Être sorcier dans le Londres magique, c'est vraiment tranquille... Sauf lorsque trois frères, les Bumblebee, décident de révolutionner le monde magique en proposant trois idées qui s'opposent : révéler les sorciers aux moldus, intégrer les créatures à la société, ou tout laisser en l'état en se méfiant bien des deux autres. Le monde magique anglais est en ébullition à mesure que les trois candidats s'opposent, laissant un peu leurs charges respectives à l'abandon au profit de leur campagne. C'est ainsi qu'à Poudlard, un joyeux bazar règne souvent en l'absence du directeur, et que les créatures de tous poils envahissent peu à peu les villes sorcières pour le meilleur comme pour le pire !
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Mercutio Burgess
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Lun 16 Mar - 14:37
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Les choses ne s'arrangeaient pas, répétaient-il toujours.
Les choses n'étaient jamais faites pour s'arranger, avec Mercutio. Les médicomages compatissaient avec leurs blouses chaque fois moins blanches que son visage.

Il montait toujours quatre à quatre les marches de l'hôpital - on ne lui connaissait cet empressement que dans les escaliers qui menaient du "rez-de-chaussée - réception" au "service de pathologie des sortilèges". Et puis dès qu'il arrivait face à la porte de la chambre, sa hâte se résorbait en lui comme une cicatrice.

Il présentait à la poignée tout ce qu'il pouvait trouver de plus calme à l'intérieur de lui-même. Ses yeux gris l'observaient comme un objet d'art premier, qui devait pour s'apprécier être longuement estimé. Il l'abaissait ensuite après une fraction de secondes rituelles.

C'était parfois quinze, parfois cinq. C'était parfois trente et parfois cent. Autant qu'il le fallait pour s'arrêter de trembler, trouver une quiétude à peindre sur sa tête, la couleur d'une plénitude trop fade pour être sincère et assez tendre pour être loyale.

Il attendait, son souffle se heurtant à des récifs invisibles, dans l'évidence de son désarroi. Il attendait avec un besoin panique de reprendre la respiration qu'il n'avait jamais perdue. Il lui fallait seulement un juste milieu - un équilibre au cœur des champs de solitude qui ne fleurissaient plus que de douleur au fond de sa poitrine.

Quand il entrait enfin, il était un homme serein, les bras chargés de paquets qui embaumaient la pièce vide de fumets préparés très longtemps à l'avance.

« - Tybalt, bonjour,

Sa voix sans ton venait s'écraser sur les murs transparents et ses accents se brisaient un peu avant la fin.

Un ustensile salut alors qu'il posait sans aucun bruit le repas sur la table, la toute petite, avec un verre d'eau solitaire.

Mercutio s'appliqua à sortir de leurs barquettes une salade de champignons, des morceaux de poulet, des cubes de tomates aspergés de velours balsamique. À côté du plat il y avait une sorte de petit pâté noir de forme indescriptible, et il osa le déshabiller de son aluminium d'un air très - trop nerveux.

- Ça devait être un soufflé. Il recula de quelques pas qui n'avaient pas grand sens, enfonça ses mains dans le fond de ses poches pour les ressortir, gratta furtivement l'arête de son nez. Ne le mange surtout pas.

Mercutio alla trouver le tabouret juste à côté du lit. Il l'approcha un peu. Quelques anges passèrent à la place des minutes, et disparurent à travers les rideaux d'une fenêtre entrouverte, qui donnait sur une cour vide.

Lorsqu'il fut enfin assis, Mercutio se décida à regarder Tybalt.

Mercutio regarda Tybalt, et il ne put le voir, avec ses traits si doux, et le satin de ses yeux, et la voussure tranquille de ses lèvres, qu'un très bref instant. Son regard tomba aussitôt pour s'effondrer sur les vallées blanches et les sillons infinis tracés dans les draps. Son cœur inutile mobilisait tout son sang pour aller le fracasser aux confins de veines inactives. Tout son corps n'était qu'efforts vains, qui retombaient lamentablement, dans une absence hurlante de mouvement.

Il y avait un indéniable spectre qui errait dans le fond de ses pupilles et qui faisait frémir jusqu'à la pointe de ses cils. Il y avait la vraisemblance d'une peur qui ne se verbalisait pas et l'éloquence d'un silence qui s'installait lourdement, immensément, comme une marée dans un abysse.

Il croiserait ses mains. Il ne dirait plus rien. Il ne parlerait de personne. Il ne serait dérangé ni par la trotteuse assourdissante de l'horloge, ni par la pâleur éreintante de la pièce, qui semblait plus un trou noir qu'une chambre d'hôpital.

S'installa entre Mercutio et Tybalt cet abîme qu'un regard, qu'une parole, comme des balles perdues, creusaient dans la tristesse.

Combien de temps resterait-il, il ne le savait pas. Assez sans doute pour ne se rendre à aucune évidence.



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Lun 16 Mar - 14:50
C'était à chaque fois réduire une journée d'occupation désespérée à une attente vide. Tybalt se demandait parfois si ce n'était pas l'un des plus grands torts qu'il avait dans sa manière de communiquer avec son frère ; il se rendait disponible pour sa visite. Ce n'était pas bien compliqué, mais jamais Mercutio ne le trouvait occupé, alors qu'il s'efforçait de l'être le reste du temps pour ne pas devenir complètement fou.

Assis sur son lit, les jambes étendues, il avait presque l'air normal tant qu'il n'essayait pas de bouger. L'illusion aurait été meilleure s'il avait pu s'installer dans le fauteuil désespérément abandonné dans un coin, mais sans pouvoir plier la pierre, ce n'était que difficilement possible. Il n'aurait pas dû. Il aurait dû marcher, autant que possible, il aurait dû lui montrer qu'il n'était pas réduit à l'état de marbre figé, mais c'était plus fort que lui. Il ne s'en rendait même pas compte.

Le réveil sur la table de nuit lui donnait l'heure, mais pas d'autre information. Outre l'ensemble rassurant qu'elle formait, la maison lui manquait surtout pour l'horloge. L'heure était la seule chose dans la pièce qui lui rappelait l'angoisse toujours présente qu'il arrive quelque chose, et il n'avait aucun moyen de le savoir jusqu'au moment où il serait trop tard. Il ne pouvait rien faire.

La latence entre le moment où il clopinait jusque dans sa chambre après avoir été papoter avec X ou Y et le moment où Mercutio poussait la porte était une sorte de méditation étrange où Tybalt essayait de se convaincre que tout se passerait bien. C'était la demi-heure de la journée où il tentait de calmer son inquiétude, de retrouver ce qu'il était avant ; c'était le laps de temps où il regardait le mur si intensément qu'il aurait pu faire un trou dedans, pour s'efforcer de ne pas ralentir le temps en le fixant du regard.

Il déplorait ce mur, tout ce blanc. A la maison, il faisait tout aussi clair, mais il était surprenait de constater que les nuances avaient une importance non négligeable même pour cette non-couleur. Tout était aseptisé, ici. Tout, sauf Tybalt ; il était négligé, comme toujours, et c'était peut-être une résistance muette aux lignes droites et au blanc, au vide propre qui s'infiltrait partout.

Tybalt entendit les pas résonner dans le couloir. Il n'avait jamais été dupe. La chasse aux mauvais germes que pratiquaient le personnel de Sainte Mangouste n'était pas compatible avec quoique ce soit qui étouffe le bruit, et c'était bien comme ça. Il n'aimait pas les sorts de silence, cela ne faisait que rajouter du vide, mais cela avait ses inconvénients. Il pouvait reconnaître la démarche pressée, et la pause silencieuse pendant laquelle il sentait distinctement son coeur couler un peu plus dans sa poitrine. Il soupira, comme il soupirait toujours, comme l'homme qui rentre dans l'arène, et repoussa ses cheveux en arrière.

Et puis, il sourit. C'était le sourire qui complétait la sérénité de Mercutio, les deux étais soutenant le mur entre eux.

« Salut. »

Toujours la même chose. Il regardait son frère déballer ce qu'il avait apporté. Il souriait perpétuellement, mais ce n'était pas l'expression d'une quelconque joie. Douceur un peu éteinte, intérêt appliqué pour les nouveautés, peut-être, mais surtout espoir trop souvent déçu.

Tybalt aurait autrefois pu trouver mille et une manières de taquiner son frère sur sa cuisine. Il aurait ri du désastre, imaginé l'état du four après le passage de ce truc. C'était d'une infinie tristesse, ce constat ; il cherchait quoi dire, il cherchait le ton à adopter, même s'il savait d'avance qu'il allait s'adresser à Mercutio comme à un animal blessé. Étrange ironie que celle où le malade prend en pitié le bien portant.

« Merci. »

Il n'y avait pas grand chose d'autre à dire, de cette voix trop douce qui s'exprimait malgré lui. Ses yeux parlaient pour lui de toutes façons. Ils avaient cette étincelle d'espoir qui rétrécissait chaque jour un peu plus ; elle finirait par s'éteindre, mais ce n'était pas encore le cas. Peut-être que Mercutio allait dire quelque chose.

Le visiteur s'assit, et Tybalt déglutit si difficilement qu'il lui sembla entendre des bulles exploser à l'intérieur de sa tête. Silence. Mercutio prenait sa place et se figeait. Il semblait à Tybalt qu'il cadrait trop bien dans le décor. Un jour, peut-être, Tybalt se mettrait à hurler, pour combler ce vide supplémentaire qu'on lui imposait. Il n'osait pas attirer la table mobile vers lui, de peur qu'un grincement au milieu de ce gouffre de silence leur transperce les tympans.

Une minute. Cinq. Dix. On entendait chaque tic-tac de ce fichu réveil. On entendait chaque mouvement nerveux sur les draps trop amidonnés. Qui des deux était la statue, à présent ?

« Ça s'est bien passé, ta journée ? »


Sa voix était étouffée, timide par rapport à celle que les gens qu'il croisait toute la journée entendaient, et pourtant... Elle semblait si violente, si perçante dans le silence qu'il avait presque honte d'avoir ouvert la bouche. Une question stupide, une banalité pour étouffer tout ce qui aurait dû se dire. C'était la supplique, à demi-mots, pour des nouvelles, pour une conversation, n'importe quoi d'autre que ça.
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Mar 17 Mar - 12:10


On aurait jamais moins dit deux frères que dans cet espace, cet instant monolithique où toutes les pesanteurs, terrestres et moins terrestres, faisaient lourdement tomber au sol ce qui ne s'y était pas déjà brisé. La gravité de ses traits, la gravité de la terre, le poids de son corps, toutes ces valeurs se mélangeaient ensemble et lui faisaient des noeuds dans le ventre. L'insoutenable lourdeur du vide - voilà ce qui le grevait, en plus de tout le reste, ce reste qu'il laissait sous un saint suaire de regrets à ne jamais effleurer. Même ses pensées évitaient ce tabou, comme déviées de la douleur par la forme convexe des rides de son front.

Tybalt venait de le saluer, et dans un instant il lui dirait merci. Un peu plus tard encore, dans quinze secondes à peu-près, il lui demanderait comment s'était passée sa journée. Il le lui demanda. Et Mercutio le regarda.

Insurmontable,
Voilà ce que Mercutio pensait lorsqu'il voyait les diaprures immobiles de la couverture et les ravins sous les drap, voilà ce que ses yeux fatigués de se noyer acheminaient à son cerveau. Insurmontable, Tybalt l'était, il était le sommet qu'il ne pouvait pas gravir et la cime qu'il ne pouvait pas toucher, il était cet obstacle qu'aucun de ses membres ne pouvait dépasser, même d'un peu, même avec peine, même si dans la famille ils avaient toujours eu un bras un peu plus long que l'autre.

Mercutio n'allait plus boire de verres à Londres avec ses subordonnés parce qu'il se vautrait dans une solitude qui l'enivrait déjà. Il ne trouvait plus d'usage aux liqueurs, d'attrait aux spiritueux ; il avait cessé de romantiser l'amitié, de donner de la valeur aux liens. Il donnait le change, c'est tout. Il donnait la lassitude de ses lèvres nues d'un sourire qu'il avait désappris. Il se moquait bien de recevoir et était trop avare de lui-même pour qu'on lui rende quoi que ce soit, de toutes manières.

Il se disait qu'il ne sentait plus le chagrin et pourtant le chagrin était là à ses pieds. Le chagrin était d'une fidélité plus émouvante que l'amour. Mercutio ne savait même pas que le chagrin avait désormais pour lui une valeur sentimentale ; que sans s'en apercevoir, sans s'être senti tomber, il l'avait accueilli dans sa lumière. C'était son vecteur, son lien le plus profond avec son frère. C'était tellement dommage.

Mercutio choisit de regarder la table. La table n'était pas offensive pour ses points de pressions multiples que la blancheur translucide de la pièce écorchaient déjà.

- Normalement. Rien à signaler.

On avait du mal à croire que ces paroles à accompagner d'un salut militaire étaient pour son petit frère. Il voulut se reprendre.

- On a eu ce sphinx coincé dans un coffre à Gringotts... tu connais les sang-pur, n'importe quelle fantaisie est bonne pour protéger leurs gallions.

Le ton était austère mais la façon dont Mercutio venait de hausser les sourcils se voulait amusée. Il espérait illusionner, briser la gangue d'embarras. Il croisa les mains, et de ses yeux toujours rivés sur la desserte il contempla la salade qui y trônait silencieusement. Tybalt n'y toucherait sans doute pas, ou bien pour lui faire plaisir.

Mercutio pensa avec ironie qu'il cuisinait plutôt souvent mais qu'il mangeait très peu. Il ne connaissait même pas le goût des plats qui sortaient de ses propres fourneaux - peut-être qu'ils étaient tout simplement infects. Peut-être que c'était pour cette raison que Tybalt avait l'air si profondément triste derrière le glacis de son sourire.

- Et la tienne ?

Comment est-ce que tu te sens ? Est-ce que tu as mal ? Est-ce que je peux t'aider ? Comment ? Qu'est-ce que je dois dire ? Est-ce que tu es heureux de me voir comme je suis heureux de te voir ? Est-ce que tu es malheureux de me voir comme je suis malheureux de te voir ? Est-ce que tu as faim ? Est-ce que j'ai raison de venir ? Est-ce que ce que je fais a du sens ? Est-ce que je suis détestable ? Est-ce que je peux hurler ?

Il y eut des spasmes dans toutes ses phalanges liées entre elles. Le tremblement de ses lèvres s'entrechoqua à celui de ses mots. La question incertaine se perdit quelque part entre Mercutio et son frère, dans l'abîme qui les séparait l'un de l'autre. Mercutio n'était pas assis sur une chaise à côté de Tybalt. Il n'était pas à l'hôpital. Il n'était pas à Londres. Il était retourné profondément en lui-même, à l'abri des fêlures. Tout ce qu'il voulait dire se gelait dans sa gorge et retombait dans l'abysse à l'intérieur de lui. Il ne pouvait exprimer les questions réelles derrière les fantômes de celles qui n'avaient pas d'importance, et il en ressentait pourtant l'impact avec une formidable violence.
La lumière blanche de la pièce donnait à ses cheveux des airs de neiges éternelles.



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Jeu 26 Mar - 23:37
Mercutio faisait son rapport, et Tybalt souriait, toujours. Il se retenait de soupirer, de faire un geste ; il attendait patiemment que son frère se rende compte de ce qu'il faisait. Parfois, c'était le cas, parfois pas mais, dans tous les cas, les nouvelles étaient minimales.

Il était affreusement triste de constater qu'il avait plus facilement des nouvelles de Mercutio par la Gazette du Sorcier qu'en parlant directement avec lui, mais il y avait quelque chose de cassé. Tybalt n'avait pas encore réussi à déterminer s'il fallait essayer d'en parler ou attendre, encore et toujours, que la rupture se ressoude. Il cherchait la réponse depuis cinq ans. Est-ce que la routine aidait ? Est-ce qu'elle creusait le fossé ? Il n'aurait pas su le dire, alors il continuait, en attendant un geste sortant de l'ordinaire.

Ce geste n'arrivait pas. Comme toujours, Mercutio avait l'air de parler aux meubles plus qu'à lui, et Tybalt avait l'impression de n'entendre ses mots qu'à moitié, comme si le silence essayait de les étouffer pour reprendre ses droits.

"Oh."

C'était tout ce qu'il trouvait à dire. Il aurait aimé rire, mais le coeur n'y était pas, et il s'en voulait. Il n'était pas de mauvaise humeur, le reste de la journée. Il vivait aussi normalement que possible, même s'il était toujours nerveux à l'idée qu'un jour, son frère n'arrive pas à l'heure habituelle. Qui songerait à le prévenir, s'il se passait quelque chose ? Il s'extirpa de ces pensées qui revenaient toujours à la même chose, mais ne trouva pas mieux à dire, et il se sentait inutile.

C'était à se demander qui avait le plus besoin de l'autre, alors qu'aucun des deux n'était d'un grand secours.

Il savait que la question lui serait retournée, mais il n'avait pas grand chose à y répondre qui n'enfoncerait pas son frère dans un mutisme acharné. C'était une journée normale, comme toutes les autres, à essayer de s'occuper, à parler aux gens habituels. La terre ne s'était pas arrêtée de tourner quand Tybalt avait arrêté de marcher, et tout le monde en avait conscience, sauf Mercutio.

"Pas grand chose de neuf. Il fait calme, ces temps-ci, dans le service."

Il y eut un silence, encore, tellement épais qu'on aurait pu s'y noyer. Il s'éclaircit la gorge, et attrapa le rebord de la table, l'attirant vers lui dans un grincement déchirant. Comme des ongles sur un tableau noir, mais toujours mieux que de laisser le mur se construire sans rien y faire. Ce n'était que retarder l'échéance, mais soit. Il attrapa la fourchette comme si elle allait lui exploser dans la main.

"C'est très bon. Merci d'avoir préparé."

En même temps, qui aurait pu rater une salade ? Tant que ça ne devait pas cuire, même Mercutio pouvait sans doute le gérer. Tybalt envisageait presque de goûter le soufflé aux airs radioactifs, juste pour pouvoir commenter ; il s'entendait un peu trop fort mâcher. Son frère avait déjà l'air parti.

"Tu ne veux pas manger quelque chose avec moi ?"

Il n'était pas sûr d'obtenir une réaction, mais il devait au moins essayer, entre deux bouchées difficilement dégluties. Il aurait tant aimé pouvoir rentrer à la maison.
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Mercutio Burgess
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Ven 5 Juin - 23:39


C'était une compétence que de parler aux gens sans les voir, une spécificité du fonctionnaire à l'oeil vide et au manteau noir qui parcourt les planchers du ministère, et qui porte la main à l'imprimé, faisant traîner des fantômes sur le dossier des chaises comme le voulait l'usage. Ceux qui se présentaient à Mercutio dans l'espace géométrique de son bureau faisaient connaissance d'abord avec le noir complet, puis avec le blanc virginal, et enfin avec la non-couleur de ses non-dits. Il y avait une posologie à son empathie et passée la limite des rations disponibles, son esprit se fermait comme une blessure.

La blessure se rouvrait sur Tybalt. Dans cette petite surface, dans cette petite chambre, là où il ne cicatrisait pas, où aucune appétence pour la discussion ou l'amour fraternel ne voulait donner un poids et une mesure à des paroles encore trop maigres pour exister. Son langage était chétif, et ses mots rachitiques, ses excuses qui s'abîmaient dans sa bouche se ratatinaient. Alors pour toutes ces absences du dire, Mercutio fermait sa gorge, qui devenait un ravin, un précipice où il pouvait s'effondrer. La chute ne ferait pas de bruit.

Le regard de Mercutio se portait à grand peine. Il n'était pas très utile de dire sur quoi, parce que ça n'avait aucune importance, il fallait simplement que cette chose soit immobile et qu'elle ne soit pas Tybalt.

- Pas grand chose de neuf. Il fait calme, ces temps-ci, dans le service.

Pourquoi avait-il posé cette question ? Ce n'était pas la question qu'il voulait poser. Il ne voulait poser aucune question de ce genre. Les réponses se détachaient en morceaux du même monolithe et roulaient à ses pieds pour recouvrir le tapis, le linoléum, la lumière. Une clarté insoutenable  régnait dans la pièce, comme un soleil particulier, un soleil invoqué par personne. Elle était plus dense que les yeux et la peau de Mercutio ne pouvaient l'accepter, plus dense que dans son office, où il n'avait pas à baisser la tête pour voir les gens entrer. Est-ce que quelqu'un allait entrer ? Peut-être cette soigneuse aux cheveux bruns qui sentait la lessive. Pourtant personne n'allait rentrer, il ne fallait pas appréhender, pas se faire du mauvais sang. Rien n'allait se passer, rien ne bougerait.

Il n'y aurait que le plafond qui s'effondrerait sur eux encore une fois, sous l'inertie de l'habitude.

Mercutio voulait calmer les battements de son coeur car bientôt il irait à l'assaut du silence, il briserait le vitrage, il s'écraserait sur la pierre.

- C'est très bon. Merci d'avoir préparé.

Tybalt mangeait à présent, il faisait bouger ses doigts autour de la fourchette, autour de la salade qui semblait une montagne, un sommet. Il portait à sa bouche des petits bouts qui disparaissaient.

- Tu ne veux pas manger quelque chose avec moi ?

Tybalt mangeait, et le frère de Tybalt sentait sa poitrine s'affaisser ; sous un effet tectonique il se disloquait comme une pangée.

Face à lui il y avait Tybalt entier, Tybalt qui accomplissait une action bête, de la vie de tous les jours, Tybalt qui inspirait et expirait et esquissait même les tremblements d'un sourire qui pouvait se cultiver et éclore en un rire, Tybalt qui utilisait ses muscles, Tybalt qui se répandait en phénomènes physiologiques communs, Tybalt tel qu'il se reflétait dans son sang, Tybalt, son frère, Tybalt, qui lui disait d'une voix d'opale et de ciment qu'ils devraient pour un jour du reste de la vie faire quelque chose ensemble.

Mercutio regarda Tybalt. Il avait vraiment eu de la chance car c'était dans la ligne de ses traits que se réunissait par fusion la prestance de leur mère et l'élégance de leur père. Lui avait eu la dureté, ce qui n'était pas si mal, car il en avait pris l'habitude.

Il détailla longuement ses cheveux si longs, l'arête de son nez, et le quartz de ses yeux, au travers desquels il voyait par synesthésie les formes que pouvaient prendre le rire d'un enfant. Son émotion, pendue au-dessus de souvenirs qui n'avaient plus rien dans les veines, céda dans un lourd craquement.

La chaise faillit tomber lorsqu'il se leva.

- Est-ce que tu m'en veux, Tybalt ?

Il ne pouvait pas pleurer et c'était une interdiction très stricte - aucune autorisation expresse n'avait été écrite pour l'abolir. Alors ce n'était pas une larme mais une souffrance qui sortit de ses yeux.

- J'ai honte de moi. J'ai honte de me présenter à toi de cette façon. Si tu m'en veux, continue. Il ne faut pas me pardonner.

Le verre des vitres, après ses paroles, ne s'étaient finalement pas plus fêlées que ça.

Sous son poids la chaise vacilla à nouveau quand il se rassit. Avec la maladresse de celui qui ne peut plus enjoindre son coeur à marcher au pas, il attrapa le couteau et la fourchette. Il empala un cube de fromage, une feuille de salade, il les trempa dans le vinaigre et les engloutit avec une véhémence tremblée. Il recommença. Un cube, une feuille, vinaigre. Il cuisinait très mal. Un cube. Il était le pire des frères. Une feuille. Ses mains ne cessaient pas de vibrer.



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Sam 11 Juin - 20:59
Il y avait quelque chose d’étrange dans le regard de Mercutio. Tybalt se surprenait à essayer de le scruter, avec l’impression de se trouver face à une fêlure qui s’étend par à-coups dans la glace. Il avait l’habitude de l’extinction des feux, l’apathie douloureuse ; à présent que quelque chose changeait, il aurait presque préféré que son frère reste statique. Il était le roseau qui regardait le chêne se déraciner et qui aurait voulu lui dire de plier, mais c’était inutile. Mercutio en était incapable.

L’homme se levait et Tybalt se sentait rétrécir comme un enfant grondé. Est-ce que tu m’en veux, Tybalt ? La question lui donnait l’impression d’avoir cassé un objet précieux et qu’il lui demandait des comptes, même avec son expression désolée. Les doigts de Tybalt se crispèrent sur la fourchette qu’il tenait toujours en suspension, et il la reposa doucement. Qu’est-ce qu’il pouvait dire à ça ? Qu’est-ce qu’il pouvait faire sans que Mercutio n’explose, en des milliards de morceaux qui perceraient sa propre chair d’une douleur égale ? C’était une bonne partie du problème, il naviguait entre des éclats de verre lorsqu’il essayait de lui parler, il se tendait tout entier vers lui mais à la première réaction étrange d’un côté ou de l’autre il se rétractait. A force de provoquer des catastrophes, de balbutier pour rattraper des paroles légères, il en venait à ne plus savoir comment lui parler.

Mercutio continuait, et l’expression de Tybalt passait lentement à une pitié étouffante. Peut-être que c’était à ça que sa respiration ressemblerait le jour où la pierre lui ferait un corset ; il perdait sa voix et tout mouvement, dans l’indicible souffrance qui rayonnait jusqu’à lui. Il l’absorbait et la renvoyait sans doute. Il aurait aimé que leur mère soit là, elle aurait su quoi dire, ses mains fraîches sur le visage de l’aîné auraient peut-être pu le ramener à la raison - Tybalt se plaisait à le croire, ses parents étaient lentement devenus une utopie au fil des ans. Les vagues souvenirs qu’il avait étaient doux lorsqu’il était seul, désespérés devant son frère. Il n’avait pas les épaules pour gérer ça, ce n’était pas son rôle, il ne savait pas comment faire. Triste destin de l’âme saine qui contemple les ravages acides de la folie.

Il le regarda manger sans comprendre, sans pouvoir parler alors que les mots tournaient dans son esprit. Non, il ne lui en voulait pas - mais Mercutio ne voulait pas l’entendre. Voulait-il être détesté ? Serait-il soulagé si Tybalt rassemblait assez de force pour créer de toutes pièces une haine factice ? Il était prêt à en envisager la possibilité, comme il caressait la mort du bout des doigts comme un article sur la page brillante du catalogue des solutions. Absolution, fuite, mensonges, il voulait bien tout dire et tout faire. Si seulement il avait su ce qui aurait pu être efficace...

Sa gorge était tellement serrée que la salive qu’il déglutit lui sembla être épaisse comme de la pâte.

- Je t’en veux.

Était-il en train de manier un poignard ou un scalpel ? Il n’en avait aucune idée, et cela le terrorisait. Il avait toujours été bon pour gérer ses angoisses, mais pas celles des autres.

- Est-ce que...

Il n’avait jamais osé. Il avait retourné l’idée dans tous les sens, mais à chaque fois que sa bouche s’ouvrait pour former les sons, Mercutio était figé comme une impressionnante statue, éteint et abattu, il ne l’aurait pas entendu. A présent, il bougeait. Peut-être qu’il écoutait, aussi. Sa voix devint un souffle, écrasé par l’espoir qu’il n’aurait pas dû avoir. Il voulait que son frère se soigne, au moins arrêter la progression de ce qui le rongeait, mais il n’arrivait pas à le formuler sans avoir peur de blesser sa fierté. L’aide, c’était sans doute pour les faibles, n’est-ce pas ? Il se racla la gorge.

- Je t’en veux, parce que tu t’en veux. Est-ce que tu pourrais me parler ? Juste me dire ce qu’il se passe ? N’importe quoi. Que je comprenne. Ou que j’essaye.

Tybalt se sentait lâche, et il détestait ça.
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