Halloween, c'était vraiment génial comme période. Et cette année, Flavian s'était changé en vampire – en vrai, avec les dents et le teint cadavérique (qui contrastait assez bien avec sa peau sombre) et l'envie de mordre les gens dans le cou pour boire leur sang. Et c'était un excellent atout pour terroriser quelques abrutis – surtout qu'en plus, c'était Halloween, l'excuse idéale pour ce genre de bêtises. Flavian adorait ce jour de l'année parce qu'il avait carte blanche pour s'amuser aux dépends d'autrui. C'était vraiment génial.

Il ne savait pas trop qui allait être sa prochaine victime, par contre. Flavian avait un peu tourné en rond dans le château, avant de remonter jusqu'à la salle commune des rouges, désoeuvré, et de s'asseoir dans un fauteuil en sirotant du jus de citrouille (qui manquait franchement d'hémoglobine, quand même). Que faire, que faire. Et puis il entendit des pas descendre des escaliers. Ceux menant aux dortoirs des filles.

En voilà une excellente idée de vengeance. Flavian le vampire avait une dent contre toutes ses habitantes, par principe, et traumatiser l'une d'entre elles semblait un excellent moyen de passer la soirée. Il s'approcha discrètement des escaliers, et caché derrière le cadre de la porte, il observa la nouvelle venue. Une blonde, de son année en plus, c'était parfait – il la connaissait, celle-là, Aéraki, qui avait elle aussi tendance à poser des questions et à partir dans des digressions stupides. Elle avait d'ailleurs déjà du le voir remonter dans les dortoirs pour chercher ses affaires – si Flavian n'avait aucune envie de dormir dans le lit qu'on lui avait attribué là-haut, les elfes de maison ne semblaient pas de cet avis et avaient tendance à récupérer ses affaires pour les planquer dans un des coffres du dortoir des sixièmes années, et le jeune homme était bien forcé de les récupérer. Ca faisait toujours bizarre à tout le monde de voir un garçon prendre ces escaliers, comme ça lui faisait bizarre à lui de mes monter. Foutue biologie. Ce soir, il allait avoir sa revanche.

Et Aéraki descendait tranquillement les escaliers sans se douter de rien, et elle traversa la porte menant à la salle commune – ce fut le moment que Flavian choisit pour apparaître brusquement devant ses yeux.

« BOUH ! »

C'était encore gentil, c'était encore bon enfant. Juste une farce d'un élève qui prenait par surprise ses camarades le jour d'Halloween pour leur faire peur – jusque-là rien d'anormal. Mais les rigolades de Flavian avaient toujours tendance à s'éterniser et à dégénérer. Flavian n'était pas là pour rire avec Aéraki, il était là pour se moquer d'elle et pour la pousser à bout, et il n'était pas prêt à lâcher sa proie. Il était bien déterminé à lui pourrir la soirée. Son sourire n'annonçait rien de bon. C'était dommage pour elle. La pauvre petite Aéraki, pensa-t-il, moqueur.

Flavian se mit à rire bien fort. La petite blondasse qui s'énervait parce qu'elle était tombée par terre, c'était quand même bien ridicule. Qu'est-ce qu'elle allait faire, la petite, hein ? Le gronder bien fort ? Le dire à sa maman ? Le dire aux préfets ? Tenter, oh, Merlin, l'horreur, de le faire coller le jour de Halloween ? Ou alors, rigolons un bon coup, le gifler ?

Non, vraiment, Aéraki ne pouvait pas faire grand-chose. Elle était la gamine du jour qu'il allait embêter tout le long de la soirée, et en plus il avait une excuse, c'était Halloween. Il la regarda d'un air de défi, sûr de lui, sûr de sa supériorité, et sachant très bien qu'elle ne pouvait pas lui faire grand-chose. Halloween, c'était un jour pour lui. Pas pour elle.

« Alors ma petite choute, on a mal aux fesses ? » fit-il. « C'est très grave comme blessure, tu devrais aller voir Absynthe, il te mettra un pansement avec un petit dessin dessus, et tout ira mieux tu verras. » Il avait posé l'un de ses bras contre l'encadrement de la porte, l'empêchant de partir, afin de pouvoir jouer avec elle le plus longtemps possible.

« Poudlard c'est le lieu de tous les dangers, tu sais ! »

Le semblant de notoriété le faisait doucement sourire. Ce n'était plus un semblant à ce niveau-là : c'était un registre rempli chez le concierge, un paquet de professeurs qui s'exclamaient « ah, encore vous » à chaque nouvelle heure de colle, et même des ennuis avec la justice pour avoir crevé l'oeil de l'autre type de Poudlard encore plus infréquentable que lui, Ben Whitsett.

Aéraki ne savait pas dans quoi elle s'était embarquée en tentant de lui tenir tête.

Et en plus, aujourd'hui, Flavian était un vampire.

« Mais tu sais, ma mignonne, je voulais pas te faire peur. Enfin, je voulais pas te surprendre. Enfin, tu vois, je voulais pas que tu me remarques. Parce que tu comprends, j'ai faim. »

« C'est que tu vois, les potions de Flavia Mantis pour Halloween, elles ont plein d'effets secondaires chelous. »

Et il dévoila ses crocs de vampire. La lumière en contre-plongée de la salle commune donnait un aspect lugubre à son teint marronnasse délavé de vampire, ce qui ne faisait que renforcer l'effet de film d'horreur de série B qu'il avait organisé. Flavian s'amusait beaucoup comme un adolescent bête et méchant.

Oh, bien sûr, il n'allait pas la manger. Ca lui aurait apporté trop d'ennuis avec la professeure Morgan, et l'école, et la police.

Mais ça, elle n'était pas obligée de le savoir.

« Bon, alors. » fit-il nonchalant. « Tu vois, j'ai faim. Si tu te mets pas à courir, je vais pas avoir beaucoup de sport à faire. Le lion, la gazelle, la gazelle qui se fait bouffer les entrailles, tout ça, tu vois. »

Et il lui fit un deuxième sourire – immense – lui montrant tous ses crocs. Flavian bloquait l'entrée vers la salle commune des Gryffondors. Il n'y avait qu'un seul chemin, celui des dortoirs. Elle allait en avoir, de drôles de surprises, Aéraki.

Il avait toujours rêvé de foutre le bordel dans cette putain de tour.

Aéraki détestait les personnes arrogantes. Enfin, plus précisément, d’une arrogance démesurée. Car il ne fallait pas mêler confiance en soi et ce trait de caractère qu’elle méprisait chez le genre humain. L’arrogant ne voit pas, il brille tellement qu’il masque autour de lui les choses essentielles à voir, à appréhender, et qui rendent meilleur. Voilà pourquoi ils n’évoluent pas. Ils sont le soleil de leur petit monde égocentrique, mais ils rayonnent sur une terre stérile.

Elle rougit de colère quand il se moqua d’elle. Elle se mordit la joue pour ne pas répliquer. Elle n’était pas là pour se battre ou se faire un ennemi aussi tristement célèbre que le jeune homme qui venait de lui jouer sa farce. Flavian était dangereux, mais elle était entêtée. Aéraki n’était pas douée pour jouer des tours, elle n’était ni subtile ni discrète, alors l’idée d’une vengeance la quitta très vite. En revanche, elle savait encaisser et jouter verbalement si la matière était suffisante ; et elle le sera sans doute avec une personne telle que Flavian. Elle ricana amèrement :

« Oui, c’est sûr que c’est plus drôle de jouer des tours à l’insu des gens. C’est aussi très lâche. Mais ce n’est pas étonnant venant de toi. Tout arrogant est lâche, il ne faut pas se salir les mains après tout Tu n'es pas gentil, tu es une horrible personne Flavian ! »

Elle savait qu’elle jouait avec le feu, qu’il ne tolérerait pas cette pique. Elle vit son visage passer par plusieurs émotions avant qu’un sourire dévoilant une paire de crocs vampirique ne se greffe sur sa figure. Elle pâlit. Elle se souvenait de la potion en question. Elle n’y avait pas eu droit à cause de son hyperactivité qui aurait pu être catastrophique combinée avec une telle potion, mais elle en connaissait les effets. A cet instant, Flavian était terrifiant. Une bête féroce venant de trouver sa proie, et ce serait elle. Il lui avait dit bien sûr, qu’elle serait sa proie du jour, mais elle venait seulement de saisir tous les enjeux de cette phrase.

A mesure qu’elle l’entendait parler, qu’elle comprenait les risques qu’elle encourrait, elle savait que la bataille à livrer ne serait pas verbale. Il luit dit de courir. Elle lui lança son livre à la figure, dans l’espoir de le heurter et de le ralentir le plus possible pendant qu’elle se retournait et qu’elle commença sa folle course dans les dortoirs, le garçon bloquant la sortir. Elle n’avait pas d’échappatoire, elle ne pouvait même pas prévenir un professeur du danger dans lequel elle était. Elle l’entendit rire mais pas courir à sa suite, mais cela ne l’empêcha pas d’allonger ses foulées. Aéraki se félicita d’avoir assez d’endurance pour échapper si longtemps aux griffes du vampire d’une journée.

Elle se dirigea vers son dortoir, celui des filles, sachant pertinemment que les garçons ne pouvaient pas passer les escaliers à cause de leur genre. Elle y serait en sécurité un moment.

Flavian regardait Aéraki lui tenir tête avec un petit sourire amusé. Elle était drôle, quand même. A lui balancer ses quatre vérités comme ça, à le traiter d'arrogant et de lâche, comme si elle, elle était meilleure que lui, pure, sainte, apte à le juger. Comme si elle, elle le connaissait – et s'il se faisait souvent traiter d'arrogant, se faire traiter de lâche, c'était tout de même une première pour lui. Aéraki étouffait sous sa colère. Aéraki s'imaginait sûrement gentille et vertueuse, comme tout le monde, et comme tout le monde elle était sûrement incapable de voir tout le mal qu'elle pouvait faire, elle et tous les autres gentils et vertueux qui peuplaient cette planète. Incapable de voir qu'il n'y avait pas des gens qui rentraient bien dans ses petites cases, et incapable de faire autre chose que de les forcer avec bienveillance à rentrer dedans. Incapable de faire attention aux autres créatures autour d'elle, incapable de s'apercevoir de l'existence douillette qu'elle menait grâce aux elfes de maison, et incapable de se mettre à les écouter si jamais elle les voyait, décidant, comme toujours, qu'elle savait mieux qu'eux ce qui pouvaient les rendre heureux. Flavian faisait sûrement des raccourcis et des suppositions, lui aussi. Peut-être qu'Aéraki était bien propre sur elle comme de l'eau de source. Mais en fait, il n'en avait rien à faire – il en avait assez de chercher la bienveillance chez les gens, et foutre le bordel dans leur joli petit monde tranquille, c'était quand même beaucoup plus rigolo, il fallait bien l'avouer. Flavian vivait beaucoup mieux sa vie depuis qu'il était devenu une horrible personne pas gentille du tout du tout.

Et puis Aéraki vit les crocs du jeune Gryffondor et toute trace de courage s'évapora de son visage. Et c'était elle qui le traitait de lâche ? Tiens donc ! Aéraki lui balança son livre à la figure et détala vers le dortoir des filles, inconsciente de l'erreur monstrueuse qu'elle venait de commettre. C'est que Flavian, il n'était pas comme tous les autres garçons.

Il prit son temps. Il avait d'ailleurs tout son temps – il savait où aller pour la retrouver, il connaissait le plan des dortoirs, et il saurait retrouver Aéraki dans les nombreux étages de cette tour. Flavian s'avança lentement, les mains dans les poches, avec des petits pas tranquilles, et s'approcha de l'escalier qui menait au dortoir des filles. Et puis commença à les grimper, comme ça. Ouaip, comme d'hab', rien n'avait changé – l'école continuait à le considérer comme une fille. Et pour une fois, c'était plutôt drôle : elle lui donnait l'occasion sans faire exprès de se venger sur quelqu'un de plusieurs années d'injustice.

Retrouver Aéraki allait être plutôt simple. Mais il aurait à bien jouer ses cartes ensuite : il ne pouvait pas se permettre de la mordre ou de lui faire du mal, même si elle ne le savait pas, et il allait devoir jouer sur l'élément de surprise autant que possible, histoire de la terrifier et de l'humilier d'une façon ou d'une autre avant de s'en aller en se moquant d'elle.

Mais pour le moment, il était tranquille. Pour le moment, il en était toujours à s'amuser.

Et sans faire de bruit, il s'approcha du dortoir où était Aéraki – elle était facile à repérer, la pauvre choute, elle se sentait en sécurité – et puis il fit grincer la porte, lentement, l’entrouvrant avant de glisser la tête dans l'ouverture qu'elle offrait. Et il fit son plus beau sourire de psychopathe en série à la demoiselle qui le regardait maintenant. Flavian s'amusait comme un acteur dans une mauvaise série télé. Il ne lui manquait que la lampe torche maintenue sous son visage. Ses yeux pétillaient dans l'obscurité et ses crocs se détachaient bien dans son sourire.

« Coucou ma gazelle ! » fit-il de sa voix la plus lugubre et ténébreuse possible.

Elle se trouvait stupide d’être partie en courant de la sorte. Ce n’est pas en fuyant un problème que celui-ci va se résoudre. Mais elle n’avait pas pu s’en empêcher. Elle avait vu l’attitude de Flavian, elle avait vu son regard et avait compris que pour lui tout cela n’était pas qu’une simple blague. Il ne s’arrêterait pas au dernier moment tout sourire en déclarant « je t’ai bien eu » qui ferait disparaître toute cette peur et toute cette pression qu’il lui avait infligé. Elle l’avait insulté de lâche, certainement qu’il n’y était pas habitué, mais elle l’était tout autant. Elle savait qu’elle n’avait pas de valeur, qu’elle était une parmi d’autres et que même si parfois elle se faisait remarquer, qu’on l’oubliait tout aussi vite. Elle était lâche aussi mais n’aimait pas s’y complaire, c’était plutôt une contrainte, une question de survie, alors que Flavian avait le caractère et la prestance nécessaire pour s’en extraire, elle ne ferait que s’y enliser un peu plus.

Elle courait, réfléchissant à l’endroit le plus sûr où elle pourrait se cacher. Elle repassa la carte des lieux dans son esprit. Souvent quand elle n’arrivait pas à dormir, elle se baladait dans le dortoir et l’observait de long en large, à la recherche du détail qui ferait la différence. Elle le connaissait par cœur, au fil de sa scolarité elle avait pu voir les différents étages, les différents salles et chambres le composant. Alors elle réfléchissait, tout en courant, sachant très bien que Flavian pouvait très bien être sur ses talons, et cela même s’il était un garçon, elle ne serait pas étonnée qu’il ait trouvé un moyen quelconque pour aller contre les escaliers des dortoirs.

Elle se dirigea tout de même vers le dortoir des sixièmes années, priant pour que Flavian croise une élève qui le rabrouerait, mais elle en doutait, le garçon étant à la fois craint et respecté par les autres élèves de l’école. Elle saisit un chandelier qui trainait sur son passage, oubliant totalement le fait qu’elle possédait une baguette magique et que cette dernière était dans la poche de sa robe d’école. Stupide Aéraki !

Elle referma la porte de son dortoir, tenta de bloquer le passage avec des meubles avant d’aller de cacher dans l’armoire la plus proche de la porte. Souvent les gens se cachant dans les armoires s’engouffraient dans celles qui étaient le plus loin de cette sortie, mais faire l’inverse était plus logique, on pouvait ainsi mieux repousser le poursuivant tout en ayant plus de chances de s’échapper sans qu’il nous rattrape physiquement tout de suite après, car tourner dans le couloir ou une autre pièce permettant de faire une séparation nette.

Mais elle ne parvint pas à refermer la porte sur elle, alors elle décida de faire autrement, elle sortit de l’armoire, décidée à se battre, et se plaça au centre de la pièce, son chandelier à la main, le serrant de toutes ses forces. Elle le vit passer sa tête dans l’ouverture de la porte qu’il avait faite tout en faisant grincer le panneau de bois. Son sourire cruel la fit trembler un peu plus fort. Il la salua, mais elle savait que ce n’était pas tant par politesse que pour lui montrer que ses crocs étaient toujours là. Elle le regarda s’avancer dans la chambre, incrédule, et passer au dessus des maigres défenses qu’elle avait mit en place. Elle tremblait de tout son corps et se retenait de fondre en larme. Alors, avec l’énergie du désespoir, elle envoya le chandelier en direction du visage de Flavian quand ce dernier fut assez proche d’elle, et se jeta en direction de la porte, profitant de l’effet de surprise, pour fuir le jeune homme.

Aéraki avait l'air d'avoir tenté de lui mettre des bâtons dans les roues. Elle s'était barricadée, terrifiée, dans le dortoir, et elle n'avait pas l'air de s'être attendu à voir Flavian débarquer. Peut-être qu'elle n'avait pas capté qu'il avait un lit à côté, avec un nom ridicule inscrit dessus en grosses lettres comme pour tout le monde – Meredith Maroon, parce que l'école n'en avait rien à faire de savoir comment lui, il s'appelait – ou peut-être qu'elle n'avait pas capté que Meredith c'était Flavian. Le problème avec les rumeurs, c'est que personne n'avait d'informations fiables. Et si certains disaient qu'à la naissance Flavian était une fille, d'autres devaient sûrement raconter que c'était un démon né avec des cornes. Et des dents pointues, et un esprit mauvais. Bon, pour les dents, là, Flavian aurait eu du mal à leur donner tort, certes. Mais qu'importe, ça ne faisait que rendre son sourire encore plus inoubliable.

Flavian n'eut pas le temps de sourire à Aéraki. Il se prit un chandelier dans la gueule à la place.

Sonné, il laissa la jeune fille lui échapper – mais ça ne faisait que lui plaire, elle était combative, la gazelle, elle n'allait pas se laisser bouffer aussi facilement, Flavian l'avait clairement terrifiée mais Aéraki n'allait pas se terrer en pleurant dans un coin. Et ça, ça lui plaisait, au jeune homme. Il se mit à rire, avant de se lancer à la poursuite de l'autre élève.

Aéraki se glissa in extremis à travers la porte, mais Flavian put lui bloquer les escaliers, en la talonnant de près – et il n'y avait qu'une solution, monter, alors ils montèrent, en courant sur les marches, deux à deux, le jeune homme rigolant de toutes ses forces pendant qu'Aéraki semblait ne pas en mener large. C'était un miracle qu'elle ne se soit pas effondrée en se prenant les pieds dans les escaliers, mais malheureusement pour elle, il n'y avait pas de sortie. Tôt ou tard, elle allait finir en haut de la tour des Gryffondors, et tôt ou tard, Flavian allait la coincer. Tôt plutôt que tard, d'ailleurs, vu la vitesse à laquelle ils grimpaient.

C'était assez rigolo. Pas épuisé du tout – il avait l'habitude de ce genre de course, en fait – le vampire finit par la coincer au dernier étage, tout en haut de la tour des lions, et il prit le temps de monter lentement les dernières marches, pas à pas, en essayant d'adopter un air solennel, grave et lugubre. Et puis il s'arrêta, tout près.

Il se pencha vers la jeune fille terrifiée, acculée au mur.

Et il se mit à sourire de façon mauvaise, l'air d'avoir quelque chose en tête.

« Joyeux Halloween ! » tonna-t-il.

Et le vampire se mit à rire de sa grosse voix grasse.

« Faudra pas oublier les bonbons la prochaine fois. Parce que sérieux... » et là son visage redevint soudainement grave. « J'ai les crocs. »

Et Flavian sourit à sa blague, en dévoilant ses canines allongées. Il était en train de se moquer d'Aéraki. C'était vraiment trop drôle. Elle avait l'air complètement perdue.

Aéraki se rebellait, maintenant qu'elle avait compris que Flavian ne lui ferait pas de mal ? Allons bon. Que c'était surprenant. Il n'avait pas attendu mieux d'elle, et il n'avait pas été déçu – c'était tellement facile de jouer les Gryffondors quand on risquait rien ! Il esquiva sans soucis le coup de poing, l'air blasé. Et puis il reprit un visage furieux, et se rapprocha soudainement d'elle, poings en avant aussi, avant de s'arrêter et de faire « Bouh ! » et de se remettre à rire devant sa réaction de défense. C'était trop facile.

« Eh bien alors, qui c'est qui se donne des grands airs ? » se moqua-t-il, reprenant ses paroles. « Qui c'est la lâche ? Qui c'est l'arrogante ? Qui c'est qui se croit gentille comme tout le monde ? Mais ce n'est pas très étonnant venant de toi. Tu es une horrible personne Aéraki ! »

Elle payait pour un peu tout le monde. Elle ne lui avait rien fait spécifiquement, non – ils se connaissaient à peine, il ne lui en voulait pas particulièrement. Il lui en voulait de façon générale, par principe, comme ça : Aéraki faisait juste partie d'un tout. Aéraki faisait partie de Poudlard, ses élèves, ses profs, son administration et son système, celui qui avait antagonisé Flavian depuis le début, le poussant à bout dès son arrivée, clamant ses secrets bien fort pour que tous les entendent, le forçant à se battre pour obtenir ce dont il avait eu besoin, le forçant à se battre encore, et le punissant pour ça, encore et encore, par les rumeurs dans son dos et les injures en face, les heures de retenue que Camille lui collait quand il faisait une infraction et les remarques que tous les autres pouvaient se permettre. C'était facile, pour lui, de blâmer le reste du monde.

Il savait bien qu'il avait sa part du blâme, pourtant. Il avait suivi avec joie la voie toute tracée du trouble-fête qu'on lui avait faite. Quelque part, ça l'amusait d'embêter toute l'école. C'était pratique de pouvoir décharger sa frustration sur les autres. Et c'était glorifiant, quelque part, de savoir qu'à cause de lui rien ne pouvait tourner rond. On pouvait le haïr mais on ne pouvait l'ignorer. Il était là, au défi des espérances d'autrui. Et il aimait hallowe'en, les transformations débiles, les pimbêches à terrifier, les dents qui poussaient et la permission de faire des mauvaises blagues, dont il abusait là maintenant. Aéraki s'en prenait plein la face. C'était drôle !

« Tu vaut pas mieux que les autres, tu sais – toi aussi tu me casserais bien la gueule si tu pouvais, hein ? T'es juste trop lâche pour le faire, alors tu me craches dans le dos, parce que les rumeurs c'est pas interdit par le règlement. C'est un peu la honte, pour Gryffondor, tu sais. » lui renvoya-t-il, tranquillement sérieux.

Ca c'était gratuit. Flavian ne pouvait plus vraiment permettre de frapper les gens, mais il pouvait encore tenter de faire mal avec les mots – il n'en avait pas l'habitude. Il se faisait la main sur elle, parce qu'il en avait l'occasion, là, et parce qu'il pouvait pas l'encadrer, mais c'était rien de vraiment personnel. Il l'aimait bien, son rôle de grand méchant.

« Alors, alors t'es fâchée ? » Il lui fit un grand sourire. Insolent jusqu'au bout.