unintended • Caesius&Moriarty 1920'

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— Je n'ai pas envie que tu sabotes ma potion, alors contente-toi juste de lire les instructions.

Il avait encore la main relevée quand Caesius se mit à trancher les herbes de lui-même.
Pour dire la vérité, il s'était retenu à grande peine de planter le couteau dans l’œil du roux, mais trop étonné de s'être fait retirer sans vergogne son arme, il s'était contenté de rester silencieux, l’œil mauvais.
Les autres avaient toujours les paumes plus chaudes que les siennes.

Après quelques secondes de silence, son bras s'abaissa d'un geste qui disait qu'il abdiquait et il plaqua ses mains de chaque côté du manuel, commençant à énoncer les différentes étapes de la préparation de l'Amortentia.

— Mettre la corne de licorne en poudre, puis verser en même temps la lavande et la poudre dans le chaudron...

Ses yeux clairs se relevèrent au mauvais moment, alors qu'un Gryffondor bien connu passait dans son champ de vision. Il cessa immédiatement de dire à haute voix ce que lui indiquait le livre et ses mains se crispèrent, ses ongles s'enfonçant légèrement dans le bois alors qu'il croisait le regard dédaigneux bien que fuyant de Thomas.
Leurs yeux ne s'étaient rencontrés que le temps d'un battement de cil et le visage de son ex-meilleur ami disparut derrière la fumée des chaudrons.

— Euh... Et verser en même temps la lavande et la poudre dans le chaudron... répéta-t-il après un silence quelque peu hébété, oubliant qu'il avait déjà lu cette ligne.

Tout à coup, William semblait troublé.
Puis ce fut comme si ce fut l'occasion qu'ils avaient attendue, qu'il croise expressément le regard de Thomas pour s'acharner de nouveau sur lui. Il sentit deux ou trois projectiles légers s'écraser contre son dos, dont un qui tomba sur la table.

Une boulette de papier.
Il se retourna en s'humectant les lèvres et aperçut quelques élèves le regarder d'un sourire mesquin avant de retourner à leur exercice, l'air de rien. Même le professeur était trop loin pour avoir aperçu le crime.
Voilà que son agacement dirigé vers Carthaigh s'était évanoui et il redevenait comme il y a quelques jours ; les yeux baissés et les lèvres serrées, n'arrivant pas à leur crier dessus.

— Remuer six fois dans le sens des aiguilles d'une montre.

Il n'y arrivait pas.

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Et puis, il avait cessé de serrer ses poings et ses épaules, il s'était calmé.
Caesius l'avait pris comme une offrande passagère et légère – un moment de répit pendant lequel il n'aurait pas à supporter cette mâchoire contractée, ce front trop lisse et trop colérique.

Il avait coupé un morceau de la corne de licorne, suivant ses instruction, avec cette voix plate et presque bien trop claire pour être celle d'un homme.
Le pilon écrasait avec beaucoup de délicatesse la corne dans son récipient de pierre ; Caesius était concentré. Lorsqu'il était en cours, lorsqu'il jouait à la perfection, rien ne pouvait ébranler ce regard droit et savant.
Ses mains étaient impeccables ; et sa bouche impassible.

Puis il grimaça – d'un coup.
Il lui avait relu deux fois la même phrase. Est-ce qu'il le faisait vraiment exprès, de vouloir saboter leur exercice – sa bouche s'emplit de colère et il s'apprêtait à lui lancer une phrase bien cinglante lorsqu'il tourna son visage vers lui.

Il le vit ; comme ça.
Juste comme ça – et sa bouche, pourtant furieux, se glaça, et il ne dit rien. Il la referma, reportant son regard vers le pilonnage.
Il vit, au coin de ses yeux, des projectiles entamer une danse macabre.

Un morceau de papier roulé vint s'écraser sur leur plan de travail.
Caesius haussa un de ses sourcils clairs et roux.

Il n'avait pas versé les ingrédient dans le chaudron. Il s'était penché sur le côté, avait tendu sa main, et d'une petite pichenette de son index et de son pouce, éjecté la boulette de papier sur leurs voisins de droite.
Il s'en fichait un peu de qui ça pouvait bien être ; il n’aimait juste pas ça.

Il se replaça devant le chaudron qui fumait, attendant d'engloutir la lavande et la corne de licorne, mais son regard était froncé parce qu'il le regardait lui.

Il avait l'air désarticulé.
Désossé – comme s'il allait se liquéfier, d'un coup, il pouvait presque voir sa peau s’effondrer.

« Ca va ? »

Il versa les ingrédients dans le chaudron, remua la potion comme indiqué.
Pourtant, son œil soucieux revenait toujours vers lui – Westwood.

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Réagir lui avait semblé futile.
Ce n'était pas comme si tout Poudlard allait fermer les yeux sur ces évènements du jour au lendemain. Et même les professeurs ne le regardaient plus de la même manière. C'était de sa faute, à faire l'imbécile depuis sa première année ; il n'avait jamais gagné la confiance des adultes, qui le voyaient encore comme Westwood, le sale petit diable insolent qui n'en faisait qu'à sa tête.
Carthaigh devait le voir ainsi après tout.

— Oublie. Ce n'est pas grave.

Il l'avait dit un peu sèchement, peut-être trop vite quand le roux lui adressa la parole.
Ses ongles étaient toujours enfoncés dans la table, à tel point que des traces de griffures commençaient à se former.
Il avait prévu d'encaisser tout ce qui allait se produire dès l'instant où il leva la main sur Thomas. Ce n'était pas comme si il n'y était pas habitué, ça allait passer, juste une année. Il pouvait très bien le faire.

William poursuivit sa lecture, ignorant les regards de Carthaigh sur lui ; la voix monocorde, il lisait les instructions avec absence. Il ne vérifiait même pas si son partenaire le suivait, il avait comme les yeux dans le vague.

— Puis deux fois dans le sens inverse des aiguilles d'une montre et répéter la manœuvre jusqu'à ce que la potion prenne une coul--

Sa phrase fut interrompue par une énième boule de papier s'abattant contre l'arrière de son crâne.
Celle-là fut plus violente, plus douloureuse et il se pencha en avant en poussant un petit gémissement et en portant une main à sa tête.

Pas qu'elle fut rembourrée avec un objet lourd, mais elle fut lancée avec plus de force et le papier désormais plus solide s'était légèrement enfoncé dans sa peau d'où l'impression d'avoir reçu cette fois une pierre.
Il se mordit la lèvre inférieure, retenant un grognement et se frotta l'arrière de la tête, jugeant une nouvelle fois inutile de protester.
Juste une année. Une seule.

— Jusqu'à ce que la potion prenne une couleur rosée.

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Caesius haussa vaguement les épaules et détourna sa nuque ; le retour sec de Westwood l'avait à peine surpris – c'était Westwood.
Il reporta son regard sur le chaudron de cuivre qui trônait entre eux et qui, désormais, laissait échapper des volutes violets. Son oreille était tendue vers son partenaire de potion qui, ayant repris de la force dans ses cordes vocales, énonçait clairement les instructions.

Caesius obéissait ; c'était, pour lui, un moment paisible – de ces moments où l'esprit s'égare et qu'il ne tambourine plus.
Jusqu'à ce que la voix de Westwood, si claire, s'interrompent encore avec violence.

« Qu'est-ce qu'il y a encore ? S'impatienta-t-il en tourna vers Westwood une bouge agacée. »

Il le vit glisser sa main jusqu'à l'arrière de son crâne et se le masser doucement ; ses incisives pinçaient sa lèvre inférieur.
Caesius leva ses yeux au plafond et son cou se raidit, dessinant le relief de ses muscles. Excédé, il se retourna vers les élèves derrière eux – il ne se souvenait même pas de leur nom.

« Arrêtez-ça. »

Ce fut tout – la seconde d'après, il était revenu à leur plan de travail, la main sur les ingrédient à verser dans le chaudron.
Pourtant, ça avait été l'injonction la plus menaçante qu'il ait jamais prononcé – Caesius Carthaigh était préfet-en-chef et avait une grande patience ; sauf quand on la lui cassait.

Son regard avait dû être furieux.
Il soupira.

« Bon, on continue ? »

Il ne le regardait même pas – il avait la paume un peu crispée, il fallait qu'il se détende, il allait commettre une erreur, sinon.
La potion était bientôt terminée.

« Pourquoi j'ai l'impression que tu t'attires des ennuis partout ou tu vas, Westwood ? »

Ses mains étaient trop raides – c'était une remarque comme ça, un peu soupirée, qui n'attendait pas de réponse.
C'était presque de la gentillesse.

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Ça l'avait marqué.
Cette moue agacée, ce soupir exaspéré et cette voix qui grondait comme le tonnerre, leur intimant d'arrêter leur petit jeu sordide.
Personne n'osait pourtant le défendre, un mutisme blessant les gagnait et aveugles face à ses actes, ils retournaient tous à leur occupation en ignorant son air contrit.

Carthaigh s'était dressé face aux autres.
Oh ça avait plutôt l'air d'avoir été fait faute d'avoir un partenaire attentif, peut-être qu'il ne l'aidait pas vraiment, que son altruisme n'était dû qu'à une peur de rater son devoir.
Hésitant, il avait ravalé sa salive en regardant le roux sermonner les élèves à l'arrière avec sa posture traditionnelle de préfet, fidèle à lui-même.
William n'avouerait jamais qu'il s'était senti plus heureux.

— Pourquoi j'ai l'impression que tu t'attires des ennuis partout où tu vas, Westwood ?

Il n'avait pas répondu, observant les mains blanches de Caesius brasser la potion avec des gestes réguliers.
Quelques fois, il se sentait idiot. Il se sentait idiot de voir le mal partout et ne jamais saisir sa chance lorsqu'elle se présentait. Comme il y a quelques jours.
Après quelques minutes, il s'était penché pour inhaler les effluves de la mixture quasiment terminée.

— Ça sent les serres.

Et la neige et la tarte à la mélasse, mais peu de gens étaient attentifs à l'odeur de la neige.

Il se souvint qu'ils s'étaient quittés après l’évaluation et les éloges enthousiastes du professeur qui y avait senti un plat de son enfance. Les deux garçons ne s'étaient pas recroisés, ce n'était pas comme s'ils étaient amis. Caesius devait être satisfait, William ne venait plus pleurer à la bibliothèque, mais elle restait son refuge secret, là où personne n'osait le perturber alors qu'il se plongeait dans le silence et le léger bruissement des pages qui se tournaient.

Aujourd'hui, Harry lui avait tenu compagnie pendant une trentaine de minutes, avant de repartir en lui caressant vaguement les cheveux. Il savait que William aimait ce genre de geste affectueux.

Puis tout était redevenu muet.
On dirait que personne n'explorait cette partie de la bibliothèque hormis eux.

— Tu as fini ton devoir d'Astronomie ? avait-il demandé en entendant le pas caractéristique de Carthaigh.

Il l'avait demandé sans avoir à élever la voix. Ils n'y avaient qu'eux et le bibliothécaire plus loin, et rien qui perturbait le calme qui dévorait l'endroit.

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« Ça sent les serres. »

Dans le calme tempéré de son expression, un sourire se déchira – ce fut bref et lumineux et ça s'estompa très vite. Une emprunte douceâtre continua de baigner les angles de son visage durant le reste de la préparation.
Sa mère, Jade, était fleuriste. Ses mots à lui rappelaient l'odeur d'une maison qu'il n'avait pas revu depuis plusieurs mois.

Dans le silence de ses mains, il versa la mixture dans un flacon et alla la rendre au professeur ; il n'avait pas dit ce qu'il sentait, mais lorsqu'il nettoya son chaudron, la fragrance de savon à la menthe s'éloigna.

Westwood devint rapidement un souvenir que l'on tient à laisser derrière soi – sa présence n'avait fait qu'osciller entre la gêne de ses morsures et l'empathie de ses traits cassés.
Caesius avait même fini par prendre sa défense – dérangé lui-même, il s'était convaincu que c'était pour le bien du cours, et ils avaient d'ailleurs obtenus un Optimal.

Il ne venait plus à la bibliothèque.
Hantés par sa réminiscence, ses pas continuèrent quelques jours de le guider vers les tréfonds des livres – juste pour voir si tout allait bien.
C'était tout naturel.
Mais il n'y était jamais – sauf la fois où il ne s'attendait plus à le voir surgir devant ses yeux bleus.

Caesius avait tout ses contours adoucis.

« Évidemment que je l'ai fini, le jour même. »

Il hausse un sourcil presque trop prévisible.

« Pas toi ? »

Le coin de sa bouche accompagne ses yeux presque amusés ; il se tord un peu et ça esquisse les prémices d'un sourire.
Et puis, ça se tait, Caesius regard Westwood ; sa peau est plus blanche que grise, plus vivante.

« Tu as l'air d'aller mieux. »

Il le soupire presque. C'était bête - il n'était même pas son ami.

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Il avait émit un petit bruit de négation.
Comme il pouvait l'attendre de Carthaigh qui finissait presque ses devoirs dans les trente minutes où le professeur les donnait. C'était drôle. Avant, il se serait demandé ce qu'il appréciait tant dans les cours pour perdre sa journée à travailler, tandis que lui s'amusait à jeter des boules de neige dans la tête de ses meilleurs amis. Aujourd'hui, il comprenait.
Les livres et les études étaient les meilleurs amis quand on aimait la solitude, avait-il réalisé il y a peu de temps.

— Je suis un cancre en dehors des Potions, tu le sais bien.

Il y eut comme un rire subtil dans sa réponse.

— C'était une déprime passagère. Et je vais terminer ce devoir.

Le beau mensonge.
Il s'en était remis. Un peu, mais c'était loin d'être passager. Au fond de lui-même, il la sentait encore, qui rampait dans le fin fond de son ventre. Cette envie de pleurer, de crier, de toute jeter et fracasser sur son passage, ce bouillonnement d'émotions qui ne se calmait pas. L'extérieur le cachait à moitié, avec son teint moins morbide et son air plus jovial. Mais ce n'était pas passager.
William fut reconnaissant pour le rictus à peine détectable de Caesius ; il lui sourit en retour, comme soulagé d'un poids un peu trop lourd à porter.

— Et si tu corrigeais mes fautes ?

Il prit place sur une chaise, la même que d'habitude, celle qui avait plusieurs fois soutenu ses pleurs silencieux il y a plusieurs jours. Là où Caesius l'avait trouvé.
William aimait plaisanter et il n'avait pas été sérieux dans sa question précédente, plaçant son parchemin sur la table, un brouillon écrit il n'y a pas si longtemps, raturé et rempli de notes. Il n'avait jamais été un très bon élève, si ce n'était montrer son énorme potentiel en Potions en sachant exactement ce qu'il fallait y verser pour faire exploser n'importe quel chaudron. Dont celui de Carthaigh à deux reprises.

Un petit rire étouffé s'échappa de ses lèvres à ce souvenir.
Peut-être que Carthaigh était un peu sympathique.
C'est vrai, il avait les mains chaudes.

— Ça m'énerve. Comment fais-tu pour garder tes mains chaudes, toi ?

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Comme une provocation, il avait éclairé le visage de Caesius d'une moue surprise – sa soudaine invitation lui avait fait hausser le sourcil droit, plissé un peu son grand front blanc avant qu'il ne réponde, presque amusé.

« Très bien. »

Et, posant son sac contre l'un des pieds de la table, il s'assit sur la chaise juste à côté de lui.
Même aussi, il était immense face à cette carrure frêle – qu'il pensait vraiment trop délicate pour contenir un esprit aussi mesquin.

Mais il lui avait dit, avec cette bouche moins tordue, qu'il allait mieux – que ce n'était que l'espace d'un instant, une tristesse percutée au détour d'un couloir, presque.
Caesius l'avait regardé un instant en tourna son œil – il le croirait.
Il le croirait pour le moment.

« Montre-moi ce devoir. »

Il n'avait plus l'habitude d'aider les autres – sa voix était presque rocailleuse.
Ils étaient emmurés entre les grandes étagères suintantes de livres. Le lieu lui était infiniment familier, ça avait toujours été pour lui une tiédeur dans sa poitrine, mais la situation glissait vers l'étrangeté.
Il y a quelques semaines encore, il n'aurait jamais toléré de survoler de son orgueil le parchemin de Westwood.

Sa remarque l'étonna encore.

« Je n'ai jamais remarqué que mes mains étaient chaudes. »

Détournant son regard de la silhouette trop claire, il examina ses propres mains, la paume, le dos, quelques doigts.
Puis, dans une lenteur trop brusque, il vint la poser sur celle de l'autre.

« C'est vrai que les tiennes sont froides. »

Ce fut bref – il l'avait regardé puis, sa nuque s'était tournée, il avait penché le bout de son nez dans son sac pour retirer sa plume et son encre.

« Alors, tu me montres ton devoir, Westwood ? »

Et ses phalanges étaient encore frémissantes.

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À vrai dire, il ne s'était pas attendu à ce que Carthaigh accepte. Il s'était attendu à un sourire amusé, puis il se serait désisté en retournant dans son coin pour étudier ses propres théories, pendant que le blond raturerait encore plusieurs lignes en râlant intérieurement à propos de sa médiocrité. Caesius au moins réussirait brillamment ses examens de fin d'année. William ne pouvait compter que sur les Potions et l'Histoire de la magie.

Le roux s'assit à côté de lui. Il était particulièrement imposant comparé à sa stature qu'il devait à sa mère ; plusieurs fois auparavant, Thomas s'était plaint qu'il lui foulerait des muscles rien qu'avec une petite tape dans le dos, ce qu'il trouvait vexant.
Mais Caesius était très grand, une véritable perche.

Il ne se sentit pas sursauter lorsqu'il posa sa main sur la sienne et un petit malaise s'installa. Il aurait peut-être dû s'y attendre en lui posant cette question, un peu stupide en soi.

— C'est vrai que les tiennes sont froides.

Sa main s'était contractée.
On lui avait dit qu'il avait peut-être des problèmes de santé pour avoir les mains et les pieds gelés en permanence, mais il ressentait la chaleur à un degrés plus élevé que les autres. Lorsqu'il plongeait sa main dans de l'eau froide, elle lui paraissait parfaitement tiède. La main de Caesius était probablement tiède, mais William la considérait presque brûlante.

Carthaigh le ramena à la réalité en lui réclamant son fameux torchon.

— Oh. Tiens. Ton expression suffira à me dire que je suis un idiot.

Il poussa le parchemin vers lui avec un sourire, étant déjà habitué aux grimaces et aux roulements d'yeux de Harry lorsqu'il s'emparait de ses brouillons.

— Mais n'hésite pas à faire des remarques.

William s'accouda à la table en le regardant faire, la joue dans la paume. Ça n'allait probablement pas durer longtemps, le devoir en lui-même n'était pas très long, juste un peu ardu. Il n'avait jamais aimé l'Astronomie.
Ses lèvres s'étirèrent en un sourire.
Quelque part, il n'arrivait pas encore à croire que Carthaigh l'aidait.

— Merci.

Et il le remerciait pour beaucoup de choses.

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Il lui avait d'abord, sur ses lèvres pâles, tiré un sourire – maintenant, c'était un rire, un pouffement discret qui s'était échappé de sa bouche. Ça avait surpris Caesius lui même qui n'avait pas l'habitude de plaisanter et encore moins de plaisanter avec Westwood. A sa propre réflexion, son visage s'était apaisé et lissé, et il s'était senti un peu gêné et ses joues aussi. Il n'avait pas rougit et trop peu rosit pour que ça se voie.

Il avait attrapé le parchemin brouillonné entre ses doigts encore frais ; aussitôt le sérieux était venu s'étendre sur ses yeux qui, vifs et concentrés, volaient d'un bout à l'autre de la feuille. Les erreurs lui sautèrent immédiatement à la gorge mais il ne laissa rien paraître – il n'avait pas franchement envie de se moquer.

Et puis, il attire son attention, encore, en lui parlant encore un peu.

« Merci. »

Caesius tourne vers lui deux yeux un peu surpris – il attend de voir si la bouche de Westwood va s'écorcher d'un sourire railleur.
Rien – Caesius se détourne et hausse les épaules.

« Il n'y a pas de quoi. »

Il a fini de détailler son devoir. Il le lui rend et, pour lui montrer ses erreurs, se rapproche de lui et tend sa plume sur différentes lignes.

« Tu te trompes dans les coordonnées. Toute ton interprétation et tes calculs sont faussés si ta base n'est pas fiable. Tu n'es pas mauvais, tu manques juste d'attention. »

Il le regarde un peu et il a envie de sourire – il ne peut pas le retenir, parce que ça l'amuse.

« Par contre tu vas devoir tout recommencer. »

Il se cache le visage en le tourna sur la gauche parce qu'il n'aime pas trop qu'on le voit sourire ; ce n'est pas dans ses habitudes.

« Pardon, j'arrête, ce n'est pas drôle. Je t'aiderai si tu as besoin. »

Et tout ça – tout ça, c'est aussi étranger que Westwood qui lui disait merci ; Caesius, un sourire et une excuse.

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C'était dans un silence presque religieux qu'il le voyait étouffer ses remarques au fond de sa gorge, alors que ses yeux parcouraient les lignes raturées avec attention. Puis il s'était rapproché.
La proximité entre les deux garçons ne l'avait pas gêné, le temps que Carthaigh lui indique ce qui n'allait pas dans son devoir. Il l'avait à peine remarquée, hochant vaguement la tête alors qu'il écoutait ses commentaires. Jusqu'à ce qu'il sente le souffle léger du roux dans ses cheveux. Et son petit malaise de tout à l'heure revint.

— Par contre tu vas devoir tout recommencer.

Cette révélation lui fit immédiatement oublier ce nœud dans le ventre.
La plainte qui s'échappa de ses lèvres fut similaire à un pleur et il s'affala sur sa table, la mine boudeuse. On aurait dit un enfant à qui on sommait de finir un potage infâme.

— Pardon, j'arrête, ce n'est pas drôle. Je t'aiderai si tu as besoin.

Sa tête se tourna vers Carthaigh. Qui était bien trop occupé à se cacher le visage, mais sa voix ne trompait pas William. Il avait envie de sourire, probablement. Ça lui fit relever la tête et prendre son parchemin, prêt à recommencer. Avec beaucoup d'efforts certes, mais au moins, Carthaigh était avec lui pour rattraper ses bêtises.

— Bon. Ce n'est pas bien grave. C'était un brouillon de toute manière.

Il s'empara d'un nouveau rouleau.

— Si tu as vraiment du temps libre, je ne vais pas dire non à un peu d'aide.

Le calme de la bibliothèque n'avait été perturbée que par les grattements de la plume de William. Deux trois murmures de leur part, et quelques gloussements du blond qui retrouvait son humeur taquine.
Il ne s'était pas réellement revus en dehors des cours. Mais comme un rituel, le blond était reparti chercher Carthaigh dans ce coin de la bibliothèque, les bras chargés d'ouvrages et de parchemins en tout genre. Il eut un sourire.
Le roux était déjà en train de travailler sur son devoir d'Histoire de la magie.

— Je peux te déranger ?

Sans attendre de réponse, William se plaça à ses côtés en posant ses manuels sur la table. Un sourire plutôt insolent se dessinait sur ses lèvres, ce sourire qu'il avait toujours arboré les années précédentes. Ce qui avait manqué ces dernières semaines, sûrement.
Après s'être installé confortablement sur sa chaise, sa tête se retrouva sur l'épaule de Caesius pour qu'il puisse regarder ce qu'il écrivait. Il aurait pu choisir une autre manière de le faire, en se penchant juste sur le côté, mais il avait l'habitude le faire avec Harry. En lui grimpant sur le dos et en regardant par dessus son épaule, par exemple.
Ses amis étaient accoutumés aux manières tactiles, peut-être un peu brusques, de William et il ne s'en était pas rendu compte avec Carthaigh.

— Au moins, ce n'est pas de l'Astronomie cette fois.

Il émit un petit ricanement avant de se retirer pour commencer son propre devoir.
Au fond, ce n'était pas si mal de travailler avec lui.

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Au final, avec un peu de patience, quelques murmures et la tiédeur paisible de la bibliothèque poussiéreuse, Westwood avait réussi à terminer son devoir sans qu'il contienne trop d'erreurs. A la fin, ils s'étaient dit au revoir comme des amis le font, d'un simple geste de la main, peut-être un sourire, mais il n'avaient pas eu l'occasion de se revoir en dehors des cours ; ils échangeaient juste un ou deux regards.

Mais il aimait toujours autant la bibliothèque et, pour une raison qu'il ne comprenait pas, peut-être un peu plus désormais.
Il venait maintenant travailler ses devoirs dans le coin obscur du refuge des livres comme s'il avait appris à apprécier cette place ; comme s'il s'attendait à rencontrer quelqu'un, sans le savoir.

Et il était venu, comme son inconscient l'avait souhaité, noyé sous les ouvrages à la reliure épaisse et les parchemins enchevêtrés. Avant même qu'il ne puisse l'inviter à s'asseoir – ce qui aurait été la politesse – Westwood avait installer toutes ses affaires et avait pris place à côté de lui.
Il souriait.
Il ressemblait bien plus au Westwood d'avant qu'au garçon qui pleurait à la bibliothèque – et Caesius préférait ça.
Peut-être parce que maintenant il était à côté des sourires, et non pas en face, à recevoir son chaudron brûlant au visage.

Vaguement, il marmonna un bonjour et se concentra à nouveau sur son devoir d'Histoire de la Magie, car il n'y avait rien qui pouvait ébranler Caesius dans ses moments d'érudition.

Sauf, peut-être, la tête de Westwood venant s'appuyer sur son épaule, approchant son visage si près, et de manière si familière que Caesius resta figé un moment, les yeux bêtement rivés sur son parchemin.
Pourtant il ne lisait plus rien.
Il n'avait pas l'habitude – et il pouvait sentir la chaleur de sa joue près de la sienne, et il se fit la réflexion inutile que ses joues étaient plus chaudes que ses mains. Il sentait aussi le savon.

Quand Westwood se retira, Caesius était pourpre ; de la nuque aux oreilles.
Il n'avait juste pas l'habitude des choses comme ça – il eut envie de se racler la gorge mais ne fit rien, se contentant de retrouver sa respiration disparue. Il se pencha un peu en avant pour se dissimuler, tourna son visage dans la direction opposée, appuyé sur son poing.

« Oui, c'est de l'Histoire de la magie, cette fois, dit-il placide, quand bien même ça paraissait infiniment évident. »

Et il coucha sa plume sur son parchemin, se concentrant à nouveau sur ses mots, entendant à ses côtés Weswtood s'apprêter à faire de même.
Il aurait voulu dire quelque chose – comme cette autre fois, où il l'avait aidé, peut-être était-ce ce qu'il attendait, il n'en savait rien.
Caesius avait la bouche sèche et l’œil gêné.

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Au début, il n'avait rien remarqué.
Il avait déroulé un parchemin vierge, puis ouvert son livre d'Histoire de la magie au chapitre qu'ils étudiaient en ce moment. Pendant un instant, il songea à leur professeur, un tableau qui devait fouler le sol de Poudlard avant même qu'il soit né. Il se demandait comment il arrivait à voir défiler les élèves pendant des décennies et à leur enseigner la même chose, ce n'était pas lassant à force ? À sa place, il serait probablement devenu dingue, mais le fait d'être un tableau devait peut-être y faire quelque chose.
Sortant sa plume, il se mit à gratter les premières lignes de son devoir qui consistait à réexpliquer les motivations et les circonstances d'un ancien conflit sorcier. Il avait toujours été bon dans cette matière, aussi il se surprit à sourire en rédigeant.

— Je me demande ce que ça fait d'être professeur. L'Érudit l'est depuis plus de deux siècles à ce qu'il paraît. Il n'en a pas assez ?

Quelques fois, il était bavard. Quelques fois, il racontait sa vie, partait dans des réflexions ; souvent suivies par un Thomas enthousiaste ou moquées par Harry qui n'en pouvait plus de leur stupidité affligeante. Mais aujourd'hui, ils n'étaient pas là. Carthaigh était sa seule compagnie, dans cette grande bibliothèque où ne résonnait que sa voix. Parce qu'à y réfléchir, Caesius n'avait pas l'air de beaucoup parler.
Il tourna sa tête vers le roux, prêt à lui montrer un détail amusant dans le récit que leur citait le livre. Néanmoins, il fut coupé dans son élan et son rire s'estompa. Un sourcil se haussa lorsqu'il aperçut le teint cramoisi de Carthaigh qui avait comme qui dirait perdu sa langue.

— Est-ce que ça va ? Tu es tout rouge.

Et dans un geste machinal, sa main glacée vint se poser sur le front rougi de Carthaigh. La chaleur le surprit légèrement, mais il ne sut dire s'il avait vraiment de la fièvre. Quoique. C'était un volcan à ce stade.

— Tu es brûlant en fait.

Dans un déclic, William réalisa.
Il revint à son devoir, se retenant tant bien que mal de pouffer. Lui-même aurait dû être gêné d'avoir mis sa tête là, mais l'attitude soudainement effarouchée de Carthaigh était à mourir de rire.

— C'est à cause de tout à l'heure ? Si ça te gêne à ce point, je ne le referai plus.

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Il avait réussit à taire l’incendie de ses joues et de sa nuque – il avait à peine écouté, comme un bourdonnement obstruant ses tympans, lorsqu'il lui avait adressé la parole, il avait juste hoché la tête, un peu, comme ça.
Et puis il aurait dû l'écouter au lieu d'enchaîner toute sa concentration sur ses yeux fixes, car il vint lui toucher le front en lui confiant des inquiétudes.

Caesius aurait presque tressailli – mais sur son grand front blanc et chaud, sa paume froide était vraiment agréable.

Et puis il détourna son visage, cherchant à se dissimulé encore derrière son poing et ses cheveux qui tombaient à peine sur ses tempes – il pouvait voir d'ici, sur son profil, s'arquer un sourire léger.
Dire qu'il avait réussi à se calmer – maintenant, il était mille fois plus rouge et plus déconcentré, et en plus il allait se foutre de lui, complètement.

Caesius se racla la gorge.

« Ça va, c'est bon. »

Parler lui dénouait la bouche et sa température, progressivement, chutait en même temps que sa peau redevenait blanche.
Appuyé contre ses doigts repliés, il avait une moue boudeuse qu'il ne montrait pas – mais ça s'entendait dans le ton de sa voix.

« C'est juste que je n'ai pas l'habitude de ça – qu'on soit familier avec moi. »

C'était presque un aveu – soufflé comme ça, sur le bout de ses lèvres encore tièdes, et c'était peut-être la première fois qu'il évoquait avec nonchalance les dégâts de sa solitude.
Il prit une grande inspiration qui fit craquer sa cage thoracique, puis il reprit un peu de contenance.

« Mais ça ne m'embête pas, fit-il, détaché. »

Le plus détaché qu'il pouvait – et après, reprenant un dos plus droit, sa plume crépitant entre ses doigts chauds, il ajouta pour reprendre la conversation manquée.

« J'aimerai bien être professeur à Poudlard, plus tard. »

Invité **Invité**

Il l'avait regardé du coin de l’œil, finissant une phrase. Et il était secoué de petits soubresauts qui exprimaient un rire muet.
Puis sans s'en rendre compte, il s'était mis à compter ses taches de rousseur, une par une. Il en avait beaucoup.

— J'aimerais bien être professeur à Poudlard, plus tard.

Pourtant il l'écoutait. Il perdit le compte et se remit au travail.

— Moi aussi. Nous serions collègues et je serai ton pire cauchemar.

William avait encore ri, écrivant son devoir en faisant danser sa tête comme si une musique imaginaire jouait dans la bibliothèque beaucoup trop silencieuse à son goût.
Ça s'était déroulé comme ça pendant quelques semaines. Ils venaient dans ce coin, avec William et son sourire goguenard qui se permettait de s'installer à côté de Carthaigh en lui demandant quelques fois de regarder ses fautes. En le forçant à lui faire comprendre que c'était un idiot qui ne savait rien, pour le plaisir de se faire charrier. C'était devenu presque ordinaire. Et il chérissait ces moments, bien plus que les autres. Même si Carthaigh n'était pas fondamentalement son ami. Même si au fond, il ne se considérait sans doute pas comme tel.

Puis William avait fait une rechute.
Plus qu'un autre jour, il avait ressenti le poids de la solitude, de la culpabilité, de la douleur de ne plus avoir ses amis à ses côtés. Oh ce qu'il aurait voulu combattre tout ça, prétendre aller bien, ne pas inquiéter ni Harry ni Carthaigh. Mais il y avait des matins comme ça où tout nous pesait et retenir les larmes devenaient une tâche bien trop ardue.

— Je peux rester ?

Ça sonnait faux tout à coup.
Ils étaient de nouveau à la bibliothèque, leur recoin rien qu'à eux.
Sa voix n'avait pas la même énergie que les jours précédents. Comme quelque chose qui s'était fané, qui s'était flétri, sa voix était de nouveau monocorde ; quelque chose dans sa gorge menaçait de casser.

Il s'était toujours assis à côté de lui, parfois sans rien dire, naturellement.
Sauf que cette fois, plutôt que de s'assoir sans attendre d'invitation, il était resté planté là derrière Caesius, les bras tombant le long du corps. Il le regardait juste avec des paupières à moitié fermées, et sa bouche qui ne souriait plus.

— Je te dérange peut-être. Sinon je m'en vais.

D'habitude, il prenait un malin plaisir à le déranger dans ses révisions.
Il ne lui disait jamais ça.
Il avait les yeux humides.

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