrer gentiment. Faisant signe à Eurydice de le suivre, il retourna au salon.

La maison n'était pas bien grande, mais plutôt confortable, assez normale en somme. De l'avis de Max, il y régnait une atmosphère plutôt chaleureuse, familiale, même si ses parents étaient rarement là avant la soirée. La porte refermée, il lâcha Abigail. Alors qu'elle venait de manquer de sauter sur l'invitée, elle se cacha derrière Maxwell, regardant timidement par dessous son bras droit. Max eut un rire nerveux en se grattant la joue.

« Et, euh, voilà. Bienvenue chez nous. Excuse Abby, je ne sais pas ce qui lui prend. »

Il étouffa un bâillement, encore. Vraiment curieux, cette sensation de fatigue.

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Eurydice avait sonné à la porte, et les Northwood présents lui avaient fait un accueil chaleureux. Abigaïl avait plus ou moins tenté de lui sauter dessus, à la manière d'un gros chien un peu trop enthousiaste, ou peut-être parce qu'elle avait envie d'un câlin, et Maxwell l'avait retenue de justesse d'un air un peu gêné. Maxwell était beaucoup plus grand que sa sœur, et plus fort aussi, ce qui devait l'aider à prendre soin d'elle – mais ça ne l'empêchait pas de trouver la tâche épuisante, et il baillait en accueillant Eurydice chez lui.

La demi-banshee sentit son cœur se pincer. Elle aurait aimé pouvoir faire quelque chose pour eux. Elle aurait pu aider Maxwell d'une manière ou d'une autre, elle aurait pu prendre soin d'Abigaïl aussi peut-être, et elle aurait bien aimé rester parmi eux, et aux côtés de son ami, tout le temps, pour l'aider à prendre soin de sa sœur malade. Il avait l'air d'avoir bien besoin de souffler parfois. Elle aimait se dire qu'elle l'aurait volontiers aidé si c'était possible.

Et qu'elle vienne ici était déjà un début. Peut-être qu'Eurydice allait pouvoir faire quelque chose pour eux, et voir Maxwell plus souvent, et peut-être qu'il serait ravi de pouvoir l'appeler quand bon lui semblait pour qu'elle vienne chez lui. Et qu'elle aide. Voilà. Pour ça.

Eurydice rentra chez les Northwood avec un petit sourire timide.

Elle se retrouva au milieu du salon, devant Maxwell et sa sœur qui la dévisageait en se cachant derrière lui, et elle ne savait pas trop quoi faire. Eurydice hésita entre un coucou timide et un salut comme la dernière fois, et regretta beaucoup de ne pas pouvoir parler – de ne pas être normale et dire bonjour comme tout le monde. Finalement, elle fit les deux, un petit coucou de la main à Abigaïl et un salut rapide mais gentil à Maxwell. Elle ne savait pas trop comment se comporter. Et maintenant, qu'est-ce qu'ils allaient faire ? Qu'est-ce qu'elle devait faire ?

Eurydice commença à enlever son manteau, et le serra dans ses bras, sans oser ôter quoi que ce soit de plus. Elle ne voulait pas trop enlever ses gants ni son pull, parce qu'elle ne voulait pas que Maxwell voie ses bras, ni ses mains, ni surtout la teinte vert crapaud de sa peau nue – sans trop savoir pourquoi, elle avait peur qu'il la voie et qu'il en soit dégoûté. D'habitude ça ne la gênait pas trop d'être laide, tant qu'elle ne croisait pas de miroir, mais là …

Et, gênée et sans savoir quoi faire, Eurydice ne remarqua pas tout de suite qu'Abigaïl, curieuse, s'était rapprochée d'elle. Abigaïl se tenait devant elle, les genoux penchées, les mains posées en appui dessus, les yeux curieux comme si elle observait un chaton.

Eurydice la regarda en retour et les deux jeunes filles s'observèrent, l'une curieuse l'autre ne sachant comment réagir. Et puis Abigaïl, très vite, posa son doigt sur le nez d'Eurydice, appuya un peu dessus, et le retira, couvert de maquillage, avant de s'exclamer d'une voix forte :

« POIREAU ! »

Eurydice lui fit un sourire gêné, figée sur place.

Abigaïl avait l'air toute contente maintenant, répondant au sourire maladroit d'Eurydice par un grand sourire jovial pendant que la demi-banshee, toujours immobile, tourna lentement son regard vers Maxwell en se demandant ce qu'il pouvait bien penser là tout de suite. Merlin, faites qu'il ne la trouve pas odieuse. Elle venait à peine d'entrer chez lui.

Date d'inscription : 15/03/2015

(ceci est un test, essayez de ne pas rire s'il vous plaît merci) (ou pas trop fort, quoi)

La situation était un peu tendue. Eurydice se tenait au milieu du salon, et Abby se cachait derrière moi comme si la vilaine sorcière de l'ouest allait la manger. ... D'accord, c'est pas gentil, mais quand même. Enfin, ceci dit, elle au moins avait l'excuse du cerveau parti en Alaska pour se comporter comme une idiote, pas moi ; ce serait bien trop simple, évidemment, même si j'avais l'impression qu'une sieste ne m'aurait pas fait de mal. Avec le recul, se faire coucou de la main d'un bout à l'autre du living n'était peut-être pas le démarrage de conversation le plus normal du monde, et il fut de toutes façons interrompu par le réflexe de mettre la main concernée devant ma bouche au bâillement suivant.

Je n'ai même pas senti Abby bouger, trop occupé à essayer de rassembler mes idées de plus en plus éparses dans le nuage cotonneux que j'avais l'impression d'avoir autour de la tête.

"POIREAU !"

Me faire fermer la bouche brusquement en plein bâillement n'était vraiment pas sympa de la part de ma soeur. Je portai une main à mes lèvres pour sentir du sang sur le bout de mes doigts, le long d'une petite morsure.

Merde.

Il y a toujours plusieurs parties de ma tête qui fonctionnent en même temps. La première se demandait si ma lèvre allait gonfler, si je ne devrais pas mettre de la glace ou un pansement - pourquoi un pansement ? Bonne question, je ne sais pas. La deuxième songeait fortement à embarquer Abigail et à l'enfermer dans ma chambre pour le restant de la visite d'Eurydice, même si elle réagissait manifestement à la, euh, verdure. Et la troisième, elle, constatait qu'il y avait un magnifique point vert sur le nez de ladite visiteuse. C'était reparti. Eurydice est verte. En soi, le constat tournant en boucle dans ma pauvre tête n'était pas spécialement gênant, mais le fait que ça me donne envie d'écrire sur le sujet l'était un peu plus. Comment je lui explique, hein, moi, que j'ai envie de créer un univers où tous les gens sont verts ? Elle prendrait ça pour une caricature dégueulasse, parce que reprendre une maladie sans en connaître tous les symptômes et sans pouvoir en comprendre les subtilités et désagréments, ça se fait pas. Je le sais, je fais du RP.

Dans tous les cas, ce truc est fascinant, et je me retrouvais comme une andouille à fixer ce minuscule petit point et à ne pas savoir quoi faire.

- T'as de quoi en remettre...? Enfin, tu peux te démaquiller si tu veux, ça doit pas être agréable, tant qu'à faire.

L'idée était de paraître accueillant, mais j'avais juste l'impression de passer pour un espèce de voyeur attiré par le malheur d'autrui. Vous voyez, cet élan un peu indécent qui consiste à regarder les blessures des autres juste pour pouvoir souffler de douleur à leur place ? Il suffit d'ajouter ça à l'envie complètement absurde de voir pour mieux décrire que connaissent tous ceux qui écrivent, et vous avez plus ou moins l'ampleur de ma curiosité. Complètement déplacée, la curiosité.

Enfin, ceci dit, parler c'est toujours bien, mais lui donner un coup de main ça aurait pu être sympa aussi. Réagissant cinq minutes en retard, j'attrapai Abby pour la tirer en arrière.

- ... Désolé.

Je suis un peu lent, parfois. On dira que c'est parce que je pense à trop de choses en même temps.

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Maxwell n'avait pas l'air de lui en vouloir, mais sans qu'elle ne sache trop pourquoi, Eurydice se sentait toujours aussi gênée qu'avant. Elle ne se trouvait pas particulièrement jolie, et si elle n'avait plus peur d'être désagréable comme invitée, elle avait toujours peur d'être désagréable à regarder. Abigaïl avait l'air d'être très intéressée par le vert de sa peau, pourtant. Maxwell aussi. Il semblait fatigué, et il avait l'air de contempler le bout de son nez. Eurydice ne savait pas trop où se mettre. Eurydice rougissait, et son rougissement était heureusement caché derrière son maquillage, lui conservant cet air impassible et détaché qui la décrivait tellement mal. Eurydice aurait voulu être jolie. Eurydice aurait voulu être agréable. Eurydice aurait voulu être une version plus intéressante d'elle-même, avec plus de qualités, plus d'humour, plus d'assurance, mais elle était qui elle était, et c'était l'une des premières fois, sinon la toute première, ou elle pouvait essayer de se montrer pour qui elle était vraiment.

Et elle n'avait pas envie de mentir à Maxwell.

Eurydice avait même du mal à se mentir à elle-même, quelque part – elle avait aussi très envie que Maxwell la voie pour qui elle était, et qu'il ne soit pas dégoûté d'elle en retour. Maxwell avait un étrange pouvoir sur elle. Il pouvait la démolir d'une parole. Elle n'était pas la seule capable de le faire. Eurydice se sentait bien fragile, derrière ses grands airs. Elle avait beau crapahuter à travers Londres en bravant les interdits, risquer de mettre en colère des inconnus lui faisait quand même beaucoup moins peur que de décevoir Maxwell.

Pourtant du courage, Eurydice en avait. Après un instant de silence, elle se décida. Quelques pas en avant et elle posa son manteau sur un siège. Et puis elle enleva ses gants. Et puis son pull. Eurydice défaisait son armure. Elle avait beaucoup moins chaud – les Northwood ne vivaient pas dans un frigo – et c'était la pensée sur laquelle Eurydice se concentrait, parce que c'était normal d'être en t-shirt à l'intérieur de la maison, parce qu'il n'y avait pas à s'en faire, parce que sinon elle avait peur de se mettre à paniquer parce qu'on pouvait voir le vert de ses mains, et le vert de ses bras. Elle devait avoir l'air bien étrange, bicolore comme elle l'était, et puisqu'elle avait commencé, elle irait jusqu'au bout. Eurydice retrouva son carnet, dans les poches de son manteau, calme, posée, contenue, et se mit à écrire tout aussi calmement.

Eurydice a écrit:: Ne t'en fais pas pour Abigaïl
Elle ne me fâche pas du tout
C'est moi qui suis désolée
Je veux bien enlever le maquillage
Salle de bains ?

Voilà. Phrase courte après phrase courte, son petit carnet était une sorte de skype de la vraie vie. C'était ce qu'elle avait l'habitude de vivre et de faire – communiquer avec un carnet, rester calme, se préoccuper des autres avant elle, s'inquiéter pour Abigaïl, sourire. Et la demi-banshee était tellement anxieuse derrière sa façade stoïque qu'elle en oubliait même qu'elle était dangereuse. Eurydice ne faisait pas attention. Eurydice ne s'était même pas rendue compte de la parole qui s'était échappée de sa bouche à l'entrée de la maison. Eurydice avait trop envie d'être normale. Elle aurait vraiment aimé être moins verte. Elle avait hâte de s'enfuir dans la salle de bains. Elle avait très peur de la réaction de Maxwell. Elle souriait. Elle restait calme. Tout allait bien. Maxwell était fatigué, et Eurydice n'avait pas envie de lui peser avec ses préoccupations à elle.

Date d'inscription : 15/03/2015

Je tenais Abby fermement, un peu comme si elle était une enfant difficile, et je me concentrais sur elle. Souvent, j’aurais aimé qu’elle soit encore plus petite, même si elle n’était déjà pas très grande ; elle en était au stade où j’aurais juste voulu la porter sur un bras et qu’elle s’accroche à mon cou, ça aurait été plus simple que de me battre avec elle tout le temps. J’avais quelques techniques, et je la tenais avec autant de douceur que possible, un bras autour de sa taille et l’autre plaquant ses épaules contre moi. Elle voulait retourner près d’Eurydice, la malheureuse, elle ne comprenait pas pourquoi je ne voulais pas. On ne touche pas les gens comme ça, c’est malpoli ; Abby ne comprenait plus le concept, et je la laissais faire avec moi alors c’était encore plus compliqué. Je sais que je n’aurais pas dû, je devrais la forcer à rester assise sagement et pas à se comporter comme un gros chaton curieux, mais elle a une manière bien à elle de s’exprimer. Rester tranquille ne lui plaît pas.

Pourtant, elle le devait. Eurydice avait l’air mal à l’aise, et elle avait tous les droits de l’être. Elle se débarrassait du trop de vêtements, et je ne pouvais pas m’empêcher de compatir. A vrai dire, je ne savais pas trop comment réagir. Est-ce que je devais regarder ou surtout éviter ? Ce n’est pas toujours simple de se trouver devant quelqu’un qui a une particularité. Le réflexe humain est de regarder, le réflexe enfantin de poser des questions… J’avais envie de détailler la couleur particulière de sa peau de plus en plus révélée, mais je n’en avais pas la permission. Je m’occupais donc de ma soeur en susurrant des stupidités de parent gâteux. Du calme. Sois sage. Sois gentille. Pour le côté ‘dis bonjour à la dame’, on repassera.

C’est le bruit du stylo sur le papier qui me fit relever le nez dans une tout autre curiosité. J’ouvris la bouche pour demander pourquoi elle ne parlait pas, et puis je me ravisais. On croise toutes sortes de gens sur le net, et certains sont vraiment bizarres. Pas dans un sens péjoratif, juste… différents de la moyenne. Pris à part de ma soeur jumelle, je suis plutôt normal, mais je dois m’occuper d’elle ; je sais que tout le monde rame à sa manière dans la vie. Si Eurydice ne parle pas, ce n’est pas grave. Si elle est verte, ce n’est pas grave. J’ai juste besoin de savoir ce qu’elle veut me dire, pas ce que je voudrais savoir.

Je m’approchais pour lire, Abby toujours coincée dans mes bras, et je souris.

- Okay. Je suis quand même désolé, elle a un peu de mal avec le concept d’espace personnel ces temps-ci. Attends un peu.

C’était étrange, de parler tout seul mais je devais pouvoir m’y faire, je le fais tout le temps avec mon légume. Je lâchais très prudemment cette dernière pour attraper la télécommande de la télévision et l’allumer sur une chaîne de dessins animés, montant le son comme j’aurais agité une plume devant un chat. Cela fonctionna et je soupirai de soulagement en voyant ma soeur aller se réinstaller sur le tapis du salon.

Je passai une main sur ma nuque, un peu gêné.

- Je ne fais pas ça souvent, j’essaye d’éviter trop de télé. C’est pas très éducatif.

Encore une fois, j’avais l’impression de prendre la place de mon père mais, mon père, il n’était jamais là. Je m’éclaircis la voix.

- Okay, euh… La salle de bain c’est par là. Tu me suis ?

J’attendis un hochement de tête, quelque chose du genre, pour montrer la voie jusqu’à l’étage. Il y avait des toilettes au rez-de-chaussée mais elle serait bien mieux avec un vrai lavabo et possiblement un truc anti-maquillage, comme ce drôle de flacons que ma mère utilise chaque soir. Quand j’étais gamin j’adorais l’observer dans la salle de bain, les rituels féminins tiennent de la magie presque aussi bien que les sortilèges d’Abigail.

J’ouvris la porte et la tint pour Eurydice, la laissant entrer. Il fallait que je lui donne une serviette, tout ce qu’il fallait pour qu’elle puisse se sentir bien. C’est la manière dont j’ai été éduqué ; on ne pose pas de questions aux hôtes, on se contente de faire les choses du mieux qu’on peut. J’espérais juste être capable de l’aider comme il le fallait, avec ses étranges particularités.

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Eurydice se mit à suivre Maxwell sans rien dire. Juste un hochement de tête pour dire d'accord, à peine. Elle se sentait extraordinairement mal à l'aise, et stressée, et elle faisait de son mieux pour garder un air civilisé. Eurydice se disait amèrement qu'elle devait surtout avoir l'air guindée.

Maxwell l'amena jusqu'à la salle de bains, et la laissa là devant l'entrée. Eurydice rentra comme dans un temple - elle n'osait toucher à rien. C'était comme une petite épreuve de courage. De toutes façons, elle aurait été bien en peine de comprendre à quoi sert la majeure partie des flacons et autres produits qui encombraient le lavabo: Eurydice n'aimait pas les salles de bain, et n'y restait jamais plus que nécessaire. Elle détestait surtout les miroirs, comme le grand qui trônait en face d'elle, lui renvoyant son image.

Elle n'avait vraiment pas envie de s'éterniser ici.

Ni une ni deux, elle fit tourner l'un des robinets, se passa de l'eau sur les mains, puis sur le visage. Puis elle attrapa un savon, et se mit à laver le maquillage. Ce n'était certes pas idéal - c'était même plus de travail que nécessaire, peut-être, mais Eurydice n'avait pas eu envie d'en apprendre plus que ça sur les arcanes du maquillage et des cosmétiques. Elle détestait ça. Elle n'avait pas envie de regarder son visage, alors elle avait appris comme elle pouvait, et voyant que ça allait, que ça servait de déguisement passable, elle n'avait pas cherché plus loin. Pour une jeune adolescente qui passe sa vie à prendre des risques, Eurydice se montrait incroyablement téméraire.

Au bout d'un trop long moment à ses yeux (mais qui n'avait pas du prendre si longtemps que ça en vrai) elle arriva enfin à se débarasser de l'essentiel du maquillage. Elle entreprit ensuite d'enlever les dernières taches qui restaient, faisant la grimace devant le miroir. Ca lui allait bien. Elle était mieux comme ça en fronçant le nez, ou en plissant les yeux. La fille dans le miroir ne méritait pas mieux, tiens. Et une fois qu'elle eut fini, Eurydice lui fit une grimace et lui tira la langue avant de s'en aller. Pour faire bonne figure. Voilà.

Elle revient vers Maxwell qui l'attendait avec une serviette entre les mains - et qui avait du l'observer pendant toute sa chorégraphie. Eurydice se mit à rougir violemment, immobile devant lui, se rendant compte du ridicule dans lequel elle venait de se mettre devant lui. Devant Maxwell. Euh. Elle esquissa un geste de la main, comme une hésitation, et bien vite elle put enfouir sa gêne dans une serviette de bain.

Elle était verte de nouveau.

Eurydice reprit son carnet. Et ne dit rien des mille et unes questions qui la tourmentaient. Elle le montra à Maxwell pour qu'il puisse le lire.

Eurydice a écrit:: Merci beaucoup.
Abigaïl va bien?
Elle ne me dérange pas tu sais.
Elle peut m'appeler légume vert.
Je ne lui en veut pas.

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